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COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 23 OCTOBRE 2015
N° 2015/
Rôle N° 13/05711
[D] [R]
C/
Société TRANSPORTS ROBERT
Grosse délivrée
le :
à :
Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Me Elisabeth AUDOUARD, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES – section C – en date du 28 Février 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/009.
APPELANT
Monsieur [D] [R], demeurant [Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 157 substitué par Me Delphine MORAND, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 157
INTIMEE
Société TRANSPORTS ROBERT, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Elisabeth AUDOUARD, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 09 Septembre 2015 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Mme Sylvie ARMANDET, Conseiller
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2015.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2015.
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant contrat de professionnalisation du 7 août 2006, M. [D] [R] a été engagé par la SARL TRANSPORTS ROBERT en qualité de conducteur receveur, coefficient 140V, groupe 9 de la convention collective nationale des transports et des activités auxiliaires. La relation contractuelle s’est poursuivie sous contrat à durée indéterminée à compter du 7 février 2007. Dans le dernier état de la relation contractuelle le salarié percevait un salaire mensuel de base 1.582,20 € bruts pour un horaire de 151,67 heures.
Le 12 octobre 2011, le salarié a été élu membre titulaire de la délégation unique du personnel pour une durée de 4 ans.
Le 26 décembre 2011, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Martigues, section commerce, afin d’obtenir, notamment, le paiement de rappels de salaire, ainsi que la résiliation judiciaire du contrat de travail. Par jugement en date du 28 février 2013, le conseil a dit n’y avoir lieu au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail, débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes et laissé les entiers dépens à sa charge.
Le 11 mars 2013, le salarié a interjeté régulièrement appel de ce jugement.
Il a pris acte de la rupture de son contrat de travail, par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 avril 2013 ainsi rédigé : «La situation que j’endure dans votre entreprise m’a contraint à saisir le conseil de prud’hommes de Martigues d’une demande de résiliation judiciaire.
Par jugement du 28 février dernier, dont j’ai relevé appel, le conseil m’a débouté de mes demandes. Compte tenu des délais qui me sont annoncés pour que mon dossier soit jugé par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, je ne peux espérer une solution rapide, alors qu’il me faut prendre des dispositions afin d’organiser mon avenir personnel et professionnel.
Pour ce motif et seulement pour ce motif, je me trouve dans l’obligation de prendre acte de la rupture du contrat de travail de votre fait.
Mon initiative qui n’est pas une démission, est la conséquence que je dois tirer de vos manquements à l’origine de ma demande initiale de résiliation judiciaire. Il n’est pas utile que j’énumère à nouveau ces manquements, dont vous avez eu connaissance à l’occasion des débats devant le conseil de prud’hommes.
Bien entendu, je maintiens la procédure en cours et sollicite toujours que la rupture vous soit déclarée imputable avec toutes les conséquences de droit’»
Vu les écritures déposées par M. [D] [R], le 3 février 2015, aux termes desquelles il demande à la cour de :
-infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
-dire nul et de nul effet l’avertissement notifié le 14 décembre 2010, ainsi que les mises à pied disciplinaire des 14 janvier et 22 novembre 2011 ;
-dire y avoir lieu à rappel de salaire et de primes.
-dire que l’employeur a commis, au préjudice de son salarié, des agissements de harcèlement et de discrimination syndicale à l’origine d’une dégradation de son état de santé, en violation des articles L 1152-1, L 1132-1 et L 2141-5 du code du travail ;
-dire sans objet la demande initiale de résiliation judiciaire du contrat de travail à raison de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié par courrier du 22 avril 2013 ;
-dire que cette rupture est imputable aux torts de l’employeur et emporte les effets d’un licenciement frappé de nullité ;
-condamner en conséquence l’employeur au paiement des sommes suivantes :
*140,42 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied disciplinaire notifiée le 22 novembre 2011 ;
*14,04 € à titre d’incidence congés payés sur rappel précité ;
*314,91 € à titre de rappel de salaire au titre du mois de novembre 2011 ;
*31,49 € à titre d’incidence congés payée sur rappel précité ;
*10.710 € à titre de rappel d’indemnité différentielle conventionnelle ;
*1.071 € à titre d’incidence congés payés sur rappel précité ;
*630 € à titre de rappel de primes de nettoyage de la tenue de travail ;
*63 € à titre d’incidence congés payés sur rappel précité ;
*3.890,18 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
*389,02 € à titre d’incidence congés payés sur l’indemnité précitée ;
*2.674,50 € à titre d’indemnité légale de licenciement ;
-lui enjoindre, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, d’avoir à établir et délivrer un bulletin de salaire comportant les rappels de rémunération judiciairement fixés et l’attestation destinée à pôle emploi mentionnant pour motif de la cessation de la relation contractuelle une prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur et comportant les rappels de rémunération judiciairement fixés ;
-dire qu’à titre d’indemnisation complémentaire, les créances salariales du salarié produiront intérêts de droit à compter de la demande en justice, avec capitalisation ;
-condamner en outre l’employeur au paiement des sommes suivantes :
*5.000 € à titre de dommages intérêts pour inobservation des dispositions conventionnelles relatives aux indemnités de coupures ;
*5.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution lourdement fautive du contrat de travail, en réparation du préjudice moral et professionnel soufferts ;
*30.000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture du contrat de travail équivalente en ses effets à un licenciement frappé de nullité ;
*66.133,06 € à titre de dommages-intérêts pour atteinte au statut protecteur du salarié ;
*1.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
-condamner l’employeur aux dépens.
Vu les écritures de la SARL TRANSPORTS ROBERT déposées le 7 septembre 2015, par lesquelles elle demande à la cour de :
-confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Martigues du 28 février 2013 ;
-juger que la prise d’acte de rupture du salarié du 22 avril 2013 doit s’analyser en une démission ;
-débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes comme étant infondées en droit et en fait.
Pour un plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures ci-dessus visées et réitérées oralement à l’audience du 9 septembre 2015.
SUR CE
Sur l’exécution du contrat de travail :
*Sur la demande au titre de l’indemnité différentielle :
L’article 106 de la convention collective applicable en l’espèce prévoit pour les transports routiers de voyageurs le versement d’une indemnité différentielle afin de maintenir le niveau de rémunération à la suite de la suppression de l’abattement de 20 % à compter du 1er janvier 2008.
Cependant, ces dispositions ne concernent que les entreprises qui appliquaient au 27 mars 2007 la déduction supplémentaire de 20 % pour frais professionnels.
Or, il est établi que l’employeur n’appliquait pas l’abattement de 20 %, de sorte qu’il n’est pas tenu de régler aux salariés une indemnité différentielle pour tenir compte de la suppression de cet abattement.
Il convient par conséquent de confirmer la décision entreprise qui a débouté le salarié de sa demande au titre de l’indemnité différentielle.
*Sur la demande au titre de la prime de nettoyage :
La lettre d’embauche du 7 février 2007 prévoit qu’en raison de ses rapports constants avec la clientèle, le salarié doit se présenter à son poste de travail dans une tenue correcte et soignée et que le port de la tenue est exigé lorsque celle-ci est fournie par l’employeur. En revanche, le contrat ne comporte aucune disposition relative au versement d’une prime pour l’entretien de la tenue de travail.
Il est constant que l’employeur a mis à la disposition du salarié une tenue vestimentaire composée d’un pantalon et d’une chemise. S’agissant d’une tenue de ville que le salarié peut porter en dehors du travail et qui ne nécessite aucun entretien particulier, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de l’employeur son entretien courant.
La décision déférée qui a débouté le salarié de sa demande de prime de nettoyage sera donc confirmée.
-Sur la demande au titre des indemnités de coupures :
Selon l’article 48 de la convention collective applicable, les coupures entre deux vacations et situées dans un autre lieu que le lieu d’embauche sont indemnisées comme suit :
-coupures dans un dépôt aménagé dédié aux conducteurs : indemnisation à 25 % du temps correspondant ;
-coupures dans tout autre lieu extérieur et au cours des journées intégralement travaillées dans les activités occasionnelles et touristiques : indemnisation à 50 % du temps correspondant.
L’accord d’entreprise du 2 octobre 2010 prévoit à l’article 1-3 que la gestion des coupures se fait de manière annualisée avec un compteur tenu à jour ; qu’en fin de période annuelle, ces coupures passent dans l’insuffisance horaire, si le salarié n’atteint pas le nombre d’heures de travail effectif à réaliser sur la période concernée et qu’en cas de dépassement du nombre d’heures effectuées sur la période annuelle, ces coupures seront payées au salarié concerné en complément des éventuelles heures supplémentaires.
Il ressort des décomptes des heures et indemnités versés aux débats que ces documents font bien apparaître pour chaque service le temps de travail effectif (TTE), le temps payé (TP), l’amplitude (Ampl), les coupures à 25 % (C25) et les coupures à 50 % (50 %).
Le salarié qui prétend que le décompte retenu par l’employeur est inférieur au temps réel et que chaque coupure inscrite sur le planning est amputée de quelques minutes ne rapporte pas la preuve de ses allégations. En outre, il n’a jamais informé l’employeur de cette difficulté et n’en a jamais parlé au cours des réunion des délégués du personnel auxquelles il a participé. Enfin, il ne réclame aucun rappel de salaire à ce titre.
Force est de constater que l’employeur s’est conformé aux dispositions de la convention collective pour le calcul des indemnités de coupure. En conséquence, la décision querellée qui a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour inobservation des dispositions conventionnelles relatives aux indemnités de coupures doit être confirmée.
Sur les demandes d’annulation des sanction disciplinaires :
Conformément à l’article L 1333-2 du code du travail, le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
Il appartient à l’employeur de fournir les éléments qu’il a retenus pour prendre la sanction et au salarié d’apporter les éléments venant à l’appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
*Sur l’avertissement du 14 décembre 2010 :
Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 14 décembre 2010, l’employeur a notifié au salarié un avertissement pour non-respect des procédures en vigueur dans l’entreprise, rédigé en ces termes : «[‘] le mardi 9 novembre 2010 le responsable d’exploitation est monté dans votre bus devant le collège [Établissement 1] pour vous demander de faire descendre une collégienne qui était accroupie sur le tableau de bord.
Lors de la discussion que nous avons eue ce jour-là et que vous m’avez confirmé lors de notre entretien, vous m’avez signalé que le bus était à l’arrêt alors que l’interdiction de transporter des élèves sur le tableau n’était valable que lorsque le bus roulait.
Je vous ai donc rappelé que pour des raisons de sécurité aucun élèvent ne devait s’asseoir sur le tableau de bord mais également aucun enfant ne doit stationner sur la plate-forme à l’avant du car. Celle-ci doit être libre en cas d’évacuation d’urgence du véhicule.
Le mardi 16 novembre lors du service de 18h00 au départ du collège [Établissement 1] à destination de la Mède, vous avez déposé un collégien du collège [Établissement 1] au feu tricolore situé à l’angle de [Adresse 3]. (côté cimetière).
Ce dernier est descendu alors qu’aucun arrêt n’est matérialisé.
Je vous rappelle que vous devez prendre en charge ou déposer des personnes uniquement sur des arrêts matérialisés.
J’ai également listé un comparatif entre vos prises de services, issues des données de votre carte numérique et les prises services mentionnées sur vos différentes feuilles de services.
Après une étude d’environ trois mois, j’ai constaté que 80 % des prises de service n’étaient pas respectées.
J’ai pu constater que vous pouviez avoir jusqu’à 15 minutes de retard (le 8 septembre 2010 par exemple), ce qui est totalement irresponsable.
Compte tenu des fautes contractuelles, en sanction de leurs manquements, nous avons décidé de vous infliger un avertissement qui sera versé à votre dossier’».
Par lettre du 28 décembre 2010, le salarié a contesté le caractère fautif des faits reprochés en indiquant que s’il y avait une élève sur la plate-forme de sortie du bus c’est parce qu’elle consultait son carnet de correspondance, mais qu’elle ne gênait pas la sortie des autres élèves et que s’il démarrait le bus à 7h05 et non pas à 7h00 c’est parce qu’il allait d’abord saluer ses collègues de travail, mais que le soir, il terminait en moyenne cinq à dix minutes plus tard que l’horaire prévu, sans jamais demander que ce temps soit rémunéré.
Cependant, il ne conteste pas le fait que la prise en charge d’enfant en dehors des arrêts matérialisés est interdite et ce, pour des raisons évidentes de sécurité. Les faits reprochés au salarié étant constitués et la sanction infligée n’apparaissant pas disproportionnée, il n’y a pas lieu d’annuler l’avertissement du 14 décembre 2010. La décision déférée qui l’a débouté de ce chef de demande doit être confirmée.
*Sur la mise à pied disciplinaire du 14 janvier 2011 :
Le salarié s’est vu notifier une mise à pied disciplinaire de trois jours, par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 janvier 2011, rédigée en ces termes : « le vendredi 17 décembre 2010, vous étiez affecté sur le service 2132 […]
J’ai constaté ce jour le vendredi 17, que vous avez pris en charge un groupe de trois élèves à 7h21 sur l’avenue Émile Cotte, en dehors d’un arrêt matérialisé sur l’itinéraire que vous empruntez sur le parcours dit ‘haut le pied’.[…]
Compte tenu de votre ancienneté dans le poste, vous ne pouvez ignorer qu’il est interdit de prendre en charge des élèves lorsque vous êtes sur un parcours dit ‘haut le pied’ sur un lieu qui n’est pas matérialisé et prévu dans la fiche descriptive de l’itinéraire qui est le reflet fidèle du cahier des charges.
En qualité de conducteur de car, vous avez l’obligation de respecter scrupuleusement les arrêts mentionnés dans la feuille descriptive du circuit’ »
Le salarié a contesté cette sanction par lettre du 3 janvier 2011. Il reconnaît qu’il s’est arrêté en dehors des arrêts matérialisés pour prendre en charge trois collégiens, mais il l’explique l’avoir fait pour porter assistance à l’un d’entre eux qui s’était blessé au pied, afin de lui éviter une marche douloureuse et pénible jusqu’à l’arrêt matérialisé.
Or, le salarié avait déjà été sanctionné pour avoir fait monter des enfants dans le bus en dehors des arrêts matérialisés. En outre, le jour des faits reprochés, le salarié était sur un parcours ‘haut le pied’ c’est à dire qu’il effectuait un trajet de retour, sans transport de voyageur.
Il est ainsi établi que le salarié ne respectait pas les consignes et ce, de manière réitérée, de sorte que la sanction qui lui a été infligée apparaît justifiée. Il sera donc débouté de sa demande tendant à obtenir l’annulation de cette sanction.
*Sur la mise à pied disciplinaire du 22 novembre 2011 :
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 novembre 2011, l’employeur a notifié au salarié une mise à pied disciplinaire de 2 jours pour les motifs suivants : «[‘] Vous avez refusé d’effectuer le service de ligne régulière S346 2 E1 le lundi 24 octobre 2011 au motif que n’étiez pas en possession de votre carte de qualification de conducteur.
Le mardi 25 octobre, le responsable mouvement vous a remis les documents suivants, copie du décret n° 2007-1340 du 11 septembre 2007, copie de votre attestation de présence au stage FCO qui vous avait déjà été remis le dernier jour de votre stage par l’AFT, copie de la demande de carte CQC. Dès remise de ces documents, vous avez pris votre service. Ces documents vous permettaient de justifier de la validité de votre permis en cas de contrôle des services de la DRE et de la police.
À partir du jeudi 27 octobre, vous avez de nouveau refusé d’effectuer les services sur lesquels vous étiez affecté.
Par LRAR en date du 28 octobre 2011, nous vous avons rappelé que vous aviez suivi une formation FCO du 17 au 21 octobre 2011 et que par conséquent au regard du décret n° 2007-1340 du 11 septembre 2007, l’employeur a la possibilité de vous affecter à la conduite dans l’attente de la réception de votre nouvelle carte de qualification conducteur.
Le mercredi 2 novembre, le responsable mouvement vous a présenté l’attestation de formation délivrée par l’AFT et vous avez refusé la remise de ce document.
Le 3 novembre vers 11h30, le responsable d’exploitation vous a de nouveau présenté l’attestation de formation, remise de documents que vous avez acceptée.
Ce jour-là vous étiez affecté sur le service M347 comprenant deux parties, le matin entre 6h42 et 12h51 et l’après-midi entre 14h20 et 16h37. Vous avez seulement effectué la 2e partie du service à partir de 14h20.
Lors de l’entretien vous avez maintenu votre position en expliquant ‘j’ai refusé de prendre le volant car je n’avais aucune habilitation à conduire, je n’avais pas les documents, l’attestation de présence au stage ne vaut pas certificat.’
Le refus d’exécuter vos services est un manquement à vos obligations professionnelles et contractuelles.
Votre comportement a eu pour conséquence de désorganiser la planification des services et a entravé la bonne marche de l’entreprise’»
L’article 26.2 du décret du 11 septembre 2007 permet aux conducteurs en attente de réception de la carte de qualification de conducteur de justifier de la régularité de leur situation au regard de la formation continue par la présentation de deux documents : le permis C ou EC et D ou ED en cours de validité selon les cas et l’attestation de suivi de formation FCO.
Or, il est établi par les éléments du dossier qu’à l’issue de la formation FCO, le 21 octobre 2011, seule une attestation de présence a été remise au salarié, sur laquelle il était expressément indiqué ‘ce document ne tient pas lieu de certificat’.
C’est ainsi qu’il ressort de la note établie par l’inspecteur du travail le 23 décembre 2011, au terme de l’enquête qu’il a effectuée sur le fonctionnement de la représentation syndicale au sein de l’entreprise que celui-ci a constatée que l’organisme de formation n’avait pas délivré au salarié de carte de qualification conducteur ni d’attestation de formation à la fin de la session de formation ; qu’il lui a simplement remis une attestation de présence n’ayant aucune valeur réglementaire ; que l’attestation de formation du salarié a été adressée à l’employeur le 31 octobre 2011, alors qu’elle aurait dû être confiée au stagiaire à l’issue de la formation ; qu’elle a été remise au salarié à mains propres contre décharge le 3 novembre 2011, de sorte que celui-ci ne pouvait se prévaloir d’aucun document conforme aux dispositions réglementaires pour justifier sa capacité de conducteur jusqu’à cette date et qu’en obligeant le salarié à conduire un véhicule de transport sans document justificatif les 24 et 25 octobre 2011, l’employeur s’est rendu coupable d’infraction pénale.
Le refus du salarié de conduire, alors qu’il n’était pas en possession de cette attestation apparaît donc légitime. Il convient par conséquent de réformer la décision entreprise, d’annuler la mise à pied disciplinaire du 22 novembre 2011 et de condamner l’employeur à régler au salarié les somme de 140,42 € à titre de rappel de salaire, outre 14,04 € pour les congés payés y afférents.
L’employeur doit également régler au salarié la somme de 314,91 € retenue sur le bulletin de salaire de novembre 2011 pour ‘absences non rémunérées’, ainsi que les congés payés y afférents, dans la mesure où cette retenue a été opéré en raison du refus du salarié de conduire, alors que ce refus était justifié par le fait qu’il n’était pas en possession des documents requis pour la conduite. Il appartenait donc à l’employeur de l’affecter à d’autres tâches.
Sur la rupture du contrat de travail :
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié en raison de faits qu’il reproche à l’employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation introduite auparavant.
Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit dans le cas contraire d’une démission.
Il convient d’examiner les manquements de l’employeur invoqués par le salarié tant à l’appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu’à l’appui de la prise d’acte.
-Sur l’inobservation du repos hebdomadaire :
Selon l’article 49 de la convention collective, les salariés concernés par un dispositif de modulation du temps de travail bénéficient de deux jours de repos hebdomadaire en moyenne sur l’année, dont l’un peut, par accord d’entreprise, être fractionnaire en deux demi-journées.
L’article 1-1 de l’accord d’entreprise du 1er octobre 2010 relatif au calcul de la durée annuelle du temps de travail précise que les repos sont comptabilisés par rapport à une moyenne de deux repos par semaine travaillée et un repos par semaine de congé, soit 99 repos sur l’année complète de référence.
L’employeur établit par les éléments qu’il produit qu’entre 2006 et 2012, le salarié a bénéficié en moyenne de 48 heures de repos hebdomadaires, de sorte que ce grief n’apparaît pas fondé.
-Sur le délai de prévenance en cas de changement d’horaire :
Conformément à l’article L 3122-2 du code du travail, le délai de prévenance en cas de changement de durée ou d’horaire est fixé à 7 jours
Cependant, selon l’article 1-2 de l’accord d’entreprise du 2 octobre 2010 sur l’organisation du travail, ce délai peut être réduit à un jour ouvrable du fait, notamment, de l’impossibilité d’anticiper certaines demandes de transport occasionnelles ou d’événements imprévisibles ayant un impact sur l’exploitation des activités de l’entreprise.
En l’espèce, l’employeur ne conteste pas que le salarié était programmé pour travailler le dimanche 30 janvier 2011 et qu’il l’a informé qu’il ne travaillerait pas ce jour-là, verbalement, le jeudi 27 janvier. Or, il ne rapporte pas la preuve qu’il se trouvait dans l’un des cas justifiant la réduction du délai de prévenance, de sorte qu’il aurait dû respecter le délai de prévenance de 7 jours.
Le salarié établit également par la production de l’attestation de M. [E] [X] que ses services ont été modifiés plusieurs fois sans respect du délai de prévenance et sans formation sur le nouveau trajet.
Manifestement, l’employeur ne respectait pas le délai de prévenance de droit commun hors des cas prévus par l’article 1-2 de l’accord du 2 octobre 2010. En effet, dans ses écritures, il s’étonne que le salarié n’invoque des perturbations dans sa vie personnelle et familiale qu’à compter de 2011, alors que son temps de travail était organisé de la même façon depuis 2006. Ce grief apparaît donc établi.
-Sur les faits de harcèlement moral :
Selon l’article L. 1152-1 du code du travail « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.»
La reconnaissance du harcèlement moral suppose trois conditions cumulatives : des agissements répétés ; une dégradation des conditions de travail ; une atteinte aux droits, à la dignité, à la santé physique ou mentale ou à l’avenir professionnel du salarié.
En application de l’article L.1154-1 du code du travail, il appartient au salarié qui prétend avoir été victime de harcèlement moral, d’établir des faits précis et concordants permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral et il incombe à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, le salarié établit par les éléments qu’il produit que :
-l’employeur ne respectait pas le délai de prévenance prévue par la loi lorsqu’il modifiait les horaires et les jours de travail du salarié ;
-l’employeur lui a notifié une mise à pied disciplinaire injustifiée le 22 novembre 2011 et l’a contraint à conduire un véhicule de transport de passagers sans être en possession des documents requis ;
-son supérieur hiérarchique a adopté à son égard un comportement méprisant et menaçant :
M. [E] [X] atteste avoir été témoin à de nombreuses reprises de propos dévalorisants tenus par M. [C] envers le salarié tels que : ‘vous n’êtes qu’un incapable et qu’un incompétent’, ‘vous n’êtes qu’un menteur’, ‘je regrette de vous avoir embauché’ et qu’il lui a demandé de démissionner à plusieurs reprises.
M. [T] [W] relate avoir été témoin de pression et de menaces de M. [C] à l’égard du salarié, dans les termes suivants : ‘je vais te casser les deux jambes’, ‘je te demande de démissionner’, ‘tu n’es pas compétent’, ‘tu n’as pas ta place dans l’entreprise’.
M. Robert [P] atteste lui aussi avoir personnellement assisté à des discussions de travail entre le salarié et M. [C] sur le respect de la convention collective et l’avoir entendu demander au salarié de démissionner.
-au début de l’année 2012, l’employeur a incité le délégué syndical CGT suppléant, M. [P], à faire pression sur le salarié qui était alors en arrêt de travail pour qu’il démissionne de sa fonction de délégué syndical titulaire et ce, afin que les heures de délégation lui soient attribuées, ce qu’il résulte de la lettre qu’il lui a adressée le 8 juin 2012.
Cette situation a occasionné un préjudice au salarié. En effet, celui-ci relate dans un courrier qu’il a adressé à l’employeur le 13 juin 2012 : «[‘] sur votre demande, je reçois des appels téléphoniques de personnel de l’entreprise m’enjoignant de démissionner de mon poste de délégué syndical titulaire afin que le délégué syndical suppléant puisse bénéficier de ses heures de délégation.
La fonction de représentant syndical serait donc inactive actuellement et ce depuis plusieurs mois faute de ma démission.
La fréquence de ces appels, la méthode employée tout en profitant de mon état de santé actuel pour tenter de faire croire que c’est moi qui empêche bon fonctionnement syndical est inadmissible.
Par ailleurs l’utilisation qui a été faite au sein de la société de cette situation a dégradé les relations que j’avais avec une partie du personnel.
Je vous rappelle simplement les lois en vigueur qui règlent le fonctionnement de la représentation syndicale notamment l’article L 2314-30 du code du travail qui stipule qu’en cas d’absence maladie ou départ de l’entreprise du délégué syndical titulaire, le délégué suppléant devient lui-même titulaire. Il exercera les mêmes attributions que le délégué titulaire et bénéficie du même statut protecteur.
Si aujourd’hui cette représentation ne fonctionne pas c’est uniquement de votre seule volonté.
Je vous réitère mes plus extrêmes réserves quant à cette demande de démission et aux conséquences que cela a sur ma personne…»
-il a dénoncé à son employeur les faits dont il était victime suivant courrier du 17 juin 2011 ainsi rédigé : « Par courrier recommandé avec accusé de réception n° [‘ ] je tiens à m’adresser à vous afin de vous faire part de la situation que je vis dans l’entreprise de TRANSPORTS ROBERT et des démarches que je suis en train d’accomplir.
Tout d’abord je tiens à rappeler que depuis mon embauche en 2006 je n’ai jamais eu de reproche ni de blame ou de menace de sanction ou de sanction disciplinaire de la part de ma hiérarchie.
Depuis décembre 2010 j’ai reçu plus de 25 courriers soit convocations à entretien préalable, note de service, certains notifient des sanctions, d’autres sont juste de nature à entretenir la polémique et créent un climat détestable’
La répétition de ces faits porte atteinte à ma santé mentale, vous n’êtes d’ailleurs pas sans savoir que depuis le 11 avril 2011 je suis en arrêt de travail et ce jusqu’au 12 juillet 2011.
Dois-je vous rappeler les responsabilités qui incombent à l’employeur concernant la santé physique ou mentale des salariés ‘
De plus, je tiens à préciser que les agissements que je dénonce ont commencé dès que j’ai demandé l’application d’un certain nombre de droit concernant diverses primes ou les conditions de travail.
Auprès des responsables et de la direction j’ai notamment refusé à maintes reprises de signer la note de service n° 10008.
Peut-être ne s’agit-il que d’une coïncidence ‘
En tout état de cause sachez que je me tourne aujourd’hui vers l’inspection du travail pour lui faire part de ma situation. Je souhaite que cette situation prenne fin au plus vite et que je puisse de nouveau travailler dans de bonnes conditions’»
En réponse à ce courrier, l’employeur a considéré que les réclamations du salarié n’étaient pas fondées et a saisi le médecin du travail.
-son état de santé s’est considérablement dégradé en raison des pressions qu’il subissait dans son travail, puisqu’il a été en arrêt maladie pour dépression du 11 avril au 20 septembre 2011, puis du 8 janvier au 31 décembre 2012 et qu’il a été en pris en charge par le docteur [K], psychiatre, ‘pour des troubles anxio-dépressifs sévères évoluant dans le cadre de difficultés relationnelles avec son employeur’.
Force est de constater que le salarié établit par ces éléments l’existence de faits précis et concordants permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral.
Or, l’employeur ne démontre pas que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il convient par conséquent de réformer la décision entreprise et de juger que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail doit produire les effets d’un licenciement nul.
Le salarié est en droit de se voir accorder une indemnité pour licenciement nul à laquelle s’ajoute une indemnisation complémentaire visant à indemniser le préjudice distinct subi par le salarié du fait du harcèlement moral, ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis et ce, même s’il est dans l’impossibilité physique d’exécuter le préavis.
Tenant l’âge du salarié au moment de la rupture du contrat (39 ans), de son ancienneté (6 ans et 10 mois) de son salaire moyen mensuel brut (soit 1.582,20 €) de l’absence de justification de sa situation après la rupture, il y a lieu de lui allouer l’indemnisation suivante :
-3.164,40 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
-316,44 € pour les congés payés y afférents ;
-2.161,28 € à titre d’indemnité de licenciement ;
-10.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
-3.000 € en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral.
Le salarié est également bien fondé à solliciter une indemnité pour violation du statut protecteur d’un montant égal à la rémunération qu’il aurait perçue entre la date de la rupture et le terme de la période de protection, ce qui inclut la période de protection suivant le terme du mandat soit jusqu’au 11 avril 2016.L’employeur sera donc condamné à lui régler à ce titre la somme de 53.794,80 € (1.582,20 € x 34 mois).
Sur les autres demandes :
Les intérêts au taux légal avec capitalisation sur le fondement de l’article 1154 du code civil sur les sommes sus visées seront dus dans les conditions précisées au dispostif.
La remise de l’attestation Pôle Emploi et d’un bulletin rectificatif conforme au présent arrêt s’impose sans qu’il y ait lieu de prévoir une astreinte.
Il y a lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile et d’allouer au salarié à ce titre la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
L’employeur qui succombe doit être tenu aux dépens de première instance et d’appel.
S’agissant d’un salarié de plus de deux ans d’ancienneté et d’une entreprise de plus de onze salariés, il y a lieu de faire application de l’article L 1235-4 du code du travail dans les conditions fixées au dispositif.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande tendant à obtenir l’annulation de l’avertissement du 14 décembre 2010 et de la mise à pied à titre disciplinaire du 14 janvier 2011, de sa demande de rappel de salaire au titre de l’indemnité différentielle et des primes de nettoyage et de sa demande de dommages-intérêts pour inobservation des dispositions relatives aux indemnités de coupures.
Le réforme pour le surplus.
Statuant à nouveau sur les points réformés et y ajoutant,
Annule la mise à pied disciplinaire du 22 novembre 2011.
Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail du 22 avril 2013 produit les effets d’un licenciement nul.
Condamne la SARL TRANSPORTS ROBERT à payer à M. [D] [R] les sommes de :
-140,42 € à titre de rappel de salaire retenus au titre de la mise à pied disciplinaire injustifiée ;
-14,04 € € pour les congés payés y afférents ;
–
314,91 € à titre de rappel de salaire de novembre 2011 ;
-31,49 € pour les congés payés y afférents ;
-3.164,40 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
-316,44 € pour les congés payés y afférents ;
-2.161,28 € à titre d’indemnité de licenciement ;
-10.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
-3.000 € en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral ;
-53.794,80 € à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur ;
-1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dit que les intérêts au taux légal avec capitalisation en application de l’article 1154 du code civil sont dus sur la créance salariale ( rappel de salaires, indemnités de licenciement et de préavis) à compter du 5 janvier 2012 date de l’accusé de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation et à compter du présent arrêt pour les autres sommes.
Ordonne la remise par la SARL TRANSPORTS ROBERT à M. [D] [R] de l’attestation Pôle Emploi et d’un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent arrêt.
Ordonne le remboursement par la SARL TRANSPORTS ROBERT aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées à M. [D] [R] dans la limite de six mois.
Dit que conformément aux dispositions des articles L 1235-4 et R 1235-2 du code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure le salarié.
Rejette toute demande contraire ou plus ample des parties.
Condamne la SARL TRANSPORTS ROBERT aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT