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SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 septembre 2021
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 984 F-D
Pourvoi n° B 19-14.498
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 SEPTEMBRE 2021
M. [L] [T], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° B 19-14.498 contre l’arrêt rendu le 31 janvier 2019 par la cour d’appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Nouvel horizon, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],
2°/ à la société Ajilink Labis-Caboter, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [B] [X], en sa qualité d’administrateur judiciaire de la société Nouvel Horizon
3°/ à la société [M] et associés M. & A, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [Q] [M], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Nouvel Horizon,
4°/ au centre de gestion et d’études AGS-CGEA, dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de M. [T], après débats en l’audience publique du 16 juin 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Douai, 31 janvier 2019), M. [T] a été engagé, à compter du 1er septembre 2013, en qualité de conducteur de car en période scolaire par la société Nouvel Horizon (la société) suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel soumis à la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires de transport du 21 décembre 1950.
2. Reprochant à son employeur une modification unilatérale de ses services ayant entraîné une réduction de son temps de travail et de ses revenus, il a adressé à celui-ci une lettre de démission, le 10 avril 2014.
3. Le 1er juin 2015, il a saisi la juridiction prud’homale à l’effet d’obtenir des rappels de salaire, la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et diverses indemnités.
4. Le 7 janvier 2020, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l’égard de la société, la selarl [M] et associés étant désignée en qualité de mandataire judiciaire et la selarl Ajilink Labis-Cabooter en celle d’administratrice judiciaire. Par jugement du 23 juin 2020, le redressement judiciaire de la société a été converti en liquidation judiciaire, la selarl [M] et associés étant désignée en qualité de liquidatrice et la selarl Ajilink Labis-Cabooter étant maintenue en celle d’administratrice judiciaire.
5. Par actes des 12 et 16 mars 2020, le salarié, ainsi qu’il y était invité par la Cour, a appelé en la cause les liquidatrice et administratrice judiciaires ainsi que le centre de gestion et d’études AGS CGEA.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l’arrêt de condamner l’employeur au paiement d’une certaine somme au titre des heures complémentaires, outre congés payés afférents, et de rejeter sa demande en paiement d’heures complémentaires au titre de la période antérieure au 16 janvier 2014, alors « que sous réserve d’un accord avec l’employeur, le temps de conduite entre le bout de ligne et le domicile du conducteur de transport roulant voyageurs constitue un temps de travail effectif ; que la cour d’appel a relevé que, jusqu’au 16 anvier 2014, le salarié utilisait, avec l’accord de son employeur, le véhicule de service pour effectuer les trajets entre son domicile et son lieu de travail ; qu’en considérant que ces temps de conduite ne constituaient pas du temps de travail effectif, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 2 du décret n° 2003-1242 du 22 décembre 2003, 4 de l’accord collectif du 18 avril 2002 attaché à la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du 21 décembre 1950 et 17 de l’annexe I à cette convention collective. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 2 du décret n° 2003-1242 du 22 décembre 2003 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transports routiers de personnes, alors applicable, l’article 4 de l’accord collectif du 18 avril 2002 attaché à la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du 21 décembre 1950 et l’article 17 de l’annexe I à cette convention collective :
7. Selon le premier de ces textes, la durée du travail effectif est égale à l’amplitude de la journée de travail diminuée de la durée totale des coupures et du temps consacré aux repas, à l’habillage et au casse-croûte.
8. Selon le deuxième, le temps de travail effectif comprend les temps de conduite, soit les périodes consacrées à la conduite de véhicules professionnels.
9. Selon le troisième, lorsqu’il est parvenu en bout de ligne, le conducteur, sous réserve d’un accord avec l’employeur, peut rejoindre son domicile avec l’autocar pendant une interruption de son service, le temps consacré au trajet pour rejoindre son domicile étant décompté en temps de travail effectif.
10. Il en résulte que sous réserve d’un accord avec l’employeur, le temps de conduite entre le bout de ligne et le domicile du conducteur de transport roulant voyageurs constitue un temps de travail effectif.
11. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d’un rappel de salaire au titre d’heures complémentaires, l’arrêt retient que sauf stipulation conventionnelle ou usage contraire, le temps habituel de trajet entre le domicile et le lieu de travail ne constitue pas en soi un temps de travail effectif, que l’article L. 3121-4 du code du travail prévoit que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif, que l’article 4.1 de l’accord du 18 avril 2002 attaché à la convention collective précise que les temps de conduite sont les périodes consacrées à la conduite de véhicules professionnels et que l’article 9 du règlement CE n° 561/2006 du 15 mars 2006, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de législation sociale dans le domaine des transports de la route, permet de qualifier comme temps de travail celui qui est utilisé pour rejoindre le lieu de stationnement du véhicule et en revenir, dès lors que ce lieu est distinct du siège de l’employeur et de la résidence du salarié. Il relève qu’en vertu de l’article 11 du contrat de travail du salarié, un véhicule de l’entreprise était affecté à celui-ci pour les besoins du service. Il ajoute que, néanmoins, il est constant que l’employeur a également un temps laissé ce véhicule à sa disposition pour effectuer les trajets entre son domicile et son lieu de travail et qu’ainsi, de la prise d’effet du contrat de travail au 16 janvier 2014, le salarié n’avait pas l’obligation de se rendre jusqu’au dépôt avec son véhicule personnel. Il en déduit que les heures comptabilisées par l’intéressé au titre de ses trajets domicile-dépôt avant le changement de rotation ne peuvent justifier son rappel d’heures complémentaires.
12. En statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé l’existence, jusqu’au 16 janvier 2014, d’un accord de la part de l’employeur pour que le salarié puisse rejoindre son domicile avec le véhicule de l’entreprise affecté pour les besoins du service, ce dont il résultait que le temps de conduite entre le bout de ligne et le domicile du conducteur constituait un temps de travail effectif, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il infirme partiellement le jugement en ses dispositions sur les heures complémentaires et les congés payés afférents et condamne la société Nouvel Horizon à payer à M. [T] la somme de 482,27 euros au titre des heures complémentaires impayées outre congés payés afférents, l’arrêt rendu le 31 janvier 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ;
Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Douai autrement composée ;
Condamne la Selarl [M] et associés, en sa qualité de liquidatrice à la liquidation judiciaire de la société Nouvel Horizon, aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, condamne la selarl [M] et associés, ès qualités, à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze septembre deux mille vingt et un.