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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRET DU 04 NOVEMBRE 2020
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/03969 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5JGU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Février 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRETEIL – RG n° F 16/02265
APPELANTE
SELARL JSA ès qualité de mandataire liquidateur de SAS CENTRE D’ANALYSES ENVIRONNEMENTALES
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean-Pierre LAIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B1101
INTIMEE
Madame [G] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Laurent TIXIER, avocat au barreau de PARIS, toque : K0071
PARTIE INTERVENANTE
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF EST
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Florence ROBERT DU GARDIER de la SELARL SOCIETE DUPUY ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0061
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Septembre 2020, 2020,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise SALOMON, présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme Françoise SALOMON, présidente de chambre
Mme Sandra ORUS, présidente de chambre
Mme Graziella HAUDUIN, présidente de chambre
Greffier : Mme Anouk ESTAVIANNE, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Madame Françoise SALOMON, présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [Y] a été engagée par le groupement d’intérêt économique Anjou Recherche à compter du 16 novembre 1998, en qualité de secrétaire assistante. Suivant accord tripartite du 31 juillet 2005, la salariée a été intégrée à la société Centre d’Analyses Environnementales (CAE) en qualité de responsable des ressources humaines, statut cadre, avec effet au 1er août 2005 et reprise de son ancienneté.
La société employait habituellement au moins 11 salariés et applique la convention collective des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils et sociétés de conseils dite SYNTEC du 15 décembre 1987.
La société CAE était détenue à 100% par la société Endetec, filiale du Groupe Véolia. Le 1er avril 2016, la société Endetec a cédé la totalité du capital social de la société CAE à la société Afenix, au prix d’un euro.
Convoquée le 11 mai 2016 à un entretien préalable fixé au 26 mai, et mise à pied à titre conservatoire, la salariée a été licenciée pour faute grave le 2 juin 2016.
Contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, elle a saisi la juridiction prud’homale le 11 juillet suivant.
Par jugement du 8 février 2018, le conseil de prud’hommes de Créteil a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné en conséquence l’employeur au paiement des sommes suivantes :
– 50 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 15 300 euros d’indemnité compensatrice de préavis et 1 530 euros au titre des congés payés afférents,
– 30 157 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le conseil a ordonné à l’employeur de remettre à la salariée les documents de fin de contrat rectifiés et a débouté les parties de leurs autres demandes.
L’employeur a interjeté appel de cette décision le 8 mars 2018.
Par jugement du 2 mai 2018, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé le redressement judiciaire de la société CAE, procédure convertie en liquidation judiciaire le 26 septembre 2018, la Selarl JSA étant désignée en qualité de liquidateur.
Par conclusions transmises par voie électronique le 31 octobre 2018, l’appelante demande à la cour de mettre hors de cause Me [O] en sa qualité d’administrateur judiciaire de la société CAE, de déclarer recevable l’intervention volontaire de la Selarl JSA en sa qualité de liquidateur de la société, d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné l’employeur au paiement de diverses sommes et, statuant à nouveau, de dire le licenciement de la salariée justifié par une faute grave et de la débouter en conséquence de toutes ses demandes et de la condamner à payer 10 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive et 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions transmises le 28 septembre 2018 par voie électronique, l’AGS CGEA Ile-de-France Est sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et le rejet de toutes les demandes de la salariée. Elle rappelle les plafonds et limites de sa garantie.
Par conclusions transmises le 31 octobre 2018, l’intimée sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse mais son infirmation en ce qu’il a rejeté le surplus de ses demandes. Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société ses créances aux sommes de :
– 31 932,25 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 16 191 euros d’indemnité compensatrice de préavis et 1 619,10 euros de congés payés afférents,
– 129 528 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 3 600 euros de rappel de prime annuelle et 360 euros au titre des congés payés afférents,
– 47 898,37 euros d’indemnité spécifique complémentaire ‘Clause Véolia’,
– 213,65 euros de reliquat du solde de tout compte,
– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle demande la remise des documents de fin de contrat rectifiés et à ce que les condamnations soient déclarées opposables à l’AGS CGEA Ile-de-France Ouest.
La clôture de l’instruction est intervenue le 19 février 2020 et l’affaire a été plaidée le 10 septembre.
MOTIFS
Il convient de déclarer recevable l’intervention volontaire de la Selarl JSA en sa qualité de liquidateur de la société CAE.
Sur la rupture du contrat de travail
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
L’employeur qui invoque la faute grave doit en rapporter la preuve.
En l’occurrence, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée ainsi :
‘Voici ce que nous vous reprochons :
DENIGREMENT
Depuis le 18 avril 2016, vous n’avez cessé de dénigrer le mode de fonctionnement du groupe ALPA et ainsi donc de ses collaborateurs.
En effet suite aux différents rendez-vous que vous avez eus avec Monsieur [U] et à la lettre de mission reprenant les priorités qui devaient être celles de votre service, vous avez commencé à dénigrer le fonctionnement de notre société, ce dénigrement s’est poursuivi sans discontinuer dans vos courriers des 27 avril, 7 et 13 mai 2016, qui nous n’en sommes pas dupes, étaient volontairement faits pour créer une situation de conflit.
INSUBORDINATION
Malgré les rappels de Monsieur [W], vous avez à plusieurs reprises fait cas d’insubordination vis-à-vis de Monsieur [U], il a même fallu organiser un entretien de recadrage au cours duquel nous avons confirmé qu’en sa qualité de DRH Groupe, M. [U] était votre supérieur hiérarchique. A maintes reprises vous êtes passée outre ces recommandations et avez continué à fonctionner comme bon il vous semblait. Pour preuve vous n’avez que très rarement tenu M. [U] informé des courriers reçus de la part des salariés et avez même omis de lui transmettre les courriers à transmettre aux collaborateurs. Ces documents ont été retrouvés dans un parapheur sur le bureau de Monsieur [W]. Il en fut de même pour la signature des attestations Pôle Emploi que vous refusiez catégoriquement de signer sous prétextes de rumeurs infondées et de supputations.
ABSENCE DE CONFIDENTIALITE
L’appartenance à un service Ressources Humaines et notamment dans le cadre du poste que vous occupez en votre qualité de Responsable Ressources Humaines du CAE, implique une rigueur et un maintien de la confidentialité dans les échanges, qu’ils soient écrits et/ou oraux. Or nous avons constaté que certains échanges entre Monsieur [U] et vous-même dont la confidentialité aurait dû être garantie avait été mise à mal de votre fait. En effet, vous avez délibérément transmis à Madame [R] et Madame [N] (personnel ne faisant ni partie du groupe ALPA, ni même du CAE) des échanges confidentiels (concernant votre interprétation d’une situation lors de l’établissement de soldes de tout compte) qui n’avaient pour but que de discréditer le Groupe ALPA. Nous ne pouvons admettre un tel fonctionnement et une telle attitude.
UTILISATION ABUSIVE D’UN VEHICULE
Nous avons constaté, depuis notre arrivée, que vous utilisiez un véhicule de type Scénic à des fins personnelles, après vérification il apparaît que vous vous êtes attribué ce véhicule de façon arbitraire sans en informer la Direction. En effet, aucune prise en charge n’a à ce jour été signée et aucun avantage en nature ne vous est affecté, il en ressort donc que cette utilisation n’avait pas lieu d’être. Nous vous rappelons qu’une responsable des ressources humaines se doit de montrer l’exemple et ne doit pas bénéficier de ‘passe droit’ du fait de son titre ou de sa fonction. Ce point est donc tout à fait inacceptable.
NON-RESPECT DES CONSIGNES
Suite à la reprise du CAE nous vous avions remis une lettre de missions, dont l’une était la responsabilité de l’internationalisation des paies du CAE. Il avait été convenu que compte tenu de la complexité de la tâche nous procéderions en trois étapes, la première consistant à récupérer les éléments variables auprès de VWS en avril, la deuxième consistait à une intégration dans SAGE avec un test en mai et une troisième étape en juin durant laquelle nous procéderions à l’établissement des paies en doublon avec VWS. Or, à notre grande surprise nous avons constaté que vous aviez, sans nous en tenir informés, décidé que les paies seraient internalisées dès le mois de mai. Cette situation est fortement préjudiciable au bon fonctionnement de l’entreprise et au paiement des salaires des collaborateurs du CAE. Il va donc nous falloir reboubler d’effort pour rattraper vos erreurs et vos décisions non validées et intempestives.
Votre volonté répétée de nuire au bon fonctionnement de l’entreprise pour les faits présentés ci-dessus nous amène à ce jour à vous signifier par la présente votre licenciement pour faute grave, procédure qui vous prive de tout préavis et de toute indemnité de licenciement.’
Contestant point par point ces griefs, la salariée rappelle que les reproches qui lui sont faits sont circonscrits dans un bref laps de temps, dans un contexte d’incertitudes liées à la cession de la société, comme cela ressort notamment du procès-verbal de réunion extraordinaire du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du 3 mars 2016. Au cours de cette réunion, a été présenté le rapport d’expertise du cabinet Degest, mandaté par le CHSCT, qui a évoqué ‘l’absence presque totale de visibilité sur l’organisation et les conditions de travail chez le repreneur’, puis les membres du CHSCT ont lu le document suivant : ‘Le CHSCT constate que le projet de cession intervient dans un contexte socio-sanitaire fortement dégradé. La reprise des activités par Alpa est susceptible d’accroître les risques existants et d’en générer de nouveaux. Dans ces conditions, le CHSCT est dans l’incapacité de rendre un avis motivé compte tenu de l’absence d’informations sur le projet industriel et l’organisation du travail envisagée par Alpa’.
C’est dans ce contexte que s’inscrit l’échange de courriers entre la salariée et sa nouvelle direction :
– la lettre de M. [U], directeur des ressources humaines Groupe, du 18 avril 2016, lui précisant ses missions pour les semaines et les mois à venir : la paie, la salariée étant chargée de la réinternalisation de la gestion de la paie, le juridique et le social (négociation sur un accord d’intéressement, négociations à l’accord de participation et mise en place d’un PEE..), la formation, la sécurité (établissement d’un état des process en matière de sécurité en vigueur au sein du CAE) la gestion quotidienne des ressources humaines. Le directeur précise que la salariée doit lui rapporter directement, qu’elle sera en lien fonctionnel avec M. [W], le directeur général, et qu’en matière de délégation, ‘toutes les signatures en matière sociale doivent m’être soumises, en mon absence et/ou en cas d’urgence les autres membres de la Direction ALPA sont à votre disposition’ ;
– la réponse de la salariée adressée à M. [W] le 27 avril suivant :
‘Ce courrier m’interpelle en effet doublement, à la fois sur le fond et sur la forme.
Sur le fond, il décrit les missions que vous souhaitez m’imposer, à rebours des attributions qui sont les miennes aujourd’hui en ma qualité de Responsable des Ressources Humaines de CAE, poste que j’occupe depuis janvier 2003 et qui relève de la classification SYNTEC 3.2.
Membre du comité de Direction, j’exerce donc mes fonctions à CAE en lien direct avec la Direction Générale, qui m’a confié le pilotage des politiques Ressources Humaines, Sécurité et Services Généraux (…). Du fait de la nature de mes fonctions et de ma classification, j’encadre et j’anime une équipe de 7 personnes et suis en mesure de prendre toutes les initiatives et responsabilités dans la gestion de mon activité. Je dispose également, comme tout cadre en forfait jours, d’une large autonomie dans l’organisation de mon emploi du temps et dans la gestion de mes priorités.
Or à la lecture des attributions décrites dans votre courrier, je ne peux que constater que mon positionnement et mon autonomie seraient menacés, mon champ d’intervention réduit et que l’ensemble de mes fonctions et responsabilités actuelles disparaîtraient (…)
Par contre je me verrai confier, par votre seule décision, et sans équipe à manager, des tâches relevant de la gestion administrative du personnel ou de la formation, tâches qui sont actuellement réalisées par mon assistante, la coordinatrice sécurité et les correspondantes administratives dans les laboratoires, toutes placées sous mon autorité.
Il m’appartiendrait également de réaliser la paie (actuellement gérée en service externalisé et avec le concours d’une responsable Paie, placée également sous mon autorité), alors même que j’ai indiqué à votre DRH ne pas posséder les compétences en la matière (…). Plus inquiétant encore, cette mission semble concentrer la part la plus importante des attributions que vous souhaitez me confier, ce qui transforme singulièrement mes missions en tant que responsable des ressources humaines.
En définitive donc, les attributs essentiels de mes fonctions seraient ainsi largement impactés, et mes responsabilités réduites voire même tout simplement supprimées, ce que je ne peux évidemment accepter.
Sur la forme, je ne peux qu’être surprise par le ton très directif et péremptoire employé, et par les délais très réduits que vous m’imposez (…)
Bref je ne peux à la lecture de ce courrier que nourrir des inquiétudes quant à vos intentions sur le devenir de la relation contractuelle qui nous unit (…)
Tout cela caractérise une dégradation très nette de la relation de travail, que je ne suis d’ailleurs pas la seule à subir, et que je me dois de dénoncer non seulement parce que j’en suis l’une des victimes, mais également parce qu’il relève de ma responsabilité de le faire en ma qualité de RRH (…)’.
Cette lettre fait part des inquiétudes de la salariée relatives à la nouvelle organisation à la suite de la cession de la société. Sa réponse du 7 mai 2016 reprend ses interrogations. Ces deux lettres, qui démontrent que la salariée a manifestement du mal à accepter la nouvelle organisation, dont elle estime qu’elle la prive d’une part importante de ses attributions, ne traduise aucune expression d’insubordination ou de dénigrement. Enfin, dans sa lettre du 13 mai 2016, la salariée fait part de la brutalité entourant sa mise à pied conservatoire qui l’a ‘profondément choquée’.
L’employeur verse également aux débats des courriels échangés entre la salariée et MM. [U] et [W] sur des demandes précises, et deux attestations de M. [W] et de Mme [P], directrice générale, dépourvues de valeur probante au regard du positionnement hiérarchique de M. [W] et de l’imprécision de l’attestation de Mme [P]. Le seul fait que la salariée n’ait pas mis en copie M. [U] d’un mail comme cela lui avait été demandé est insuffisant à démontrer l’insubordination et le dénigrement qui lui sont reprochés.
L’employeur ne produit aucun élément pour démontrer le bien-fondé des autres griefs, alors que la salariée affirme, sans être contredite, qu’avant la cession du CAE, le service paie était externalisé dans un service partagé du groupe Véolia dirigé par Mme [N], qu’elle a interrogée postérieurement à la cession sans volonté d’enfreindre la confidentialité, et que l’ancien président du CAE l’avait autorisée à utiliser un véhicule de fonction. Elle justifie que l’attribution d’un Scénic à son nom figure dans le document ‘flotte automobile 2016″ qu’elle a remis à M. [U].
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la cour considère que l’employeur ne démontre pas la matérialité des griefs reprochés à la salariée et confirme en conséquence le jugement en ce qu’il a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières de la rupture
Le 7 mars 2016, le président du CAE a accordé à la salariée une augmentation individuelle portant sa rémunération brute mensuelle à 4 462 euros, une prime de résultat de 5 400 euros au titre de sa performance réalisée en 2015 (réglée avec son salaire de mars 2016) et l’a nommée responsable des ressources humaines position 3.2. coefficient 210 de la convention collective Syntec.
La salariée bénéficie également d’une prime de 13ème mois égale à un mois de salaire et versée aux salariés présents au 31 décembre, comme prévu par la lettre d’engagement du 29 juillet 2005.
Il n’y a pas lieu, en revanche, de proratiser la prime de résultat pour l’année 2016 pour fixer la rémunération brute mensuelle moyenne de la salariée.
La cour retient que la moyenne de sa rémunération mensuelle est de 5 098 euros.
Conformément aux dispositions conventionnelles, la salariée peut prétendre au versement d’une indemnité de licenciement égale à un tiers de mois par année de présence.
Eu égard à son ancienneté, la somme de 30 162,50 euros lui sera allouée à ce titre, par infirmation du jugement sur le quantum.
Elle peut prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois du salaire qu’elle aurait perçu si elle avait travaillé, soit 4 462 euros.
La cour lui alloue 13 386 euros à ce titre, outre 1 338,60 euros au titre des congés payés afférents, par infirmation du jugement sur le quantum.
Conformément à l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, la salariée peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois.
Compte tenu de son ancienneté (17 ans et 9 mois), de son âge lors de la rupture (56 ans), de sa rémunération et de sa situation personnelle (aucun élément postérieur à 2016 n’est produit), la cour confirme le jugement en ce qu’il lui a alloué la somme de 50 000 euros à ce titre.
Sur la demande de rappel de prime
Lorsque le contrat de travail prévoit le versement d’une prime sur objectifs déterminée en fonction de l’atteinte d’objectifs annuels, mais qu’aucun objectif n’est fixé, il appartient au juge de déterminer le montant de la prime en fonction des critères visés au contrat, et, à défaut, des données de la cause.
Eu égard au montant alloué en 2015, la cour fait droit à la demande en paiement de la somme de 3 600 euros formée par la salariée, outre 360 euros au titre des congés payés afférents.
Sur la demande d’indemnité complémentaire de rupture ‘Clause Véolia’
Aux termes de la convention d’engagement social – annexe au contrat de cession d’actions de la société Centre d’analyses environnementales conclu entre la société Endetec et Afenix du 1er avril 2016-, le Cessionnaire (Afenix) s’est déclaré intéressé par l’acquisition, auprès du Cédant (Endetec), de la totalité des actions composant le capital social de la société CAE. Le Cédant a donc cédé ce jour au Cessionnaire la totalité des actions lui appartenant dans la société. En complément du contrat de cession d’actions de la société CAE conclu ce jour entre les parties, ces dernières ont souhaité préciser, par une convention annexe audit contrat, l’engagement social du cessionnaire. Cet engagement social, qui a été un élément déterminant pour le Cédant, fait partie intégrante du contrat de cession d’actions.
‘Le cessionnaire confirme son engagement de mettre en place un dispositif spécifique d’accompagnement des salariés du CAE qui pourraient être amenés à quitter les effectifs dans le cadre ci-après défini :
– Salariés éligibles à ce dispositif : salariés du CAE en contrat de travail à durée indéterminée présents à la date effective de conclusion du contrat de cession des actions de la Société CAE et dont la rupture de leur contrat de travail serait engagée dans le délai de 18 mois suivant cette date de cession.
– Modes de rupture donnant accès à cette disposition : tous les modes de rupture du contrat de travail à l’exclusion des licenciements pour motifs personnels, des démissions et des départs à la retraite.
– Montant de l’indemnité spécifique complémentaire : en complément de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ou de rupture conventionnelle, le cessionnaire s’engage à verser au salarié une indemnité spécifique complémentaire de rupture portant l’indemnité totale de rupture à 2,5 fois ladite indemnité légale ou conventionnelle dans la limite de deux plafonds de sécurité sociale (77 316,00 euros pour l’année 2016).’
L’employeur s’oppose au versement de cette indemnité en faisant valoir, d’une part, que la salariée, licenciée pour faute grave, n’y est pas éligible et, d’autre part, que sa demande aurait dû être formée contre la société Afenix et non contre la société CAE.
Dans la mesure où le licenciement pour faute grave de la salariée est jugé non fondé par la cour, la salariée peut prétendre au versement de cette indemnité. Sa demande, dirigée contre son employeur dont la société Afenix a acquis la totalité des parts sociales, est recevable. Au demeurant, la convention d’engagement social vise expressément la qualité d’employeur de la société Afenix en prévoyant que le cessionnaire est tenu de ses obligations du fait du contrat de travail qui le lie ou l’a lié au salarié concerné, du versement de l’ensemble des éléments financiers dus au salarié concerné à titre légal, conventionnel ou contractuel au titre du présent engagement et de devoir assumer sa qualité d’employeur à l’égard du ou des salariés concernés devant les tribunaux compétents saisis par le ou les salarié(s) concerné(s).
La cour alloue en conséquence à la salariée la somme de 45 243,75 euros à ce titre, par infirmation du jugement.
Sur la demande de reliquat du solde de tout compte
La salariée justifie qu’alors que son bulletin de salaire de juin 2016 mentionne un ‘net à payer’ de 2 748,97 euros, la somme de 2 535,32 euros a été virée par l’employeur sur son compte bancaire. Sa réclamation de 213,65 euros est justifiée et la cour y fait droit, par infirmation du jugement.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
Faute pour le liquidateur de démontrer que la salariée, intimée, dont la plupart des demandes sont accueillies, ait agi avec intention de nuire, sa demande de dommages-intérêts sera rejetée.
Sur les autres demandes
Il convient d’enjoindre au liquidateur de remettre à la salariée un bulletin de salaire rectificatif, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiés et conformes au présent arrêt.
En application de l’article L. 622-28 du code de commerce, le jugement du tribunal de commerce qui a prononcé l’ouverture de la procédure collective à l’encontre de la société CAE a arrêté le cours des intérêts légaux au 2 mai 2018. Les créances salariales porteront donc intérêts au taux légal de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes au 2 mai 2018.
Compte tenu de la date de la rupture, les créances de la salariée doivent être garanties par l’association UNEDIC délégation AGS CGEA Ile-de-France Est, à qui le présent arrêt est déclaré opposable, dans la limite des plafonds applicables, conformément aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail.
L’équité commande de laisser à chacune des parties la charge de ses frais exposés dans la présente procédure et non compris dans les dépens.
La société CAE succombant principalement à l’instance, il y a lieu de dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare recevable l’intervention volontaire de la Selarl JSA en sa qualité de liquidateur de la société CAE ;
Confirme le jugement en ce qu’il a alloué à Mme [Y] la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
L’infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Fixe la créance de Mme [Y] au passif de la liquidation judiciaire de la société CAE aux sommes de :
– 30 162,50 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
– 13 386 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 1 338,60 euros au titre des congés payés afférents ;
– 3 600 euros ;
– 360 euros au titre des congés payés afférents ;
– 45 243,75 euros à titre d’indemnité complémentaire de rupture ‘Clause Véolia’ ;
– 213,65 euros de reliquat de reçu pour solde de tout compte ;
Ordonne la remise par la Selarl JSA en sa qualité de liquidateur de la société CAE d’un bulletin de salaire rectificatif, d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiés, conformes au présent arrêt ;
Dit que les créances salariales seront garanties par l’association UNEDIC délégation AGS CGEA d’Ile de France Est, à qui le présent arrêt est déclaré opposable, dans la limite des plafonds applicables, conformément aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail ;
Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal de la date de réception par la société CAE de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes au 2 mai 2018 ;
Déboute la Selarl JSA en sa qualité de liquidateur de la société CAE de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE