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ORDONNANCE
N° 94
COUR D’APPEL D’AMIENS
RÉFÉRÉS
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 25 SEPTEMBRE 2023
**************************************************************
A l’audience publique des référés tenue le 25 Août 2023 par Mme Corinne BOULOGNE, Président de chambre délégué par ordonnance de Mme la Première Présidente de la Cour d’Appel d’AMIENS en date du 30 Mars 2023,
Assistée de Madame Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
Dans la cause enregistrée sous le N° RG 23/00081 et sous le N° RG 23/00082- N° Portalis DBV4-V-B7H-I2BD du rôle général.
ENTRE :
La société [I] PERE ET FILS TRAVAUX PUBLICS (SARL), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 1]
Assignant en référé suivant exploits de la SCP CHAUVIN ASSOCIES, Commissaires de Justice à Château-Thierry, en date du 07 Juillet 2023, d’une ordonnance de Référé, rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de Soissons, décision attaquée en date du 16 Juin 2023, enregistrée sous le n° 23/00052.
En présence de M. [O], gérant
Assisté par Me Jérôme LE ROY de SELARL LEXAVOUE AMIENS DOUAI, postulant et plaidant par Me Vincent GUISO substituant Me Xavier IOCHUM, avocat au barreau de METZ
ET :
La S.C.I. [I] [R] ET FILS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 1]
DEFENDERESSE au référé.
Représentée par Me Jean-Michel LECLERCQ-LEROY, avocat au barreau d’AMIENS postulant et plaidant par Me FARBOS DE LUZAN, avocat au barreau de PARIS
La S.E.L.A.R.L. R&D, prise en la personne de Maître [L] [C], agisssant en qualité d’Administrateur judiciaire de la SARL [I] PERE ET FILS TRAVAUX PUBLICS, désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Soissons en date du 11 Mai 2023
[Adresse 3]
[Localité 2]
La S.E.L.A.R.L. EVOLUTION, SELARL de Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Maître [U] [B] , agissant en qualité de mandataire judiciaire de la SARL [I] PERE ET FILS TRAVAUX PUBLICS, désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Soissons en date du 11 Mai 2023
[Adresse 3]
[Localité 2]
DEFENDERESSES au référé.
Représentées par Me Frédéric MANGEL, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
Madame la Présidente après avoir constaté qu’il s’était écoulé un temps suffisant depuis l’assignation pour que la partie assignée puisse se défendre.
Après avoir entendu :
– en son assignation et sa plaidoirie : Me Vincent GUISO, conseil de la société [I] PERE ET FILS TRAVAUX PUBLICS
– en ses conclusions et plaidoirie : Me FARBOS DE LUZAN, conseil de la S.C.I. [I] [R] ET FILS
– Me MANGEL, conseil de la S.E.L.A.R.L. R&D et de la S.E.L.A.R.L. EVOLUTION dépose son dossier et déclare s’en rapporter à ses conclusions.
L’affaire a été mise en délibéré au 25 Septembre 2023 pour rendre l’ordonnance par mise à disposition au Greffe.
La famille [I] a créé la société anonyme [I] Père et Fils, ci-après dénommée SA GPF, dans les années 1970. La SARL [I] Père et Fils Travaux Publics, ci-après dénommée la SARL GPF TP a été créée en 1994, son capital est détenu à 99,98% par la SA GPF.
Le 9 mars 2021, un protocole de cession d’actions a été régularisé entre la famille [I] d’une part et la société 2GF SAS d’autre part, concernant la SA GPF.
Par ailleurs, la SCI [I] [R] et Fils, ci-après dénommée SCI GMF, appartenant également à la famille [I], est propriétaire d’une carrière à ciel ouvert de sable calcaire et de calcaire grossier « Le Rocher », située sur les communes de Vierzy et de Berzy Le Sec, dont l’exploitation était confiée à la SARL GPF TP.
Après la cession, la SARL GPF TP, désormais gérée par M. [J] [O], a poursuivi l’exploitation de la carrière dans les mêmes conditions.
Le 10 mars 2023, la SCI GMF a adressé à la SARL GPF TP une itérative sommation de remettre en état la carrière et de la quitter.
Suivant acte d’huissier en date du 24 mai 2023, la SCI GMF a saisi le juge d’une demande visant à ordonner l’expulsion immédiate de la SARL GPF TP.
Par ordonnance rendue le 16 juin 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Soissons, a notamment :
– déclaré la SCI GMF recevable et bien fondée en son action en référé pour trouble manifestement illicite ;
– ordonné, en conséquence, l’expulsion immédiate de la SARL GPF TP et tous occupants de son chef de la carrière de sable calcaire et calcaire grossier « Le Rocher » sise sur les communes de [Localité 6] et de [Localité 4], et ce sous astreinte de 175 euros par jour de retard à compter de l’ordonnance et jusqu’à complète libération des lieux et remise des clés, le cas échéant ;
– ordonné l’enlèvement des biens et facultés mobilières de la SARL GPF TP entreposées dans les emprises de ladite carrière depuis le 9 mars 2021, et ce vers un lieu qu’elle jugerait approprié aux frais, risques et périls de cette même société, et ce sans un délai de 8 jours à compter du jugement ;
– ordonné à la SARL GPF TP de signer tout acte et document et faciliter toute démarche notamment auprès de l’autorité préfectorale visant à permettre l’exploitation effective régulière et paisible de la carrière par le futur acquéreur ;
– déclaré l’ordonnance commune et opposable à la SELARL R & D, ès qualité d’administrateur judiciaire de la SARL GPF TP selon le jugement du tribunal de commerce en date du 11 mai 2023 ;
– condamné la SARL GPF TP à payer à la SCI GMF la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit que l’exécution de l’ordonnance aurait lieu sur simple présentation de la minute ;
– rappelé que l’exécution provisoire était de droit ;
– condamné la SARL GPF TP aux entiers dépens.
La SARL GPF TP a relevé appel de ce jugement par déclaration d’appel en date du 23 juin 2023.
Suivant acte en date du 7 juillet 2023, actualisé par conclusions en date du 18 août 2023, la SARL GPF TP a fait assigner la SCI GMF devant Mme la Première présidente de la cour d’appel d’Amiens, au visa de l’article 514-3 du code de procédure civile, aux fins de voir :
– constater que l’exécution provisoire de l’ordonnance entreprise risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives et qu’il existe des moyens sérieux de réformation de cette décision ;
– en conséquence, arrêter l’exécution provisoire de l’ordonnance rendue le 16 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Soissons ;
– en tout état de cause, dire que les dépens suivront le sort du principal.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
– il n’existe pas de cause d’irrecevabilité puisque la décision condamnant M. [O] à une interdiction de gérer a été déclarée non avenue ;
– il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation du jugement dont appel dans la mesure où :
– le principe du contradictoire n’a pas été respecté puisque le président du tribunal judiciaire de Soissons a mis en délibéré ce dossier sur les seuls éléments fournis par la SCI GMF ;
– le premier juge avait connaissance d’un conflit d’intérêt qui ne permettait pas à l’avocat mandaté par la SARL GPF TP d’assurer sa défense ;
– le premier motif retenu en première instance, tiré de l’absence de garantie financière donnée à l’administration, est erroné ;
– il est faux d’indiquer que la SARL GPF TP exploitait sans titre la carrière, propriété de la SCI GMF car lors de la cession d’actions en mars 2021, les conditions d’exploitation n’ont pas été modifiées ;
– l’exécution du jugement entrepris entrainerait des conséquences manifestement excessives dans la mesure où :
– l’exécution de la décision compromettrait irrémédiablement son avenir ;
– elle fait actuellement l’objet d’une mesure de redressement judiciaire.
Par conclusions en réponse en date du 25 août 2023, la SCI GMF demande à Mme la Première présidente de bien vouloir :
– à titre principal, déclarer la SARL GPF TP irrecevable pour défaut de droit d’agir,
– à titre subsidiaire, débouter la SARL GPF TP de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– confirmer l’exécution provisoire de droit de l’ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de Soissons du 16 juin 2023, notamment en ce qu’elle prononce une astreinte fixée à la somme de 175 euros par jour de retard que la SARL GPF TP doit verser à la SCI GMF ;
– condamner la SARL GPF TP à payer la somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la SARL GPF TP aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
– M. [O], qui a fait l’objet d’une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler une personne morale pour une durée de dix ans, n’a pas qualité pour agir au nom d’une société ;
– il n’existe pas de moyens sérieux de réformation ou d’annulation de la décision dont appel dans la mesure où :
– la SARL GPF TP ne peut se prévaloir de sa propre turpitude car si son conseil n’a pu la défendre, c’est parce qu’elle lui avait caché son dépôt de bilan ;
– la SARL GPF TP échoue à rapporter la moindre preuve d’une quelconque diligence entreprise pour régulariser sa situation auprès de l’administration ;
– le comportement déloyal de la gouvernance de la SARL GPF TP est caractérisé ;
– il n’existe pas de conséquences manifestement excessives attachées à l’exécution du jugement dont appel dans la mesure où :
– l’expulsion ne concerne pas le siège principal d’activité de l’entreprise ;
– les dirigeants de la SARL GPF TP n’ont eu de cesse de dilapider les actifs de la société, que ce soit avant l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire que pendant la procédure, au mépris des règles de droit.
Par conclusions en réponse en date du 24 août 2023, les SELARL Evolution et R&D ont demandé à Mme la Première présidente de bien vouloir leur donner acte qu’elles s’en rapportent à la justice.
À l’audience du 12 juillet 2023, l’affaire a été renvoyée au 25 août 2023.
A l’audience du 25 août 2023, la SARL GFTP était représentée par Maître Guiso, son gérant M. [O] était également présent. La SCI GMF était représentée par Maître Farbos de luzan, la SELARL R&D et la SELARL Evolution étaient représentées par Maître Mangel.
Les parties ont repris oralement les moyens et prétentions développés dans leurs conclusions.
Maître Mangel s’en est rapporté à ses conclusions.
L’affaire a été mise en délibéré au 25 septembre 2023.
SUR CE,
En application de l’article 367 du code de procédure civile, pour une bonne administration de la justice et compte tenu de leur lien de connexité, il y a lieu d’ordonner la jonction des dossiers 23/00081 et 23/00082 sous le numéro 23/00081.
Sur la demande de suspension des mesures provisoires,
En application de l’article 514-3 du code de procédure civile, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
Doit être rappelé que les ordonnances de référé sont de plein droit exécutoires à titre provisoire et que le juge des référés n’a pas la possibilité d’écarter les mesures provisoires. Dès lors, il n’apparaît pas opportun d’exiger des parties qu’elles aient fait valoir des observations devant le premier juge.
La SARL GPF TP devra donc démontrer l’existence de conséquences manifestement excessives et de moyens sérieux de réformation ou d’annulation de la décision, tels qu’exigés par l’alinéa 1er de l’article 514-3 du code de procédure civile.
La SARL GPF TP fait valoir qu’elle a été placée en redressement judiciaire par le jugement du 11 mai 2023 et que son expulsion de la carrière aurait nécessairement pour conséquence de compromettre son avenir.
Cependant, sans expliciter les situations économiques des différentes sociétés en cause et notamment celle de 2 GF SAS, propriétaire de la SARL GFP TP, la demanderesse fait valoir être à la fois dans une situation économique qui serait irrémédiablement compromise par la perte de l’exploitation de la carrière et se trouver dans une situation économique suffisante pour faire face à son passif et disposer dès lors d’arguments en faveur d’une réformation du jugement prononçant son redressement judiciaire.
Il est manifeste que la SARL GFP TP, au-delà de ses contradictions, maintient une forme d’opacité sur l’ensemble de ses activités et notamment sur les sociétés auxquelles elle se trouve liée.
Au surplus, au vu des différents manquements de la SARL GFP TP, notamment dans ses obligations envers l’administration et la SCI GMF, propriétaire de la carrière, il convient de conclure que la demanderesse échoue à apporter la preuve de conséquences manifestement excessives attachées à l’exécution du jugement dont appel.
Les conditions de l’article 514-3 du code de procédure civile étant cumulatives, il n’est pas nécessaire d’apprécier les arguments soulevés au titre des moyens sérieux de réformation ou d’annulation de la décision dont appel.
La demande de la SARL GFP TP tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire de droit sera rejetée.
Sur les dépens et frais irrépétibles,
La SARL GPF TP, succombant à l’instance, supportera la charge des entiers dépens.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SCI GMF, à qui il est donné gain de cause, les frais irrépétibles qu’elle a dû exposer pour les besoins de la présente instance, la SARL GPF TP doit, en conséquence, être condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Ordonnons la jonction des dossiers 23/00081 et 23/00082 sous le numéro 23/00081 ;
Déboutons la SARL [I] Père et Fils Travaux Publics de sa demande de suspension des mesures provisoires attachées à l’ordonnance rendue le 16 juin 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Soissons ;
Déboutons les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamnons la SARL [I] Père et Fils Travaux Publics à payer à la SCI [I] [R] et Fils la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons la SARL [I] Père et Fils Travaux Publics aux entiers dépens de l’instance.
A l’audience du 25 Septembre 2023, l’ordonnance a été rendue par mise à disposition au Greffe et la minute a été signée par Mme BOULOGNE, Présidente et Mme CHAPON, Greffier.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,