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ND/PR
ARRÊT N° 590
N° RG 21/03427
N° Portalis DBV5-V-B7F-GNPH
S.AS.U FAGIDA
ENVIRONNEMENT
S.E.L.A.R.L. ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES
C/
[O]
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA
DE [Localité 6]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre sociale
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 novembre 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes de POITIERS
APPELANTES :
S.A.S.U. FAGIDA ENVIRONNEMENT
N° SIRET : 349 059 675
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 4]
S.E.L.A.R.L. ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES
Représentée par Me [Z] [N] ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société FAGIDA ENVIRONNEMENT et de commissaire à l’exécution du plan
N° SIRET : 533 357 695
[Adresse 2]
[Localité 3]
Intervenante volontaire
Ayant toutes deux pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
Ayant toutes deux pour avocat plaidant Me Marie-Laure QUIVAUX de la SARL CAPSTAN OUEST, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉE :
Madame [S] [O] épouse [D]
née le 19 septembre 1969 à [Localité 9] (86)
[Adresse 1]
[Localité 5]
Ayant pour avocat Me Estelle LE ROUX, avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉE SUR ASSIGNATION FORCÉE :
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 6] –
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 6]
Assignée en intervention forcée le 4 avril 2022
Défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 27 septembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Ghislaine BALZANO, Conseillère
Monsieur Nicolas DUCHATEL, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [S] [D] née [O] a été recrutée par la société Etablissements Pierre Germaneau – Fagida, aux droits de laquelle vient la SAS Fagida Environnement, par contrat à durée déterminée de 6 mois, prenant effet le 1er septembre 1987, et renouvelé pour une nouvelle période de 6 mois le 1er mars 1988, en qualité d’employée de bureau dactylo.
Le relations contractuelles se sont poursuivies dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 1988.
En avril 2019, à la suite d’une cession d’actions, la société SARL Conform sise à [Localité 10]), représentée par son Président M. [I] [B], est devenue la nouvelle associée unique et présidente de la société Fagida Environnement.
La société Conform est également l’actionnaire unique de la SAS Stivent Industrie, dont M. [I] [B] est le représentant, qui entretenait des relations commerciales avec la société Fagida Environnement avant sa reprise.
Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [D] occupait le poste d’adjointe de direction, statut cadre, position II, coefficient 135 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, avec un salaire brut mensuel de 3.310 euros.
Mme [D] a été placée en arrêt maladie à compter du 28 septembre 2019.
Par lettre recommandée en date du 2 octobre 2019, Mme [D] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 14 octobre 2019.
La société Fagida Environnement a notifié à Mme [D] son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 22 octobre 2019 en lui reprochant ses agissements fautifs contraires à la sécurité des accès aux comptes bancaires de la société en ayant notamment inscrit les codes d’accès aux comptes bancaires sur les cartes et les boitiers y afférents, et de ne pas avoir respecté les directives de la nouvelle direction notamment en ne formant pas l’une de ses collègues pour travailler en binôme avec elle sur l’expédition des marchandises et la saisie des commandes.
Par requête datée du 22 avril 2020, Mme [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Poitiers afin notamment de contester les modalités de la rupture de son contrat de travail, et le conseil, par jugement en date du 22 novembre 2021, a :
dit et jugé que le licenciement pour faute grave de Mme [D] doit être requalifié en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
dit et jugé que les demandes de Mme [D] à l’encontre de la société Fagida Environnement sont en grandes parties fondées,
condamné la société Fagida à payer à Mme [D] les sommes suivantes :
22.716,45 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents,
61.953,97 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
51.896 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
823,68 euros bruts à titre de rappel de salaire au titre de l’application du minima conventionnel,
1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
ordonné la fourniture de documents rectifiés (bulletins de salaire, solde de tout compte, certificat de travail, attestation Pôle Emploi) sous astreinte de 70 euros par jour et par document sous quinzaine à compter de la décision,
ordonné l’exécution provisoire de la décision hormis en ce qui concerne l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’article 700 du code de procédure civile,
débouté Mme [D] de ses autres demandes,
ordonné à la société Fagida Environnement de rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à Mme [D] du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement prononcé dans la limite de la somme de 1.000 euros,
dit que l’ensemble des sommes à verser à Mme [D] porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,
débouté la société Fagida environnement de l’intégralité de ses demandes,
condamné la société Fagida environnement aux entiers dépens.
La société Fagida Environnement a interjeté appel de cette décision selon déclaration reçue au greffe de la cour le 7 décembre 2021.
Par jugement en date du 14 décembre 2021, le tribunal de commerce de Poitiers a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Fagida Environnement et désigné la SELARL Actis en qualité de mandataire judiciaire.
Suivant ordonnance d’incident en date du 5 juillet 2022, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Poitiers a déclaré recevable la demande de radiation de l’affaire du rôle de la cour formée par Mme [D] sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile et l’a déboutée de sa demande.
Par jugement du 13 juin 2023, le tribunal de commerce de Poitiers a arrêté un plan de redressement et la SELARL Actis a été maintenue en sa qualité de mandataire judiciaire pendant le temps nécessaire à la vérification et à l’établissement définitif de l’état des créances et nommée commissaire à l’exécution du plan.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 28 août 2023, auxquelles il est expressément fait référence, la société Fagida Environnement et la SELARL Actis Mandataires Judiciaires, agissant en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société et de commissaire à l’exécution du plan de redressement, demandent à la cour de :
déclarer la société Fagida Environnement bien fondée en son appel,
infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
dit et jugé que le licenciement pour faute grave de Mme [D] doit être requalifié en licenciement dépourvu de cause reelle et sérieuse,
dit et jugé que les demandes de Mme [D] à son encontre sont en grande partie fondées,
condamné la societé à verser a Mme [D] les sommes suivantes :
22.716,45 euros bruts au titre de l’indemnite compensatrice de préavis et des congés y afférents,
61.953,97 euros au titre de l’indemnite de licenciement,
51.896 euros à titre de dommages et interêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
823,68 euros bruts à titre de rappel de salaire au titre de l’application des minima conventionnels (au titre de l’exercice 2019),
1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procedure civile.
ordonné la fourniture des documents rectifiés sous astreinte de 70 euros par jour et par document sous quinzaine à compter de la décision,
ordonné l’exécution provisoire de la décision, hormis en ce qui concerne l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’article 700 du code de procédure civile,
ordonné à la société de rembourser à Pôle Emploi, en vertu des dispositions de l’article L1235-4 du code du travail, les indemnités de chômage versées à Mme [D] du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de la somme de 1.000 euros,
dit que l’ensemble des sommes à verser à Mme [D] porteront intérêt au taux legal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,
débouté la société de l’intégralité de ses demandes,
condamné la société aux entiers dépens.
constater l’intervention volontaire de la société Actis mandataires judiciaires représentée par Maître [Z] [N] ès qualités,
débouter Mme [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
condamner Mme [D] à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner Mme [D] aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel, y compris ceux éventuels d’exécution, lesdits dépens seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 4 août 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Mme [D] demande à la cour de :
la dire recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions,
dire la SAS Fagida Environnement et la SELARL Actis Mandataires judiciaires irrecevables et mal fondées en toutes leurs demandes, fins et conclusions et les débouter,
confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes du 22 novembre 2021, et au vu de la procédure collective de l’employeur, y ajouter :
fixer la créance qu’elle détient sur la SAS Fagida Environnement à :
22.716, 45 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents,
61.953,97 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
51.896 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
823,68 euros bruts à titre de rappel de salaire au titre de l’application du minima conventionnel,
1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
dire que l’ensemble des sommes à lui verser porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes, soit le 22 avril 2020,
ordonner la fourniture de documents rectifiés sous astreinte de 70 euros par jour et document, sous quinzaine à compter de la décision à intervenir,
condamner la SAS Fagida Environnement à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La délégation Unédic AGS – CGEA de [Localité 6] a indiqué, par courrier daté du 13 juin 2022, qu’elle ne sera pas représentée dans le cadre de cette affaire.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 30 août 2023.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 26 novembre 2023.
MOTIVATION
1. Sur le licenciement pour faute grave
La faute grave, qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui doivent être d’une importance telle qu’ils rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis.
Le licenciement pour faute grave implique une réaction immédiate de l’employeur, la procédure de licenciement devant être engagée dans des délais restreints et le licenciement devant intervenir rapidement.
La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe exclusivement à l’employeur et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier, au vu des éléments de preuve figurant au dossier, si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat de travail, et d’une gravité suffisante pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise.
Si elle ne retient pas la faute grave, il appartient à la juridiction saisie d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur, conformément aux dispositions de l’article L1232-1 du code du travail.
En l’espèce, la société Fagida Environnement et la SELARL Actis Mandataires Judiciaires, ès qualités, font notamment valoir que Mme [D] a agi en méconnaissance des règles élémentaires en matière de sécurité bancaire qu’elle s’était vue rappeler en inscrivant les différents codes relatifs aux comptes bancaires de la société sur des post-it avec les cartes bancaires (identifiants, mots de passe, code de vérification à 4 chiffres de la carte bancaire), l’ensemble étant contenu dans une mallette avec également les lecteurs d’identification bancaires, alors que le bon sens et la responsabilité attendue d’une salariée au statut cadre expérimentée était de ne pas mentionner ces informations sur un support écrit pouvant être subtilisé.
L’employeur ajoute que la salariée est revenue dans les locaux de l’entreprise le matin du lundi 30 septembre 2019, alors qu’elle était en arrêt maladie, pour remettre cette mallette qu’elle avait conservée à son domicile à une collègue, pour permettre, en interne, l’accès aux comptes et le virement des salaires du personnel, et qu’en cas de vol de la mallette ou de simple ouverture, toute personne aurait pu accéder aux données bancaires de la societé, pirater les comptes de l’entreprise, et ainsi détourner l’argent de la société. En réponse à la motivation du jugement déféré, l’employeur précise que le caractère réel et sérieux d’une faute ne s’apprécie pas en considération d’un préjudice et que fort heureusement, les manquements de la salariée n’ont pas conduit la société à être la victime d’une fraude bancaire.
L’employeur affirme que Mme [D], quel que soit le périmètre de ses habilitations sur les comptes bancaires, a commis une faute grave en ne respectant pas les règles élémentaires de sécurité bancaire, et que l’existence de documents bancaires et de cartes bancaires à son nom prouvent qu’elle disposait de la faculté de mener des opérations sur les comptes en sa qualité d’adjointe de direction et qu’elle était habilitée à effectuer des virements.
Il ajoute que la salariée n’avait pas reçu pour directive de sortir les sauvegardes informatiques, les chéquiers, les cartes et boitiers bancaires qu’elle a ramenés le 30 septembre 2019 à l’extérieur de la société, et que jamais la salariée n’a informé, ni sollicité l’autorisation du dirigeant de l’entreprise pour sortir ces éléments de la société.
Il relève que la salariée prétend qu’elle n’a commencé la formation de sa collègue demandée en avril 2019, à la suite du changement de direction de la société, qu’en juillet 2019, ce qui démontre son manque de diligence, alors que former une personne sur l’expédition des marchandises et la saisie des commandes représente une formation de courte durée d’une demi journée maximum, alors qu’elle ne démontre pas avoir été confrontée à une surcharge de travail.
Enfin, l’employeur soutient que la salariée ne rapporte pas la preuve des faits qu’elle impute à M. [B], à savoir qu’il aurait voulu ‘alléger’ la société des salariés ayant le plus d’ancienneté et la plus forte rémunération, et que cette allégation est scandaleuse alors même qu’il avait revalorisé le coefficient de la salariée en juin 2019 et l’avait inscrite à une formation en octobre 2019 pour permettre son adaptation au nouveau logiciel comptable.
En réplique, Mme [D] fait valoir notamment que M. [B] a acquis indirectement, en avril 2019, 100 % des actions de la société Fagida Environnement pour l’euro symbolique, compte tenu des dernières pertes comptables, et qu’il était clair que M. [B] avait un objectif immédiat purement financier, celui d’améliorer le compte de résultat de la société en allégeant au plus vite la masse salariale, ce qui s’est traduit par le licenciement pour faute grave des 2 salariés les plus anciens et les plus fortement rémunérés, déclarés tous deux sans cause réelle et sérieuse par le conseil de prud’hommes de Poitiers, et par une pression permanente de la nouvelle direction à son égard traduisant une volonté de la pousser à la faute. Elle ajoute que l’employeur avait clairement pour objectif de supprimer son poste qui faisait doublon avec le poste de Mme [M], comptable de la société Stivent Industrie et qui a repris ses fonctions.
Elle affirme qu’elle était autorisée, sur le compte bancaire de la société, uniquement à consulter les comptes bancaires en ligne, créer un compte de tiers en enregistrant le relevé d’identité bancaire du compte tiers dans la base de données de l’entreprise, préparer les remises de chèques, préparer les virements mais non les valider, car elle n’avait pas ce pouvoir de valider les virements bancaires mais seulement de les préparer, avant que M. [B] ne les valide.
Elle affirme que son licenciement ne peut être fondé dans la mesure où les prétendus risques graves pour l’entreprise relèvent d’allégations mensongères, que l’employeur tente de faire croire qu’elle avait de larges pouvoirs bancaires sur le compte de la société alors que ses pouvoirs se limitaient à la préparation des virements et remises bancaires et qu’elle ne disposait d’aucune habilitation pour effectuer des paiements et retirer des fonds, tout mouvement bancaire devant être validé par M. [B], de sorte que la prétendue possible subtilisation de ses codes et cartes bancaires, remis le 30 septembre 2019 à sa collègue Mme [E], ne présentait aucune utilité pour toute personne mal intentionnée.
Mme [D] indique que le lundi 30 septembre 2019, bien qu’en arrêt maladie, elle est allée à l’entreprise pour remettre les sauvegardes informatiques, les chéquiers, ses 2 cartes bancaires ‘Cyberplus’ et ‘Visu+ Création’ ainsi que les 2 lecteurs d’authentification, afin de les confier à Mme [E], personne de confiance, et que sachant que M. [B] venait ce même lundi à 14h00, elle a glissé à titre exceptionnel dans la sacoche remise les codes de ses 2 cartes bancaires, alors qu’elle a toujours été attentive à transporter les cartes et lecteurs d’authentification sans ses codes d’accès qu’elle laissait à son domicile.
Elle ajoute qu’elle occupait le poste d’Adjointe de Direction ‘ Position Cadre niveau II ‘ Coefficient 135 et qu’au regard de l’article 21 de la convention collective, le niveau II correspond au poste d’un cadre qui exerce ses fonctions notamment dans le domaine administratif ou de gestion avec des responsabilités limitées dans le cadre des missions ou des directives reçues de son supérieur hiérarchique, et qu’il est donc contradictoire de soutenir qu’elle devait s’assurer de la sécurité des comptes bancaires.
La salariée soutient qu’il incombait à la nouvelle direction de la société de donner des directives précises sur le traitement et la conservation des cartes et boitiers bancaires et que dans les faits elle n’a jamais eu un quelconque entretien avec sa nouvelle direction depuis le rachat de l’entreprise en avril 2019, afin de discuter du fonctionnement de la société ou encore de ses fonctions et de son rôle dans l’entreprise.
Mme [D] ajoute que l’employeur ne démontre aucunement qu’elle aurait eu une volonté délibérée de ne pas former sa collègue comme il le prétend, et qu’elle a au demeurant parfaitement exécuté cette consigne, dans un contexte professionnel malsain et de surcharge de travail qui a généré chez elle un état de stress et de fatigue qui s’est traduit par un arrêt maladie le 30 septembre 2019, alors qu’elle n’a jamais fait l’objet d’un quelconque avertissement ou même reproche de la part de ces 2 précédentes directions.
Sur ce,
Il résulte de la lettre de licenciement datée du 22 octobre 2019 que Mme [D] a été licenciée pour fautes graves en ces termes :
« Vous exercez les fonctions d’Adjointe de direction au sein de la société.
Compte tenu de ces fonctions et de votre séniorité au sein de l’entreprise, vous vous deviez d’assurer la sécurité des accès aux comptes bancaires de la société.
Or, le 30 septembre 2019, nous nous sommes aperçus que vous aviez inscrit les codes d’accès aux comptes bancaires de la société sur les cartes et les boitiers y afférents !
Outre les chéquiers, les cartes bancaires et les boitiers précités de la société contenus dans la mallette, vous y aviez également mis les courriers des banques accompagnant l’envoi des nouvelles cartes bancaires de l’entreprise suite à son rachat.
Ces courriers comportaient les codes des cartes, en mentionnant, de manière explicite, qu’il convenant de détruire ces courriers et non de les conserver pour assurer la sécurité bancaire de l’entreprise…
Ainsi en prenant la mallette, n’importe qui avait la possibilité d’accéder, sans la moindre difficulté, aux comptes bancaires de l’entreprise.
Votre traitement de la conservation de cartes et boitiers bancaires avec mention des codes d’accès constitue une faute grave.
En cas de subtilisation de la mallette par un tiers à la Direction, la société était exposée à un risque grave de divulgation d’informations bancaires, mais également, et surtout, à un risque grave de subtilisation de tout ou partie de ses fonds.
Par ailleurs, outre cette faute grave, nous devons déplorer votre non respect des directives de la nouvelle direction de la société.
A titre d’illustration, nous vous avions demandé de former Madame [E] [R] [T], employée en qualité d’employée administraf, pour travailler en binôme sur l’expédition des marchandises et la saisie des commandes.
Vous n’avez pas respecté cette directive sans la moindre explication.
Compte tenu de la gravité des fautes qui vous sont reprochées, votre maintien dans l’entreprise est impossible. (…) ».
Il convient de rappeler en premier lieu qu’en application de l’article L1232-6 du code du travail, lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception et que cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur. En application de cet article, la lettre de licenciement fixe les limites du litige et c’est au regard des seuls motifs énoncés dans la lettre que s’apprécie le bien-fondé du licenciement.
En l’espèce, force est de constater que les griefs tirés du fait que la salariée n’avait pas reçu pour directive de sortir les sauvegardes informatiques, les chéquiers, les cartes et boitiers bancaires à l’extérieur de la société et qu’elle n’avait jamais informé son employeur, ni sollicité l’autorisation du dirigeant de l’entreprise pour emporter ces éléments à son domicile, ne sont pas visés dans la lettre de licenciement et qu’ils ne peuvent donc qu’être écartés. Les développements conséquents consacrés par l’employeur à ces griefs dans ses écritures sont donc inopérants.
Au demeurant, l’employeur reste taisant sur les procédures internes qu’il avait pu déployer à l’occasion de la reprise de la société Fagida Environnement en matière de protection de ces informations sensibles et sur les consignes qu’il avait pu donner à Mme [D].
S’agissant du premier grief relatif à la conservation des cartes et boitiers bancaires avec mention des codes d’accès, il est établi que Mme [D] disposait à son domicile le 30 septembre 2019 d’une mallette contenant des informations et du matériel sensibles appartenant à l’employeur : sauvegardes informatiques, chéquiers, cartes bancaires ‘Cyberplus’ et ‘Visu+ Création’ et boitiers bancaires ou lecteurs d’authentification.
Il est également établi qu’elle a décidé de rapporter cette mallette au premier jour de son arrêt maladie pour la remettre à sa collègue, Mme [E], afin que celle-ci puisse assurer les tâches qui lui étaient confiées en son absence, et qu’elle a décidé d’apposer sur les cartes les codes personnels confidentiels dont elle disposait sur des ‘post-it’.
Ce faisant, il est incontestable que Mme [D] a commis une imprudence, ce qu’elle ne conteste pas, puisqu’elle indique dans ses écritures qu’elle a ‘toujours été très attentive à transporter ses cartes et lecteurs d’authentification sans les codes d’accès qu’elle laissait à son domicile’. Les courriers versés aux débats par l’employeur, trouvés dans la mallette, invitant la salariée à ne jamais écrire les codes sur quelque support que ce soit, suffisent à établir que Mme [D] avait bien été alertée sur la nécessité de veiller à la non divulgation de ces codes. Il lui appartenait par conséquent de communiquer les codes d’accès à sa collègue d’une manière différente, afin d’éviter, dans l’hypothèse d’une perte ou d’un vol de la mallette, qu’une personnes mal intentionnée puisse, à l’aide de ces informations et des cartes, accéder en consultation aux comptes de la société ou créer et enregistrer des relevés d’identité bancaire de tiers.
Il ressort toutefois des informations fournies relatives aux habilitations bancaires de Mme [D] et des explications apportées par les parties à l’audience, convergentes sur ce point, que la salariée ne pouvait que préparer les virements qui devaient par la suite être validés par M. [B], et que les cartes bancaires litigieuses ne permettaient pas des retraits de fonds.
Dès lors, l’éventuelle perte de la mallette, ou son vol, n’aurait pas pu directement entraîner la possibilité pour l’auteur du vol d’effectuer des virements ou des retraits de fonds frauduleux, contrairement à ce que soutient l’employeur dans la lettre de licenciement, qui mentionne ‘surtout’ un ‘risque grave de subtilisation de tout ou partie de ses fonds’, sauf à supposer que le dirigeant de l’entreprise pouvait valider les virements qui se présentaient à lui sans procéder à un minimum de vérifications.
La cour retiendra donc que l’imprudence commise par Mme [D] était susceptible de permettre l’accès à des informations confidentielles, sans toutefois entraîner un risque de subtilisation des fonds appartenant à l’entreprise.
Quant au second grief visé dans la lettre de licenciement, à le supposer avéré, le fait que Mme [D], salariée depuis 32 ans au sein de l’entreprise sans aucun passif disciplinaire, n’ait pas formé dans les 4 mois qui ont suivi la reprise de l’entreprise l’une de ses collègues à la réalisation d’une tâche, suffisamment simple pour ne nécessiter qu’une demi-journée de formation, ne saurait justifier la rupture du contrat de travail.
Il convient toutefois de retenir que l’employeur, sur lequel pèse la charge de la preuve, ne démontre pas qu’il avait pu fixer à sa salariée une date butoir pour assurer la formation de sa collègue ni qu’il l’avait alertée sur le caractère prioritaire de cette mission. En tout état de cause, le délai écoulé entre la reprise de l’entreprise au mois d’avril et la convocation de la salariée à l’entretien préalable fin septembre, sur une période impactée par des congés d’été et deux arrêts maladie, était trop court pour justifier le prononcé d’une quelconque sanction disciplinaire.
Dès lors, seule l’imprudence commise par la salariée le 30 septembre 2019 est susceptible d’être sanctionnée par l’employeur.
Pour apprécier la nature de la sanction proportionnée à cette faute, il convient de rappeler le contexte très particulier de l’imprudence commise par la salariée, survenue au surlendemain d’un arrêt maladie délivré pour ‘anxiété majeure’, dans un contexte de reprise d’entreprise, alors que Mme [D] avait pris l’initiative de rapporter la mallette à sa collègue afin qu’une continuité de service puisse être assurée au sein de l’entreprise, étant relevé qu’il n’a pas été contesté que cette mallette avait été directement remise par Mme [D] à Mme [E], sans intermédiaire, avant que cette dernière ne la remette au dirigeant de l’entreprise. Il n’est pas indifférent de relever que Mme [E] était la salariée que l’employeur souhaitait voir travailler davantage en binôme avec Mme [D].
Au bénéfice de ces observations, et au regard de l’ancienneté de la salariée et de l’absence de tout antécédent disciplinaire, la cour considère que cette imprudence ponctuelle, dans un tel contexte, ne pouvait pas constituer une faute grave, ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le licenciement pour faute grave de Mme [D] est par conséquent sans cause réelle et sérieuse et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
2. Sur le rappel de salaire au titre du minimum conventionnel
Mme [D] soutient qu’elle relevait à compter du 1er janvier 2016 du coefficient 135 ‘position II, qui n’a été régularisé qu’à partir de juin 2019, au regard du poste d’adjointe de direction qu’elle occupait. Elle précise qu’elle s’en tient toutefois à la décision du conseil de prud’hommes, à savoir que le rappel du minimum conventionnel qu’elle revendique se fera à compter du 1er juin 2019, sur la base d’un salaire de référence pour les 3 derniers mois de 3.459,76 euros, et d’un rappel de salaires de 748,80 euros (149,76 x 5 mois) outre la somme de 74,88 euros de congés payés, soit la somme globale de 823,68 euros bruts à titre de rappel de salaires.
La salariée expose en réponse aux moyens de défense que l’accord du 8 janvier 2019, étendu, énonce clairement dans son article 1er son champ d’application ainsi que sa date d’effet, soit au 1er janvier 2019 et que ses bulletins de salaires démontrent que cette convention collective étendue ainsi que ses accords sur les salaires ont toujours été appliqués par l’employeur.
L’employeur soutient qu’il n’est pas adhérent à l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), organisme patronal signataire des dispositions conventionnelles de la métallurgie, et que la grille des salaires minimums s’applique donc à compter du 28 septembre 2019, au lendemain de la date de la publication de l’arrêté d’extension de la nouvelle grille conventionnelle, et non au 1er juin 2019. Il ajoute que la salariée étant en arrêt maladie à compter du 30 septembre 2019, elle pouvait percevoir un maintien de salaire à compter du 30 septembre 2019 mais sous déduction des indemnités journalières de la sécurité sociale, et ce jusqu’au 22 octobre 2019, date de la rupture de son contrat de travail.
Sur ce,
Il est constant que la relation contractuelle a été soumise à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
L’accord du 8 janvier 2019 relatif aux salaires minimaux garantis pour l’année 2019 conclu dans le cadre de cette convention collective a été étendu par arrêté du 23 septembre 2019 publié au Journal officiel le 27 septembre 2019.
L’arrêté du 23 septembre 2019 prévoit en son article 2 que ‘l’extension des effets et sanctions de l’accord susvisé prend effet à compter de la date de publication du présent arrêté pour la durée restant à courir et aux conditions prévues par ledit accord’. (Soulignement ajouté)
Or, il est constant que cet accord fixe des barèmes d’appointements minimaux définis de manière annuelle, pour toute l’année 2019, de sorte que l’employeur, à le supposer non-adhérent de l’UIMM, ce qu’il ne démontre pas pour l’année civile 2019, était bien tenu de respecter ce barème pour toute l’année 2019.
Le barème des appointements minimaux annuels garantis à partir de 2019, pour une durée hebdomadaire de travail effectif de 35 heures, sur la base mensualisée de 151,66 heures, est fixé pour le coefficient 135 à 38.738 euros.
Mme [D] est donc bien fondée à réclamer un salaire horaire mensuel de 21,29 euros pour les heures normales (151,67 heures par mois) et de 26,61 euros pour les heures majorées à 25 % (8,67 heures par mois) en lieu et place des taux horaires perçus de 20,37 euros et 25,46 euros, et ce à compter du 1er juin 2019, date à laquelle elle a bénéficié du coefficient 135.
Il convient toutefois de rappeler que la société Fagida Environnement a notifié à Mme [D] son licenciement pour faute grave le 22 octobre 2019, de sorte que la somme due au titre du mois d’octobre doit être calculée prorata temporis. Pour le surplus, l’employeur, sur lequel pèse la charge de la preuve en matière de paiement du salaire, ne justifie pas des modalités de maintien de salaire applicables en matière d’arrêt maladie au sein de l’entreprise, de sorte qu’il n’y a pas lieu à déduction d’éventuelles indemnités journalières sur la période du 30 septembre 2019 au 22 octobre 2019.
L’employeur est par conséquent redevable d’une somme de 708,86 euros à titre de rappel de salaires, outre la somme de 70,89 euros au titre des congés pays afférents, et la décision déférée doit être infirmée en ce qu’elle a retenu une somme supérieure.
3. Sur les conséquences indemnitaires du licenciement abusif
La salariée est fondée à obtenir paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, d’une indemnité au titre des congés payés afférente, d’une indemnité de licenciement et d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il convient de tenir compte, pour le calcul du salaire moyen, du rappel de salaire mensuel au titre de l’application des dispositions de la convention collective s’agissant des salaires minimaux garantis dont la cour a retenu le bien fondé.
L’article 27 de la convention collective nationale applicable prévoit que le délai de préavis est de 4 mois pour l’ingénieur ou cadre âgé de 50 à 55 ans, la durée de préavis étant portée à 6 mois si l’intéressé a 5 ans de présence dans l’entreprise. Mme [D] peut donc prétendre à une indemnité de préavis de 6 mois, calculée sur la base d’une rémunération brute mensuelle moyenne sur les 12 mois précédant la rupture de 3.359,92 euros, soit la somme de 20.159,52 euros outre une somme de 2.015,95 euros au titre des congés payés afférents.
Il convient donc d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu une somme supérieure et condamné la société au paiement de cette somme, la créance de Mme [D] ne pouvant qu’être inscrite au passif de la procédure collective de la société SAS Fagida Environnement.
En application de l’article 29 de la convention collective applicable, Mme [D] a droit à une indemnité conventionnelle de licenciement majorée de 20 % mais plafonnée à 18 mois de traitement, soit la somme de 60.478,56 euros. Le jugement déféré, qui a retenu une somme différente, doit par conséquent être infirmé de ce chef.
Selon l’article L1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié dont l’ancienneté est supérieure à 30 ans une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre 3 et 20 mois de salaire brut.
Pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture à l’exception de l’indemnité de licenciement mentionnée à l’article L1234-9.
Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L1235-12, L1235-13 et L1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au présent article.
En l’espèce, aucune réintégration n’est sollicitée ni proposée. Mme [D] est donc bien-fondée à obtenir l’indemnisation du préjudice subi du fait de ce licenciement non fondé.
La salariée soutient que la décision brutale de l’employeur a eu des répercussions sur son état de santé, qu’elle a déclenché un zona thoracique le soir de son entretien préalable, qu’elle n’a toujours pas retrouvé d’emploi à ce jour en rapport avec son expérience et ses compétences professionnelles et qu’elle est en fin de droit depuis le mois d’octobre 2022. Elle affirme qu’elle n’est pas en état de retrouver un emploi, notamment vu son âge, son état de santé et son absence de formation professionnelle dans un secteur autre que celui qu’elle a toujours pratiqué pendant des années.
L’employeur fait notamment valoir en réplique que la salariée ne saurait obtenir l’indemnisation réclamée au titre des dommages et intérêts en considération des faibles éléments produits aux débats, alors que sa perte de revenu n’est pas de 45% mais de 38%, qu’elle ne justifie d’aucun enfant à charge ni d’une recherche d’emploi active et qu’elle a retrouvé un emploi.
Sur ce,
Mme [D] justifie du fait qu’elle a épuisé ses droits à l’allocation d’aide au retour à l’emploi à compter du mois de septembre 2022. Elle a par ailleurs repris un emploi à temps partiel depuis le 1er janvier 2021 en qualité de caissière dans l’établissement de son époux, charcutier-traiteur. Il est donc établi que la salariée n’a pas retrouvé un emploi à la hauteur des responsabilités et de la rémunération qui étaient les siennes au sein de la société Fagida Environnement. Il doit toutefois être relevé que Mme [D] ne produit que des courriers ou relevés Pôle Emploi, et qu’elle ne justifie pas des recherches d’emploi actives entreprises.
Dès lors, au regard de ces éléments, de l’ancienneté (32 ans) et de l’âge de la salariée (50 ans) à la date de la rupture du contrat de travail, il y a lieu de lui allouer une somme de 43.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La décision déférée doit donc être infirmée en ce qu’elle a retenu une somme supérieure.
4. Sur l’application des dispositions de l’article L 1235- 4 du code du travail
Dans les cas prévus aux articles L1235 – 3 et L1235 -11 du code du travail, l’article L1235 – 4 fait obligation au juge d’ordonner, même d’office, le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.
Dans le cas d’espèce, il y a lieu d’inscrire sur le relevé des créances de la procédure collective de la société Fagida Environnement la créance de Pôle emploi portant sur les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de trois mois. Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a ordonné à la société Fagida Environnement de rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à Mme [D] dans la limite de la somme de 1.000 euros.
5. Sur les intérêts
En application des dispositions des articles 1231-6 du code civil et R1452-5 du code du travail, les intérêts des sommes allouées en exécution des relations de travail courent à compter de la réception de la demande qui en a été faite devant le conseil, c’est à dire à la date de la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation qui vaut citation en justice, et les intérêts des indemnités pour licenciement abusif courent à compter de la décision qui les fixe.
En application des articles L622-28 et L631-14 du code de commerce, le cours des intérêts des créances nées antérieurement est arrêté définitivement par le jugement d’ouverture du redressement judiciaire et ne reprend pas avec le jugement arrêtant le plan de cession.
En l’espèce, les sommes allouées à titre de salaires (indemnité de préavis et indemnités de congés payés, rappel de salaire), porteront intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2020 et jusqu’au 14 décembre 2021. Les sommes allouées à titre indemnitaire (dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité de licenciement), produiront intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2021, date du jugement du conseil de prud’hommes, et jusqu’au 14 décembre 2021.
Le jugement déféré doit par conséquent être infirmé en ce qu’il a dit que l’ensemble des sommes à verser à Mme [D] porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes.
6. Sur les demandes accessoires
La décision sera déclarée opposable à l’Unédic AGS – CGEA de [Localité 6].
La société Fagida Environnement sera condamnée à délivrer à Mme [D] les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa notification, sans qu’il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de la société n’étant versé au débat. La demande d’astreinte doit par conséquent être rejetée et le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
La SAS Fagida Environnement succombant, les dépens de première instance et d’appel seront mis à sa charge. Elle ne peut en conséquence bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et la somme de 1.500 euros sera inscrite au passif de sa procédure collective au titre des frais irrépétibles de première instance. Elle devra par ailleurs payer à Mme [D] à ce titre la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.
La décision de première instance sera donc confirmée dans les quantum retenus et en ce qu’elle a débouté la société de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile, mais infirmée en ce qu’elle a condamné la société aux dépens et au paiement d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
Infirme le jugement rendu le 22 novembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Poitiers sauf en ce qu’il a retenu que le licenciement pour faute grave de Mme [S] [D] née [O] devait être requalifié en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et débouté la SAS Fagida Environnement de l’intégralité de ses demandes ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Fixe les créances de Mme [S] [D] née [O] au passif de la procédure collective de la SAS Fagida Environnement aux sommes suivantes :
20.159,52 euros au titre de l’indemnite compensatrice de préavis et 2.015,95 euros au titre des congés payés afférents,
708,86 euros à titre de rappel de salaires et 70,89 euros au titre des congés pays afférents,
60.478,56 euros à titre d’indemnité de licenciement,
43.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance.
Rappelle que le jugement d’ouverture de la procédure collective emporte arrêt du cours des intérêts ;
Dit que les créances de nature salariale de Mme [S] [D] née [O] portent intérêts légaux à compter du 27 mai 2020 et jusqu’au 14 décembre 2021 ;
Dit que les créances de nature indemnitaire de Mme [S] [D] née [O] allouées par le présent arrêt portent intérêts légaux à compter du 22 novembre 2021 et jusqu’au 14 décembre 2021 ;
Condamne la SAS Fagida Environnement à délivrer à Mme [S] [D] née [O] des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa notification ;
Déboute Mme [S] [D] née [O] de sa demande d’astreinte ;
Inscrit sur le relevé des créances de la procédure collective de la SAS Fagida Environnement la créance de Pôle emploi portant sur les indemnités de chômage versées Mme [S] [D] née [O] à compter du jour de son licenciement et dans la limite de trois mois d’indemnités chômage ;
Déclare l’arrêt opposable à l’Unédic AGS – CGEA de [Localité 6] ;
Condamne la SAS Fagida Environnement à payer à Mme [S] [D] née [O] une somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;
Déboute la SAS Fagida Environnement de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Fixe au passif de la procédure collective de la SAS Fagida Environnement les dépens de première instance ;
Condamne la SAS Fagida Environnement aux entiers dépens d’appel.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,