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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 3 – Chambre 1
ARRÊT DU 20 MAI 2020
(n° , 17 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/08493 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7ZCS
Décisions déférées à la Cour :
Arrêt du 30 Janvier 2019 – Cour de Cassation – Pourvoi n° H 18-10.796
Arrêt du 11 Octobre 2017 – Cour d’appel de PARIS – RG n° 16/18098
Jugement du 23 Juillet 2013 – Tribunal de grande instance de PARIS – RG n° 11/06297
APPELANTE
Madame O… R… épouse T…
née le […] à PARIS (75012)
[…]
[…]
représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
ayant pour avocat plaidant Me Thierry COTTY, avocat au barreau de PARIS, toque : R59
INTIMÉE
Madame D… T… épouse I…
née le […] à PARIS (75008)
[…]
[…]
représentée et plaidant par Me Christian BREMOND de l’ASSOCIATION BREMOND VAISSE RAMBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R038
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 05 Février 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Madeleine HUBERTY, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Catherine GONZALEZ, Conseiller
Mme Anne LATAILLADE, Conseiller désigné par ordonnance du Premier Président de la Cour d’appel de Paris en vertu de l’article R 312-3 du code de l’organisation judiciaire pour compléter la chambre
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Madeleine HUBERTY dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, la date initialement annoncée aux parties ayant dû être reportée en raison de l’état d’urgence sanitaire, ce dont, pour le même motif, les parties n’ont pu être avisées par le greffe que par un message RPVA du 11.05.2020.
– signé par Mme Madeleine HUBERTY, Conseiller faisant fonction de Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.
***
PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE
La […] a été créée par Q… T…, décédé en 1969, qui était marié à Y… L…. Ils ont eu deux enfants Z… et D… T….
Y… L… veuve T… a pris la succession de son mari à la tête des différentes sociétés du […] .
Elle est décédée le […], laissant ses deux enfants pour lui succéder.
Son fils Z… T… marié à Madame O… R… avec laquelle il a eu une fille M… T… est décédé le […].
Le partage de la succession de Y… L… veuve T… est intervenu le 27 février 1998 entre, d’une part Madame O… R… veuve T… et sa fille M… T…, et, d’autre part, Madame D… T… épouse I….
Les biens partagés comprenaient 28 239 actions de la […] , ce qui représentait 34,47% du capital social de cette société (composé au total de 81918 actions).
Ces actions ont été attribuées en totalité à Mesdames O… et M… T… pour un montant de 1 276765€. Chaque action a été évaluée 106F par rapport à un nominal de 100F. Le jour même du partage Madame D… I… a accepté de vendre au même prix 5880 actions de la […] à Madame M… T…, ce qui faisait tomber sa participation dans le capital à moins de 10%.
Le 28 février 1998, une convention a été conclue entre Madame D… I… et Mesdames O… et M… T… qui a prévu le reversement par ces dernières à la première d’une partie de la plus value qui serait réalisée en cas de vente par elles des actions de la […] . Cette convention a été rédigée en ces termes :
‘O… T… et Mademoiselle M… T… ont été attributaires par l’intermédiaire de la succession de Madame Y… T… de 14 120 actions des […] et Mademoiselle M… T… a racheté à Madame D… I… 5880 actions des […] .
Au titre de ces actions et si celles-ci sont vendues, dans un délai maximum de 10 ans les propriétaires devront verser à Madame D… I… 50% de la différence par action entre le prix de vente moins 350F, le tout net de la fiscalité sur la plus value’.
A la même date du 28 février 1998 et compte tenu des résultats médiocres de la […] , il a été convenu de ne pas solliciter le remboursement du compte courant de la défunte dans la société, d’un montant de 3 millions de francs.
Le 1er décembre 2003, Madame D… I… a conclu un accord avec la SOCIETE GADOL OPTIC 2000, en vertu duquel elle s’est engagée à lui céder les actions de la […] qu’elle possédait encore.
Le 20 décembre 2003, un accord a été conclu entre Mesdames T… et la SOCIETE GADOL OPTIC 2000 posant les principes et modalités (en deux phases de 20% puis 70%) d’une cession à cette société des actions de la […] qu’elles possédaient. Un accord du 12 juin 2005 a précisé les conditions de la deuxième phase de la cession.
Selon Madame D… I…, le processus de cession devait être mis en oeuvre selon les modalités suivantes :
DATES et actions
MONTANT GLOBAL
30 avril 2004
cession de 16384 actions (20%)
5 200 127€
30 novembre 2005
cession de 37 000 actions (45%)
15 850 610€
29 juillet 2008
cession de 20 545 actions (25%)
6 520 789€
TOTAL
27 571 526€
Le 22 décembre 2003, Madame D… I… a été officiellement informée par Mesdames T… de leur projet de cession de la totalité de leurs actions à la SOCIETE GADOL OPTIC 2000.
Par lettre du 3 février 2004, Madame D… I… a donc sollicité la mise en oeuvre de la convention du 28 février 1998 portant sur le reversement de la plus value de cession de partie des actions cédées.
Par courrier en date du 29 janvier 2004, Mesdames T… ont demandé à voir l’original de la convention de reversement de la plus value, car elles ne se souvenaient pas que cette convention ait été signée.
Par acte en date du 24 mars 2004, Madame D… I… a assigné Madame O… T… et Madame M… T… devant le tribunal de grande instance de PARIS, aux fins d’obtenir l’exécution de la convention du 28 février 1998.
Par jugement rendu le 25 janvier 2006, le tribunal de grande instance de PARIS a ordonné un sursis à statuer dans l’attente de l’issue de l’action engagée par Madame D… I… en rescision du partage pour lésion.
Par jugement rendu le 27 septembre 2007, Madame D… I… a été déboutée de ses prétentions, ce qui a été confirmé par un arrêt rendu le 5 novembre 2008. Son pourvoi en cassation a été déclaré non admis le 8 juillet 2010.
La procédure afférente à la convention du 28 février 1998 a alors pu reprendre.
Dans son jugement rendu le 23 juillet 2013, le tribunal de grande instance de PARIS a statué en ces termes :
– Condamne in solidum O… R… veuve T… et M… T… à payer à D… I… la somme de 2 039 775,20€);
– Condamne M… T… à payer à D… I… la somme de 849 424,80€;
– Déboute O… R… veuve T… et M… T… de leurs demandes;
– Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement, subordonnée à la condition qu’D… I… fournisse une caution délivrée par un établissement de crédit ou une société d’assurances couvrant le montant des condamnations;
– Condamne in solidum O… R… veuve T… et M… T… à payer à D… I… la somme de 2000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile;
– Condamne O… R… veuve T… et M… T… aux dépens, avec distraction.
Madame O… R… et Madame M… T… ont interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt rendu le 11 octobre 2017, la cour d’appel de PARIS a modifié le montant des condamnations en :
– condamnant in solidum Madame O… T… et Madame M… T… à payer à Madame D… I… la somme de 1 864055,75€,
– condamnant Madame M… T… à payer à Madame D… I… la somme de 776 249,85€,
avec intérêts au taux légal depuis le 1er décembre 2005 et capitalisation des intérêts depuis le 3 février 2014.
Madame O… R… et Madame M… T… ont formé un pourvoi en cassation.
Madame M… T… s’est désistée de son pourvoi.
Selon l’arrêt rendu le 30 janvier 2019, la Cour de Cassation ‘CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne Madame R… à payer à Madame I… la somme de 1864055,75€ avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2005 et capitalisation des intérêts à compter du 3 février 2014, l’arrêt rendu le 11 octobre 2017 entre les parties par la cour d’appel de PARIS, remet en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt….’.
La cassation est motivée par le fait que la convention du 28 février 1998 aurait dû donner lieu à interprétation quant à la clause de reversement prévoyant qu’il serait net de fiscalité sur la plus value. La Cour de Cassation notait que la cour d’appel avait estimé que le reversement devait être effectué sans prendre en compte la fiscalité sur les plus values, alors même que la clause pouvait également signifier que la fiscalité devait être déduite de la plus value à reverser.
Par déclaration en date du 16 avril 2019, Madame O… R… veuve T… a saisi la cour d’appel de PARIS, comme cour de renvoi.
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Dans ses conclusions régularisées le 31 juillet 2019, Madame O… R… veuve T… formule les prétentions suivantes :
– Infirmer le jugement rendu le 23 juillet 2013 par la 9ème chambre section 1 du tribunal de grande instance de PARIS en ce qu’il a condamné Madame O… T… à payer à Madame D… I… la somme de 2 039775,20€ et statuant à nouveau :
A titre principal,
– Constater que Madame D… I… ne rapporte pas la preuve de l’obligation à paiement de Madame O… T… dont elle demande l’exécution;
En conséquence,
– Débouter Madame D… I… de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions à l’endroit de Madame O… T…,
– Condamner Madame D… I… à restituer à Madame O… T… la somme de 1991445,60€ déjà payée par cette dernière au titre de sa précédente condamnation par la cour de céans et ce avec intérêts au taux légal;
A titre subsidiaire,
– Prononcer la nullité de la convention du 28 septembre 1998,
En conséquence,
– Débouter Madame D… I… de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions à l’endroit de Madame O… T…,
– Condamner Madame D… I… à restituer à Madame O… T… la somme de 1 991 445,60€ déjà payée et ce avec intérêts au taux légal;
Encore plus subsidiairement,
– Constater que Madame D… I… ne peut prétendre au titre des actions cédées par l’indivision formée par Madame O… T… et Madame M… T… à plus que 1158535,80€ et s’agissant plus particulièrement des sommes qui seraient dues par Madame O… T… à plus que 420 432,86€;
– Condamner Madame D… I… à restituer à Madame O… T… la somme déjà payée en excès par cette dernière au titre de sa précédente condamnation par la cour de céans, soit la somme de 1571012,74€ (soit 1991445,60€ – 420432,86€) et ce avec intérêts au taux légal;
En tout état de cause;
– Débouter Madame D… I… de son appel incident;
– Condamner Madame D… I… à payer à Madame O… T… la somme de 50000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile;
– Condamner Madame D… I… aux entiers dépens avec distraction.
Madame O… R… veuve T… fait valoir que :
‘ l’obligation unilatérale au paiement n’est pas démontrée car la convention du 28 février 1998 ne contient pas une mention manuscrite en chiffres et en lettres des sommes que Mesdames T… se sont engagées unilatéralement à régler à Madame D… I…, contrairement aux dispositions de l’article 1326 ancien du code civil. Dès lors que le paiement promis est déterminable, le débiteur doit mentionner en lettres et en chiffres les éléments qui en permettront la détermination. La convention du 28 février 1998 ne vaut donc que commencement de preuve par écrit, qui doit être complété par des éléments de preuve extrinsèques pour valoir preuve complète. Or, de telles preuves n’existent pas.
‘ l’obligation au paiement ne peut pas plus résulter de la seule convention du 28 février 1998 parce que celle-ci, si elle n’est pas un acte unilatéral, ne précise pas en combien d’originaux elle a été dressée contrairement aux dispositions de l’article 1325 ancien du code civil. Elle ne vaut donc que commencement de preuve par écrit qui doit être complété par des éléments extrinsèques.
‘ subsidiairement, la convention du 28 février 1998 doit être annulée parce qu’elle n’a pu être obtenue que par la mise en oeuvre de manoeuvres dolosives, lesquelles ont consisté à glisser une unique page parmi d’autres documents pour obtenir subrepticement une signature. Mesdames T… n’auraient jamais accepté de souscrire un tel engagement pour une durée aussi longue. Elles n’ont pas rencontré Madame I… le 28 février 1998 qui était un samedi et aucun projet de cette convention ne leur a été transmis.
‘ très subsidiairement, le montant des sommes réclamées par Madame I… est erroné. S’agissant de l’application d’une convention, elle ne peut être condamnée qu’aux sommes qu’elle doit personnellement au titre de cette convention. Sur les 14 120 actions dépendant de l’indivision T…, 3500 actions ont fait l’objet d’une donation le 30 novembre 2005 à Monsieur B… F… ce qui exclut tout reversement au titre d’une plus value pour ces actions. Sur les 10620 actions restantes, les clefs de répartition applicables à l’indivision conduisent à retenir que seules 3854 actions lui revenaient, le surplus revenant à Madame M… T… qui s’est désistée de son pourvoi en cassation. Contrairement au calcul du tribunal, la fiscalité doit être prise en compte, y compris CSG et CRDS, puisque la convention prévoyait un reversement ‘net de la fiscalité sur la plus value’. Sur la base d’un prix moyen de cession de 271,54€ par action, net de fiscalité, la somme due par l’appelante, à hauteur des actions lui revenant, ne peut s’élever qu’à un montant de 420 432,86€.
‘ les prétentions de Madame I… afférentes aux intérêts au taux légal et à leur capitalisation sont mal fondées. Le point de départ ne peut être fixé à la mise en demeure du 12 janvier 2004 car les sommes n’étaient pas encore exigibles à ce moment là. Par ailleurs, l’exécution de la convention dépendait de l’issue de l’action qui avait été engagée par Madame I… pour remettre en cause le partage, puisque cette action affectait les attributions effectuées pour chaque héritier. Les calculs présentés par Madame I… sont tout à fait contestables. Au surplus, Madame I… a tout fait pour retarder l’exécution du jugement.
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Dans ses conclusions régularisées le 9 janvier 2020, Madame D… I… formule les prétentions suivantes :
– Confirmer le jugement entrepris en son principe, le réformant pour le montant de la condamnation de Madame O… T…,
– Dire et juger que Madame O… T… et Madame M… T… ont cédé la totalité de leurs actions de la […] le 20 décembre 2003;
En conséquence,
– Condamner solidairement Madame O… T… avec Madame M… T… pour la part à due concurrence pour laquelle cette dernière a déjà été condamnée, à payer à Madame D… I… la somme de 2 261 388,60€;
Ajoutant au jugement;
– Dire et juger que la somme à laquelle sera condamnée Madame O… T… sera productive des intérêts de droit à compter du 1er décembre 2005;
– Dire et juger que les intérêts courus depuis plus d’une année seront capitalisés et ajoutés au capital pour produire eux mêmes intérêts à compter de la signification des conclusions du 3 février 2014, puis encore à la date de signification des conclusions du 6 janvier 2017, puis encore à la date des présentes conclusions;
– Subsidiairement, dans l’hypothèse ou la cour interpréterait la convention en ce qu’elle oblige Madame D… I… à payer 50% de la fiscalité sur la plus value au delà de 350€,
– Dire et juger que les prélèvement sociaux et les frais ne doivent être pris en compte dans le calcul de la fiscalité sur la plus value;
En conséquence,
– Condamner solidairement Madame O… T… avec Madame M… T… pour la part à due concurrence pour laquelle cette dernière a déjà été condamnée à payer à Madame D… I… la somme de 2 057 143€;
– Condamner solidairement Madame O… T… avec Madame M… T… pour la part à due concurrence pour laquelle cette dernière a déjà été condamnée aux intérêts légaux sur les condamnations à compter du 1er mai 2004 pour 16384/20000èmes des sommes et à compter du 1er décembre 2005 pour 3616/20 000èmes des sommes;
– Dire et juger que les intérêts dus depuis plus d’une année seront incorporés au capital à la date de signification des conclusions du 3 février 2014, puis encore à la date des présentes conclusions;
– Condamner Madame O… T… à payer solidairement la somme de 10 000€ à Madame D… I… par application de l’article 700 du code de procédure civile;
– Condamner Madame O… T… aux dépens avec distraction.
Madame D… I… fait valoir que :
‘ l’arrêt du 11 octobre 2017 est définitif pour ce qui concerne Madame M… T… puisque celle-ci s’est désistée de son pourvoi. La cassation ne profite qu’à Madame O… T….
‘ l’absence de la mention manuscrite prévue par l’article 1326 ancien du code civil n’a pas pour effet de remettre en cause la validité de l’obligation souscrite dès lors que Madame O… T… ne conteste pas sa signature. L’article 1326 du code civil ne peut de toute façon s’appliquer qu’à un engagement unilatéral et non à un engagement souscrit par plusieurs débiteurs. Son application suppose d’autre part que la somme qu’une partie s’engage à régler soit déterminable au moment de la souscription de l’obligation. Or, lors de la convention du 28 février 1998, on ignorait le nombre des actions qui seraient revendues ainsi que leur prix. Dans tous les cas, l’attitude de Mesdames T… après le courrier du 12 janvier 2004 sollicitant l’exécution de la convention permet de corroborer l’existence de cette convention par des éléments extrinsèques. Elles ont ainsi procédé à des manoeuvres censées permettre de contourner l’exécution de la convention.
‘ l’article 1325 ancien du code civil (formalité du double) n’a vocation à s’appliquer qu’aux engagements synallagmatiques et non aux engagements unilatéraux. Dans tous les cas, la convention vaudrait alors commencement de preuve par écrit et serait corroborée par les éléments extrinsèques déjà évoqués.
‘ aucune manoeuvre dolosive n’est caractérisée qui permettrait d’invoquer la nullité de la convention. Mesdames T… ont elles-mêmes reconnu par écrit qu’elles étaient en possession d’un projet de convention. Il ne peut pas être admis qu’elles auraient toutes les deux signé cette convention sans y prêter une lecture attentive alors qu’elles étaient assistées de leur conseil. Le même jour, soit le 28 février 1998, il a également été convenu de l’abandon du compte courant de 3 millions de francs dans la […] .
‘ le calcul du reversement de 50% de la plus value doit se faire sur la base d’un prix unitaire moyen par action, les actions ne pouvant pas être distinguées selon leur date de vente puisqu’elles n’étaient pas numérotées. La vente a été parfaite dès le 20 décembre 2003 puisqu’il y a eu accord sur la chose et sur le prix à cette date. Aucune réduction de prix ne peut être justifiée par le protocole transactionnel de juillet 2007 parce que la réduction de prix prévue dans ce protocole n’a pas de lien avec la valorisation des actions mais avec le règlement de divers préjudices non définis, pour lesquels aucun lien ne peut donc être établi avec cette valorisation. Le prix moyen unitaire doit donc être fixé à 373,67€. Les actions qui ont fait l’objet d’une donation ne peuvent être exclues dès lors que cette donation n’a pu intervenir que dans le cadre du processus de cession à la SOCIETE OPTIC 2000 et en contrepartie d’un service que devait fournir le donataire.
‘ la condamnation in solidum prononcée par le tribunal comme par la cour se justifie par le fait que Mesdames T… se sont engagées conjointement dans le cadre de leur indivision successorale. En l’absence de partage entre elles ou de justification d’une répartition entre elles, la condamnation ne peut être prononcée à leur encontre qu’in solidum.
‘ le reversement de 50% de la plus value, net de fiscalité, signifie qu’il ne faut pas prendre en compte la fiscalité qui s’est appliquée aux cessions parce que cette fiscalité a, en fait, déjà été prise en compte par référence au seuil de déclenchement du reversement au delà d’un prix de 350F. Quant aux prélèvements sociaux et aux frais de cession, ils ne peuvent être assimilés à la fiscalité. Selon les documents produits, les impôts réglés sur le total des cessions représentent 9% du produit de ces cessions. Si la cour retenait l’application de la fiscalité, la condamnation in solidum concernant Madame O… T… s’élèverait à 2 057 143€.
‘ la somme due ayant une origine contractuelle, elle doit produire intérêts au taux légal depuis la mise en demeure. La majoration des intérêts doit s’appliquer depuis qu’elle a notifié la garantie qui était prévue par le jugement comme condition de l’exécution provisoire. Il doit y avoir capitalisation des intérêts.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée le mardi 21 janvier 2020.
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,
Sur la portée probatoire du document intitulé ‘convention’ en date du 28 février 1998
Par application de l’article 1326 (dans sa version en vigueur en 1998) du code civil, ‘ l’acte juridique par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement, ainsi que la mention, écrite de sa main, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres…’.
A défaut de la mention manuscrite reprenant la somme ou la quantité en toutes lettres et en chiffres, l’acte énonçant un engagement unilatéral n’a que la valeur d’un commencement de preuve par écrit au sens de l’article 1347 ancien du code civil.
La convention en date du 28 février 1998 doit être analysée comme un engagement unilatéral souscrit par Madame O… T… et Madame M… T… puisqu’elles seules souscrivent l’engagement de reverser à Madame D… I… 50% de la plus value qu’elles sont susceptibles de réaliser en cas de vente, dans le délai de 10 ans, de 14120 actions de la […] , qui leur ont été attribuées dans le cadre de la succession de Y… T… (décédée le […]), ainsi qu’en cas de vente des 5880 actions de la […] , qui ont été vendues le 27 février 1997 par Madame D… I… à Madame M… T….
Le fait que l’engagement ait été souscrit à la fois par Madame O… T… et par Madame M… T…, en leur qualité de propriétaires des actions, n’est pas de nature à altérer le caractère unilatéral de l’engagement, dès lors qu’aucune obligation ne pèse sur Madame D… I…, bénéficiaire de cet engagement.
La convention en litige est signée, tant par Mesdames O… et M… T…, que par Madame D… I…, mais elle ne comporte pas la mention manuscrite en chiffres et en lettres prévue pour les engagements unilatéraux et destinée à assurer l’information des parties débitrices sur l’étendue des obligations souscrites.
Il apparaît, toutefois, que l’engagement souscrit par Mesdames O… et M… T… ne correspond qu’à une obligation doublement conditionnée, impliquant, d’une part, une vente des actions dans un délai maximal de 10 ans et, d’autre part, la réalisation d’une plus value par rapport à une valeur d’achat théorique fixée à 350F, étant rappelé que la valeur unitaire de l’action a été évaluée à 106F (pièce 23 appelante) dans le cadre du partage convenu le 27 février 1998 (le seuil de reversement implique donc la réalisation d’une plus value supérieure à 330% de la valeur retenue pour le partage).
L’engagement souscrit ne consacre donc pas une obligation certaine au paiement au moment où il est signé. Par ailleurs, le montant de l’obligation au paiement ou au reversement de la plus value n’est pas déterminable puisqu’il n’est pas établi, tant dans son existence (il faut une vente qui n’est pas encore prévue), que dans son montant (étendue de l’obligation au paiement), puisque le montant du prix de cession des actions ne peut être déterminé pour le futur, au 28 février 1998. L’obligation au paiement relève donc d’une simple possibilité, doublée d’un aléa économique, qui interdit d’en connaître précisément le montant.
Il s’en déduit que, bien que la convention du 28 février 1998 consacre un engagement unilatéral pris par Mesdames O… et M… T…, cet engagement n’est pas soumis à la formalité de l’article 1326 du code civil, qui a pour objet de préciser une somme ou une quantité due, parce que son étendue n’est pas déterminable au regard des paramètres qui en conditionnent la mise en oeuvre.
Les paramètres de l’engagement ou ses accessoires ne peuvent constituer l’objet de l’obligation manuscrite, puisqu’ils ne correspondent ni à une somme, ni à une quantité.
C’est seulement au moment de la réalisation de la cession et de la détermination du prix que l’étendue de la charge découlant de la convention du 28 février 1998 peut être appréciée et être éventuellement prise en compte dans une négociation par la partie qui peut y avoir intérêt.
Il sera ajouté, qu’abstraction faite de la perfection probatoire de la convention du 28 février 1998, ci-dessus consacrée, l’existence de l’engagement souscrit par Mesdames T… est corroborée par plusieurs éléments concordants et complémentaires :
‘ si Mesdames T… ont mis en doute, dans un courrier en date du 29 janvier 2004 (pièce 5 intimée) adressé notamment à Madame D… I…, l’existence de la convention du 28 février 1998, elles ont clairement admis qu’elles étaient en possession d’un projet non signé ‘dans nos dossiers’. Elles ont ajouté que leurs conseils ne se souvenaient pas que la convention avait été signée, mais elles n’ont pas dénié leurs signatures, ni jamais soutenu que le projet en leur possession ne serait pas identique à la convention dont Madame D… I… a sollicité l’exécution pour la première fois le 12 janvier 2004 (pièce 4 intimée);
‘ contrairement à ce que Mesdames T… laissent entendre, à savoir qu’il n’y aurait pas eu de réunion entre les parties, le samedi 28 février 1998 (conclusions page 20), l’existence d’un accord entre elles ayant pour objet l’abandon d’un compte courant de 3000 000F au nom de la défunte dans la […] , est consacré par un écrit, qui a également été signé le 28 février 1998 (pièce 28 intimée), dont la véracité n’a aucunement été mise en doute;
‘ la durée de 10 ans pendant laquelle une vente d’actions peut donner lieu à un reversement de la plus value éventuellement réalisée selon la convention du 28 février 1998 a manifestement été calquée sur la durée de validité du pacte d’actionnaires, qui a été conclu entre les mêmes parties le 27 février 1998 , soit la veille de l’acte litigieux (pièce 26 appelante), lequel prévoit des droits de préemption au profit des associés en cas de projet de vente.
Madame O… T… ne peut donc pas soutenir que la convention du 28 février 1998 serait impropre à constituer la preuve de l’engagement de reversement de la plus value qui y est énoncé à leur seule charge. Cette convention vaut pleinement preuve de leur engagement, d’abord parce qu’elle se suffit à elle-même pour établir l’engagement souscrit et parce qu’au surplus, elle peut, pour autant que cela soit nécessaire, être complétée par des éléments extrinsèques en confortant la valeur probatoire.
La convention du 28 février 1998 consacrant un engagement unilatéral de Mesdames T… au profit de Madame I…, la formalité du double prévue par l’article 1325 ancien du code civil, uniquement pour des obligations réciproques, ne peut avoir aucune incidence sur la valeur probatoire du document en litige.
Sur la validité du consentement ayant présidé à la convention en date du 28 février 1998
Si Madame O… T… convient que sa fille et elle-même ont signé la convention de reversement de plus value, elle considère que cette signature, consacrant leur consentement, n’est que la conséquence de manoeuvres frauduleuses ayant consisté à intégrer le document litigieux parmi de nombreux autres documents à signer. Leur attention ‘éparpillée’ ou ‘détournée’ aurait permis leur signature, sans qu’elles se rendent compte de ce qu’elles signaient.
Ainsi qu’il a déjà été relevé, Mesdames T… ont reconnu en janvier 2004 qu’elles étaient bien en possession d’un projet de convention, non signé, ce qui leur permettait facilement d’identifier le document qui était soumis à leur double signature, peu important que d’autres documents aient été soumis à leur attention à la même date. La date de signature ne peut être sérieusement contestée puisque l’acte de renonciation au compte courant de 3 000 000F a également été signé le 28 février 1998 (pièce 28 intimée), manifestement à la suite des bases du partage, qui ont été adoptées le 27 février 1998 (pièce 23 appelante) . Au surplus, aucun élément n’a été produit permettant de retenir l’absence de toute réunion à la date du 28 février 1998, les conseils impliqués n’ayant fait aucune attestation en ce sens.
Par ailleurs, et contrairement à ce que prétend Madame O… T… (conclusions page 56), il n’est nullement invraisemblable qu’elle même et sa fille aient souscrit un engagement sur une durée aussi longue que 10 ans, puisque le pacte d’actionnaires conclu le 27 février 1997 précisait en son article 4 qu’il était conclu pour une durée de 10 ans, depuis sa date.
Il n’est ainsi pas établi par Madame O… T… qu’elle n’aurait apposé sa signature sur la convention du 28 février 1998 (de même que sa fille) qu’en raison d’une mise en scène qui aurait été savamment organisée par la bénéficiaire de la convention, au surplus en présence des conseils des parties.
La demande de nullité de la convention pour dol doit donc être rejetée.
Sur le montant dû par Madame O… T… en vertu de la convention du 28 février 1998
Dans le dispositif de ses conclusions, Madame D… I… demande la ‘condamnation solidaire de Madame O… T… avec Mademoiselle M… T…, pour la part à due concurrence pour laquelle cette dernière a déjà été condamnée, à lui payer une somme de 2261388,60€’.
La somme ainsi réclamée correspond au calcul suivant (53,36€, soit 350F correspondant au seuil de déclenchement du calcul de la plus value et 373,6732€ correspondant à l’estimation du prix unitaire moyen de la cession d’actions) :
(373,6732€ – 53,36€) X 14 120 actions X 50% = 2 261 388,60€
Madame O… T… conteste cette liquidation en ce que :
‘ aucune solidarité ne découle de la convention du 28 février 1998 et elle ne peut être tenue du reversement de la plus value qu’à hauteur des actions lui ayant appartenu et ayant été revendues, ce qui exclut les 3500 actions, dont elle a fait donation, le 30 novembre 2005, à Monsieur B… F….
‘ la fiscalité sur les plus values doit être déduite de la somme à reverser conformément à ce qui a été prévu dans la convention du 28 février 1998.
‘ la fixation du prix moyen de cession doit tenir compte du protocole transactionnel qui a été conclu avec la SOCIETE OPTIC 2000, en juillet 2007. Le prix unitaire moyen s’établit à 271,54€.
1/ sur la solidarité,
Dans son calcul de la plus value à rembourser par Mesdames O… et M… T…, le jugement dont appel a simplement précisé (en page 6) que la condamnation devait être prononcée in solidum. Dans la motivation de l’arrêt en date du 11 octobre 2017, ayant donné lieu à cassation partielle, la condamnation a également été prononcée in solidum, faute de ‘solidarité légale ou conventionnelle’ susceptible de s’appliquer (arrêt page 8).
La demande de condamnation ‘solidaire’ figurant dans le dispositif des conclusions de l’intimée pose nécessairement la question de l’étendue de la cassation, qui vise la somme de 1 864 055,75€ due par Madame O… T…, sans rappeler, au stade de la cassation, que cette somme est due in solidum avec Madame M… T…, qui s’est désistée de son pourvoi en cassation.
La cour de renvoi ne peut prononcer ou consacrer une condamnation solidaire contre Madame M… T…, puisque celle-ci n’a pas été attraite dans la présente instance et que l’objet de cette instance ne peut être de réitérer, même partiellement, la condamnation qui a été cassée.
L’article 624 du code de procédure civile dispose que ‘la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce. Elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire’. Dans tous les cas, il résulte de l’application combinée des articles 624, 625 et 638 du code de procédure civile, que la cassation qui atteint un chef de dispositif n’en laisse rien subsister, quelque soit le moyen qui a déterminé la cassation. Il en résulte que la cassation prononcée le 30 janvier 2019 porte sur la condamnation in solidum prononcée contre Madame O… T… et Madame M… T…, peu important à cet égard que Madame M… T… se soit désistée de son pourvoi et que l’arrêt de cassation ne vise dans son dispositif que la condamnation prononcée contre Madame O… T…. Il sera d’ailleurs noté que le dispositif de l’arrêt de cassation a renvoyé les parties ‘dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt’, sans procéder à une mise hors de cause de Madame M… T…, comme l’article 625 dernier alinéa le lui permet.
En l’absence de Madame M… T…, Madame D… I… ne peut solliciter que la condamnation de Madame O… T….
Le caractère solidaire ou in solidum de l’engagement souscrit le 28 février 1998 est essentiel à la détermination du montant de la créance invoquée contre Madame O… T…, car cette créance peut porter, soit sur toutes les actions cédées (en cas d’engagement solidaire ou in solidum) soit, au contraire, ne porter que sur les actions cédées par l’appelante.
Force est de constater que la convention du 28 février 1998 ne fait état d’aucune solidarité et que Madame D… I… convient elle-même dans ses conclusions (page 20) que l’engagement de reversement de la plus value a été pris par ‘les propriétaires pris individuellement’.
Elle ajoute que les 14 120 actions ont été attribuées à Mesdames T…, de manière indivise, pour la quote-part revenant à chacune. Elle en déduit, qu’en l’absence de convention de répartition de leur engagement, l’obligation souscrite est une obligation in solidum, sans expliciter la faute qui leur serait imputable ou la disposition légale qui créerait une solidarité dans un tel cas, étant rappelé que la solidarité ne se présume pas.
Cette solidarité se présume d’autant moins en l’espèce que Madame O… T… indique en détail les actions qui ont été les siennes (sur les 14 120 actions attribuées lors du partage) et qu’elle a vendues ou données en 2005 et 2008 (conclusions pages 61 à 62). Madame D… I… n’a pas contesté les pièces produites à l’appui de la démonstration effectuée par Madame O… T… selon laquelle :
– sur les 6624 actions vendues le 30 novembre 2005, un quart lui est revenu (soit 1656 actions) tandis que les trois quarts sont revenus à Madame M… T…,
– sur les 3996 actions réglées le 29 juillet 2008, 55% lui sont revenues, soit 2198 actions.
La clef de répartition appliquée à la vente du 30 novembre 2005 est directement confirmée par les déclarations de plus values régularisées au titre de l’année 2005 par Madame O… T…, d’une part (pièce 141-3 appelante), et par Madame M… T…, d’autre part (pièce 142-3 appelante – les cessions déclarées de part et d’autre aboutissent aux 30 000 actions cédées le 30 novembre 2005).
Le document censé justifier de la clef de répartition appliquée le 29 juillet 2008 (pièce 147 appelante) ne constitue qu’un décompte non daté et non signé dont la valeur probatoire est forcément très limitée. Cependant, il est plus favorable à l’intimée que la clef de répartition du 30 novembre 2005 puisqu’il revient à Madame O… T… 55% au lieu de 25% des actions cédées et il est également plus favorable qu’un simple partage par moitié susceptible de s’appliquer par défaut, en l’absence de données plus précises.
C’est en fonction de ces données, qui sont justifiées, et après avoir opéré la déduction des 3500 actions données le 30 novembre 2005 que Madame O… T… conclut que le calcul du reversement de la plus value la concernant ne doit avoir pour assiette que 3854 actions sur 14 120 actions attribuées dans le cadre du partage successoral.
Il est établi par le compte d’actionnaire n°3bis intitulé ‘indivision O… et M… T…’ que 3500 actions, en provenance de ce compte, ont été données, le 30 novembre 2005, à Monsieur B… F… (pièce 155 appelante). La réalité de cette opération, au demeurant non contestée, est confortée par la déclaration fiscale de cession de droits sociaux (7000 actions dont les 3500 dépendant de l’indivision successorale) qui a été signée le 30 novembre 2005 par Monsieur B… F… (pièce 137 appelante).
Madame O… T… estime que le reversement de la plus value ne peut pas porter sur ces 3500 actions puisque la plus value suppose une vente et que l’engagement de reversement de la plus value du 28 février 1998 a expressément prévu une vente. Ainsi, toutefois, qu’il est soutenu par Madame D… I…, la donation s’est nécessairement inscrite dans le processus de vente de la totalité des actions à la SOCIETE OPTIC 2000, tel que défini dans le protocole cadre du 20 décembre 2003 (pièce 2 intimée), lequel prévoyait la cession de tous les titres des actionnaires majoritaires (soit Mesdames T…). Il s’en déduit que s’il y avait donation à Monsieur B… F… d’une partie des actions que Mesdames T… devaient céder à la SOCIETE OPTIC 2000, ce ne pouvait être qu’à la condition que le donataire cède lui-même, à la même date, ses actions à la SOCIETE OPTIC 2000, ce qui s’est effectivement produit (pièce 137 appelante). La donation a ainsi plus représenté un avantage en valeur conféré à Monsieur B… F…, salarié ou ancien salarié de la […] , qu’un dessaisissement pur et simple par Mesdames T… des actions dont elles étaient propriétaires, parce qu’elles s’étaient d’ores et déjà engagées à les vendre. Outre le fait que le compte d’actionnaire n°3bis ne comprend pas que les actions objet de l’engagement du 28 février 1998 (pièce 155 appelante) lesquelles ne sont pas identifiables puisque non numérotées, le protocole cadre du 20 décembre 2003 (engagement de vente de la totalité des actions) conduit à retenir que, nonobstant la donation figurant sur le compte d’actionnaire, les 3500 actions données doivent être prises en compte pour l’exécution de bonne foi de l’engagement de reversement de la plus value réalisée sur les 14 120 actions attribuées dans le cadre du partage. Il sera ajouté que contrairement à ce qui est prétendu par Madame O… T… (conclusions page 61), il n’est pas vraisemblable que le donataire ait pu réaliser une plus value à l’occasion de cette opération, puisque le transfert des actions et leur cession s’est effectuée le même jour, donc sans prise en compte de la valeur des actions au moment du partage en 1998.
Si Madame O… T… n’a pas invoqué à titre subsidiaire un coefficient de répartition à appliquer sur ces 3500 actions pour le cas où la donation invoquée ne les exclurait pas de l’assiette de reversement de la plus value, il reste que ces actions dépendent effectivement du compte d’actionnaire n°3bis, c’est à dire du compte de l’indivision successorale ayant fait suite au décès de Y… T…. Compte tenu de la date d’enregistrement de cette opération au 30 novembre 2005, le coefficient d’un quart déjà appliqué à cette date doit être mis en oeuvre. L’assiette de calcul du reversement de la plus value doit donc s’effectuer pour Madame O… T… avec un supplément de 875 actions (soit 3500 X 0,25).
Au total, cette assiette de calcul est donc la suivante :
1656 + 2 198 + 875 = 4 729 actions
La valeur unitaire de référence doit être ainsi établie par rapport à l’ensemble du processus de vente défini par le protocole cadre du 20 décembre 2003, étant observé que, dans le calcul proposé dans sa pièce 140, Madame O… T… a omis d’évoquer la cession d’actions intervenue le 30 avril 2004, sans indiquer les raisons de cette omission.
DATES
nombre d’actions
Prix global
Prix unitaire
Cession du 30/4/2004
protocole cadre
pièces 2 et 3 intimée
16 384
5 200 127€
317,39€
Cessions du 30/11/2005
pièce 137 appelante
30 000
(soit 21580 +
8420)
9 244 656€
+
3 607 044€
=
12 851 846€
428,39€
Cession du 29/7/2008
pièce 139 appelante
10 632
3 699 043€
347,92€
Cession du 29/7/2008
pièce 139 appelante
9 963
3 268 952€
328,11€
TOTAL
66 979
25 019 822€
373,55€
2/ Sur la prise en compte de la fiscalité sur les plus values
La convention du 28 février 1998 a prévu un reversement de 50% de la plus value réalisée ‘le tout net de la fiscalité sur la plus value’. Si cette formule peut ouvrir un doute sur la déduction ou non du montant de la plus value de la fiscalité applicable, il apparaît que les venderesses des actions avaient seules vocation à supporter une telle fiscalité, puisque la bénéficiaire de l’engagement, ne procédant à aucune cession, n’y était pas soumise. L’égalité de partage de la plus value, dont la recherche peut être présumée en raison du principe du partage prévu à hauteur de 50%, impliquait donc de déduire du montant de la plus value réalisée la charge de la fiscalité applicable à cette plus value. Au surplus, dans le doute, les règles d’interprétation conduisent à retenir l’interprétation la plus favorable à la partie qui a souscrit l’obligation.
La fiscalité applicable sur les plus values de cessions doit donc être déduite du montant de la plus value à reverser.
Si Madame O… T… n’a pas justifié en détail des impôts réglés (avis d’imposition produits pour 2005 et 2008 mais absence de récolement avec la pièce 140), les parties se rejoignent sur les montants à prendre en compte, puisque Madame D… I… propose d’évaluer la charge fiscale supportée par l’appelante (conclusions intimée page 25) sur la base des chiffres fournis par celle-ci dans sa pièce 140, lesquels chiffres (fournis pour les deux indivisaires) intègrent tant l’imposition stricto censu sur les plus values, que les contributions sociales (en contradiction avec la demande figurant dans le dispositif de ses conclusions visant à exclure la CSG et la CRDS de la fiscalité sur les plus values).
Indépendamment de la contradiction affectant les prétentions de Madame D… I… (la somme totale de 2 057 143€ figurant dans le dispositif de ses conclusions prend en compte les contributions sociales dans la fiscalité), il doit être retenu que les contributions sociales font partie de la fiscalité applicable et, qu’en l’occurrence, elles sont liées à la fiscalité sur les plus values de cession puisqu’elles s’y ajoutent obligatoirement. Elles en constituent donc l’accessoire automatique (comme un revenu supplémentaire génère un impôt supplémentaire), ce qui justifie qu’elles soient prises en compte au titre de la fiscalité des plus values, visée par la convention du 28 février 1998, en l’absence de tout élément permettant de retenir la notion purement technique (et non générale) de fiscalité sur les plus values, à l’exclusion de ses accessoires.
Pour proposer un taux de prélèvement fiscal moyen de 9%, Madame D… I… effectue le rapport entre le montant total des cessions 2004, 2005 et 2008 (25019 822€) et le montant également total des impôts et prélèvements sociaux admis (2252 370€) indépendamment des taux de référence sur le plan fiscal.
Le calcul est exact, sous réserve de l’intégration dans ce calcul de la cession des actions intervenue le 30 avril 2004, alors que les 14 120 actions visées par l’engagement du 28 février 1998 n’ont pas fait l’objet d’une cession à cette époque, ainsi qu’il résulte de la lecture du compte d’actionnaire n°3bis (pièce 155 appelante). La fiscalité des plus values n’a d’ailleurs pas été justifiée au titre de la cession intervenue en 2004, parce qu’elle n’avait pas vocation à être prise en compte pour la mise en oeuvre de la conversion de reversement du 28 février 1998.
Le rapport à effectuer pour déterminer le taux de fiscalité effectivement appliquée au regard des pièces produites aux débats doit donc être calculé entre, d’une part, le montant des impôts et prélèvements sociaux admis ( 2 252 370€) et, d’autre part, le prix total des actions cédées, après déduction du montant de la cession effectuée en 2004, soit :
25 019 821€ – 5 200 126€ = 19 819 695€
2 252 370€/ 19 819 695€ = 11% au lieu de 9%.
Le reversement de 50% de la plus value réalisée par Madame O… T… sur les 4729 actions lui revenant dans l’indivision devra donc prendre en compte un taux de prélèvement fiscal moyen (prélèvements sociaux compris) de 11%.
Sur la prise en compte du protocole transactionnel conclu en juillet 2007
Il est constant que le 20 décembre 2003 un protocole-cadre a été conclu entre Mesdames T… et la SOCIETE GADOL OPTIC 2000 définissant le processus global de la cession des actions de la […] , en prévoyant notamment une cession initiale (16 384 actions) et une cession à terme, les deux cessions étant indissociables (pièce 2 intimée). Le même jour, deux conventions de garantie, l’une pour la cession initiale, l’autre pour la cession à terme, ont été signées entre les mêmes parties (pièces 3b et 3c intimée). Ces conventions de garanties sont plus larges qu’une garantie de passif, car elles font référence à un certain nombre de déclarations des venderesses, ainsi qu’à la situation comptable et aux prévisions de chiffre d’affaires (ainsi article 2.4.6 de la garantie de cession initiale et article 2.5.2 de la garantie de cession à terme, faisant état de la détermination de la situation nette à terme). Les garanties ont pour objet de compenser ce qui est qualifié expressément de ‘dommages’, ce qui correspond en fait à une indemnisation pour les décalages défavorables constatés ou survenus avec les données qui ont été prises en compte pour fixer la valeur des cessions.
Le protocole transactionnel conclu en juillet 2007 (pièce 213 appelante) rappelle les accords, qui ont été signés le 20 décembre 2003, ainsi que les conventions de garantie signées le même jour. Il précise, en page 2 paragraphe C, que la convention de garantie de cession à terme a été modifiée au cours de l’année 2005 et qu’au regard des comptes arrêtés au 30 novembre 2005, il est apparu que la garantie de situation nette devrait être mise en oeuvre. Une procédure d’arbitrage a été mise en oeuvre ainsi qu’une expertise qui a porté sur l’arrêté des comptes au 30 novembre 2005. Le tiers expert a rendu son rapport le 31 mai 2007 et les parties se sont rapprochées et ont conclu, en juillet 2007, le protocole transactionnel, qui a notamment prévu que Mesdames T… accordaient une réduction du prix de la cession effectuée en 2005 à hauteur de la somme de 2 102 476€, à prélever en principe sur les fonds disponibles sur le compte séquestre (protocole page 3).
Si l’article 1.1 du protocole vise le ‘règlement global, forfaitaire et définitif de l’ensemble des différends et litiges opposant Mesdames T… au groupe OPTIC 2000’, il ne fait aucun doute que le règlement de la somme prévue incombe aux venderesses des actions, à titre de réduction de prix, dans le cadre des accords de garantie, qui ont été convenus ab initio pour définir les modalités du processus de vente. Il ne peut donc pas être retenu comme le soutient Madame D… I… qu’il s’agirait de compenser des préjudices non définis (conclusions page 19).
La réduction de prix consacrée par le protocole transactionnel (pièce 213 appelante) doit donc être intégrée dans le calcul du prix unitaire des actions vendues, qu’elle va réduire à due concurrence, soit :
(25 019 822€ – 2 102 476€)/ 66 979 actions = 342,16€ au lieu de 373,55€
Dans sa proposition de compte établie en pièce 140, Madame O… T… déduit des frais de cession à hauteur de 5,56% sans en justifier. Dans tous les cas, la convention du 28 février 1998 n’a prévu qu’un reversement de la plus value ‘nette de fiscalité’ mais pas nette de frais de cession, lesquels ne sont aucunement assimilables à de la fiscalité. Ces frais ne peuvent donc pas être pris en compte.
Au total, le montant à reverser par Madame O… T… au titre de la convention du 28 février 1998 est le suivant :
342,16€ (prix unitaire moyen de cession) – 53,36€ (soit 350F seuil de déclenchement de la plus value) = 288,80€ = plus value par action avant déduction de la fiscalité.
288,80€ – 31,77€ (fiscalité plus value et prélèvements sociaux au taux de 11%) = 257,03€
257,03€ X 4729 actions = 1 215 494,80€ / 2 = 607 747,40€
(ce qui équivaut à une somme totale de 1 814 631,80€ pour les 14 120 actions, par rapport à l’estimation de la somme due arrêtée, sans fiscalité, à 2 039 775,20€ en première instance)
Madame O… T… doit donc être condamnée à payer à Madame D… I… la somme de 607 747,40€ en principal au titre du reversement de la plus value sur la part des actions lui appartenant (parmi les 14 120 actions attribuées) en exécution de la convention du 28 février 1998.
Le jugement doit, en conséquence, être infirmé en ce qu’il a condamné Madame O… T…, in solidum, avec Madame M… T…, à payer à l’intimée une somme de 2 039 775,20€.
Sur les accessoires de la créance
Madame D… I… demande que sa créance produise intérêts au taux légal depuis le 1er décembre 2005 avec capitalisation annuelle des intérêts depuis la signification des conclusions du 3 février 2014.
Les actions en litige (soit les 14 120 actions attribuées à Mesdames T…) n’ont été cédées que le 30 novembre 2005 et ont fait l’objet de déclarations de cessions de droits sociaux à cette même date (pièces 137 appelante). Il s’en déduit que le montant du reversement incombant aux dames T… ne pouvait être connu avant le 30 novembre 2005. Si l’action engagée en décembre 2001 par Madame D… I… (pièce 120 appelante) a eu pour objet d’obtenir la rescision du partage pour cause de lésion, ce qui était susceptible d’avoir une incidence sur la validité de la convention du 28 février 1998 qui faisait suite au partage convenu le 27 février 1998, il ne s’agissait que d’une éventualité dépendant de l’issue de la procédure, ce qui signifie que la convention du 28 février 1998 restait valable et que sa mise en oeuvre pouvait être sollicitée. Le point de départ des intérêts au taux légal doit donc être fixé au 1er décembre 2005 date de l’assignation sollicitant l’exécution de la convention de reversement de la plus value.
La capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu’elle est demandée. Elle doit donc être ordonnée à compter du 3 février 2014 pour les intérêts dus pour au moins une année à compter de cette date, sans qu’il soit nécessaire de réitérer cette demande qui n’est qu’une modalité du jeu des intérêts comme le cours des intérêts légaux.
Sur la demande de restitution par Madame O… T… d’un trop payé
Le présent arrêt emporte rétablissement des comptes pour la condamnation in solidum prononcée le 23 juillet 2013 à l’encontre de Madame O… T… par le tribunal de grande instance de PARIS. Il n’y a donc pas lieu de prononcer une condamnation à restitution (selon les comptes exposés par l’appelante en page 45 de ses conclusions) puisque cette décision emporte, par elle-même, condamnation à restitution, en cas de trop payé, étant rappelé que l’exécution provisoire, même assortie d’une garantie, se fait toujours aux risques et périls de celui qui s’en prévaut.
Sur les prétentions accessoires
Il est équitable de condamner Madame O… T…, qui succombe en ses prétentions remettant en cause la portée probatoire ou la validité de la convention du 28 février 1998 à payer à Madame D… I… une somme de 8000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Vu le jugement rendu le 23 juillet 2013 par le tribunal de grande instance de PARIS ;
Vu l’arrêt partiellement infirmatif en date du 11 octobre 2017 ;
Vu l’arrêt de cassation partielle en date du 30 janvier 2019 ;
INFIRME le jugement en ce qu’il a condamné in solidum Madame O… R… veuve T… et Madame M… T… à payer à Madame D… I… la somme de 2039775,20€ ;
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
CONSTATE que la cour n’est pas saisie à l’égard de Madame M… T…;
CONDAMNE Madame O… R… veuve T… à payer à Madame D… I… une somme de 607 747,40€ en exécution de la convention du 28 février 1998, ladite somme produisant intérêts au taux légal depuis le 1er décembre 2005, avec capitalisation annuelle des intérêts depuis le 3 février 2014;
CONDAMNE Madame O… R… veuve T… à payer à Madame D… I… une somme de 8000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame O… R… veuve T… aux dépens avec distraction au profit de Maître BREMOND conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Conseiller faisant fonction de Président,