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CIV. 3
VB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 octobre 2023
Cassation sans renvoi
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 687 F-D
Pourvoi n° D 22-10.740
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 OCTOBRE 2023
La société Le Mirador, société anonyme de droit suisse, dont le siège est [Adresse 4] (Suisse), a formé le pourvoi n° D 22-10.740 contre l’arrêt rendu le 30 septembre 2021 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société L’Archi-tecte, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], représentée par la société [N] et associés, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [P] [N], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire,
2°/ à la société Les Rousses, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5],
3°/ à la société Royal Estate and Financial Investments, société de droit luxembourgeois, dont le siège est [Adresse 1] (Luxembourg), venant aux droits de la société civile immobilière Guynemer Beausoleil,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Le Mirador, après débats en l’audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 septembre 2021), suivant une promesse synallagmatique de cession de parts sociales du 16 juillet 2014, la société Le Mirador s’est engagée, sous diverses conditions suspensives devant être réalisées avant le 5 décembre 2014, à acquérir le capital social de deux sociétés civiles immobilières détentrices d’un permis de construire sur des parcelles leur appartenant, l’acte authentique devant, à peine de caducité de la promesse, être signé avant le 15 décembre 2014.
2. Par ce même acte, autorisation était donnée à la société Le Mirador de signer sans délai avec les sociétés Bolzoni associés & Cie (la société Bolzoni), en qualité de maître d’ouvrage délégué, et L’Archi-tecte, en qualité de maître d’oeuvre, tout contrat de démarrer et exécuter les travaux nécessaires aux fins d’éviter la péremption du permis de construire.
3. Le 28 juillet 2014, un protocole était conclu entre les sociétés Le Mirador, Bolzoni, Prestige project, représentant du maître de l’ouvrage, et L’Archi-tecte mettant à la charge de la société Le Mirador diverses diligences, en particulier, la signature d’une convention de tréfonds avec le propriétaire d’un fonds surplombant les parcelles à construire, la société Le Mirador s’engageant à verser à la société Bolzoni la somme de 800 000 euros, au plus tard le 26 septembre 2014, à charge pour celle-ci de régler l’ensemble des intervenants ayant effectué des opérations sur le chantier jusqu’à cette date.
4. Le 8 août 2014, la société Le Mirador a conclu avec la société L’Archi-tecte un contrat de maîtrise d’oeuvre stipulant une clause résolutoire en cas de défaut de réitération par la société Le Mirador de la promesse de cession et disposant qu’en ce cas seules les sommes prévues par le protocole du 28 juillet 2014 seraient dues par celle-ci.
5. Le 10 décembre 2014, la société Le Mirador s’est prévalue de la clause résolutoire.
6. Contestant l’application de celle-ci, la société L’Archi-tecte l’a assignée en paiement de sommes au titre des prestations réalisées et de l’indemnité de rupture.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. La société Le Mirador fait grief à l’arrêt de prononcer la nullité de la clause résolutoire insérée dans le contrat d’architecte du 8 août 2014 et de la condamner à payer diverses sommes à la société L’Archi-tecte, alors « que la condition potestative n’entraîne la nullité de l’obligation qui y est soumise que si la condition ne peut pas se réaliser autrement que par le libre exercice de la volonté du débiteur ; que dans le cas contraire, il y a seulement lieu de sanctionner l’intervention du débiteur en réputant la condition suspensive accomplie ou la condition résolutoire défaillie ; qu’en l’espèce, il était constant et constaté par les juges eux-mêmes que la clause résolutoire stipulée au contrat d’architecte du 8 août 2014 faisait suite à une promesse de cession de parts sociales du 16 juillet 2014 par laquelle la société Le Mirador, maître d’ouvrage, s’était engagée à acquérir le capital des sociétés propriétaires des parcelles destinées à recevoir le projet de construction et que cette promesse était assujettie à plusieurs conditions suspensives ; que la société Le Mirador expliquait que certaines d’entre elles ne s’étaient pas réalisées dans le temps imparti à cet effet, rendant ainsi impossible la réitération de la cession en la forme authentique et l’exécution du contrat d’architecte du 8 août 2014 ; qu’en retenant néanmoins que la clause résolutoire stipulée à ce contrat d’architecte pour le cas de non-réitération de la cession en la forme authentique encourait la nullité au titre de son caractère potestatif pour cette raison qu’elle pouvait être mise en oeuvre par la société Le Mirador sans que celle-ci ait à invoquer la défaillance des conditions suspensives stipulées à la promesse, quand cette seule circonstance ne justifiait pas de prononcer la nullité de cette clause dès lors que la résolution pouvait aussi s’imposer en cas de défaillance de l’une de ces conditions suspensives, la cour d’appel a violé les articles 1174 et 1178 anciens du code civil. »
Réponse de la Cour
8. Ayant souverainement retenu que l’application de la clause résolutoire prévue au contrat conclu avec la société L’Archi-tecte était subordonnée à la seule absence de réitération par la société Le Mirador de la promesse de cession d’actions signée le 16 juillet 2014, sans que celle-ci n’ait à justifier de la cause de cette non-réitération ni à établir que cette dernière résultait de l’absence de réalisation de l’une des conditions suspensives par un motif n’étant pas de son fait, la cour d’appel a pu en déduire que, dans les rapports entre les sociétés Le Mirador et L’Archi-tecte, la survenance de la condition dépendant d’un événement qu’il était au seul pouvoir de la première de faire advenir ou d’empêcher, celle-ci était potestative au sens des articles 1170 et 1174 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
9. Le moyen n’est donc pas fondé.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
10. La société Le Mirador fait le même grief à l’arrêt, alors « que la nullité pour potestativité entache l’obligation ainsi conditionnée, et non la seule condition, de sorte que l’obligation ne saurait persister sans la condition voulue par les parties ; qu’en annulant la clause résolutoire stipulée au contrat d’architecte du 8 août 2014 en raison de son caractère potestatif, quand la nullité devait s’appliquer aux obligations souscrites par la société Le Mirador sous cette condition résolutoire, et dès lors que l’ensemble des obligations de la société Le Mirador étaient en l’occurrence soumises à cette clause résolutoire, au contrat d’architecte en son entier, la cour d’appel a violé l’article 1174 ancien du code civil. »