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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 57A
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 FEVRIER 2021
N° RG 19/06184 – N° Portalis DBV3-V-B7D-TNOR
AFFAIRE :
SA LA FRANCAISE DES JEUX
C/
SAS [O] [K]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 13 Juillet 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 1
N° Section :
N° RG : 2015F00415
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Oriane DONTOT
Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
SA LA FRANCAISE DES JEUX
N° SIRET : 315 065 292
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20190743
Représentant : Me Vanessa BENICHOU du PARTNERSHIPS KING & SPALDING INTERNATIONAL LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0305 –
APPELANTE
****************
SAS [O] [K]
N° SIRET : 440 755 940
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 1]
Représentant : Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE et Associés, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 – N° du dossier 1900555 – Représentant : Me François MOREL de la SCP MOREL CHADEL MOISSON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0105
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 Décembre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat Honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat Honoraire,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSÉ DU LITIGE
Le contexte
La société anonyme à conseil d’administration, la Française des jeux (la FDJ), héritière de la loterie nationale française, dispose d’un monopole sur la distribution des jeux de hasard, par deux décrets du 9 novembre 1978 puis du 18 février 2006, sous réserve des paris équestres (PMU), des jeux de casino et des paris sportifs en ligne, désormais ouverts à la concurrence.
Jusqu’en 2014, la distribution des jeux d’argent a reposé principalement sur deux acteurs indépendants :
– les détaillants, essentiellement des commerces de proximité, qui commercialisent les jeux auprès du public en qualité de mandataires de la FDJ,
– les courtiers-mandataires, qui prospectent et gèrent les réseaux des détaillants dans un secteur géographique déterminé, assurent leur approvisionnement en tickets, collectent les mises, paient les gains.
Les courtiers de la Française des jeux sont regroupés au sein d’une vingtaine de groupements d’intérêt économique (GIE) qui ont notamment la charge de présenter à la Française des jeux des candidats susceptibles d’acquérir les secteurs des courtiers-mandataires cessant leurs activités.
Les relations entre la FDJ et les courtiers-mandataires ont été, depuis 1987, organisées dans le cadre d’un contrat qualifié de mandat d’intérêt commun par la jurisprudence, dont les termes sont identiques pour tous les courtiers-mandataires et négociés au niveau national.
Depuis 1988, les courtiers-mandataires sont actionnaires de la Française des Jeux, à travers une société Soficoma, qui détient 3% de son capital social.
En 1991, un nouveau contrat, actuellement en cours, a été conclu, et, se substituant au précédent, a fait l’objet de plusieurs avenants. Par ce contrat, qui a été qualifié de mandat d’intérêt commun, la Française des jeux confie aux courtiers-mandataires un secteur géographique déterminé et leur demande de la représenter auprès de l’ensemble des détaillants du secteur attribué.
Au début des années 2000, l’Etat a demandé à la société Française des jeux, dont le réseau de distribution était trop coûteux, de diminuer la rémunération de la filière, notamment en ouvrant des négociations avec les courtiers-mandataires.
Entre 2001 et 2003, des négociations ont abouti à la conclusion d’un avenant au contrat de courtier-mandataire, le 15 juillet 2003. Une option a été offerte aux courtiers-mandataires :
(i) la poursuite de leur activité de courtage aux conditions de ce nouvel avenant, lequel prévoyait une réduction du taux de leurs commissions en contrepartie de l’octroi de certains avantages ou
(ii) la cessation de leur activité en bénéficiant d’une indemnisation renforcée en sus de celles contractuellement fixées à 1,65 fois le montant des commissions perçues par le courtier mandataire au titre de l’exercice précédent.
Dans ce cadre, la Française des Jeux a décidé de procéder à la ré-affectation des secteurs des 36 courtiers-mandataires qui n’avaient pas accepté de poursuivre leurs activités après 2003 aux autres courtiers restant en activité.
L’objectif poursuivi par cette « re-sectorisation » était d’homogénéiser les secteurs attribués aux courtiers-mandataires. Cette opération temporaire a pris fin au début de l’année 2005. Les secteurs vacants dans le cadre de cette réorganisation, ont été réaffectés à d’autres courtiers-mandataires existants ou à des filiales de la FDJ.
Les relations entre la FDJ et les courtiers-mandataires se sont tendues et ceux-ci, reprochant à la FDJ d’avoir conservé une dizaine de secteurs sous son contrôle par l’intermédiaire de ses filiales, ont saisi en décembre 2007 l’Autorité de la concurrence d’une plainte dont ils se sont finalement désistés.
De nouvelles négociations ont été engagées en 2008 entre la FDJ et l’UNDJ – organisation représentant les courtiers-mandataires au niveau national – et un programme de travail a été signé le 7 septembre 2009 entre les parties. Ces négociations portaient notamment sur la re-sectorisation de la distribution dans un but de réduction des coûts de distribution de la filière. Ces négociations ont échoué, les courtiers-mandataires refusant de ratifier un projet d’accord adressé par la FDJ le 29 avril 2011.
Par courriers des 13 octobre 2011 et 17 février 2012, la FDJ a informé les courtiers-mandataires de son intention de travailler sur un dispositif commercial incluant les aspects organisationnels et contractuels, ce qui pourrait affecter les relations contractuelles avec les courtiers mandataires.
Les courtiers-mandataires ont alors introduit plusieurs instances à l’encontre de la FDJ, directement ou par l’intermédiaire de l’UNDJ.
La FDJ a, par lettre du 22 mai 2014, notifié à chaque courtier-mandataire la résiliation de son contrat sur le fondement de l’article 7 de l’avenant de 2003, moyennant le respect d’un délai de préavis fixé en fonction de la durée des différentes relations commerciales et le versement de 1,65 fois le montant des commissions de l’année précédente.
Cette résiliation a donné lieu à des contestations devant les juridictions judiciaires.
En l’espèce
Mme [O] [K], a conclu un contrat de courtier-mandataire avec la FDJ le 1er mars 1987 aux termes duquel elle s’est vu confier un secteur géographique en Provence Alpes Côte d’Azur, devant ainsi représenter sa mandante auprès de l’ensemble des détaillants de ce secteur.
Ce contrat a été substitué par un autre signé le 7 janvier 1993.
Le contrat de courtier-mandataire (le ‘Contrat’) a été apporté, en 2002, à la société [O] [K], dont le gérant, associé majoritaire, est Mme [O] [K].
A l’issue de la négociation de l’avenant 2003, rappelée dans l’exposé des faits, la société [O] [K] a notifié sa volonté de poursuivre son activité aux conditions dudit avenant qui a modifié, notamment, les termes de l’article 10 du contrat sur les conditions de cessation d’activité.
Le Contrat devait prendre fin initialement le 25 octobre 2009, Mme [O] [K] ayant atteint la limite d’âge contractuelle de 66 ans, mais il a été prorogé, à plusieurs reprises et d’un commun accord, jusqu’au 2 décembre 2012.
Par lettre du 24 avril 2012, la FDJ a informé le GIE géographiquement compétent (le GIE) de la date prochaine de cessation d’activité de Mme [O] [K] et a demandé au GIE de proposer des candidats à sa reprise dans le délai contractuel d’un mois.
Par lettre du 20 juin 2012, le GIE a présenté à la FDJ la candidature de M. [X] [K], neveu de Mme [O] [K] et associé d’une société de courtage, non membre du réseau.
Par lettre du 21 juin 2012, le GIE a présenté deux propositions, hors délai, à la FDJ fondées sur la candidature de M. [W] [K], courtier en exercice, qui prévoyait (i) d’acquérir la totalité des parts de la société [O] [K], avant d’en céder 40% à M.[V] [U], également courtier en exercice, ou (ii) d’acquérir seul la totalité des parts de la société [O] [K].
Le 27 juillet 2012, certaines de ces candidatures ont fait l’objet d’un refus par FDJ, la première ([X] [K]) parce qu’elle ne répondait pas à sa nouvelle politique commerciale et la seconde ([W] [K] avec [V] [U]) parce qu’elle ne permettait pas d’atteindre au terme du découpage, des tailles de secteurs optimisées.
En revanche, la candidature de M. [W] [K] seul a retenu l’attention de la FDJ aboutissant, après discussions, à la signature d’un nouveau contrat à durée indéterminée le 6 novembre 2012, informant le même jour la société [O] [K] de ce que les candidatures ‘telles que proposées’ n’ayant pas été retenues, elle percevrait l’indemnité contractuelle.
Le 15 novembre 2012, Mme [O] [K] a contesté les conditions de la reprise de son secteur.
L’indemnité contractuelle a été réglée par FDJ pour moitié (666.796,82 euros) le 10 décembre 2012, puis le solde le 30 janvier 2013, soit un total de 1.333.593,64 euros.
Le 10 février 2015, la société [O] [K] a assigné la FDJ devant le tribunal de commerce de Nanterre, sollicitant la réparation de son préjudice évalué alors à la somme de 1.159.179,36 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à l’écart entre l’indemnité contractuelle et la valeur de son contrat, soutenant que la FDJ avait commis une faute en violant la procédure de cession prévue par l’article 10 du contrat.
Par jugement du13 juillet 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a:
– dit la SA La Française des Jeux fautive, ayant abusé de son droit à refus d’ ‘agrément et n’ayant pas justifié de son obligation de moyens de désigner un cessionnaire au sens de l’article 10-3 du Contrat,
– en réparation, condamné la SA La Française des Jeux à payer à la SAS [O] [K] la somme de 325 000 € à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, et capitalisation des intérêts selon les modalités et délai de l’article 1343-2 (nouveau) du code civil,
– condamné la SA La Française des Jeux à payer à la SAS [O] [K] la somme de 5 000 € au titre de l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– condamné la SA La Française des Jeux aux dépens.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l’appel interjeté le 21 août 2019 par la société FDJ du jugement
Vu les dernières conclusions notifiées le 4 novembre 2020 par lesquelles la Française des jeux prie la cour de :
Vu l’article 1134 du code civil dans son ancienne version en vigueur,
Vu l’article 10 du contrat de courtier-mandataire,
Vu les principes de resectorisation du 6 octobre 2003,
Vu le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 13 juillet 2018,
Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 13 juillet 2018 en ce qu’il a :
– dit que FDJ était libre d’organiser sa politique commerciale,
– dit que FDJ n’avait commis aucune faute ni aucun abus en refusant d’agréer Monsieur [X] [K] ainsi que la proposition conjointe de Messieurs [W] [K] et [V] [U],
Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 13 juillet 2018 en ce qu’il a :
– dit que FDJ avait abusé de son droit d’examen de la candidature de Monsieur [W] [K],
– dit que FDJ n’avait pas démontré qu’elle aurait recherché un cessionnaire au courtier-mandataire cédant,
– condamné FDJ à payer à la société [O] [K] une somme de 325.0000 euros à titre de dommages et intérêts,
– condamné FDJ à payer à la société [O] [K] une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné FDJ aux dépens,
Statuant à nouveau,
– dire et juger que les deux propositions de reprises présentées par le GIE Provence Alpes Corse en accord avec la société [O] [K] par lettre datée du 21 juin 2012 mais reçue le 25 juin 2012 sont irrecevables car présentées hors délai,
– dire et juger que FDJ a parfaitement respecté les termes de l’article 10 du contrat de courtier-mandataire en :
– ayant refusé d’agréer les candidats présentés sur le fondement de ses principes de resectorisation, connus et revendiqués par les courtiers-mandataires,
– constatant qu’il était impossible de désigner un cessionnaire au courtier partant compte tenu du contexte de réorganisation du réseau en cours,
– versant l’indemnité contractuelle de 1,65 fois les commissions N-1,
– proposant à Monsieur [W] [K], courtier-mandataire en exercice, de reprendre le secteur libéré dans le cadre d’un nouveau contrat, distinct du contrat de courtier-mandataire, ce que ce dernier a accepté,
– dire et juger que la société [O] [K] n’a subi aucun préjudice indemnisable,
– dire et juger que l’indemnité contractuelle de 1,65 fois les commissions est destinée à pallier l’absence de possibilité de céder le contrat de courtier-mandataire en dehors de la procédure d’agrément,
– dire et juger que le montant de cette indemnité a été fixé d’un commun accord entre les parties et correspond au prix du marché,
– dire et juger que cette indemnité n’est pas de nature à léser les courtiers-mandataires,
– dire et juger que même dans l’hypothèse où le contrat de la société [O] [K] aurait été résilié, seule l’indemnité contractuelle de 1,65 fois les commissions est applicable, par application de l’article 7 de l’avenant de 2003 ;
– débouter la société [O] [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause :
– condamner la société [O] [K] au paiement d’une somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Maître Oriane Dontot, JRF & Associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions notifiées le 19 février 2020 par lesquelles la société [O] [K] demande à la cour de :
– débouter la FDJ de toutes ses demandes, fins et conclusions.
– l’accueillir en ses demandes, fins et conclusions et les dire bien fondés.
– infirmer partiellement le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 13 juillet 2018, en ce qu’il n’a pas jugé fautifs les agissements de la Française des Jeux, qui a :
1. Résilié le contrat de la SAS [O] [K], après avoir refusé les trois candidats présentés par elle, pour l’attribuer Monsieur [W] [K], candidat qu’elle avait elle-même proposé par l’intermédiaire de son GIE,
2. Proposé à Monsieur [W] [K] la signature d’un contrat de distribution à durée déterminée, excluant le contrat et le statut de courtier mandataire, ainsi que la cession du contrat de la SAS [O] [K] et la privant ainsi du tout prix de cession,
3. Refusé, d’agréer quelque cessionnaire que ce soit dans le cadre de la procédure de cession établie par l’article 10 du contrat de courtier mandataire de la SAS [O] [K],
– infirmer ce même jugement en ce qu’il n’a pas prononcé une condamnation réparant l’intégralité du préjudice subi par la SAS [O] [K], en limitant le montant des dommages intérêts alloués à la somme de 325 000 €,
– infirmer ce même jugement en ce qu’il a fait courir les intérêts de droit à compter du jugement du 13 juillet 2018,
– le confirmer pour le surplus,
Statuant à nouveau,
– dire et juger qu’en ne respectant pas les stipulations du contrat de courtier mandataire la liant à la SAS [O] [K] dans la mise en ‘uvre de la procédure contractuelle decession du contrat de courtier mandataire signé entre les parties, la Française des Jeux a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité contractuelle,
– condamner la Française des Jeux à payer à la SAS [O] [K] la somme de 1 159 179 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, avec intérêts de droit à compter du 2 février 2013, date de la mise en demeure,
– condamner la Française des Jeux à payer à la SAS [O] [K] la somme de 20 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamner la Française des Jeux aux dépens d’appel, avec droit de recouvrement au profit de maître Pascale Regrettier-Germain, avocat, pour les frais dont elle a fait l’avance, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 5 novembre 2020 .
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
À titre liminaire, la cour, tenue par le seul dispositif des conclusions, rappelle qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à «donner acte », « constater », « dire et juger », dans la mesure où elles ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.
I – Sur les fautes imputées à la FDJ dans l’exécution du contrat
La FDJ critique le jugement en ce qu’il a dit qu’elle avait commis une faute en ayant abusé de son droit à refus d’agrément et en n’ayant pas justifié de son obligation de moyens de désigner un cessionnaire au sens de l’article 10-3 du Contrat. La FDJ soutient que l’article 10 du contrat de courtier-mandataire, qui doit s’analyser au vu des principes de resectorisation, comprend cinq étapes qu’elle détaille, et suppose son agrément préalable à toute cession. Elle fait valoir que cet article 10 doit s’interpréter à la lumière des autres dispositions du contrat pour en apprécier l’économie générale.Elle fait valoir que ses refus d’agréer les candidats présentés par le GIE étaient justifiés, qu’elle n’avait pas d’obligation de concertation avec le GIE. Elle soutient que son obligation de désigner un cessionnaire constitue une obligation de moyen qu’elle a respectée, et non de résultat. Elle expose qu’il lui était impossible de désigner un cessionnaire compte tenu de la réorganisation du réseau.
La société [O] [K] fait valoir que le contrat de courtier-mandataire est un mandat d’intérêt commun, cessible, qui doit être exécuté de bonne foi. Elle soutient que le droit d’agrément est limité par son abus. Elle fait valoir que la FDJ a détourné la procédure d’agrément en résiliant le contrat de la société [O] [K] sans rechercher un cessionnaire au prétexte d’une impossibilité tirée de la réorganisation du réseau laquelle n’est pas établie.
…
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutés de bonne foi.
Le litige porte sur la mise en ‘uvre des dispositions de l’article 10, amendé, du Contrat intitulé “Cession du présent contrat” qui régit la procédure de cession et qui est ainsi libellé :
“10.1 Le courtier mandataire souhaitant cesser son activité ou céder une partie de celle-ci doit en informer [FDJ] par courrier recommandé avec demande d’avis de réception, avec un préavis d’au moins trois mois et préciser la date souhaitée de la cessation de son activité.
[FDJ] doit en informer immédiatement le GIE territorialement compétent qui dispose d’un mois pour proposer à [FDJ], en accord avec le courtier mandataire cédant, un ou plusieurs successeurs, personnes physiques représentant le nouveau courtier mandataire proposé.
10.2 ….
10.3 [modifié par l’avenant du 15 juillet 2003] Après trois refus successifs des candidats présentés, la Française des jeux doit, soit désigner elle-même un cessionnaire au courtier mandataire cédant, soit, si cette solution s’avère impossible, verser au courtier mandataire cédant, une indemnité fixée, sous réserve des dispositions de l’article 10.4 ci-après, à une fois, soixante cinq, la totalité des commissions du courtier mandataire au titre de l’année civile précédente, recalculé sur la base du taux de commission applicable à la date de la cessation d’activité, à savoir :
montant des enjeux jeux en temps réel enregistré par les détaillants sur le territoire contractuel du courtier mandataire au titre de l’année N -1 x (taux de commission jeux temps réel en vigueur à la date de cessation d’activité du courtier mandataire cédant) x 1.65
+
montant des enjeux jeux de grattage enregistré par les détaillants sur le territoire contractuel du courtier mandataire au titre de l’année N -1(taux de commission jeux de grattage en vigueur à la date de cessation d’activité du courtier mandataire cédant) x 1.65.
…”
10.4 Toutefois, le montant de l’indemnité ne peut excéder le prix le moins élevé proposé par le candidat cessionnaire présenté par le(s) courtier(s) mandataire(s) cédant(s) dont la candidature n’aura pas été agréée par [FDJ].
[FDJ] est alors libre de conclure un nouveau contrat avec le courtier mandataire de son choix.”
****
Un agrément prévu contractuellement peut, par nature, être refusé à condition de ne pas dégénérer en abus de droit.
Les parties s’accordent à considérer que la procédure de cession est encadrée par les dispositions de l’article 10 du contrat ainsi que par celles de la lettre du 6 octobre 2003 définissant la politique commerciale de la FDJ à l’égard de ses courtiers mandataires.
Des dispositions de l’article 10 du contrat, il se déduit que le courtier-mandataire exprimant le souhait de cesser son activité (soit volontairement, soit par limite d’âge) est autorisé à céder celle-ci. Pour ce faire, il doit proposer, par l’intermédiaire du GIE concerné, des cessionnaires dont la candidature est soumise à l’agrément de la FDJ. En cas de refus de trois propositions par la FDJ, celle-ci doit désigner un cessionnaire. En cas d’impossibilité, la FDJ doit verser l’indemnité contractuellement prévue (art.10.3).
Les termes de la politique commerciale sont définis dans une note du 6 octobre 2003 qui présente les principes de sectorisation. “Ces principes doivent servir de cadre au courtage pour élaborer, en concertation avec les responsables régionaux, des propositions permettant d’homogénéiser et d’optimiser la carte de France des secteurs.”.
Ces principes s’appuient, notamment, sur la valorisation du métier de courtier par une bonne connaissance de la zone économique supposant un nombre de détaillants maximum ainsi qu’une superficie maximale ; sur l’efficacité par une taille de secteur suffisante ; sur la simplification de l’organisation commerciale : un courtier / une commune, sauf dans les grandes villes, avec harmonisation des limites avec celles du département si possible ; ;sur l’homogénéisation des tailles de secteurs ; sur l’atteinte de taille de secteurs “cible”, notamment par rachat de secteurs limitrophes et par recours à la mobilité et répartition du secteur laissé vacant ; sur l’équité entre courtiers en prenant connaissance de l’ensemble des propositions en vue d’une mise en cohérence nationale avec examen en comité commercial, en privilégiant les courtiers en place; sur la faveur donnée à un meilleur découpage du territoire avec un chiffre d’affaires annuel maximal de l’ordre de 75 à 80 millions d’euros, un volume annuel de commissions de l’ordre de 1,2 millions d’euros et un nombre de points de vente de 650 à 700.
En l’espèce, il a été précédemment rappelé que Mme [O] [K] atteignant l’âge de 66 ans, le contrat de la société [O] [K] devait prendre fin le 24 octobre 2009, en application de l’article 6, et la FDJ, en accord avec celle-là, en a prorogé l’exécution jusqu’au 2 décembre 2012.
Elle a, par courrier du 22 mai 2012, informé le GIE qu’il disposait d’un mois à compter de la réception du courrier pour lui proposer, en accord avec le cédant, un ou plusieurs candidats à la reprise de son secteur.
Sur l’irrecevabilité tirée de la présentation hors délai des candidatures
La FDJ sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a déclaré recevables deux candidatures ( MM. [K] et [U] et M. [W] [K], seul) présentées par le GIE alors qu’elles ont été déposées plus d’un mois après le délai contractuel prévu à l’article 10.
La cour relève que le délai d’un mois a couru à compter du 24 mai 2012, selon l’accusé de réception de la lettre de la Française des jeux au GIE, l’informant du souhait de la société [O] [K] de céder son contrat. Le délai a expiré le 24 juin 2012.
Par courrier daté du 21 juin 2012, le GIE a adressé à la FDJ les propositions de MM. [K] et [U] et M. [W] [K] et la FDJ verse un exemplaire de ce courrier portant un tampon de réception au 25 juin 2012.
Ces candidatures ont donc été présentées hors délai.
Toutefois, la cour relève que la FDJ a répondu au GIE le 27 juillet 2012 à propos des candidatures de MM. [K] et [U] et de M. [W] [K], sans faire état d’une éventuelle irrecevabilité de ces candidatures pour dépassement de délai, en motivant son refus de les agréer car elle envisageait une opportunité d’extension de son secteur plus conforme à la recherche d’une meilleure homogénéité des secteurs ; par ailleurs, le délai d’un mois n’est sanctionné par aucune irrecevabilité des candidatures, ni aucune autre sanction et, en acceptant de procéder à l’examen de ces candidatures – alors que rien ne l’y obligeait et qu’elle pouvait au contraire s’en tenir à refuser les candidatures tardives – la FDJ a renoncé à se prévaloir de leur tardiveté.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur l’absence de mise en place d’une concertation
Le souci de veiller à l’équité entre les courtiers figure parmi les principes de resectorisation transmis le 6 octobre 2003, exprimé ainsi :
‘Connaître l’ensemble des propositions : après concertation entre les responsables régionaux et les GIE, les propositions de candidature seront transmises à La Française des Jeux pour une mise en cohérence nationale. Ces propositions seront débattues entre la Française des jeux et les GIE concernés et feront également l’objet d’un examen en comité commercial’.
La FDJ soutient que la concertation doit intervenir, en premier lieu, entre les GIE et les responsables régionaux avant la transmission des candidatures à la FDJ, de sorte qu’elle n’y participe pas à ce stade.
Cela étant, le fait que la cession d’activité de la société [O] [K] soit intervenue alors que la FDJ avait précédemment négocié près de quatre ans (2008 à 2012) avec l’UNDJ (représentant en grande partie les courtiers) sans parvenir à un accord ne dispensait pas la FDJ d’un débat sur ces candidatures avec le GIE concerné ni de leur examen en comité commercial, selon les principes de sectorisation arrêtés par la FDJ, laquelle ne conteste pas vraiment s’être abstenue d’un débat avec le GIE concerné et d’un examen en comité commercial.
Pour autant, ce principe de concertation vise à assurer une équité entre courtiers candidats afin d’assurer une cohérence nationale, et il n’est pas démontré que cette absence de concertation a eu pour conséquence une rupture d’égalité entre courtiers au cas d’espèce alors que la FDJ a écarté l’ensemble des candidatures proposées.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur le refus d’agréer la candidature de M.[X] [K]
La FDJ a refusé, par sa lettre du 27 juillet 2012, la candidature de M. [X] [K], s’agissant d’une candidature extérieure, en indiquant que “notre politique commerciale,…, consiste à homogénéiser la taille des secteurs et à réduire leur nombre. De ce fait, la candidature extérieure de M. [X] [K] ne permet malheureusement pas de répondre à cet objectif.’….
Les principes de la resectorisation de 2003 contiennent notamment celui de «privilégier les courtiers présents : les re-sectorisations actuelles doivent bénéficier aux courtiers ayant choisi de poursuivre leur activité. La conséquence logique de ce principe est de ne pas retenir, dans cet exercice, l’hypothèse de l’arrivée de nouveaux courtiers.»
Aussi la FDJ, libre d’organiser son réseau, pouvait refuser d’agréer la candidature de M. [X] [K], au regard de la politique commerciale qui exclut l’arrivée de nouveaux courtiers, celui-ci n’ayant pas la qualité de courtier-mandataire en activité à la date du dépôt de sa candidature.
La promesse de cession entre la société [O] [K] et M.[X] [K] est inopposable à la FDJ. La société Galeo, animée par M. [W] [K], finalement retenue, n’a pas été agréée, au sens du Contrat, par la FDJ de sorte que l’argument selon lequel cette société était un nouvel acteur au même titre que M.[X] [K] est inopérant.
Il résulte de ce qui précède que ce refus était fondé sur des critères objectifs connus et définis.
Il était donc conforme aux principes de resectorisation arrêtés en 2003 et ne saurait être fautif, le jugement devant être confirmé sur ce point.
Sur le refus d’agréer les candidatures de MM. [V] [U] et [W] [K]
La FDJ a refusé (lettre du 27 juillet 2012) la candidature de MM. [V] [U] et [W] [K], au motif que “celle-ci découpe le secteur de Mme [K] en deux, ce qui ne permet pas d’atteindre au terme du découpage des tailles de secteurs optimisée (sic)’.
La société [O] [K] a contesté ce refus.
Dans sa lettre du 21 juin 2012, le GIE exposait les conditions de cette candidature :
‘Monsieur [W] [K], courtier en exercice, exploitant dans le cadre de la société SNC SGEM reprendrait la totalité des parts sociales de la société EURL [O] [K], sous diverses conditions suspensives, moyennant un prix de 1.658.592 €. ….. En contre partie, Monsieur [W] [K] céderait à Monsieur [V] [U], courtier mandataire en exercice, environ 40 % du portefeuille actuel de la société EURL [O] [K], représentant tout le secteur du haut var, soit un total de 876.000 € (sachant que la valeur actuelle du portefeuille total d'[O] [K] s’élève à 2.260.546 €)…. ‘ .
Par lettre du 6 octobre 2003, la FDJ a fait connaître les principes qui devaient présider aux opérations de sectorisation à venir permettant d’homogénéiser et d’optimiser la carte de France des secteurs. Cette lettre donnait des indications chiffrées pour favoriser le meilleur découpage du territoire, et notamment, un chiffre d’affaires maximal annuel de l’ordre de 75 à 80 M€ et un volume annuel de commission au taux cible de l’ordre de 1,2 M€.
Sur la base du montant de commissions réalisé en 2011 soit 808.238,56 € (1.333.593,64/1.65) (Pièce n°45 FDJ) non contesté, la partition du seul secteur de la société [O] [K], aurait conduit à un volume, selon le pourcentage proposé par le GIE, de commissions de 484.943,14 € pour M. [K], et de 323.295,42 € pour M. [U], loin du ‘taux cible’ sans qu’il soit établi que le montant cumulé des commissions réalisées sur le secteur de M. [K] ou de M. [U] avec celui de la société [O] [K] soit susceptible de correspondre au ‘taux cible’ de1,2M€.
La FDJ a donc dénié son agrément sans abuser de son droit de refus.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur le refus d’agréer la candidature de [W] [K] en qualité de courtier-mandataire
La lettre du GIE du 21 juin 2012 soumettait une troisième proposition ainsi articulée :
‘1) Monsieur [W] [K], courtier en exercice, exploitant dans le cadre de la société SNC SGEM reprendrait la totalité des parts sociales de la société [O] [K], sous diverses conditions suspensives, moyennant un prix de 1.658.592 €….
2) A défaut, nous vous indiquons que si vous ne deviez pas accepter les modalités de transfert visées au chapitre 1 ci-dessus, Mademoiselle [O] [K] cédera alors son contrat à la société de Monsieur [W] [K], moyennant un prix permettant à Mademoiselle [O] [K] de disposer d’un disponible net après impôts équivalent à la solution visée au 1 ci-dessus, après liquidation de la société, soit 2.260.546 €. Cette cession se réaliserait sous la même condition suspensive de l’obtention d’un crédit qu’en matière de cession d’actions….’.
Dans sa lettre du 27 juillet 2012, la FDJ a répondu au GIE que cette candidature avait retenu son attention. Dans les faits, la FDJ a informé le 6 novembre 2012, la société [O] [K] qu’elle n’avait retenu aucune des candidatures mais que son activité serait reprise par une société dénommée Galéo, annonçant le versement de l’indemnité contractuelle de fin de contrat prévue à l’article 10 du contrat.
Il n’est pas contesté que M. [W] [K] est le représentant légal de la société Gaéo.
Pour justifier son refus de la candidature de M. [W] [K], la FDJ fait valoir dans ses écritures que la viabilité et la pérennité du secteur n’étaient pas assurées par cette candidature de sorte que les principes de sectorisation déjà évoqués, ne pouvaient être respectés. Elle expose que le financement envisagé par M. [W] [K] devait s’effectuer par emprunt sur 10 ans à un taux d’intérêt maximum de 5% représentant des annuités d’environ 217.000 euros, qu’une réorganisation définitive du réseau était en cours (lettre FDJ du 13 octobre 2011) induisant une résiliation générale prochaine, de sorte qu’il était périlleux pour les courtiers-mandataires de procéder à un rachat de secteur dans ce contexte. Elle rappelle que le contrat de M. [W] [K] a effectivement été résilié en mai 2014.
Or, M. [W] [K], courtier-mandataire en exercice, ne pouvait ignorer, au moment où il a fait acte de candidature (21 juin 2012), l’éventualité d’une résiliation générale des contrats de courtier-mandataire. M.[W] [K] assumant ce risque.
La FDJ ne peut justifier d’une impossibilité de respecter un engagement contractuel, déterminant pour son cocontractant, au seul motif d’une décision unilatérale éventuelle de modifier sa propre politique commerciale susceptible d’aboutir à une résiliation prochaine du contrat, si nécessaire soit-elle à ses yeux et quand bien même la société [O] [K] en serait informée.
En outre, par lettre du 17 février 2012, la FDJ a pris acte du refus des courtiers mandataires d’adhérer à la nouvelle politique commerciale précisant que “dès lors, nos relations ne sont pas modifiées, votre contrat de courtier-mandataire continuant à s’appliquer dans toutes ses dispositions, dont celles de l’avenant de 2003”. La FDJ a donc accepté que les modalités d’exécution du Contrat ne soient pas affectées par cette réorganisation réseau et ce jusqu’au terme de celui-ci.
Enfin, dans sa lettre du 4 octobre 2012, la FDJ propose à M. [W] [K] de reprendre le secteur de la société [O] [K] :’…., dans le cadre d’un contrat temporaire, vous permettant d’exploiter ce secteur en attendant la mise en place d’une nouvelle organisation commerciale. Ce contrat ne modifie pas votre contrat de courtier-mandataire sur votre secteur actuel : il a pour vocation de vous permettre la reprise d’un secteur additionnel sans investir dans un droit d’intégration dont l’amortissement ne pourrait être garanti…’.
Elle permet ainsi à M. [W] [K] de reprendre l’activité de la société [O] [K] et d’éluder le paiement du prix de cession à la société [O] [K].
En refusant la candidature de M. [W] [K] au seul motif d’une absence de pérennité et de viabilité se déduisant d’un risque de résiliation éventuelle qu’elle seule maîtrise, la FDJ n’a pas fondé sa décision sur des critères objectifs de sorte que son refus doit être considéré comme abusif.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur l’obligation pour la FDJ de désigner un cessionnaire
Selon le Contrat “Après trois refus successifs des candidats présentés, la Française des jeux doit, soit désigner elle-même un cessionnaire au courtier-mandataire cédant, soit, si cette solution s’avère impossible, verser au courtier-mandataire cédant, une indemnité ….”.
La désignation d’un cessionnaire au cédant permet à ce dernier de négocier de gré à gré le prix de cession qui peut se révéler plus avantageux que l’indemnité contractuelle prévue en cas d’impossibilité de désignation.
En proposant le versement de l’indemnité contractuelle à la société [O] [K], la FDJ a considéré qu’il lui était impossible de procéder à la désignation d’un candidat.
Selon la FDJ cette impossibilité tenait à la réorganisation, initiée depuis 2010 et toujours en cours, de son réseau de distribution devant conduire à la mise en place d’un nouveau protocole entre elle et les courtiers-mandataires (sa lettre du 27 juillet 2011), prélude à une résiliation générale des contrats de courtiers-mandataires. Elle expose que dans l’attente de la mise en place de cette réorganisation, il aurait été ‘périlleux’ de la part des courtiers-mandataires de procéder au rachat d’un secteur. Elle a donc proposé un contrat temporaire pour éviter le reproche d’avoir agréé des courtiers-mandataires qui auraient dû emprunter des sommes élevées sans espoir d’amortir leur investissement du fait de la résiliation prochaine de leur contrat.
La FDJ ne soutient pas avoir désigné, ni même recherché, un cessionnaire avant de confirmer l’expiration du contrat de la société [O] [K]. La FDJ ne peut tirer argument de la réorganisation imminente du réseau qu’elle seule a décidé et maîtrise, pour justifier d’une impossibilité de désigner un cessionnaire dans le respect du cadre contractuel convenu.
La FDJ ne rapporte pas la preuve d’avoir respecté son obligation de désigner un cessionnaire.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
II- Sur le préjudice
Le jugement a justement relevé que la FDJ avait abusivement rejeté la candidature de M. [W] [K] et n’avait pas recherché ni désigné de cessionnaire à la société [O] [K], comme le prévoit l’article 10-3 du contrat de courtier-mandataire, de sorte qu’elle doit réparation de cette faute.
La FDJ sollicite l’infirmation du jugement qui l’a condamnée à verser la somme de 350.000 euros. Elle fait valoir que l’indemnisation contractuelle, déjà versée, résultant du coefficient contractuel de 1,65 appliqué au montant des commissions perçues au titre de l’exercice précédent la cession, est la seule applicable. Elle soutient que la société [O] [K] n’a subi ni gain manqué, ni perte de chance. Elle critique l’évaluation proposée par la société [O] [K].
La société [O] [K] fait grief au jugement d’avoir considéré que le préjudice devait correspondre à la réparation d’une perte de chance. Elle soutient que le préjudice doit être évalué selon le gain manqué en l’absence de tout aléa, étant assurée de céder son activité si la FDJ n’avait pas commis de faute. Elle estime son préjudice à la somme de 1.159.179,39 € correspondant à la différence entre la valeur de l’entreprise (2.492.773 €) et l’indemnité de résiliation perçue (1.333.593,64 €). A titre subsidiaire, elle fait valoir l’existence d’une perte de chance qui doit s’appliquer non sur le prix de cession des parts sociales (1.658.592€) mais sur les offres d’achat (2.260.546 €).
Sur ce,
Aux termes des articles 1142 et 1149 anciens du code civil, toute inexécution contractuelle se résout par l’allocation aux créanciers de dommages et intérêts qui sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé.
La seule désignation d’un cessionnaire par la FDJ, à supposer que celle-ci ait respecté cette obligation, n’assurait pas la société [O] [K] de sceller un accord de cession avec le cessionnaire désigné et d’obtenir un prix plus avantageux que la seule indemnité contractuelle, notamment parce que le contexte de la réorganisation du réseau laissait planer une incertitude sur l’avenir des contrats de courtiers-mandataires qui ont été, de fait, résiliés deux ans plus tard.
En outre, si la société [O] [K] soutient que la résiliation abusive du contrat de courtier mandataire par la FDJ lui a provoqué une perte subie – du fait de la disparition du contrat- et un gain manqué – la privation de toute cession de son contrat-, il convient de rappeler que le contrat prévoit que le cessionnaire doit bénéficier de l’agrément de la FDJ, laquelle dispose de la faculté d’accepter ou de refuser les candidats à la cession, et cette absence d’automaticité de l’agrément délivré par la FDJ est exclusive des notions de perte subie et de gain manqué.
Il s’en déduit que l’appréciation du préjudice doit être conduite selon la règle de la perte de chance, définie comme la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable, et non celle du gain manqué.
L’indemnisation recherchée doit se limiter à une somme correspondant à la seule chance perdue sans référence à l’indemnité contractuelle laquelle n’est applicable que lorsque la désignation d’un cessionnaire s’avère impossible ce qui n’est pas démontré au cas présent.
En l’espèce, l’absence de toute désignation d’un cessionnaire par la FDJ conduit la cour à considérer que la perte de chance est actuelle et certaine, le bénéfice de la désignation, dont la société [O] [K] a été privée, constituant une éventualité favorable à la cession de son Contrat.
La cour estime que la probabilité de conclure un accord de cession avec le cessionnaire s’il avait été désigné par la FDJ, était élevée (70%) dans la mesure où la FDJ a finalement contracté avec le candidat (M. [W] [K]) qui s’était présenté à la reprise du secteur d’activité de la société [O] [K].
Il appartient à la cour de déterminer l’assiette correspondant à la valeur de cession de l’activité sur laquelle doit s’appliquer ce pourcentage de 70%.
La société [O] [K] fait valoir une valorisation de son contrat de 2.492.773 euros soit un coefficient de 3.08 appliqué au montant des commissions de l’exercice précédent (ses conclusions p.50 s’appuyant sur une étude par expert-comptable et sur les offres de cession) alors que la FDJ expose que l’indemnisation à hauteur d’un coefficient de 1,65 fois les commissions de l’année 2011 (conduisant à l’indemnité contractuelle déjà versée de 1.333.593,64 €) est la seule valeur à retenir en l’espèce, en soulignant que les courtiers-mandataires ne sont pas titulaires d’un fonds de commerce.
Il convient de retenir une valorisation par application d’un coefficient appliqué au montant des commissions encaissées l’année précédente sans retenir le coefficient de 1,65 qui ne s’applique que lorsque la FDJ rapporte la preuve de l’impossibilité de désigner un cessionnaire ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Le montant des commissions encaissées l’année précédant la cession (2011) s’élève à 808.238,56 € .
La cour retiendra un coefficient pondéré entre (i) les offres des candidatures présentées à la société [O] [K] reflétant la particularité du marché local, rapportées au montant des commissions dégagées par la société [O] [K] au titre de l’exercice précédent et (ii) la valeur des cessions sur l’ensemble du territoire reflétant la multiplicité des cessions au niveau national, telle qu’elle ressort de la moyenne des coefficients retenus par les juridictions. Une part plus importante sera donnée au second indicateur (0,6) qu’au premier (0,4), afin de tenir compte du plus grand nombre des cessions intervenues au niveau national.
S’agissant du premier élément, la cour retiendra le montant de 1.658.692 € figurant dans la seconde et la troisième proposition. Ainsi la cour retiendra un coefficient de 2.05, correspondant au rapport entre ces propositions et le montant des commissions de l’année N-1(1.658.692 € / 808.238,56 € =2,05).
S’agissant du second élément, la cour retiendra la moyenne des coefficients retenus par les juridictions saisies d’offres d’achat présentées par les candidats à la reprise, aux courtiers ayant cessé leur activité en 2012, les coefficients appliqués dans des cessions trop anciennes n’étant pas pertinentes pour évaluer le préjudice subi par la société [O] [K] en 2012. Au vu des pièces produites, le coefficient moyen retenu par les juridictions était de 1,96.
Ainsi le coefficient pondéré sera fixé à 1,99 (2,05 x 0,4 + 1,96 x 0,6).
La valeur de la cession s’élevant à 808.238,56 € x 1,99 = 1.608.394,73 euros, de sorte que la perte de chance sera évaluée à 1.125.876,31€ (1.608.394,73 euros x 0,70).
Le montant de la condamnation réparatrice du préjudice soit 1.125.876,73 € est inférieur à ce qu’a déjà perçu la société [O] [K] (1.333.593,64 €) de sorte qu’il n’y pas lieu de prononcer de condamnation à l’encontre de la FDJ.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens de première instance et à l’indemnité de procédure sont infirmées.
La société [O] [K] qui succombe pour l’essentiel sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
Il n’y a pas lieu de condamner l’une ou l’autre des parties à une indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure.
Chaque partie sera déboutée de sa demande à cet égard.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du 13 juillet 2018 rendu par le tribunal de commerce de Nanterre, en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a retenu l’existence d’une faute de la SA La Française des Jeux, ayant abusé de son droit à refus d’agrément et n’ayant pas justifié de son obligation de moyens de désigner un cessionnaire,
Et statuant à nouveau des chefs infirmés,
Rejette toutes demandes plus amples,
Et y ajoutant,
Condamne la société [O] [K] aux dépens de première instance et d’appel avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Dit n’y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Monsieur François THOMAS, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,