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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 9
ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2023
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/18475 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CERCK
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 septembre 2021 -Tribunal de commerce de PARIS – RG n° 2011055940
APPELANTE
S.A.S. FAYAT
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 5]
[Adresse 25]
[Localité 14]
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BORDEAUX sous le numéro 595 750 589
Assistée de Me Maryline LUGOSI de la SELARL Selarl MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocate au barreau de PARIS, toque : P0073 ,
INTIMÉS
M. [K] [U]
Né le [Date naissance 9] 1935 à [Localité 29],
De nationalité française
Demeurant [Adresse 3]
[Localité 21]
M. [M] [U]
Né le [Date naissance 13] 1944 à [Localité 29],
De nationalité française
Demeurant [Adresse 12]
[Localité 24]
M. [O] [U]
Né le [Date naissance 20] 1948 à [Localité 30],
De nationalité française
Demeurant [Adresse 2]
[Localité 24]
M. [S] [J]
Né le [Date naissance 7] 1943 à [Localité 29]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 6]
[Localité 22]
M. [V] [J]
Né le [Date naissance 8] 1945 à [Localité 29]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 15]
[Localité 24]
Mme [N] [J]
Née le [Date naissance 4] 1950 à [Localité 29]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 18],
[Localité 23]
M. [C] [R]
Né le [Date naissance 19] 1944 à [Localité 31] ( MAROC)
De nationalité française
Demeurant [Adresse 10]
[Localité 11]
Représentés par Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCP Société Civile Professionnelle d’avocats HUVELIN & associés, avocate au barreau de PARIS, toque : R285,
Assistés de Me Véronique GIGNOUX de FIDUCIAL LEGAL BY LAMY, avocate au barreau de LYON,
Mme [Z] [H] née [U]
Née le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 28] et décédée le [Date décès 16] 2021
De nationalité française
Demeurait [Adresse 17]
COLOGNE
ALLEMAGNE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 25 mai 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Sophie MOLLAT, présidente,
Mme Isabelle ROHART, conseillère,
Mme Déborah CORICON, conseillère,
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.
GREFFIER : Mme Saoussen HAKIRI lors des débats.
ARRÊT :
– contradictoire,
– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Mme Sophie MOLLAT, présidente et par Mme Liselotte FENOUIL , greffière présente lors de la mise à disposition.
*************
La SAS Fayat, spécialisée dans le secteur des travaux publics et notamment dans la construction métallique, a acquis le 24 novembre 2010, 100% du capital de la société Établissements J. Richard Ducros auprès de M. [K] [U], M. [M] [U], M. [O] [U], M. [S] [J], M. [V] [J], Mme [N] [J], M. [C] [R], par protocole d’achat du 7 octobre 2010.
Le même jour la société Fayat a signé un compromis de vente portant sur l’acquisition de l’ensemble immobilier sur lequel Richard Ducros exerçait son activité pour la somme de 700.000 euros.
Par jugement du 3 février 2011, le tribunal de commerce de Paris, sur déclaration de cessation des paiements, a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Richard Ducros et fixé la date de cessation des paiements au 20 janvier 2011. Par jugement du 5 mai 2011, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société.
Par actes du 1er et 4 juillet 2011, la société Fayat, se considérant victime d’un dol, a assigné M. [K] [U], M. [M] [U], M. [O] [U], M. [S] [J], M. [V] [J], Mme [N] [J], M. [C] [R] aux fins notamment de voir prononcer l’annulation des cessions d’actions de la société Établissements J Richard Ducros en raison du dol commis et, subsidiairement, de l’erreur, de les voir condamnés solidairement à lui restituer le prix de vente augmenté des intérêts légaux à compter du versement de la somme le 24 novembre 2010, de juger que la restitution des titres aux défendeurs ne peut avoir lieu en nature et que leur valeur, estimée au jour de la restitution est nulle du fait de la liquidation judiciaire de la société Établissements J Richard Ducros et qu’en tout état de cause en considération de la situation réelle de la société Ducros au jour de la cession, la valeur des titres était aussi nulle ;
Condamner solidairement les défendeurs à lui payer à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis les sommes de, 12.000.000 euros versé le 31 mai 2011 entre les mains de Me [X] au titre de la contribution au PSE de la société Richard Ducros, la somme de 1.000.000 euros au titre du préjudice d’image avec intérêts de droit, la somme de 300.000 euros au titre des frais d’audit et de ceux provoqués par la situation de la société Ducros.
Les cédants ont demandé au tribunal notamment de rejeter l’ensemble des demandes de la société Fayat, les dire irrecevables, rejeter l’allégation de dol et l’accusation d’erreur et à titre infiniment subsidiaire dire que la société Fayat n’a subi aucun préjudice et dire que la société Fayat a commis des fautes constitutives du préjudices subi par les défendeurs. En conséquence, ils demandaient la condamnation de la société Fayat, à verser la somme de 200.000 euros aux actionnaires familiaux et la somme de 25.000 euros à chacun des huit défendeurs à titre de réparation du préjudice moral subi.
Par jugement du 16 septembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a rejeté la demande de la société Fayat de nullité du protocole d’achat d’actions, débouté la société Fayat de l’ensemble de ses demandes, débouté M. [K] [U], M. [M] [U], M. [O] [U], M. [S] [J], M. [V] [J], Mme [N] [J], M. [C] [R] de leur demande d’irrecevabilité de l’action de la SAS Fayat, condamné la SAS Fayat à leur payer 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 22 octobre 2021, la société Fayat a interjeté appel du jugement.
******
Dans ses conclusions notifiées par RPVA en date du 13 mars 2023, la société Fayat demande à la cour de :
INFIRMER le jugement en toutes ses dispositions et statuant de nouveau :
A titre principal :
‘ Prononcer la nullité des cessions d’actions de la société Établissements J Richard Ducros intervenues entre les intimés et la société Fayat en raison du dol commis par les vendeurs, du manquement à l’obligation d’information précontractuelle et de l’erreur,
‘ Condamner solidairement les intimés à restituer à la société Fayat le prix de vente perçu des actions de la société Établissements J Richard Ducros de 2 300 000 € augmenté des intérêts légaux à compter du versement de cette somme le 24 novembre 2010,
‘ Dire et juger en application de l’article 1352 du code civil que la restitution des titres aux intimés ne peut avoir lieu en nature et que leur valeur, estimée au jour de la restitution est nulle du fait de la liquidation judiciaire de la société Établissements J Richard Ducros. Et qu’en tout état de cause en considération de la situation réelle de la société Établissements J Richard Ducros au jour de la cession, la valeur des titres était aussi nulle.
‘ Condamner solidairement les intimés à payer à la société Fayat à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis par elle :
– la somme de 11 000 000 € qu’elle a versé le 31 mai 2011 entre les mains de Maître [X], es-qualité en vertu de l’ordonnance de référé du 19 mai 2011 avec intérêt de droit à compter du 31 mai 2011,
– la somme de 1 000 000 € au titre du préjudice d’image avec intérêts de droit,
– la somme de 300 000 € au titre des frais d’audit et de ceux provoqués par la situation de la société Établissements J Richard Ducros avec intérêts de droit,
‘ Ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du Code Civil,
A titre subsidiaire :
‘ Dire et juger que les intimés ont engagé leur responsabilité contractuelle en raison de manquements à leurs obligations
‘ Condamner solidairement les intimés à payer à la société Fayat à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis par elle :
– la somme de 11 000 000 € qu’elle a versé le 31 mai 2011 entre les mains de Maître [X], es-qualité en vertu de l’ordonnance de référé du 19 mai 2011 avec intérêt de droit à compter du 31 mai 2011,
– la somme de 1 000 000 € au titre du préjudice d’image avec intérêts de droit,
– la somme de 300 000 € au titre des frais d’audit et de ceux provoqués par la situation de la société Établissements J Richard Ducros avec intérêts de droit,
‘ Débouter les intimés de leur demande d’irrecevabilité de l’action de la société Fayat
‘ Débouter les intimés de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions
‘ Condamner solidairement les intimés à payer à la société Fayat une somme de 10 000€ en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
‘ Condamner solidairement les intimés aux entiers dépens.
******
Dans leurs conclusions notifiées par RPVA en date du 8 mars 2023, M. [K] [U], M. [M] [U], M. [O] [U], M. [S] [J], M. [V] [J], Mme [N] [J], M. [C] [R], demandent à la cour de :
JUGER recevable l’appel incident formé par les intimés.
1. INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de PARIS le 16 septembre 2021 en ce qu’il a :
1-1 Rejeté la demande d’irrecevabilité de l’action en nullité de la Société Fayat soulevée par les cédants,
En conséquence,
– Juger que l’action en nullité du protocole du 24 novembre 2010 formulée par la Société Fayat est irrecevable,
1-2 Rejeté la demande d’indemnisation des cédants,
En conséquence,
– Condamner la société Fayat, sur le fondement de l’ancien article 1382 du Code Civil, à verser la somme de 250.000 € à chacun des actionnaires familiaux, soit : Messieurs [K], [M] et [O] [U], Madame [N] [J], Messieurs [S] et [V] [J] outre intérêts légaux à compter du 4 juillet 2011 et la somme de 25.000 € à chacun des huit défendeurs à titre de réparation du préjudice moral subi outre intérêts légaux à compter du 4 juillet 2011,
2. CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce le 16 septembre 2021, en ce qu’il a :
– Rejeté l’allégation de dol invoqué par Fayat,
– Rejeté l’allégation d’erreur invoquée par Fayat,
– Rejeté l’allégation de manquement contractuel,
– Rejeté les demandes d’annulation de la cession d’actions résultant du protocole d’achat du 24 novembre 2010,
– Rejeté la demande d’indemnisation de Fayat,
– Débouté la société Fayat de l’ensemble de ses demandes.
A titre très infiniment subsidiaire, si la Cour devait prononcer l’annulation de la cession intervenue,
– CONDAMNER la société Fayat à verser, à titre de restitution du prix de cession des actions de Établissements J Richard Ducros, la somme de 2.300.000 € aux concluants,
– CONDAMNER la société Fayat à payer la somme de 3.800.000 € aux défendeurs, à titre de restitution du prix de l’immobilier,
En tout état de cause,
– CONDAMNER la société Fayat à verser à chacun des concluants la somme de 25.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
******
SUR CE,
‘Sur l’irrecevabilité des demandes de la société Fayat
Les cédants font valoir que l’opération de cession d’actions ne constitue que l’un des éléments d’une opération indivisible, qui comporte la cession des actions de la société Richard Ducros et la vente des terrains familiaux. Ils soulignent que l’offre fait état du lien entre les deux opérations et a permis à la société Fayat d’obtenir une réduction de prix de 3 millions d’euros pour l’ensemble de la cession. Ils relèvent que l’article premier du contrat de cession est intitulé « promesse de vente et achat des actions et des terrains ». En conséquence, ils font valoir que la société Fayat était dans l’impossibilité de limiter sa demande d’annulation à la seule cession des actions de la société Richard Ducros mais devait demander l’annulation de la cession d’actions et de l’immobilier. Ils soutiennent que la demande a été formulée de mauvaise foi pour se défaire des actions et conserver l’immobilier, en contradiction avec l’intention des parties et l’économie du contrat. Ils invoquent ainsi l’irrecevabilité de l’action de la société Fayat.
La société Fayat répond que les parties à la cession des actions ne sont pas les mêmes que les parties à la cession des biens immobiliers. Elle précise que le protocole de cession des titres contient une clause attributive de compétence pour le tribunal de commerce de Paris qui ne concerne pas la cession des biens immobiliers. Elle fait valoir que le fait que les opérations soient conjointes et concomitantes ne signifie pas qu’elles sont indivisibles. Elle ajoute que chaque contrat est indépendant et produit ses propres effets indépendamment de chacune des personnes qui en sont parties.
La cour considère que si économiquement les cessions étaient liées puisque la société Fayat a entendu acquérir l’ensemble des terrains détenus par les membres de la famille [U] sur lesquels était réalisée l’exploitation en même temps que les actions de la société Richard Ducros, néanmoins deux conventions séparées ont été conclues et les parties cédantes n’étaient pas les mêmes. De surcroît, les actes de cession ne mentionnent aucument l’existence d’une indivisibilité.
Il s’ensuit que les cédants seront déboutés de leur demande tendant à faire déclarer l’action irrecevable en ce qu’elle ne vise que la nullité de la cession des actions et non celle de la cession des biens immobiliers.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
‘ Sur la nullité du contrat pour dol
La société Fayat indique avoir découvert que les informations et déclarations des cédants étaient inexactes et que des informations essentielles lui avaient été cachées, notamment la chute brutale du chiffre d’affaires de 27 % entre l’exercice 2009 et l’exercice 2010 du fait de la décision de la société IBM, principal client de Richard Ducros, de transférer ses activités de production vers l’Asie. Elle prétend que IBM avait prévenu les cédants de la baisse du volume d’activités plus d’un an avant la date de cessation des paiements de la société Richard Ducros. Elle affirme qu’elle n’aurait pas contracté si elle avait eu connaissance de cette information avant l’acquisition des titres.
Elle ajoute que, contrairement aux déclarations des cédants, la société Richard Ducros n’a pas été gérée en bon père de famille car elle a découvert l’absence de carnet de commandes et la forte baisse du chiffre d’affaires du fait de l’abandon de toute activité commerciale en 2010.
Elle fait observer que les ordres de mouvement valant transfert de propriété des titres ont été signés le 24 novembre 2010 et la déclaration de cessation des paiements a été effectuée le 20 janvier 2011. A ce titre, elle fait valoir qu’il est objectivement impossible que la situation financière de la société Richard Ducros se soit dégradée en seulement deux mois.
Elle ajoute que l’absence d’autorisation d’exploitation du site d'[Localité 24] par la DREAL lui a été cachée par les cédants, information sans laquelle elle n’aurait pas contracté.
Les cédants répondent que la lettre d’IBM n’annonce pas la cessation de leurs relations commerciales mais une décroissance de l’activité après les exercices 2009 et 2010 où le volume d’activité était maintenu, le marché avec IBM ayant été perdu après la date de cessation des paiements.
Ils précisent que l’activité avec IBM concernait seulement 50 personnes sur 414 chez Richard Ducros et était largement sous traitée. Selon eux, l’activité ne présentait pas le caractère déterminant nécessaire à la qualification de dol que lui prête la société Fayat.
Les cédants font valoir que la société Fayat connaissait la situation de Richard Ducros qui ne lui a rien dissimulé pendant les deux années de cession où 10 projets de cession ont été échangés et qui ont donné lieu à des rencontres constantes entre les parties. Ils ajoutent que 4 audits préalables à la cession avait été réalisés à la demande de la société Fayat.
Les cédants reprennent les déclarations de Maître [X] qui indiquait que la société Fayat a fait procéder à divers audits laissant entrevoir la réalité de la situation économique de Richard Ducros et qu’elle envisageait dès le 27 avril 2011 de créer une activité de tôlerie fine entre [Localité 27] ,que la société Fayat connaissait parfaitement les difficultés de Richard Ducros et s’était d’ailleurs engagée à la recapitaliser à hauteur de 6 millions d’euros, ce qui n’a jamais été fait. Ils relèvent que la société Fayat a également refusé de donner suite à certains contrats, abandonnant des marchés profitables pour l’entreprise.
Ils indiquent qu’ils avaient régulièrement informé la société Fayat des difficultés éventuelles d’application de la réglementation environnementale.
Selon l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
En l’espèce, s’agissant en premier lieu des difficultés financières, les dirigeants de la société Fayat ont mené 2 ans de négociations, ont reçu communication de toutes les pièce demandées, échangé 10 projets de cession, fait réaliser 4 audits, puis ont réduit l’offre de 3 millions d’euros à 2 300 000 euros. Si les auditeurs ont souligné que la société Richard Ducros ne tenait pas de comptabilité analytique, ils en ont tenu compte dans leur appréciation de la valeur de la société.
Le rapport d’audit réalisé par le cabinet Dupouy mentionnait que les résultats 2010 seront très faibles ou négatifs
La société Fayat connaissait les difficultés rencontrées par la société Richard Ducros puisqu’elle s’était engagée à la recapitaliser à hauteur de 6 millions d’euros, ainsi qu’il résulte des courriers échangés entre les parties, mais, en définitive n’a pas procédé à une recapitalisation, ce qui explique les difficultés rencontrées.
Il s’ensuit qu’il n’est pas démontré que les cédants aient caché la situation financière, mais au contraire que la société Fayat avait conscience des difficultés lorsqu’elle a décidé de l’acquisition.
S’agissant en second lieu de la baisse d’activité de 27% invoquée par la société Fayat, pour laquelle le cessionnaire prétend que la société Richard Ducros n’a pas été gérée en bon père de famille, que l’activité commerciale a été abandonnée avant la cession et qu’elle n’aurait pas acquis les titres si elle avait connu cet état de fait.
La société Fayat fait également valoir que les cédants lui ont dissimulé un courrier du
28 août 2009 d’IBM, client important, faisant part de sa décision de transférer ses activités de production de l’Europe vers l’Asie.
Ce courrier d’IBM indiquait : « lors de ces entretiens, nous vous avons confirmé que les volumes d’activité prévisionnels qui vous ont été confiés pour 2009 et 2010 ne devraient pas être modifiés. Nous avons également évoqué la décroissance que nous envisageons dès 2011, étant entendu que les hypothèses pour les années suivantes ne sont pas arrêtées à ce jour.
Dans l’esprit de partenariat qui nous anime, nous continuerons à vous tenir régulièrement informés des évolutions du projet pour ce qui est des activités qui vous concernent.
Nous sommes heureux de poursuivre notre collaboration avec votre société dans cette période de transition dans le même souci de qualité et de professionnalisme… »
Ainsi que le relèvent les cédants, ce courrier confirmait le maintien des volumes d’activité en 2009 et 2010 et ne faisait qu’envisager une baisse des volumes d’activité par la suite et non une cessation du partenariat.
Cette information n’était pas tenue secrète puisqu’il résulte des pièces que le personnel en était tenu informé, que la délocalisation d’IBM était connue de tout le monde économique, relayée par la presse économique nationale et la société Fayat, acteur économique important dans ce domaine ne pouvait l’ignorer.
De surcroît, les cédants affirment que la société Fayat avait été informée du contenu de ce courrier lors des rencontres régulières, et lors des réunions syndicales.
Enfin, il résulte d’un courrier de Me [L] , administrateur judiciaire, du 13 avril 2011, que la délocalisation d’IBM vers l’Asie, depuis 2010, n’avait abouti à la résiliation du contrat avec IBM que le 3 février 2011, c’est à dire postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective et postérieurement à la date de cessation des paiements fixée au 20 janvier 2011 et que cette annonce avait dès sa réception, conduit Richard Ducros à entreprendre une démarche structurée de recherche de nouveaux clients.
Il s’ensuit qu’alors que le cessionnaire avait accès à toute la documentation de la société Richard Ducros, la délocalisation d’IBM était une information largement relayée au sein de la société cédée et dans le monde économique et il ne s’agit pas d’une information qui a été cachée. Il en résulte que la preuve du dol invoqué, sur ce fondement, n’est pas rapportée.
En troisième lieu, sur le dol fondé sur les déclarations contenues au protocole de cession, selon lesquelles la société Richard Ducros ne faisait pas l’objet d’une procédure collective et n’était « menacée d’aucune procédure de cette nature », il convient de relever que le protocole de cession a été signé le 7 octobre 2010 et que la date de cessation des paiements a été fixée au 20 janvier 2011, de sorte qu’au jour de la cession la société Richard Ducros n’était pas en état de cessation des paiements.
Ainsi que l’a relevé le tribunal, la société Fayat avait connaissance, avant la cession, des difficultés de la société Richard Ducros, mentionnée dans de nombreux audits, à tel point qu’elle avait prévu de recapitaliser à hauteur de 6 millions d’euros, ce qu’elle n’a pas fait.
Il s’ensuit que la société Fayat avait connaissance de la situation financière de la société Richard Ducros et l’existence d’un dol et de man’uvres dolosives n’est pas établi.
En quatrième lieu, sur la déclaration environnementale, la société Fayat reproche aux cédants de ne pas avoir effectué de démarche pour obtenir les exploitations du site d'[Localité 24] au regard de la réglementation ICPE et que si elle en avait été informée elle n’aurait pas contracté.
Elle souligne que le protocole, chapitre 3.17, précise qu’elle a obtenu toutes les autorisations et permis en matière environnementale.
La cour relève que l’article 3.3 du protocole de cession indique que « le Vendeur déclare avoir reçu une demande de prévoir un bassin de rétention des eaux d’extinction d’un éventuel incendie de son usine d'[Localité 24] Croipillac, dite [Localité 24] 2, demande que la société Richard Ducros a pour l’heure décliné sans qu’il y ait de suite. Le Vendeur indique en outre qu’il en sera vraisemblablement de même pour les changements des transformateurs.
Enfin, le Vendeur déclare que pour son Usine [Localité 24] 2, la société Richard Ducros a dû réduire les émanations de COV en passant en partie à la peinture en poudre, ce qui n’est pas le cas pour les usines lourdes [Localité 24] 1 et [Localité 26]. »
Par ailleurs, l’acte de cession des biens immobiliers précise en pages 20 et 21 qu’il s’agit d’installations classées, qui ont fait l’objet de déclarations en préfecture, que la société Richard Ducros s’est toujours conformée à la législation en vigueur et qu’elle n’a pas produit d’activité susceptible d’entraîner une pollution des sols en profondeur.
Il résulte de ces actes que le cessionnaire était informé qu’il s’agissait d’installations classées, régulièrement déclarées et qu’au jour de la passation des actes il n’existait aucun litige avec l’administration.
Il s’ensuit qu’aucun élément n’a été dissimulé à l’acquéreur et l’existence d’un dol et de man’uvres dolosives n’est pas établi.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de nullité de la cession des actions sur le fondement du dol.
‘Sur la nullité du contrat pour erreur
La société Fayat prétend que l’erreur qu’elle a commise sur la rentabilité économique de la cession conclue a vicié son consentement dès lors qu’à la date de la cession, elle ignorait que la société Richard Ducros serait dans l’impossibilité de poursuivre son activité économique, faute d’avoir eu communication des comptes postérieurs au 30 décembre 2009.
Elle affirme qu’elle n’aurait pas réalisé l’acquisition du capital si elle avait connu sa situation économique, financière et environnementale réelle.
Selon l’article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet.
En l’espèce, la société Fayat était un acquéreur averti puisqu’exerçant les mêmes activités que la société Richard Ducros, elle a eu accès, ainsi qu’il a été précédemment relaté, à tous les documents comptables, financiers et administratifs, a fait procédé à 4 audits, lesquels ont d’ailleurs souligné qu’il existait une incertitude sur certains points en raison de l’absence de comptabilité analytique. Elle avait conscience des limites des audits, en a accepté l’aléa, connaissait la nécessité de procéder à une recapitalisation après l’acquisition.
Elle ne peut donc se prétendre avoir été victime d’une erreur.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de nullité de la cession des actions sur le fondement de l’erreur.
‘Sur la nullité du contrat pour manquement à l’obligation d’information précontractuelle
La société Fayat soutient que les cédants ont intentionnellement caché des informations déterminantes pour son consentement et que la nullité de l’acte de cession doit être prononcée sur ce fondement. Elle sollicite également à ce titre, sur le fondement de l’article 1112-1 du code civil, des dommages et intérêts d’un montant de 2.300.000 euros.
Les cédants répondent que l’article 1112-1 du code civil est une disposition relative aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016 et n’est donc pas applicable à l’acte de cession. Ils relèvent également qu’il s’agit d’une demande nouvelle.
Selon l’article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
En l’espèce, la demande sur ce fondement tend à la nullité de la cession, c’est à dire aux mêmes fins que la demande de nullité pour vices du consentement, elle n’est donc pas nouvelle et sera donc déclarée recevable.
Au fond, selon l’article 1135 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature.
Ainsi, celle des parties qui connaissait, ou qui devait connaître, en raison spécialement de sa qualité professionnelle, un fait dont elle savait l’importance déterminante pour l’autre partie était tenue de l’en informer, dès l’instant où elle était dans l’impossibilité de se renseigner elle même.
En l’espèce, la société Fayat a eu accès à toutes les informations et il n’est pas établi que les cédants aient manqué à leur devoir d’information portant sur des faits d’importance déterminante.
En conséquence, la société Fayat sera déboutée de sa demande sur ce fondement.
‘Sur les manquements contractuels dans l’exécution du contrat
La société Fayat soutient que les cédants ont fait preuve de mauvaise foi dans l’exécution du contrat en ce qu’ils ont sciemment menti en signant le contrat de cession sans mentionner que la société Richard Ducros était en état de cessation des paiements.
Elle chiffre son préjudice à la somme de 11 000 000 euros qu’elle a versé entre les mains de Maître [X] le 31 mai 2011, consécutivement à une condamnation à contribuer au plan de sauvegarde de l’emploi de la société Richard Ducros et dont elle n’a pu recouvrer que la somme de 1 million d’euros, à la somme de 1 million d’euros au titre du préjudice d’image et à la somme de 300 000 euros au titre des frais.
Cependant, ainsi qu’il a précédemment été relevé la société Richard Ducros n’était pas en état de cessation des paiements au jour de la cession et il n’est pas établi qu’elle ait dissimulé des informations.
Il s’ensuit que la société Fayat sera déboutée de ses demandes sur ce fondement.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
‘Sur la demande reconventionnelle des cédants
Les cédants font valoir qu’ils subissent un harcèlement judiciaire depuis 11 ans, ce qui les empêche de régler leur situation successorale, ce qu’ils souhaitaient faire compte tenu de leur âge et demandent des dommages et intérêts d’un montant de 250.000 euros.
Ils demandent également que la société Fayat soit condamnée à leur payer à chacun une somme de 25.000 euros au titre de leur préjudice moral.
Cependant, ils ne démontrent pas que la société Fayat ait abusivement usé de son droit d’ester en justice et n’apportent pas la preuve des préjudices allégués.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il les a déboutés de leur demande reconventionnelle.
‘Sur les dépens et les demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile
La société Fayat sera condamnée aux dépens. L’équité commande, en application de l’article 700 du code de procédure civile, de condamner la socité Fayat à payer à chacun des intimés une somme de 3.000 euros pour les frais hors dépens exposés en appel.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement,
Y ajoutant,
Déclare recevable l’action de la société Fayat pour manquement à l’obligation d’information précontractuelle et l’en déboute,
Déboute les parties de l’intégralité de leurs demandes,
Condamne la société Fayat aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à chacun des intimés,
M. [K] [U], M. [M] [U], M. [O] [U], M. [S] [J], M. [V] [J], Mme [N] [J], M. [C] [R] une somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier La présidente