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Arrêt N°23/
SP
R.G : N° RG 23/00411 – N° Portalis DBWB-V-B7H-F4LB
S.A.S. LBS
C/
LE PROCUREUR GENERAL DE SAINT-DENIS
S.E.L.A.S. SELAS BL & ASSOCIES
S.E.L.A.S. EGIDE
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS
ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2023
Chambre commerciale
Appel d’une ordonnance rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT PIERRE en date du 14 MARS 2023 suivant déclaration d’appel en date du 30 MARS 2023 rg n°: 2021003308
APPELANTE :
S.A.S. LBS, société par actions simplifiée au capital de 41.000,00 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Saint-Denis-de-La-Réunion sous le numéro 752 143 347, ayant son siège social [Adresse 6], [Localité 7], prise en la personne de son président en exercice
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentant : Me Sophie LE COINTRE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMEES :
Madame LE PROCUREUR GENERAL DE SAINT-DENIS
[Adresse 2]
[Localité 7]
S.E.L.A.S. BL & ASSOCIES, prise en la personne de Maître [A] [O], Administrateur judiciaire, domiciliée au [Adresse 5], [Localité 7] en sa qualité d’administrateur judiciaire de la société LBS, société par actions simplifiée au capital de 41.000,00 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Saint-Denis-de-La-Réunion sous le numéro 752 143 347, ayant son siège social [Adresse 6], [Localité 7], désignée à ces fonctions par jugement rendu par le Tribunal mixte de commerce de Saint Pierre le 14 mars 2023
[Adresse 5]
[Localité 7]
S.E.L.A.S. EGIDE, prise en la personne de Maître [M] [T], Mandataire judiciaire, domiciliée à [Adresse 4], [Localité 7], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société LBS, société par actions simplifiée au capital de 41.000,00 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Saint-Denis-de-La-Réunion sous le numéro 752 143 347, ayant son siège social [Adresse 6], [Localité 7], désignée à ces fonctions par jugement rendu par le Tribunal mixte de commerce de Saint Pierre le 14 mars 2023
[Adresse 4]
[Localité 7]
DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience en chambre du conseil du 21 juin 2023 devant la cour composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Conseiller : Monsieur Franck ALZINGRE, Conseiller
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.
A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 20 septembre 2023 prorogé par avis au 11 octobre 2023.
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 11 octobre 2023.
Greffiere lors des débats et de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.
* * *
LA COUR
Sur requête du procureur de la République, et après enquête ordonnée par décision du 10 novembre 2021, par jugement rendu le 14 mars 2023, le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion a statué en ces termes :
OUVRE une procédure de redressement judiciaire à l’égard de : LBS – [Adresse 6] [Localité 7] ; Activité : Préparation production fabrication et vente de produits frais de boulangerie et pâtisserie. La restauration, la vente sur place et à emporter, la vente de boissons alcoolisées et sans alcool. Immatriculé(e) au RCS de Saint-Pierre de la Réunion sous le n° B 752 143 347 (2012B00395)
FIXE provisoirement au 14 mars 2023 la date de cessation des paiements,
FIXE à six mois la période d’observation pendant laquelle sera établi un bilan économique et social et des propositions tendant à la continuation ou à la cession de l’entreprise dans le cadre d’un redressement,
RENVOIE l’affaire à l’audience du 09 mai 2023, conformément aux dispositions de l’article L. 631-15 du code de commerce, afin de déterminer si l’entreprise dispose des capacités financières suffisantes à sa poursuite d’activité et le maintien de la période d’observation, et rappelle que le Tribunal pourra statuer sur une éventuelle conversion de la procédure de redressement en liquidation judiciaire,
DIT que le présent jugement vaut convocation à cette audience à 15 heures 30,
NOMME en qualité de juge commissaire Monsieur [Y] [I] et en qualité de juge commissaire suppléant Monsieur [P] [X],
DESIGNE en qualité d’administrateur judiciaire la SELAS BL & Associés prise en la personne de Me [A] [O], ayant pour mission d’assister,
DESIGNE en qualité de mandataire judiciaire, la SELAS EGIDE prise en la personne de Me [M] [T] [Adresse 4] [Localité 7], et dit qu’il devra établir dans le délai de 12 mois du présent jugement la liste des créances,
ORDONNE que soit dressé l’inventaire des biens et de l’actif de l’entreprise,
DESIGNE en qualité de commissaire de justice la SCP MDT – ETUDE D’HUISSIERS DE JUSTICE DE SAINT-PAUL, [Adresse 1] [Localité 9] [Adresse 3] [Localité 8] pour dresser un inventaire du patrimoine de l’entreprise et de réaliser une prisée des actifs du débiteur conformément à l’article L. 631-14 du Code de Commerce et dit que l’inventaire sera déposé au greffe,
DIT que dans les dix jours du présent jugement et à la diligence du chef d’entreprise, assisté de l’administrateur s’il en a été désigné, le comité d’entreprise, ou les délégués du personnel, et à défaut les salariés, devront désigner au sein de l’entreprise un représentant des salariés et dit que le procès-verbal de désignation sera déposé au greffe de ce tribunal,
ORDONNE la notification du présent jugement par lettre recommandée avec accusé de réception à LBS,
ORDONNE la communication du jugement et les mesures de publicité prévues par la Loi, l’exécution provisoire du présent jugement et l’emploi des dépens en frais privilégiés de redressement judiciaire, »
Par déclaration au greffe en date du 30 mars 2023, la SAS LBS a interjeté appel de cette décision.
Par actes du 14 avril 2023, la SAS LBS a assigné à jour fixe la SELAS BL & Associés, prise en la personne de Me [A] [O], en sa qualité d’administrateur judiciaire de la SAS LBS (remise à personne morale), Mme la procureur générale (remise à personne morale) et la SELAS EGIDE prise en la personne de Me [M] [T] en sa qualité de mandataire judiciaire de la SAS LBS (remise à personne morale).
L’affaire a été plaidée à l’audience de circuit court du 21 juin 2023.
* * *
Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 7 avril 2023, la SAS LBS demande à la cour, au visa des articles L. 621-1, R. 621-3, L. 631-1 et L. 631-5 du code de commerce, de :
A titre principal,
-Annuler le jugement entrepris et,
-Juger que l’état de cessation des paiements de la société LBS n’est pas caractérisé et, en conséquence,
-Rejeter la demande du Parquet aux fins d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’endroit de la société LBS,
-Statuer ce que de droit sur les dépens ;
A titre subsidiaire,
-Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et,
Statuant de nouveau,
-Juger que l’état de cessation des paiements de la société LBS n’est pas caractérisé et, en conséquence,
-Rejeter la demande du Parquet aux fins d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’endroit de la société LBS,
-Statuer ce que de droit sur les dépens.
* * *
Aucun des intimés n’a constitué avocat.
* * *
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
A titre liminaire
La cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentées au soutien de ces prétentions.
Il résulte de l’article 472 du code de procédure civile qu’en appel, si l’intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, mais le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés. Aux termes de l’article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Sur l’annulation du jugement
La SAS LBS soutient en substance que la nullité du jugement doit être prononcée par violation du principe du contradictoire en raison du défaut de communication au débiteur du rapport du juge enquêteur
Sur ce,
L’article L. 621-1 du code de commerce, applicable à la procédure de redressement judiciaire en vertu de l’article L. 631-18, dispose que :
« Le tribunal statue sur l’ouverture de la procédure, après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil le débiteur et la ou les personnes désignées par le comité social et économique.
En outre, lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, le tribunal statue après avoir entendu ou dûment appelé, dans les mêmes conditions, l’ordre professionnel ou l’autorité compétente dont, le cas échéant, il relève.
Lorsque la situation du débiteur ne fait pas apparaître de difficultés qu’il ne serait pas en mesure de surmonter, le tribunal invite celui-ci à demander l’ouverture d’une procédure de conciliation au président du tribunal. Il statue ensuite sur la seule demande de sauvegarde.
Le tribunal peut, avant de statuer, commettre un juge pour recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l’entreprise. Ce juge peut faire application des dispositions prévues à l’article L. 623-2. Il peut se faire assister de tout expert de son choix.
L’ouverture d’une procédure de sauvegarde à l’égard d’un débiteur qui bénéficie ou a bénéficié d’un mandat ad hoc ou d’une procédure de conciliation dans les dix-huit mois qui précèdent doit être examinée en présence du ministère public, à moins qu’il ne s’agisse de patrimoines distincts d’un entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
Dans ce cas, le tribunal peut, d’office ou à la demande du ministère public, obtenir communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc ou à la conciliation, nonobstant les dispositions de l’article L. 611-15. »
Aux termes de l’article R. 621-3 du même code :
« La décision du tribunal de commettre un juge, avant de statuer, en application de l’article L. 621-1, pour recueillir tous les renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l’entreprise, est rendue dans les mêmes conditions que celles prévues aux deux premiers alinéas du même article, pour l’ouverture de la procédure.
Le rapport de ce juge, auquel est annexé le rapport de l’expert, lorsqu’il en a été désigné, est déposé au greffe et communiqué par le greffier au débiteur et au ministère public.
Le greffier informe le comité social et économique que leurs représentants peuvent prendre connaissance du rapport au greffe et l’avise en même temps de la date de l’audience. »
Il s’en déduit que le rapport du juge enquêteur, qui est donc nécessairement écrit, « est déposé au greffe et communiqué par le greffier au débiteur et au ministère public », ce qui suppose une communication effective préalable à l’audience.
Selon l’article R. 631-6 du même code : « La cour d’appel qui annule ou infirme un jugement statuant sur l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire peut, d’office, ouvrir la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. »
En l’espèce, aucun élément n’est communiqué attestant de la communication effective du rapport à la société débitrice avant les débats, ce qui n’apparaît pas notamment dans les termes du jugement déféré.
Ce défaut de communication régulière est dès lors avéré.
Par conséquent, le défaut de respect de contradiction dans la communication de l’enquête préalable à la société débitrice induit la nullité du jugement.
Cependant, dès lors que l’acte introductif de l’instance n’est pas critiqué, ni affecté par cette nullité du jugement, la cour doit statuer au fond par application de l’effet dévolutif.
Sur le redressement judiciaire :
La SAS LBS soutient en substance que, d’une part, le procureur de la République, demandeur à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, n’a, à aucun moment de la procédure, apporté la preuve de son état de cessation des paiements et que, d’autre part, le tribunal a inversé la charge de la preuve de son état de cessation des paiements, au demeurant, contestée par elle.
La SAS LBS fait valoir que :
-L’acte de saisine du tribunal ne précise pas quel aurait été le montant du passif exigible ni celui de l’actif disponible ;
-Le parquet, lors des débats, s’en est rapporté uniquement à sa requête sur ce point, relevant seulement que les dettes fiscales et sociales s’élèveraient à environ 200.000 euros ;
-Le rapport d’enquête établi le 11 janvier par la SELAS BL & Associés (expert assistant le juge enquêteur) avec lequel elle s’est rapprochée bien qu’elle n’ait pas eu communication dudit rapport, concluait à l’inexistence de l’état de cessation des paiements ; Or, le tribunal a décidé de ne pas le prendre en compte ;
-Elle a communiqué deux notes de synthèse les 1er et 7 mars 2023 sur sa situation financière ;
-Le procureur de la République a motivé sa demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, non sur la preuve de l’état de cessation des paiements ainsi que le prévoit la loi, mais sur le défaut de justification de divers éléments sollicités, parmi lesquels des éléments portant sur des sociétés non concernées par la procédure ouverte à sa demande ;
-Le tribunal a pris en considération des dettes fournisseurs au 30 novembre 2022, sans se soucier de l’exigibilité ou non de ces dettes à la date de son délibéré, et alors que le dirigeant avait exactement justifié, à la suite de l’expert assistant le juge enquêteur, qu’elle bénéficiait pour l’intégralité du passif fournisseur de moratoires ;
-Le tribunal a retenu un passif déclaré à plus de 350.000 euros, sans avoir démontré et quantifié l’existence d’un passif exigible à la date de son délibéré, et sans avoir démontré de demande en justice tendant au paiement d’une somme d’argent avant le jugement d’ouverture ;
-Elle disposait à la date du rapport de l’expert d’une réserve de crédit consentie par son associé unique, la SAS Sterna, pour la somme de 200.000 euros et avait déjà produit dans sa note déposée le 7 mars 2023 une évidence de fonds de la SAS Sterna mobilisables à première demande d’un montant de 215.942,23 euros, en sorte qu’à la date du jugement d’ouverture, cet actif disponible permettait d’honorer l’entier passif à le supposer exigible, ce qui n’était pas démontré ;
-A la date des présentes, la réserve de crédit mobilisable est portée à 400.000 euros auprès de sa société mère, la SAS Sterna, laquelle dispose de liquidités représentant un montant deux fois supérieur au montant du « passif déclaré de 350.000 euros » mentionné dans le jugement, étant rappelé que ledit passif n’est corroboré par aucun élément quant à son quantum ou à son caractère exigible à la date dudit jugement ;
-Elle produit une attestation de la banque QONTO, laquelle certifie que le solde disponible de la SAS Sterna à la date du 30 mars 2023 s’élevait à 711.299,98 euros ;
-Le jugement querellé lui est non seulement préjudiciable mais l’est également aux autres sociétés du groupe Sterna : le principal partenaire bancaire, la CEPAC, a, en effet, d’ores et déjà indiqué que, compte tenu de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à son encontre, le traitement des demandes de financement pendantes des sociétés du groupe Sterna était suspendu ; les sociétés du groupe Sterna font d’ailleurs face aux interrogations inquiètes des fournisseurs et des 55 salariés du groupe, lesquels ne comprennent pas, après les efforts considérables effectués par les associés dans le cadre de l’intégration de la société LBS dans le groupe, l’ouverture de cette procédure, alors même que le chiffre d’affaires est en forte croissance et que sa situation financière et celle du groupe est saine.
Il ressort du jugement querellé que les premiers juges ont retenus les éléments suivants :
-L’excédent brut d’exploitation structurellement négatif ;
-Les réserves du commissaire aux comptes ;
-Les capitaux propres négatifs ;
-La nécessité d’éclaircissements sur la situation des comptes à fin 2021 relevé par le juge enquêteur.
Les premiers juges ont motivé le délibéré lointain (6 décembre 2022 pour une audience tenue le 25 janvier 2022), aux fins de permettre à la société LBS de produire en délibéré, essentiellement, les éléments de preuve de reconstitution des capitaux propres et l’absence de réserves du commissaire aux comptes sur les comptes clos au 31/12/2021, ainsi que la régularisation des formalités de changement de dirigeant au Registre du Commerce et des Sociétés. Ils ont relevé qu’aucune note en délibéré n’avait été produite postérieurement à l’audience du 25 janvier 2022, mais que la consultation du Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) de Saint-Pierre avait permis de constater la réalisation d’une formalité de transfert de siège dans le ressort du Tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion en date du 19 mai 2022, soit quelques mois après l’audience et avant le délibéré attendu, l’établissement principal de la société étant toutefois maintenu dans le ressort du Tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre.
A l’audience du 7 février 2022, M. [B] [S] [H] [U] a justifié le transfert du siège social « aux fins de regrouper les sièges sociaux de l’ensemble des sociétés du groupe en un même lieu, avec un groupement d’intérêt économique aux fins de mutualiser les ressources administratives. ». Il a précisé que les capitaux propres étaient de nouveau positifs, à hauteur de 40.604.66 euros, et qu’un certain nombre de mesures avaient été prises, entre autres un apport de crédit de la société mère, un abandon important de créances des sociétés du groupe, et des reports d’exigibilité. S’agissant des problématiques de la société LBS, à savoir un chiffre d’affaires trop faible, une trop faible surveillance de la marge et une difficulté de masse salariale, il a indiqué avoir recruté et formé de nouvelles personnes, pour parvenir à un effectif de 14, et avoir mis en place des procédures de suivi des coûts et procédures. Il a enfin indiqué que son chiffre d’affaires de décembre 2022 n’avait pas été très bon.
La Procureure de la République s’est notamment interrogée sur l’équilibre financier des autres sociétés du groupe, compte tenu des abandons de créances, craignant que d’autres sociétés aient pu être fragilisées par la situation de la société LBS, et a souligné que les dettes fiscales et sociales s’élevaient à environ 200.000 euros. Elle a sollicité la production des comptes combinés des sociétés du groupe et de l’échéancier de la CGSS sous un mois, et a maintenu, à défaut, sa demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.
En réponse, M. [S] [H] [U] a indiqué que la CGSS venait de dénoncer son échéancier sur environ 100.000 euros mais qu’il était en train de reformuler une demande. Il a ajouté qu’en tout état de cause, il était en mesure de payer cette somme compte tenu de l’apport en compte courant de 285.000 euros. Il a également souligné que les actionnaires avaient un engagement d’abonder en compte courant si la dette devenait exigible.
La société LBS a déposé une note de synthèse le 7 février 2023, ainsi qu’une note de synthèse complémentaire dl 7 mars 2023.
S’agissant de l’attestation produite par la société d’expertise comptable CENSEA PARTNERS les premiers juges ont jugé que si elle confirmait certes la situation des capitaux propres de la société LBS au 30/06/2023, à hauteur de 40.604,66 euros, elle ne permettait pas d’apprécier le reste de la situation financière de l’entreprise.
Concernant l’avis du commissaire aux comptes allégué par la société LBS, qui serait sans réserve au 30/6/2022, ils ont considéré qu’il n’était étayé par aucune pièce.
Ils ont estimé que si quelques éléments étaient produits concernant l’évolution du chiffre d’affaires et le prévisionnel de trésorerie, ils ne répondaient pas davantage aux interrogations soulevées lors des débats, d’autant moins s’agissant de l’échéancier CGSS, dont le dirigeant a déclaré à l’audience qu’il avait été dénoncé, alors qu’il en est tenu compte, comme s’il avait été maintenu, dans son prévisionnel de trésorerie.
Sur les dettes fournisseurs de la société LBS ils ont relevé qu’elles s’élevaient au 30 novembre 2022, d’après sa note déposée le 7 février 2023, à 369.000 euros, dont 171 000 euros de dettes fournisseurs et comptes rattachés et 198.000 de dettes sociales et fiscales.
Ils ont déploré qu’aucune situation de trésorerie de la société LBS n’avait été communiquée.
S’agissant des réserves de trésorerie mobilisables sur première demande, ils ont constaté qu’un relevé de compte de 251.942 euros de la société STERNA, holding de la société LBS, avait bien été remis. Toutefois, ils ont noté que la société STERNA était également la société mère de quatre autres sociétés dont la situation financière n’était pas connue, et l’apport nécessaire, a minima, à apurer la dette exigible faute d’échéancier de la CGSS n’avait manifestement pas été effectué. Ils ont considéré que rien ne permettait d’établir que la trésorerie de la société LBS n’avait pas été artificiellement entretenue par les avances en compte courant des sociétés mères aux fins de retarder la constatation de l’état de cessation des paiements. Ils ont ajouté qu’en tout état de cause, cet éventuel apport en compte courant ne suffirait pas à honorer le passif déclaré à plus de 350.000 euros.
Sur ce,
Aux termes de l’article L. 631-1 du code de commerce :
« Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements.
Cette condition s’apprécie, s’il y a lieu, pour le seul patrimoine engagé par l’activité ou les activités professionnelles.
La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l’issue d’une période d’observation et, le cas échéant, à la constitution de classes de parties affectées, conformément aux dispositions des articles L. 626-29 et L. 626-30. La demande prévue au quatrième alinéa de l’article L. 626-29 peut être formée par le débiteur ou l’administrateur judiciaire. »
L’état de cessation des paiements est donc l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.
L’actif disponible regroupe :
-L’actif liquide : disponibilités en banque utilisables immédiatement, sommes en caisse, effets de commerce à vue, concours bancaires utilisables, liquidités apportées par le dirigeant ;
-L’actif réalisable (convertible en argent immédiatement) : effets de commerce escomptables, valeurs mobilières cotées réalisables immédiatement.
Le passif exigible correspond aux dettes de l’entreprise dont le paiement doit intervenir immédiatement. Elles doivent être certaines, liquides (dont la valeur est déterminée ou déterminable) et exigibles (le terme des créances doit être échu, indépendamment de toutes réclamation).
Les emprunts à moyen et long terme (à l’exception de l’échéance à payer) ne sont pas pris en compte.
Sont exclues : les dettes contestées ou litigieuses, une avance en compte courant dont le remboursement n’est pas demandé, une dette bénéficiant d’un moratoire accordé par le créancier.
Le débiteur qui démontre l’existence de réserve de crédit dont il bénéficie, lui permettant de faire face à son passif exigible n’est pas en cessation des paiements.
La réserve de crédit peut consister en une promesse d’avance de trésorerie faite par une société du groupe qui ne sera pas débloquée totalement, une somme promise par un associé, même sous la condition suspensive de l’absence d’un jugement d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou encore en une facilité de caisse accordée par une banque à son client qui ne l’aurait pas utilisée intégralement.
Ladite réserve soit cependant être tangible, destinée à apporter une trésorerie supplémentaire et avoir été obtenue dans des conditions normales, régulières.
Conformément au droit commun, la charge de la preuve de l’état de cessation des paiements appartient au demandeur à l’action.
Le fait pour le demandeur à l’action de faire état de l’impossibilité du débiteur de faire face au passif exigible avec un éventuel actif disponible ne permet pas de rapporter la preuve de l’état de cessation des paiements, le débiteur n’ayant pas, sauf à inverser la charge de la preuve, à indiquer qu’il dispose d’un actif disponible suffisant.
En revanche, devant la preuve d’un passif exigible, de l’affirmation du créancier de l’inexistence de tout actif disponible, il appartient au débiteur, sans qu’il y ait renversement de la charge de la preuve, de rapporter l’existence d’un actif disponible permettant de payer le passif exigible.
Pour rappel, en application de l’article L110-3 du code de commerce, « A l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi. » et selon l’article L123-23 alinéas 1 et 2 « La comptabilité régulièrement tenue peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce. Si elle a été irrégulièrement tenue, elle ne peut être invoquée par son auteur à son profit. »
L’article L. 631-5 du même code prévoit que le tribunal peut être saisi sur requête du ministère public ou sur assignation d’un créancier, « lorsqu’il n’y a pas de procédure de conciliation en cours, »
Aux termes de l’article R. 631-4 du même code :
« Lorsque le ministère public demande l’ouverture de la procédure par requête, celle-ci indique les faits de nature à motiver cette demande. Le président du tribunal, par les soins du greffier, fait convoquer le débiteur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à comparaître dans le délai qu’il fixe.
A cette convocation est jointe la requête du ministère public. »
En l’espèce, à l’appui de son recours, la SAS LBS verse aux débats 14 pièces dont un extrait K bis de la SAS LBS, édité le 15 mars 2023, dont il ressort que ladite société, immatriculée le 19 mai 2022 au RCS de Saint Denis, est présidée par la SARL BEELI et que M. [B] [N] [S] [H] [U] en est son directeur général délégué ; son capital social s’élève à 41.000 euros.
La note de synthèse sur la « Situation juridique et comptable de la SAS LBS au 10/11/2021 » datée du 8 novembre 2023 est accompagnée des documents suivants :
-Le procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire des associés du 22 octobre 2021 qui constate que les capitaux propres de la société sont devenus inférieurs à la moitié du capital social et qui, après avoir approuvé les comptes arrêtés au 31/10/2020 décide de ne pas prononcer la dissolution anticipée de la société et donc de poursuivre l’activité malgré les pertes constatées (résolution n° 40 approuvé à l’unanimité) et qu’il n’y aura aucune distribution de dividende tant que les capitaux propres ne seront pas reconstitués à concurrence au moins égale au capital social ;
-La parution de cette assemblée au JIR du 6 novembre 2021.
-Une situation intermédiaire au 30/09/2021 comprenant un compte rendu de la mission (période du 01/11/2020 au 30/09/2021) le bilan actif-passif, les soldes intermédiaires de gestion, le compte de résultat, le détail des comptes de bilan actif-passif, le détail des soldes intermédiaires de gestion et le détail du compte courant dont il ressort les éléments suivants :
. Capitaux propres – 414.180,16 euros
. Chiffre d’affaires 657.709,27 euros
Contre 547.810,98 euros pour l’exercice précédent clos le 31/10/20
. Bénéfice 101.799,98 euros
Contre 72.867,49 euros pour l’exercice précédent clos le 31/10/20
. Emprunts et dettes financières diverses 131.234,63 euros
Contre 72.867,49 euros pour l’exercice précédent clos le 31/10/20
. Dettes fournisseurs et comptes rattachés 390.023,48 euros
Contre 404.998,53 euros pour l’exercice précédent clos le 31/10/20
. Dettes fiscales et sociales 194.505,07 euros
Contre 172.807,76 euros pour l’exercice précédent clos le 31/10/20
. Dettes sur immobilisations et comptes rattachés 200.000,00 euros
. Autre dettes 31.499,58 euros
Contre 168.565,39 euros pour l’exercice précédent clos le 31/10/20
. Produits exceptionnels sur opération de gestion 132.455,65 euros
Contre 19.420,81 euros pour l’exercice précédent clos le 31/10/20
. Solde du compte xqonto au 31/10/2020 24.118,59 euros
. Compte courant M. [S] [H] [U] au 14/10/2021 5.272,31 euros
. Attestation de régularité fiscale délivrée le 04/11/2021 au regard du dépôt des déclarations de résultat et de TVA, du paiement de la TVA et du paiement de l’impôt sur les sociétés ;
-Le rapport de l’expert, Me [A] [O] du 11 janvier 2022 relève notamment que :
. L’ensemble des éléments sollicitées a pu être communiqué par l’entreprise
.la quasi intégralité du passif est constitué de créances de sociétés détenues directement ou indirectement par M. [K] [S] [H] [U] et ses fils ; à la suite de l’enquête, les actionnaires du groupe Sterna et de la société LBS ont initié des discussions afin de traiter la situation du capital de la société LBS, sa gouvernance, sa situation passive et sa situation locative ; à l’issue de ces discussions, les différentes parties prenantes ont régularisées différents protocoles le 31/12/2021 et le 03/01/2022 ayant pour effet :
La cession de l’intégralité des actions de LBS à la société Sterna
La capitalisation des créances de cette dernière sur la société LBS
La mise à disposition au profit de LBS d’une réserve de crédit permettant de couvrir la dette exigible
La signature d’un accord transactionnel entre la société LBS et son bailleur la société Trésors du Monde Saint Denis ayant pour objet la signature du renouvellement du bail commercial et la conclusion d’un bail précaire portant sur une surface additionnelle à celle déjà louée en vue de son exploitation
. Des protocoles d’accord ont été signés le 7 janvier 2022 entre la société LBS et les sociétés ARDEA, Coucou, FDF, Kookabura qui appartiennent toutes au groupe Sterna, prévoyant un abandon partiel de la créance avec règlement du solde selon un échéancier convenu ; ces négociations et protocoles ont eu un impact direct sur l’état de cessation des paiements de la société LBS
-S’agissant de la situation active et passive :
« La société LBS a transmis à BL & Associés un tableau reprenant le montant du passif total et exigible, les opérations de restructuration et les impacts sur le passif exigible, ainsi que le montant de l’actif disponible.
Après plusieurs échanges avec le nouvel actionnaire de la société LBD et analyse des éléments transmis, BL & Associés constate que : l’actif disponible s’élève à la somme de 221 K€ compte tenu notamment d’une mise à disposition par Sterne d’une réserve de crédit d’un montant de 200 K€ par le biais d’une convention de mise à dispositions signée entre les associés LHC Holding, Lic Partners, FDF et Sterna ; cette réserve de crédit a été justifiée par une évidence de fonds d’un compte bancaire de la société LHC Holding en date du 10 janvier 2022 ; le passif exigible au 07/01/2022 s’élève à la somme de 201 K€ et correspond principalement à la dette sociale non moratoriée et à une reliquat de dettes fournisseurs échues ; les justificatifs fournis sur la non-exigibilité des différentes dettes n’appellent pas de commentaire particulier »
-La note de synthèse sur la situation juridique et comptable de la SAS LBS au 1er février 2023 comprend notamment les éléments suivants :
. Rétablissement des capitaux propres qui passe de -457.958 € au 31/10/2021 à + 40.605 € au 30/06/2022
. Entrée d’un nouvel actionnaire financier et apport en compte courant :
Selon un acte de cession du 26 juillet 2022, la société Lic Partners a cédé 25% des actions de FDF à un actionnaire financier, la société F. Invest détenue par M. [W] [J], notaire à [Localité 10]
Conformément à la convention en compte courant d’associé signée le 25 août 2022, M. [J] a procédé le 5 septembre 2022 à un apport en compte courant dans FDF d’un montant de 285.777 €
.Evolution des dettes fournisseurs, fiscale et sociales : la dette globale fournisseurs, fiscale et sociale a été réduite de 565 K€ au 31/10/2021 à 369 K€ au 30/11/2022, soit 35 % de réduction en 13 mois ; Les efforts de réduction de dette ont pour l’instant principalement porté sur la dette fournisseurs à ce stade, dans la mesure où la CGSS n’a pas encore répondu à la demande de moratoire de la société et ne procède pas aux prélèvements mensuels malgré l’existence d’un mandant de prélèvement actif pour le paiement des charges sociales mensuelles ; en toute hypothèse, le groupe FDF dispose de la surface financière permettant de solder cette dette sociale
.Développement du chiffre d’affaires et de l’excédent brut d’exploitation (EBE) : les mesures de redressement de l’activité l’amélioration des procédures de production, de gestion, de contrôle, des recettes, investissements dans de nouveaux équipements etc…) ont permis un développement du chiffre d’affaires de + 10 % en comparant les 5 premiers mois de l’exercice en cours avec la même période de l’année précédente ; au 30/11/2022, l’EBE est devenu positif en prenant en compte la période globale des 5 premiers mois de l’exercice comptable (attestation expert-comptable)
. Perspectives : un projet de refonte du magasin (façade et aménagement intérieur) est à l’étude
.Conclusion : durant l’année 2022, des mesures drastiques ont été entreprises par le nouvel actionnaire de LBS ; les capitaux propres ont été rétablis dès la clôture de l’exercice du 31/10/2021 au 30/06/2022 ; l’EBITDA (indicateur financier américain qui correspond approximativement à l’EBE) est devenu positif en novembre 2022 ; la dette globale fournisseurs, fiscale et sociale a été réduite de près de 200 K€ (-35%) en 13 mois ; le chiffre d’affaires est en constante augmentation (+17% depuis le début de l’année 2022) ‘ les résultats de telles mesures structurelles peuvent prendre plusieurs exercices avant d’être entièrement visibles mais l’actionnaire unique est prêt à continuer à investir dans LBS dont l’emplacement géographique de son site d’exploitation jouit d’un potentiel stratégique de chiffre d’affaires à terme supérieur à celui des autres sociétés du groupe ‘
.12 pièces jointes : décisions, actes de cession d’actions, convention de mise à disposition d’une réserve de crédit, protocoles transactionnels de 7 janvier et 1er juillet 2022, report d’exigibilité de la créance Agena Investissement sur LBS, comptes annuels pour l’exercice clos le 30/06/2022 (8 mois), attestation de l’expert-comptable ‘ résultat de l’exercice + 498.562,28 € contre 59.022,52 au 31/10/2022
-La note de synthèse sur la situation juridique et comptable de la SAS LBS au 6 mars 2023 :
. Échéancier de la CGSS : courriel du 21 février 2023 de M. [Z], inspecteur des finances publiques (en copie) « Suite au retour de la CGSS, il s’avère que la CCFS ne pourra vous proposer beaucoup plus que les 36 mois déjà proposés par M. [R] ce jour.
Je vous propose donc plutôt de vous mettre dès à présent sous la protection du tribunal de commerce de Saint Denis… »
Ce à quoi la société LBS répond qu’un prévisionnel sur 36 mois mis à jour avec l’augmentation significative du chiffre d’affaires de la société LBS suite à l’ouverture de la terrasse extérieure fin février 2023 et la prise en compte des efforts de l’actionnaire unique Sterna permet à la société d’honorer sans difficulté un tel échéancier sur 35 mois (prévisionnel produit)
. Comptes consolidés groupe 2021 et situation financière du groupe dont il ressort que les capitaux propres de la SASU Sterna s’élèvent à 426.992,01 euros (confirmé par une attestation de l’expert-comptable Censea Partners produite)
. Evolution récente significative du chiffre d’affaires de LBS suite aux travaux de rénovation du magasin et à l’ouverture de la terrasse extérieure (photos à l’appui) avec l’impact sur le chiffre d’affaires entre la semaine du 18 au 24 février et celle du 25 février au 3 mars + les projections ‘ (extraction de la caisse produite)
. Efforts de l’actionnaire Sterna :
Effort sur la facturation des royalties : afin de soutenir le développement de la société LBS, l’actionnaire Sterna a décidé de suspendre la facturation de royalties (3,5% du chiffre d’affaires) qu’elle facture à ses autres filiales (Ardéa, Coucou) pour LBS jusqu’à ce que la société atteigne un résultat courant avant impôt mensuel de plus de 8.000 €
Effort en apport en compte courant d’associé : afin de renforcer la capacité financière de LBS à tenir les échéanciers en place et à venir (CGSS), Sterna met à disposition de LBS ses réserves de trésorerie mobilisables sur première demande (attestation de bon fonctionnement indiquant un solde de 215.942,23 € du compte bancaire de Sterna chez Qonto au 24/02/2023, le partenaire bancaire de son compte courant produite)
. Prévisionnel d’exploitation sur 36 mois (produit)
-La convention de réserve de crédit SAS Sterna dont l’objet est de de formaliser les engagements de Sterna aux fins de constituer une réserve de crédit permettant de soutenir LBS dans sa restructuration et lui permettre ainsi de faire face à son passif exigible et pérenniser son activité et aux termes de laquelle (article 2) :
« STERNA prend irrévocablement les engagements ci-après :
La société STERNA SAS s’engage à mettre à disposition une réserve de crédit au bénéfice de la société LBS SAS à hauteur de 400.000,00 € (quatre cent mille euros) par voie d’apport en compte courant d’associé, à première demande du représentant légal de la société LBS pour une durée de 12 mois à compter de la signature des présentes.
-Rapport du commissaire aux comptes de la SAS LBS et les comptes de la période du 01/11/2021 au 30/06/2022 comprenant lesdits comptes annuels dont il ressort les éléments suivants :
. Résultat de l’exercice 498.562,62 € (contre 58.022,52 € pour l’exercice précédent)
. Capitaux propres + 40.604,66 € (contre ‘ 457.957,62 € pour l’exercice précédent)
. Produits exceptionnels sur opérations de gestion 515.356,97 € (contre 88.795,65 € pour l’exercice précédent)
. Résultat exceptionnel 515.356,97 € (contre 70.405,44 € pour l’exercice précédent)
Le commissaire aux comptes certifie que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de l’exercice sous la seule réserve suivante : « le résultat de l’exercice clos le 31/10/2021 a été affecté comptablement alors que l’AGOA d’approbation des comptes clos le 31/10/2021 ne s’est pas encore tenue. »
Pour rappel, c’est au ministère public, demandeur, de prouver que le débiteur est en cessation des paiements c’est à dire qu’il est dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.
Il ressort des éléments du dossier que :
-L’EBE est redevenu positif ;
-Tant le chiffre d’affaires que les bénéfices de la société LBS sont en hausse ;
-Le commissaire aux comptes a validé les comptes clos au 30 juin 2022, sous la seule réserve que « le résultat de l’exercice clos le 31/10/2021 a été affecté comptablement alors que l’AGOA d’approbation des comptes clos le 31/10/2021 ne s’est pas encore tenue. » ;
-Les capitaux propres ont été reconstitués ;
-Les dettes sociales bénéficient à minima d’un moratoire de 36 mois.
La société LBS produit de nombreuses pièces justificatives, tant comptables (situation intermédiaire au 30/09/2021, diverses attestations comptables, comptes annuels au 30 juin 2022) que contractuelles (protocoles d’accord transactionnel des 31 décembre 2021, 3, 4 et 7 janvier 2022 et 1er juillet 2022, acte de cession d’action, convention de réserve de crédit) dont il ressort qu’elle justifie de l’existence de réserve de crédit, tangible, et dont rien ne permet d’établir qu’elle aurait été conclue dans des conditions anormales, du simple fait qu’elle concerne les sociétés du groupe Sterna (FDF) dont fait partie la société LBS, étant remarqué par ailleurs que sont versées aux débats, aussi bien l’organigramme du groupe Sterna que les comptes consolidés du groupe 2021, une attestation d’un expert-comptable concernant les capitaux propres de la SASU Sterna ou encore une attestation de bon fonctionnement du compte bancaire de la société Sterna.
Enfin, l’expert, après avoir relevé que l’ensemble des éléments sollicités lui a été communiqué, constate, dans son rapport daté du 11 janvier 2022, que l’actif disponible s’élève à 221 K€ tandis que le passif exigible s’élève à 201 K€.
Il résulte de ce qui précède que l’état de cessation des paiements n’est pas établi.
En conséquence, le jugement déféré doit être infirmé en toutes ses dispositions.
Les dépens doivent rester à la charge de ceux qui les ont engagés.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile;
DIT n’y avoir lieu à nullité du jugement rendu le 14 mars 2023 par le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion ;
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 mars 2023 par le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion ;
Et statuant à nouveau
DIT n’y avoir lieu à ouverture d’une procédure de redressement judiciaire l’égard de la SAS LBS ;
Y ajoutant
DIT que chaque partie conserve ses dépens de première instance et d’appel;
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT