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La loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 a mis en place une réduction de cotisations patronales de sécurité sociale égale au produit de la rémunération brute soumise à cotisations comprenant le cas échéant les majorations pour heures supplémentaires, multiplié par un coefficient adapté pour les entreprises de 19 salariés au plus. Les modalités de calcul de cette réduction ont évolué au fil des années, notamment en intégrant la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires à partir de 2012.
Dans cette affaire, l’URSSAF a constaté des erreurs dans le calcul des réductions Fillon par une société, notamment en prenant en compte un smic calculé sur une base supérieure à la durée légale et en appliquant une formule inadaptée à son activité. Malgré une demande de renseignements à l’URSSAF, la société n’a pas respecté les règles de calcul de la réduction Fillon, ce qui a conduit à un redressement de 61 211 euros.
La société a été condamnée à verser à l’URSSAF la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles. En ce qui concerne les dépens, la société devra les supporter en raison de sa défaite dans l’instance, conformément aux dispositions en vigueur à la date du jugement.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
9ème Ch Sécurité Sociale
ARRÊT N°
N° RG 19/04455 – N° Portalis DBVL-V-B7D-P42W
Société [3]
C/
URSSAF DE BRETAGNE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,
Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 06 Avril 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 21 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe, après prorogation du délibéré initialement fixé au 22 juin 2022, date indiquée à l’issue des débats
DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:
Date de la décision attaquée : 20 Mai 2019
Décision attaquée : Jugement
Juridiction : Tribunal de Grande Instance de VANNES – Pôle Social
Références : 21500033
****
APPELANTE :
LA SOCIÉTÉ [3]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2],
représentée par M.[U] [D], comparant,
assisté de Me Marc EYMIN, avocat au barreau de VANNES
INTIMÉE :
L’UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D’ALLOCATIONS FAMILIALES DE BRETAGNE
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Mme [W] [L] en vertu d’un pouvoir spécial
EXPOSÉ DU LITIGE
A la suite d’un contrôle de l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garanties des salaires ‘AGS’, opéré par l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de Bretagne (l’URSSAF) sur la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, la société [3] (la société) s’est vue notifier une lettre d’observations du 17 septembre 2013 portant sur trois chefs de redressement, et trois observations pour l’avenir.
Par lettre du 11 octobre 2013, la société a formulé des observations concernant :
– les deux chefs de redressement en lien avec la réduction Fillon :’réduction Fillon : rémunération brute à prendre en compte dans la formule jusqu’au 31 décembre 2011″ et ‘annualisation de la réduction Fillon : détermination du coefficient’;
– l’observation pour l’avenir ‘frais professionnels – limites d’exonération: repas au restaurant’.
En réponse, par lettre du 15 novembre 2013, l’inspecteur a maintenu les chefs de redressement et observations pour l’avenir notifiés dans la lettre d’observations.
L’URSSAF a notifié une mise en demeure du 5 décembre 2013 tendant au paiement des cotisations visées dans la lettre d’observations et des majorations de retard y afférentes, pour un montant de 61 685 euros.
Par lettre du 20 décembre 2013, la société a saisi la commission de recours amiable de l’organisme en contestant les chefs de redressement concernant la réduction Fillon.
Par décision du 20 novembre 2014, la commission a maintenu les redressements contestés.
Par lettre du 14 janvier 2015, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vannes.
Par jugement du 20 mai 2019, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Vannes, a :
– déclaré le recours de la société recevable mais mal fondé ;
– rejeté les demandes de celle-ci ;
– confirmé la décision de la commission de recours amiable du 20 novembre 2014 ;
– condamné la société à payer à l’URSSAF la somme de 61 211 euros ;
– rejeté la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société aux dépens.
Le 3 juillet 2019, la société a interjeté appel dudit jugement qui lui avait été notifié le 28 juin 2019.
Par ses écritures parvenues par le RPVA le 25 septembre 2019, auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience, elle demande à la cour de :
– la recevoir en son appel et la dire bien fondée ;
– réformer le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
– dire et juger qu’elle est bien fondée à se prévaloir d’une décision explicite de l’URSSAF en date du 14 novembre 2007 ;
En conséquence,
– annuler la lettre d’observations et l’avis de recouvrement en découlant puis la décision de la commission du 20 novembre 2014 ;
– annuler le redressement pour les années 2010, 2011 et 2012 pour 61 211 euros outre les pénalités de retard ;
– condamner l’URSSAF à lui payer 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ses écritures parvenues au greffe le 31 mars 2022, auxquelles s’est référée et qu’a développées sa représentante à l’audience, l’URSSAF demande à la cour de :
– confirmer en toutes ces dispositions le jugement entrepris ;
– confirmer purement et simplement la décision de la commission de recours amiable du 20 novembre 2014 ;
– condamner la société au paiement de la mise en demeure à hauteur de 61 211 euros (53 694 euros de cotisations et 7 517 euros de majorations de retard) sans préjudice du calcul de majorations de retard complémentaires;
– condamner la même au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeter les demandes et prétentions de la société.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- La réglementation sur les réductions Fillon
La loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 a mis en place une réduction de cotisations patronales de sécurité sociale égale au produit de la rémunération brute soumise à cotisations comprenant le cas échéant les majorations pour heures supplémentaires, multiplié par un coefficient dont la détermination, depuis la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006, est adaptée pour les entreprises de 19 salariés au plus.
Il n’est pas davantage discuté que :
pour la période jusqu’au 31 décembre 2010, la réduction de cotisations patronales Fillon est égale au produit de la rémunération brute mensuelle du salarié multiplié par un coefficient fonction de la rémunération mensuelle et du smic mensuel selon la formule de calcul suivante :
* entreprises de plus de 19 salariés
(0,260/0,6) x [1,6 x (smic mensuel calculé avec les heures d’équivalence/rémunération mensuelle brute hors heures supplémentaires et complémentaires) – 1]
* entreprises de 19 salariés au plus
(0,281/0,6) x [1,6 x (smic mensuel calculé avec les heures d’équivalence/rémunération mensuelle brute hors heures supplémentaires et complémentaires) – 1]
pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011, la réduction de cotisations patronales Fillon est égale au produit de la rémunération brute annuelle du salarié multiplié par un coefficient fonction de la rémunération annuelle et du smic annuel selon la formule de calcul suivante :
* entreprises de plus de 19 salariés
(0,260/0,6) x [1,6 x (smic calculé pour un an avec les heures d’équivalence/rémunération annuelle brute hors heures supplémentaires et complémentaires) – 1]
* entreprises de 19 salariés au plus
(0,281/0,6) x [1,6 x (smic calculé pour un an avec les heures d’équivalence/rémunération annuelle brute hors heures supplémentaires et complémentaires) – 1]
pour la période à compter du 1er janvier 2012, la loi de financement de la sécurité sociale intègre la rémunération afférente aux heures supplémentaires et complémentaires dans la rémunération servant au calcul du coefficient d’allégement ; la réduction de cotisations patronales Fillon s’effectue selon la formule antérieure en y substituant au numérateur et au dénominateur les valeurs annuelles du smic et de la rémunération :
* entreprises de plus de 19 salariés
(0,260/0,6) x [1,6 x (smic calculé pour un an avec les heures d’équivalence/rémunération annuelle brute hors heures de pause) – 1]
* entreprises de 19 salariés au plus
(0,281/0,6) x [1,6 x (smic calculé pour un an avec les heures d’équivalence/rémunération annuelle brute hors heures de pause) – 1]
En outre, à compter du 1er janvier 2010, la majoration salariale afférente aux heures d’équivalence doit, dans la limite de 25%, être neutralisée. En revanche, la rémunération de l’heure d’équivalence, hors majoration, ne doit pas l’être. Cette mesure, qui vise à mieux tenir compte de la spécificité de la rémunération des heures d’équivalence, majore le montant de la réduction Fillon pour les emplois concernés, comme c’est le cas par exemple en matière de transport routier.
2- En l’espèce
L’inspecteur de l’URSSAF a constaté lors du contrôle que le smic pris en compte pour le calcul des réductions Fillon était calculé sur une base supérieure à la durée légale, soit sur 169 heures mensuelles au lieu de 151,67 heures, les heures supplémentaires entre 151,67 heures et 169 heures étant ensuite neutralisées.
De plus, pour 2012, l’inspecteur a constaté des erreurs dans le calcul de la réduction dès lors que le calcul doit prendre en compte le nombre total d’heures sur l’année par le smic horaire ramené à la rémunération brute totale sans distinction des heures (sic).
Explicitant ces constats, la lettre adressée par l’URSSAF à la société le 15 novembre 2013 mentionne que celle-ci a calculé le smic sur un horaire d’équivalence sur 39 heures puis a déduit les heures comprises entre 35 heures et 39 heures au titre de la neutralisation des heures supplémentaires, ce qui a conduit à majorer le smic servant de base au calcul. Or, la société ne relevait pas du champ d’application du régime d’équivalence au regard de son activité et était soumise au régime général de 35 heures majoré chaque mois de 17,33 heures au titre des heures supplémentaires, lesquelles devaient être prises en compte comme telles.
La société fait valoir que l’URSSAF s’est positionnée dans sa réponse du 14 novembre 2007 à la demande de renseignement qu’elle lui avait présentée le jour-même se rapportant au calcul de l’effectif afin de déterminer la formule à utiliser pour le calcul de la réduction Fillon ; qu’elle a donc appliqué la formule indiquée dans cette réponse de l’URSSAF valant décision individuelle explicite s’imposant à l’organisme, soit : (151,67 x 8,44) x 39 heures/35 heures s’agissant de la durée légale de l’entreprise.
L’URSSAF réplique que la réponse apportée le 14 novembre 2007 à l’interrogation de la société ne comportait que des informations générales en fonction des indications fournies par la cotisante ; que le rédacteur de la lettre indique bien que la société ne peut utiliser la formule d’équivalence que si la durée légale de temps de travail de l’entreprise est de 39 heures ; qu’il ne peut en tout cas, en l’absence de réponse chiffrée et d’évocation du cas particulier de la société, lui être reproché d’avoir donné une mauvaise information en toute connaissance de cause ; qu’au regard des règles définissant les obligations des organismes de sécurité sociale en matière d’information, la société ne peut pas se prévaloir d’un manquement à son devoir en ce domaine ni mettre sa responsabilité en cause.
Sur ce :
Le 14 novembre 2007, la société a adressé par télécopie la missive suivante à l’URSSAF :
‘Madame,
Suite à notre appel téléphonique (…) Nous souhaiterions avoir une réponse de votre part quant au calcul de l’effectif de l’entreprise afin de déterminer quelle formule utiliser pour le calcul de la nouvelle réduction Fillon. Doit-on tenir compte des intérimaires dans le calcul’ Nous avons calculé notre effectif moyen au 31/12/06 en proratisant les salariés à temps partiel etc…et nous sommes à 14.58 salariés. Si nous comptons les intérimaires, notre effectif dépasse les 20 salariés.
Nous sommes une entreprise de travaux publics et nous possédons aussi une licence pour le transport de marchandises par route. La durée hebdomadaire de travail dans notre entreprise est de 39 heures par semaine (mensualisé 151,67 17,33). Les 17,33 heures sont payées avec une majoration de 25%. Dans la nouvelle formule de calcul de la réduction Loi Fillon, doit-on calculer le montant mensuel du Smic au prorata de 39/35 comme suit (règle d’équivalence) ‘
Formule 0.281/0.6 x (1.6 x 8.44 x 151.67 x 39/35/rem. mensuelle brute hors h. suppl. – 1)
Nous vous remercions de bien vouloir nous faire parvenir votre réponse par retour de fax.
(…)’.
Le jour-même, Mme [K], de l’URSSAF a répondu comme suit :
‘ Madame, Monsieur,
Vous interrogez l’URSSAF pour la mise en application de la nouvelle formule Fillon applicable au 1er octobre 2007.
Je vous confirme que les intérimaires sont à prendre en compte dans le calcul de l’effectif de l’entreprise au même titre que les salariés à temps partiel, à comptabiliser au prorata de leur temps de présence sur les 12 mois précédents (voir imprimé URSSAF et Vous…).
Je vous rappelle que la réduction Fillon se calcule salarié par salarié, mois par mois, selon la formule suivante : réduction = rémunération brute mensuelle x coefficient.
Que la formule pour déterminer le coefficient est différente selon l’effectif de l’entreprise et qu’elle prend en compte le montant mensuel du SMIC.
Si la durée légale de l’entreprise est de 39 h, je vous confirme que vous devez déterminer le montant mensuel du smic par la formule suivante :
(151,67 x 8,44) x 39h/35h. Puis retenir ce SMIC pour le calcul du coefficient.
Pour tout renseignement complémentaire, n’hésitez pas à poser vos questions par le biais d’internet.
(…)’.
Si l’URSSAF répond à la société sur la question de la prise en compte des intérimaires, force est de constater qu’elle ne fait que rappeler de manière générale et succincte les principes de calcul de la réduction Fillon sans les décliner au cas de l’entreprise requérante.
Certes, la question de la société mentionnait expressément qu’elle travaillait dans le secteur des travaux publics avec une licence de transport et demandait la méthode de calcul en cas d’horaire d’équivalence.
Si dans sa réponse, l’URSSAF indique la formule de calcul pour une entreprise travaillant avec des heures d’équivalence comme demandé, les précautions de formulation du dernier paragraphe de cette réponse (‘si la durée légale de l’entreprise est de 39 h’) ne permettent pas de considérer qu’il s’agit d’une décision individuelle explicite s’appliquant à la société requérante.
Ce dernier paragraphe renvoie à l’hypothèse d’un régime d’équivalence de 39 heures dont la cour rappelle que les 17,33 heures au-delà des 151,67 heures mensuelles ne sont pas considérées comme des heures supplémentaires puisque partie intégrante de l’horaire légal et entrant à ce titre dans le calcul du smic mensuel ; or, ce régime d’équivalence n’était pas applicable à la société, entreprise de travaux publics n’entrant pas à ce titre dans le champ d’application du calcul selon la règle d’équivalence.
La formule indiquée par l’URSSAF ne pouvait donc pas s’appliquer à la société, ce que celle-ci ne pouvait ignorer.
En l’absence de décision individuelle explicite ou de réponse erronée de l’URSSAF aux questions posées caractérisant un manquement de l’organisme à son obligation d’information, et les chefs de redressement contestés étant bien fondés au regard des constats de l’URSSAF et de la réglementation applicable, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris ayant débouté la société de ses demandes à ce titre.
Les autres chefs de redressement et observations pour l’avenir n’étant pas remis en cause par la société, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société à payer à l’URSSAF la somme de 61 211 euros.
3- Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il n’apparaît pas équitable de laisser à la charge de l’URSSAF ses frais irrépétibles.
La société sera en conséquence condamnée à lui verser à ce titre la somme de 2 000 euros.
S’agissant des dépens, l’article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.
Il s’ensuit que l’article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu’à la date du 31 décembre 2018 et qu’à partir du 1er janvier 2019 s’appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.
En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe à l’instance et qui de ce fait ne peut prétendre à l’application des dispositions l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
y ajoutant :
Condamne la société [3] à verser à l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale de Bretagne une indemnité de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société [3] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT