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3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N° 217
N° RG 19/03878 – N° Portalis DBVL-V-B7D-P3BO
SARL A B
C/
SARL COGNIX SYSTEMS
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me BOURGES
Me AZINCOURT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 05 AVRIL 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur
Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Y Z, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 01 Mars 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Avril 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
APPELANTE :
Société A B SARL immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de
RENNES sous le N° 821 784 873, Représentée par sa gérante, domiciliée au siège
[…]
35510 CESSON-SEVIGNE
CONSEIL, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
SARL COGNIX SYSTEMS, immatriculée au RCS de RENNES sous le n° 444 724 462, prise en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité au siège, et ayant tous pouvoirs aux fins des présentes.
[…]
[…]
Représentée par Me Johanna AZINCOURT de la SELARL AZINCOURT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
La société EDlTA B dont l’objet social est «La recherche, le développement, la fabrication, la conception, la commercialisation et la distribution de kits pédagogiques et préventifs et de tous produits dérivés et nouvelles technologies, notamment dans les domaines de la santé, du e-santé et du numérique…’ a été créée le 28 juillet 2016. Elle exerce la vente de ses produits sous la marque MA LOULOUTE a travers un site internet de e-commerce MA~LOULOULE.COM dont elle a confié la réalisation à la société COGNIX SYSTEM.
Ont été signés les différents contrats suivants :
Par acte du 14 mars 2019, la société A B a assigné la société COGNIX SYSTEMS afin de lui demander le remboursement des sommes lui ayant été payées et de la voir condamner à lui payer des dommages et intérêts.
Ces prétentions ont été contestées par la société COGNIX SYSTEMS qui a demandé le paiement de ses factures échues.
Par jugement du 09 mai 2019, le tribunal de commerce de Rennes a :
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A titre liminaire, la Cour relève que la disposition du jugement critiqué relative à la remise par la société COGNIX SYSTEM à la société A B des codes OVH et des données de son site internet ne fait l’objet d’aucune critique.
Sur les demandes de la société A B :
La société A B a fait appel à la société COGNIX SYSTEM pour lancer un site internet de vente de protections périodiques, le site étant axé sur les très jeunes filles et leurs premiers besoins de protections, avec pages de conseils s’adressant aux jeunes filles mais aussi aux mères et vente d’accessoires autour des protections (trousses décorées etc ..) permettant de ‘dédramatiser’ le sujet.
La société A B fait état de deux griefs majeurs: le délai anormalement long de livraison de son site internet et les dysfonctionnements récurrents de ce dernier.
Les premiers contacts ont été pris au mois de mai 2016 et le 27 juin 2016 une première proposition a été émise par la société COGNIX SYSTEM, renvoyé signée le lendemain.
Ont ensuite été signés :
Le site n’a été mis en ligne dans sa version que le 03 octobre 2017, soit quinze mois plus tard (procès-verbal de recettes.)
Il est incontestable que ce délai est anormalement long, nonobstant le fait que le contrat ne mentionne pas de dates de livraison de la prestation créée et fournie par la société COGNIX SYSTEM.
Il s’agit d’un site internet de vente très classique et aucune explication n’a été donnée par la société COGNIX SYSTEM sur les difficultés ayant pu conduire à un tel retard, lequel doit être considéré comme suffisamment anormal pour avoir créé un préjudice économique à la société A SYSTEM, cette dernière ne pouvant pas commencer son activité de commercialisation.
D’autre part, les contrats, rédigés par la société COGNIX SYSTEM sont très insuffisamment détaillés sur les prestations offertes par la société COGNIX et sur les besoins de la société A B, et il ne ressort d’aucune pièce que ces besoins aient été analysés spécifiquement de manière à lui fournir la prestation la plus adaptée.
Ainsi, il est tout de même étonnant que la société A B n’ait pas été avisée dès la signature du premier contrat que des prestations complémentaires et des abonnements supplémentaires lui seraient demandées pour mettre en place un module de facturation et un module de liaison vers les livraisons COLISSIMO, facturation et livraison étant les accessoires indispensables de tout site internet de vente.
Ensuite, la mise en place réelle a été accompagnée de nombreux dysfonctionnements comme en témoignent les nombreux courriels échangés en octobre et novembre 2017, faisant état de difficultés de clients n’arrivant pas à commander, ou de doublons dans les commandes… dont la société COGNIX a toujours été avertie comme en témoignent les nombreux échanges.
Les difficultés ont perduré en 2018, plusieurs dizaines de clients s’étant plaints de l’absence de confirmation de leur commande.
Ont persisté des difficultés (constat du 14 mars 2019 tome 3) qui ont rendu la gestion du site pénible pour la société A : étiquettes des commandes qui ne sont pas visualisables dans le même ordre que les commandes, ce qui effectivement est très peu ergonomique pour le gestionnaire du site, noms de communes introuvables pour les communes commençant par SAINTou SAINT (le site avait été paramétré pour ST et STE, difficultés avec différentes rubriques de gestion du site (points relais, création de devis …).
Enfin, la société COGNIX n’a pas permis qu’apparaisse la TVA sur les frais de port, alors même que les explications détaillées de l’expert comptable de la société A B permettent de comprendre pour quels motifs ce retraitement était indispensable.
La société COGNIX ne peut s’exonérer de ces difficultés en plaidant que certains des points en litige correspondraient à des demandes nouvelles de la société A, à qui il aurait appartenu de signer des bons de commande supplémentaires.
Il a été en effet constaté plus haut par la Cour que les contrats qu’elle a fait signer à la société A B ne permettent pas, au demeurant, de savoir quelles étaient les demandes originelles de cette dernière.
Des contrats plus précis avec un listage détaillé des prestations offertes auraient permis d’éviter une partie des incompréhensions et la société COGNIX SYSTEM a engagé sa responsabilité en ne listant pas les besoins précis de sa cliente et en ne lui proposant pas des contrats suffisamment détaillés pour lui permettre de vérifier que les prestations offertes correspondaient à ses besoins spécifiques.
La société COGNIX en revanche, est fondée à conclure que les dysfonctionnements constatés n’ont pas été d’une ampleur suffisante pour empêcher la société A B de se développer.
Les comptes annuels versés aux débats permettent en effet d’apprécier que:
Ces considérations conduisent la cour à analyser comme suit les différents postes de préjudices invoqués par la société A B :
Le préjudice de perte de marge brute :
Il est demandé 182.503 euros de perte de marge brute, due selon l’expert comptable au fait que le taux de conversion, du 1er octobre 2017 au 31 janvier 2019, n’aurait été que de 2,93% en moyenne contre 6,25% attendu.
Le taux de conversion exprime le pourcentage de personnes qui, consultant un site internet, finalisent une commande.
La société A B soutient que les difficultés à passer des commandes ont éloigné de nombreux clients.
Ainsi qu’il a été dit plus haut, ses résultats comptables témoignent du contraire, tandis que les taux de conversion ne sont que des moyennes théoriques applicables au secteur de la vente en ligne.
D’autre part, les ventes de la société A B ont suivi dans leur progression les nombreuses actions de promotion mises en oeuvre par la société, notamment à la télévision et sur les réseaux sociaux.
Le préjudice invoqué est dès lors hypothétique et la demande est rejetée.
Est aussi réclamée une somme de 9.982 euros représentant la TVA sur frais de port, qui, bien que n’ayant pu être facturée au client, a dû être reversée au Trésor Public après retraitement selon attestation de l’expert comptable.
Cette demande est consécutive à une carence incontestable du site proposé par la société COGNIX SYSTEM, et la demande est acceptée.
Le coût de la refonte du site internet par un autre prestataire :
Dans la mesure où le site internet créé et géré par la société COGNIX SYSTEM a fonctionné et n’a pas empêché la société A B de développer son activité, la demande n’est pas fondée et est rejetée.
Le temps passé à gérer les dysfonctionnements :
Même s’ils n’ont pas été d’une ampleur telle qu’ils auraient interdit à la société A B de se développer, les dysfonctionnements ont existé, ont été nombreux, ont perduré et ont nécessité de nombreux ajustements par les gestionnaires de la société A B.
Il est réclamé à ce titre la somme de 50.000 euros, ce qui apparaît excessif.
Au regard des constatations précédentes, il est alloué à ce titre à la société A B une somme de 10.000 euros de dommages et intérêts.
Les factures émises par la société COGNIX SYSTEM :
Les demandes relatives aux factures ont été examinées plus haut.
Les demandes relatives à Madame X ne reposent sur aucun fait tangible. Mme X était la personne qui s’occupait du dossier A B chez COGNIX SYSTEM. Les très nombreux courriels figurant dans le tome 1 du constat d’huissier du 14 mars 2019 font certes états de courriels de mécontement de la société A B. Toutefois ceux-ci ne sont jamais incorrects et ne font que témoigner de l’exaspération d’une cliente à qui est livré avec plusieurs mois de retard un site internet conditionnant le démarrage de son activité et qui doit en outre faire face à des dysfonctionnements.
Au demeurant, si Mme X écrit avoir fait un burn-out en raison de la société A B, la société COGNIX SYSTEM, pour sa part, ne verse aucun exemple concret du ‘harcèlement’, de ‘l’agressivité, des critiques incessantes et des réclamations injustifiées’ qu’elle impute à sa cliente.
Les demandes afférentes au départ de Mme X et à ses conséquences sont rejetées.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La société COGNIX SYSTEM, dont les manquements sont à l’origine du litige, supportera la charge des dépens de première instance et d’appel et paiera à la société A B la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société A B de ses demandes, quant aux dépens et aux frais irrépétibles.
Statuant à nouveau :
Condamne la société COGNIX SYSTEM à payer à la société A B la somme de 19.982 euros de dommages et intérêts.
Confirme pour le solde le jugement déféré.
Y ajoutant :
Dit que les relations contractuelles ont cessé entre les parties à compter du 05 juin 2019.
Condamne la société A B à payer à la société COGNIX SYSTEM la somme 2.331,28 euros TTC au titre des factures échues au 04 juin 2019, avec intérêts de retard égaux au taux de refinancement de la BCE majoré de dix points à compter de l’échéance de chaque facture.
8
Déboute chaque partie du surplus de ses demandes.
Condamne la société COGNIX SYSTEM aux dépens de première instance et d’appel.
Condamne la société COGNIX SYSTEM à payer à la société A B la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,