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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/01076 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FPRA
Minute n° 23/00039
S.A.R.L. CENTRUM IMMOBILIER
C/
[I]
Ordonnance Référé, origine TJ à compétence commerciale de METZ, décision attaquée en date du 13 Avril 2021, enregistrée sous le n° 21/00038
COUR D’APPEL DE METZ
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 09 MARS 2023
APPELANTE :
S.A.R.L. CENTRUM IMMOBILIER Représentée par son représentant légal,
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Véronique HEINRICH, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
Madame [T] [I]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 18 Octobre 2022 tenue par Mme Anne-Yvonne FLORES, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l’arrêt être rendu le 09 Mars 2023.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère
Mme DUSSAUD, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société à responsabilité limitée Centrum Immobilier exerce l’activité principale d’agent immobilier à [Localité 3]. Le 9 août 2019, elle a conclu avec Mme [T] [I] un contrat d’agent commercial à durée indéterminée.
Mme [I] a émis trois factures d’honoraires le 20 octobre 2020 correspondant à des opérations de vente :
‘ une facture n°3 de 3 666 euros relative à la commission sur vente d’un appartement sis [Adresse 7] à [Localité 3] [Localité 6],
‘ une facture n°4 d’un montant de 2 090 euros relative à la commission sur vente d’un appartement sis [Adresse 8] à [Localité 3] [Localité 9],
‘ une facture n°5 d’un montant de 3 437 euros relative à la commission sur vente d’un bien sis [Adresse 4] à [Localité 5].
Par acte d’huissier du 11 janvier 2021, signifié par remise à l’étude, Mme [I] a fait assigner la SARL Centrum Immobilier devant le président de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz, statuant en référé, sur le fondement des articles 872 et 873 du code de procédure civile, 1103 et 1104 du code civil, et des articles L. 134-1 et suivants du code de commerce, aux fins de voir condamner la société au paiement provisionnel de la somme de 9 193,80 euros au titre de commissions impayées et de la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de sa résistance abusive au paiement.
La SARL Centrum Immobilier a constitué avocat et s’est opposée à ces prétentions, invoquant l’existence d’une contestation sérieuse. À titre reconventionnel, elle a demandé la condamnation de Mme [I] au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Par ordonnance du 13 avril 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Metz a :
‘ condamné la SARL Centrum Immobilier à régler à Mme [I] la somme provisionnelle totale de 9 193 euros au titre des factures impayées référencées n°3, 4 et 5, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2020 ;
‘ condamné la SARL Centrum Immobilier à régler à Mme [I] la somme provisionnelle de 2 000 euros à titre de dommages intérêts au titre de sa résistance abusive au paiement des factures susvisées ;
‘ débouté la SARL Centrum Immobilier de sa demande relative au paiement de dommages et intérêts ;
‘ condamné la SARL Centrum Immobilier à régler à Mme [I] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ débouté la SARL Centrum Immobilier de sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ condamné la SARL Centrum Immobilier à régler les entiers dépens de l’instance ;
‘ rappelé que l’ordonnance est revêtue de l’exécution provisoire de droit.
Pour se déterminer ainsi, sur la demande provisionnelle au titre des commissions d’agent commercial, le juge des référés a considéré qu’en application de l’article 1” du contrat d’agent commercial, la mission de Mme [I] était de « solliciter des mandats à la vente et de vendre pour le compte de l’agence immobilière » et qu’en application de l’article 5 dudit contrat, celle-ci devait percevoir une commission de 55 %, ainsi que 27,5 % de la commission hors taxes si elle apportait le mandat mais que le bien avait été vendu par un autre conseiller ou agent commercial, et de 27,5 % de la commission hors taxes si elle vendait un bien apporté par un autre conseiller ou agent commercial. Il a relevé que Mme [I] avait apporté aux débats des factures du 20 octobre 2020, dont il est constant qu’elles demeurent impayées à ce jour, et que nonobstant la délivrance des mandats de vente litigieux à la SARL Centrum Immobilier, l’exclusion de la participation de Mme [I] aux opérations de vente n’était pas déterminée.
D’une part, le juge des référés a considéré que Mme [I] était intervenue directement dans le cadre de la vente des biens immobiliers sis [Adresse 7] à [Localité 6], [Adresse 8] à [Localité 3] [Localité 9], ainsi que [Adresse 4] à [Localité 5]. Il a relevé que les fiches à entête de la SARL Centrum Immobilier utilisées dans le cadre des ventes mentionnaient spécifiquement Mme [I] en qualité de contact, tout comme les bons de visite la mentionnaient en qualité d’accompagnatrice. Il a aussi noté qu’elle était l’interlocutrice privilégiée des acquéreurs, ces derniers transmettant à elle seule leurs offres d’achat mais aussi leurs « données-acquéreurs » en vue de la signature des compromis, tout comme leurs remerciements à la fin de la vente.
D’autre part, le juge des référés a considéré que la SARL Centrum Immobilier avait consenti au principe d’une commission à verser à Mme [I] dans son courrier du 22 décembre 2020, et que le contrat d’agent commercial était suffisamment clair pour déterminer le principe et le montant de cette obligation. Selon le juge des référés, les factures émises par Mme [I] étaient conformes aux modalités de calcul de sa commission stipulées dans son contrat d’agent commercial. Il en a déduit qu’en l’absence de contestation des factures par la SARL Centrum Immobilier, il y avait lieu d’accorder à Mme [I] une provision à hauteur de 9 193 euros.
Sur la demande de Mme [I] en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive, le juge des référés a considéré que la SARL Centrum Immobilier n’avait réglé aucune commission à Mme [I], malgré les termes du courrier du 22 décembre 2020, et avait au contraire refusé de régler les sommes dues en opposant l’existence d’une redevance d’agent commercial d’un montant de 1 180 euros, laquelle n’était pas justifiée et ne trouvait pas de fondement dans une stipulation du contrat d’agent commercial. Selon le juge des référés, la SARL Centrum Immobilier avait également remis en cause la créance dans son principe et son montant, le tout constituant une résistance abusive au paiement des commissions dues. Il a considéré que l’absence de versement de ces sommes a été préjudiciable à Mme [I], les commissions devant être analysées comme des salaires, de sorte qu’il y avait lieu de condamner la SARL Centrum Immobilier au paiement d’une provision de 2 000 euros à Mme [I] à titre de dommages et intérêts en raison de sa résistance abusive au paiement en application des articles 873 et 32-1 du code de procédure civile, 1240 et 1241 du code civil.
Sur le rejet de la demande de la SARL Centrum Immobilier de paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, le juge des référés a considéré que Mme [I] n’avait fait qu’exercer son droit d’agir en justice pour réclamer le paiement de factures relatives à des commissions impayées par la SARL Centrum Immobilier.
Par déclaration au greffe de la cour d’appel de Metz du 29 avril 2021, la SARL Centrum Immobilier a interjeté appel aux fins d’annulation, subsidiairement d’infirmation de l’ordonnance de référé du 13 avril 2021, visant toutes ses dispositions.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2022.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions du 15 février 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SARL Centrum Immobilier demande à la cour de :
‘ infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et particulièrement en ce qu’elle a :
condamné la SARL Centrum Immobilier à régler à Mme [I] la somme provisionnelle totale de 9 193 euros au titre des factures impayées référencées n°3, 4 et 5, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2020 ;
condamné la SARL Centrum Immobilier à régler à Mme [I] la somme provisionnelle de 2 000 euros à titre de dommages intérêts au titre de sa résistance abusive au paiement des factures en cause ;
condamné la SARL Centrum Immobilier à régler à Mme [I] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance ;
Statuant à nouveau,
‘ dire et juger irrecevables les demandes de Mme [I] comme se heurtant à des contestations sérieuses ;
‘ en conséquence, dire n’y avoir lieu à référé et renvoyer les parties à mieux se pourvoir ;
‘ en tout état de cause, débouter Mme [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
‘ eu égard aux circonstances de la cause, condamner Mme [I] aux entiers dépens d’instance et d’appel et à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la SARL Centrum Immobilier expose que le contrat d’agent commercial conclu avec Mme [I] lui donnait pour mission de solliciter des mandats à la vente et de vendre pour le compte de l’agence, et non de solliciter des mandats de recherche. Elle précise que le fait générateur de la rémunération de l’agent est l’apport de mandats pour vendre et n’est pas lié à un simple contact mais à une vente effective.
L’agence considère qu’il résulte des stipulations du contrat que Mme [I] ne pouvait prétendre à rémunération que pour les opérations conclues lors de son activité, au cours du contrat, pour des transactions actées et payées réalisées par son intermédiaire. Elle souligne à ce titre que Mme [I] a cessé son activité en juillet 2020 et perçu à cette occasion l’intégralité des commissions qui lui étaient dues.
La SARL Centrum Immobilier fait valoir que les dispositions du code de commerce dont se prévaut Mme [I] ne sont pas d’ordre public et sont supplétives de sorte qu’elle ne peut les invoquer pour soutenir que son « intervention » ouvrirait droit à commission. L’agence soutient que le droit à commission doit être démontré en application des stipulations contractuelles, c’est à dire en démontrant l’apport du mandat de vente et, le cas échéant, la réalisation de la vente par ses soins, et que les transactions ont été actées et payées. Elle considère que Mme [I] ne rapporte pas cette preuve.
S’agissant de l’appartement situé à Magny, l’appelante soutient qu’il s’agit d’un mandat de recherche qui n’ouvre pas droit à commission, qu’en tout état de cause, l’apport du mandat par Mme [I] n’est pas démontré, que ce n’est pas elle qui a établi les documents nécessaires à la vente, qu’il n’est pas établi qu’elle soit à l’origine de ce mandat et que l’opération de vente a été conclue par elle, et qu’aucune transaction n’était payée ou actée en juillet 2020 lorsque Mme [I] a cessé ses relations avec l’agence.
Concernant l’appartement de [Localité 3], la SARL Centrum Immobilier relève qu’en sollicitant une commission à 27,5 % correspondant à la commission pour apport du mandat et vente par un autre conseiller ou vente sur la base d’un mandat apporté par un autre agent commercial, Mme [I] reconnaît que la vente a été réalisée par un autre agent commercial. Elle ajoute qu’il n’est pas démontré qu’elle a effectivement apporté, par son activité, un mandat de vente pour cet appartement, sa présence lors d’une visite des lieux étant insuffisante.
Enfin, concernant l’immeuble sis à [Localité 5], l’agence expose que le mandat de vente a été signé par son gérant alors que, si un agent apporte un mandat, son nom doit y figurer, et que la demande de Mme [I] fixée à 27,5 % de la commission implique reconnaissance que la vente a été réalisée par un autre agent commercial. L’agence affirme que Mme [I] n’a ni apporté de mandat de vente, ni réalisé la vente.
L’appelante souligne que le contrat d’agent commercial n’est pas un acte de commerce et que la preuve par témoignage n’est donc pas recevable.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, la SARL Centrum Immobilier affirme n’avoir opposé aucune résistance abusive aux demandes de Mme [I], mais avoir uniquement opposé l’absence de fondement et de preuve à ses demandes. Elle soutient qu’elle n’a jamais reconnu l’existence d’une créance de Mme [I] résultant des factures présentées. Elle ajoute qu’elle n’a jamais fait aucune difficulté pour régler les ventes régulièrement effectuées.
Enfin, la SARL Centrum Immobilier confirme avoir versé la somme de 12 193 euros au titre de l’exécution provisoire de l’ordonnance de référé du 13 avril 2021 au mandataire de Mme [I], le 29 avril 2021.
Par ses dernières conclusions du 17 mai 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, Mme [I] demande à la cour de :
‘ dire et juger l’appel recevable en la forme mais non fondé ;
‘ déclarer irrecevable la demande de la SARL Centrum Immobilier relative à l’incompétence du juge des référés pour connaître de ses demandes en paiement ;
‘ débouter la SARL Centrum Immobilier de sa demande tendant au renvoi des parties à mieux se pourvoir ;
‘ débouter la SARL Centrum Immobilier de l’ensemble de ses demandes ;
‘ confirmer l’ordonnance de référé en toutes ses dispositions ;
‘ condamner la SARL Centrum Immobilier à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ débouter la SARL Centrum Immobilier de sa demande à ce titre ;
‘ condamner la SARL Centrum Immobilier aux frais et dépens de la procédure d’appel.
Sur la recevabilité de sa demande devant le juge des référés, Mme [I] soutient que dans sa déclaration d’appel, la SARL Centrum Immobilier n’a pas contesté la recevabilité de la demande devant le juge des référés, ni la compétence du juge des référés, se contentant de contester les condamnations mises à sa charge, et que cette dernière est dès lors irrecevable à soulever l’incompétence du juge des référés et à demander le renvoi des parties à mieux se pourvoir car la déclaration d’appel fixe l’effet dévolutif de l’appel et la cour n’est pas saisie de ce chef de la décision.
Subsidiairement, Mme [I] affirme que les pièces produites aux débats établissent sans aucune discussion possible son intervention directe ayant abouti à la vente des biens immobiliers pour lesquels elle sollicite le paiement de ses commissions.
Concernant l’appartement sis à [Localité 6], Mme [I] relève que la fiche à entête de la SARL Centrum Immobilier la mentionne en qualité de contact, que le bon de visite du 20 juin 2020 la mentionne en qualité d’accompagnatrice, et que les futurs acquéreurs lui ont adressé leur offre d’achat et les éléments nécessaires à l’établissement du compromis de vente. Elle affirme qu’elle a obtenu le mandat de vente en janvier 2020 et qu’il ne s’agit pas d’un mandat de recherche, qu’elle a ensuite été contactée par les acquéreurs, et qu’elle a réalisé la vente, le compromis ayant été réitéré par acte authentique en octobre 2020.
Concernant l’appartement sis à [Localité 3], elle précise que le bon de visite du 10 juillet 2020 signé par l’acquéreur la mentionne comme accompagnatrice, qu’elle a été destinataire de l’offre d’achat et des documents destinés à compléter le compromis et qu’elle a été remerciée par l’acquéreur pour son accompagnement. Elle affirme qu’elle n’a pas apporté le mandat mais qu’elle a réalisé la vente, du fait de sa collaboration active.
Enfin, concernant le bien immobilier sis à [Localité 5], Mme [I] souligne que la fiche à entête de la SARL Centrum Immobilier la mentionne en qualité de contact pour la vente, que tous les courriers relatifs à la vente entre le 3 juin et le 31 août 2020 lui ont été adressés et que le vendeur confirme avoir traité avec elle pour la vente. Elle affirme avoir apporté le mandat ayant conduit à la vente.
Elle précise que le gérant de l’agence est le signataire effectif habituel des mandats négociés par les agents commerciaux et qu’il s’agit d’une pratique interne à la société et habituelle dans la profession, qui n’ôte rien au fait que la conclusion du mandat est le résultat de son intervention active ayant abouti à la réalisation d’une vente.
De plus, Mme [I] soutient que la SARL Centrum Immobilier a reconnu le principe des commissions à son profit dans un courrier du 22 décembre 2020 adressé à son mandataire, de sorte qu’il y a lieu de lui verser ses commissions, en application des articles 5 et 9 du contrat d’agent commercial, mais aussi de l’article L. 134-6 du code de commerce et de la loi du 2 janvier 1970 réglementant la profession d’agent immobilier, normes d’ordre public. Elle soutient que l’obligation dont elle demande l’exécution ne se heurte à aucune contestation sérieuse.
L’intimée soutient en outre avoir résilié son contrat de travail par courrier du 12 janvier 2021, et non en juillet 2020, et que les pièces qu’elle produit établissent qu’elle a travaillé au-delà du mois de juillet 2020.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, Mme [I] fait valoir que la SARL Centrum Immobilier a clairement indiqué dans son courrier du 22 décembre 2020 qu’elle allait procéder au règlement des commissions, qu’elle a été contrainte de réclamer le paiement à de multiples reprises, que la résistance de l’agence l’a mise dans une situation financière difficile puisqu’il s’agissait de sa seule source de revenus et qu’elle ne pouvait prétendre à des prestations de chômage. Elle ajoute que la SARL Centrum Immobilier lui a réclamé le paiement d’une redevance non prévue contractuellement.
MOTIVATION
A titre liminaire, il est relevé que la SARL Centrum Immobilier ne développe aucun moyen relatif au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive. L’ordonnance sera donc confirmée en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande à ce titre.
Sur l’irrecevabilité de la demande de la SARL Centrum Immobilier relative à l’incompétence du juge des référés :
L’article 542 du code de procédure civile dispose que l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.
L’article 561 précise que l’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel et qu’il est statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées par le code de procédure civile. L’article 562 dispose pour sa part que l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
Il ressort des dispositions relatives à la procédure de référé, et notamment de l’article 873 du code de procédure civile en matière commerciale, qu’il n’y a pas lieu à référé lorsqu’une demande de provision se heurte à une contestation sérieuse car le juge des référés n’a pas compétence, au sens de pouvoir juridictionnel, pour trancher une contestation sérieuse.
En premier lieu, il est constaté que la SARL Centrum Immobilier ne formule pas, dans son dispositif, de demande tendant expressément à l’incompétence du juge des référés pour connaître des demandes en paiement de Mme [I]. En effet, dans ses dernières conclusions, l’appelante demande à la cour de dire et juger irrecevables les demandes de Mme [I] comme se heurtant à des contestations sérieuses, et en conséquence, de dire n’y avoir lieu à référé et renvoyer les parties à mieux se pourvoir.
Ensuite, il est constaté que le dispositif de l’ordonnance entreprise ne comporte pas de disposition relative à la compétence du juge des référés.
À supposer que Mme [I] vise en réalité la demande tendant à dire n’y avoir lieu à référé, il est relevé qu’en condamnant la SARL Centrum Immobilier à titre provisionnel, le juge des référés a jugé que l’obligation n’était pas sérieusement contestable et a ainsi nécessairement, mais implicitement, tranché la question de sa compétence étant entendue en terme de pouvoir juridictionnel.
Dès lors que l’ensemble des dispositions de l’ordonnance entreprise sont visées dans la déclaration d’appel et que la SARL Centrum Immobilier oppose aux demandes de Mme [I] l’existence d’une contestation sérieuse, la cour est valablement saisie des demandes de l’appelante.
Mme [I] sera donc déboutée de sa demande d’irrecevabilité.
Sur la demande de provision :
L’article 873 du code de procédure civile prévoit que le président du tribunal de commerce peut, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.
L’article L. 134-6 du code de commerce dispose que pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d’agence, l’agent commercial a droit à la commission définie à l’article L. 134-5 lorsqu’elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l’opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre.
Cet article n’est pas d’ordre public de sorte que les parties peuvent y déroger, aucune clause expresse en ce sens n’étant cependant exigée.
En l’espèce, le contrat d’agent commercial conclu entre les parties stipule :
« Article 1 ‘ Mandat ‘ L’agence immobilière confie à l’agent commercial qui accepte, la mission de solliciter des mandats à la vente et de vendre pour le compte de l’agence immobilière ».
« Article 5 ‘ Rémunération ‘ En rémunération de ses services, l’agent commercial percevra une commission de 55 %.
‘ de 27,5 % de la commission HT pour l’apport d’un mandat de l’agent commercial et vendu par un autre conseiller ou agent commercial.
Exemple : Un conseiller trouve un acquéreur qui achète un bien à usage d’habitation et/ou commercial [‘]
‘ Et de 27,5 % de la commission HT pour la vente d’un bien vendu par l’agent commercial et apporté par un autre conseiller ou agent commercial.
Exemple : Un conseiller permet par son intervention la signature d’un mandat de vente d’un bien à usage d’habitation et/ou commercial [‘]
Le droit de la commission n’est acquis qu’après exécution des ordres et règlements des factures les concernant. Il ne peut être dû aucune commission sur les ordres exécutés non encaissés pour quelque cause que ce soit. Le règlement des commissions acquises s’effectuera mensuellement. En cas de rupture du présent contrat et quelle que soit la cause, le consultant aura droit aux commissions sur toutes les affaires conclues lors de son activité au cours du présent contrat ».
Si Mme [I] justifie, par les éléments qu’elle produit, de son intervention dans les trois affaires litigieuses, il apparaît que les parties ne s’accordent pas sur la notion d’ « apport de mandat », la SARL Centrum Immobilier affirmant que le contrat d’agent commercial conclu avec Mme [I] exclut la notion d’ « intervention » de l’article L. 134-6 du code de commerce.
Or la lecture du contrat dans son ensemble, et particulièrement des stipulations pertinentes reproduites ci-dessus, ne permet pas de définir l’apport de mandat et de déterminer les conditions d’ouverture du droit à commission sans procéder à une interprétation du contrat qui excéderait la compétence du juge des référés, juge de l’évidence. Le droit à commission invoqué par Mme [I] fait donc l’objet d’une contestation sérieuse. Dès lors, il n’y a pas lieu à référé sur la demande de paiement des commissions à titre provisionnel.
Cette contestation portant sur le droit même à commission emporte l’existence d’une contestation sérieuse quant à l’existence d’une résistance abusive au paiement des commissions litigieuses. Il n’y a donc pas lieu à référé sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.
En conséquence, l’ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu’elle a condamné la SARL Centrum au paiement d’une provision au titre des factures impayées et de dommages et intérêts pour résistance abusive et il sera dit n’y avoir lieu à référé sur ces demandes.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Mme [I] succombant à hauteur de cour, l’ordonnance sera infirmée en ce qu’elle a condamné la SARL Centrum Immobilier aux dépens et au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [I] sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la SARL Centrum Immobilier la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance, et 1 000 euros pour l’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Déboute Mme [T] [I] de sa demande d’irrecevabilité ;
Infirme l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Metz le 13 avril 2021 sauf en ce qu’elle a débouté la SARL Centrum Immobilier de sa demande relative au paiement de dommages et intérêts ;
Et statuant à nouveau,
Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de provision de Mme [T] [I] ;
Condamne Mme [T] [I] aux dépens de première instance ;
Condamne Mme [T] [I] à payer à la SARL Centrum Immobilier la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [T] [I] aux dépens d’appel ;
Condamne Mme [T] [I] à payer à la SARL Centrum Immobilier la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente de Chambre