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N° RG 22/02112 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LMNM
C4
Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SCP MBC AVOCATS
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 07 MARS 2024
Appel d’une décision (N° RG 2020J00228)
rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE
en date du 25 avril 2022
suivant déclaration d’appel du 31 mai 2022
APPELANTES :
S.A.S. ENERGY POOL DEVELOPPEMENT immatriculée au RCS de CHAMBERY sous le n° 511 797 904, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
S.A.S. ENERGY POOL FONDATEURS immatriculée au RCS de CHAMBERY sous le n° 529 267 445, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentées par Me Isabelle KESTENES-PSILA de la SCP MBC AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me TOUNY, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.A.R.L. NDLS CONSEIL au capital de 160 000 €, immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le numéro B 515 283 596, prise en la personne de son représentant légal en exercice Monsieur [U] [W], gérant
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Carole ROMIEU, avocat au barreau D’AIX EN PROVENCE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre. FIGUET, Présidente de Chambre,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaèle FAIVRE, Conseillère,
DÉBATS :
A l’audience publique du 21 décembre 2023, M. Lionel BRUNO Conseiller, qui a fait rapport et, Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente, assistés de Mme Alice RICHET, Greffière, ont entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.
Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
Faits et procédure :
1. La société Energy Pool Développement a été créée en 2008 et est spécialisée dans la mise en place de solutions auprès de grands consommateurs d’énergie électrique. La société Energy Pool Fondateurs a été créée en 2016 à des fins de restructuration financière. La société NDLS Conseils est un cabinet spécialisé en fusions et acquisitions en mettant en relation ses clients avec des investisseurs.
2. En 2010, le groupe Schneider Electric est entré au capital de la société Energy Pool Développement à hauteur de 51 %, outre un apport en compte courant de plus de 27 millions d’euros.
3. Une restructuration de la société Energy Pool Développement est intervenue en 2016, le groupe Schneider Electric cherchant à retirer sa participation. En 2018, la société Energy Pool Développement a cherché de nouveaux financements. Les sociétés Energy Pool Développement et Energy Pool Fondateurs ont ainsi confié à la société NDLS Conseils une mission visant à organiser la mise en concurrence des investisseurs potentiels et à représenter la première société auprès des investisseurs dans le cadre de négociations. En parallèle, elles ont obtenu la désignation de maître [R] par le tribunal de commerce de Chambéry, en qualité de mandataire ad hoc, afin d’entamer des négociations avec les principaux créanciers dans le but d’éviter un état de cessation des paiements.
4. En juin 2019, la société NDLS Conseils a rédigé un mémoire à destination des futurs investisseurs. Les sociétés Energy Pool Développement et Energy Pool Fondateurs ont orienté leur projet vers une prise de participation minoritaire. Dans ce cadre, la société NDLS Conseils a présenté six investisseurs familiaux, susceptibles d’investir ensemble six millions d’euros, afin de détenir une participation minoritaire de 29 % dans le capital de la société Energy Pool Développement.
5. Se prévalant de la découverte d’un mandat donné à la société NDLS Conseils par l’un des investisseurs afin que la participation soit portée à 45 % pour un investissement réduit à 4,4 millions d’euros, les sociétés Energy Pool Développement et Energy Pool Fondateurs ont saisi le tribunal de commerce de Grenoble le 9 juillet 2020 afin d’obtenir l’annulation de la mission confiée à la société NDLS Conseils et l’indemnisation des préjudices subis du fait du retard pris dans la réalisation des opérations.
6. Par jugement du 25 avril 2022, le tribunal de commerce de Grenoble a :
– débouté les sociétés Energy Pool Développement et Energy Pool Fondateurs de leurs demandes relatives à la reconnaissance du dol ;
– débouté les sociétés Energy Pool Développement et Energy Pool Fondateurs de toutes leurs autres demandes ;
– débouté la société NDLS Conseils de ses demandes reconventionnelles ;
– condamné solidairement les sociétés Energy Pool Développement et Energy Pool Fondateurs à verser à la société NDLS Conseils la somme arbitrée à 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné solidairement les sociétés Energy Pool Développement et Energy Pool Fondateurs aux entiers dépens de l’instance ;
– liquidé les dépens.
7. Les sociétés Energy Pool Développement et Energy Pool Fondateurs ont interjeté appel de cette décision le 31 mai 2022, en toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a débouté la société NDLS Conseils de ses demandes reconventionnelles et a liquidé les dépens.
L’instruction de cette procédure a été clôturée le 7 décembre 2023.
Prétentions et moyens des sociétés Energy Pool Développement et Energy Pool Fondateurs :
8. Selon leurs conclusions remises le 7 novembre 2023, elles demandent à la cour, au visa des articles 1130 et suivants, 1352 et suivants du code civil:
– de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société NDLS Conseils de ses demandes reconventionnelles;
– de le réformer en ses autres dispositions ;
– statuant à nouveau, de prononcer l’annulation du contrat de mission du 9 août 2018 pour dol commis par l’intimée ;
– d’ordonner au titre des restitutions inhérentes à l’annulation du contrat de mission, le remboursement par l’intimée à la société Energy Pool Développement de la somme de 99.849 euros TTC ;
– de condamner l’intimée à payer à la société Energy Pool Développement, à titre de dommages-intérêts :
* la somme de 99.137,20 euros TTC au titre des coûts de charges externes exposées ;
* la somme de 261.343 euros au titre des coûts relatifs au temps consacré par ses équipes ;
* la somme provisionnelle de cinq millions d’euros à valoir sur le montant du préjudice financier tel qu’il sera déterminé à dires d’expert, résultant du retard subi dans l’obtention des financements et la mise en ‘uvre du plan de développement décrit dans le memorandum d’information préparé par l’intimée ;
– de désigner tel expert qu’il plaira à la cour, avec mission de déterminer le montant du préjudice financier subi par la société Energy Pool Développement causé par le retard subi dans l’obtention des financements et la mise en ‘uvre du plan de développement décrit dans le memorandum d’information préparé par l’intimée ;
– de dire que l’expert pourra se faire communiquer par les parties tous documents nécessaires à sa mission ; qu’il devra réaliser sa mission conformément aux articles 273 et suivants du code de procédure civile, et rendra son rapport dans les 6 mois suivant le paiement de la provision qui lui est accordée ; de fixer le montant de la provision, qui sera avancée par la société Energy Pool Développement ;
– de condamner l’intimée à supporter les coûts et frais définitifs de l’expertise à intervenir, et à rembourser la société Energy Pool Développement des frais avancés ;
– en tout état de cause, de débouter l’intimée de l’intégralité de ses fins, demandes et prétentions ;
– de condamner l’intimée à payer aux concluantes la somme de 25.000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la Scp Mbc Avocats.
Les appelantes exposent :
9. – qu’en novembre 2019, les concluantes ont décrit à l’intimée les séquences et les modalités des opérations à réaliser, prévues dans le projet de lettre d’intention non engageante à faire signer par les investisseurs potentiels pour s’accorder sur les principes et les modalités de l’investissement (notamment augmentation de capital limitée à 10 millions d’euros, sur la base d’une valorisation de la société à 37,5 millions d’euros, représentant une future détention par les investisseurs limitée à 21 %, rachat de la créance Schneider Electric) ; qu’en janvier 2020, des tensions sont apparues avec l’intimée concernant la restructuration de la créance Schneider Electric, avec un avantage donné aux investisseurs potentiels ; que le 15 janvier 2020, la société Energy Pool Développement a cependant accepté la finalisation d’une lettre d’intention auprès des investisseurs pour 4 millions d’euros, afin de pouvoir débuter les étapes nécessaires dont les négociations à mener avec le Groupe Schneider Electric ;
10. – que plusieurs investisseurs ont signé cette lettre d’intention, dont monsieur [X], dont l’annexe 7 de cette lettre a prévu que le processus d’investissement a débuté avec un mandat donné par l’investisseur à la société [G] Gestion Privée, mandat s’articulant avec un autre mandat donné par la société cible de l’investissement à l’intimée, pour conduire tout l’itinéraire destiné à réaliser l’investissement, avec l’assurance qu’à toutes les étapes, l’alignement des intérêts des investisseurs avec la société cible sera pris en compte et dûment organisé, les familles d’investisseurs pouvant compter sur la société Messchaert Gestion Privée et l’intimée afin de préserver l’alignement des intérêts et la gestion de leur investissement ; qu’il est ainsi apparu que l’intimée a été parallèlement missionnée pour défendre les intérêts des investisseurs, alors que la lettre de mission prévoyait la défense des intérêts des concluantes face aux investisseurs ;
11. – que le 4 février 2020, les concluantes ont constaté que les différentes options de restructuration avaient été formulées dans l’intérêt premier des familles d’investisseurs et au préjudice de la sociétés Energy Pool Développement, ce qui s’est poursuivi dans le cadre des négociations intervenant jusqu’en mars avec le groupe Schneider Electric; qu’au mois d’avril 2020, les concluantes ont appris que l’intimée et monsieur [X] avaient négocié la cession au profit des investisseurs de la totalité de la participation du groupe Schneder Electric, ce qui aurait abouti à la détention de 45 % du capital de la sociétés Energy Pool Développement ; que les concluantes ont ainsi réalisé que dès le départ, l’intimée avait mené la négociation avec le groupe Schneider Electric contre leurs intérêts ;
12. – que le 19 avril 2020, les concluantes ont ainsi retiré à l’intimée tout mandat de négocier avec le groupe Schneider Electric et monsieur [X] ; que cependant, le 23 avril 2020, la société Bièvre Epargne, investisseur ayant signé la lettre d’intention adressée en janvier 2020, a précisé à maître [R] son offre, consistant notamment à faire acquérir les titres Schneider par les investisseurs pour l’euro symbolique, avec la détention de 45 % du capital, la garantie d’un rendement minimal de 15%, des garanties lors de la revente de la société, la prise du pouvoir dans sa gouvernance avec un rôle privilégié pour l’intimée ;
13. – qu’il est ainsi apparu que l’intimée a été le conseil des investisseurs, alors que le mandat conféré l’obligeait à représenter les intérêts des concluantes ; qu’aucun mandat d’intérêt commun n’a été donné ; que l’intimée a dissimulé, lors de la conclusion de la lettre de mission, qu’elle dispensait également ses conseils auprès de certains investisseurs, dont la société [G] Gestion Privée, se trouvant ainsi en conflit d’intérêt ; que cette dissimulation constitue une réticence dolosive ; que les concluantes n’auraient pas contracté si elles en avaient eu connaissance ;
14. – que si le tribunal a estimé que les concluantes n’apportent pas la preuve de ce dol, en retenant que l’intimée disposait contractuellement de toute latitude pour organiser la stratégie à mettre en ‘uvre alors qu’elle n’était tenue que d’une obligation de moyens, la lettre d’intention de monsieur [X] du 17 janvier 2020 a révélé qu’il était assisté par l’intimée dans le cadre de la proposition faite par la société Messachaert Gestion Privée ; que deux autres lettres d’intention de monsieur [I] et de la société RSC sont identiques ; que cela confirme que l’intimée était le conseil des familles d’investisseurs ; que pendant l’exécution de sa mission, ces investisseurs ont présenté des offres hostiles ; qu’en réponse à l’assignation, l’intimée a indiqué qu’elle a dû trouver un équilibre entre les intérêts en présence et a invoqué un principe de transparence à l’égard des investisseurs, sans l’appliquer aux concluantes ; que l’intimée a cherché à imposer une augmentation de capital inférieure de moitié à celle envisagée par les concluantes au prétexte que la sociétés Energy Pool Développement était en difficulté ;
15. – qu’en conséquence de l’annulation du contrat, l’intégralité des honoraires de 99.849 euros TTC doit être remboursée ;
16. – que les concluantes doivent également être indemnisées du dommage subi ; que l’intimée et les investisseurs complices de cette man’uvre déloyale ont handicapé et retardé le financement du plan de développement de la sociétés Energy Pool Développement et compliqué les discussions avec le groupe Schneider Electric concernant le traitement de sa créance et de sa participation ; que le schéma de financement conçu initialement n’est plus envisageable ;
17. – que les concluantes ont dû ainsi rechercher un nouveau conseil financier et de nouveaux investisseurs et partenaires financiers ; qu’elles ont dû supporter de nouvelles dépenses (des charges externes comme les honoraires du cabinet Roulin pour le projet de négociation de la créance Schneider et la préparation de la lettre d’intention, du cabinet [L] [B] pour la révision de l’opération, des cabinets Safirec et Atos, des frais de traiteurs) pour un coût total de 99.137,20 euros ;
18. – que les concluantes ont également perdu le coût du temps passé par les équipes de la société Energy Pool Développement sur le projet, pour un total de 261.343 euros ;
19. – que s’ajoutent les pertes causées par le retard de deux ans pris dans la réalisation de la mission confiée à l’intimée, concernant la croissance de l’entreprise attendue au titre du plan de développement élaboré avec le concours de l’intimée, puisque le marché sur lequel évolue la société Energy Pool Développement donne priorité au premier intervenant, rendant complexe l’implantation d’un nouvel acteur; que ce retard a créé une perte de gain de 39 millions d’euros, justifiant l’octroi d’une provision de cinq millions d’euros dans l’attente d’une confirmation par expertise ;
20. – concernant l’appel incident de l’intimée, si elle estime que le contrat a été abusivement résilié, ce qui justifierait une indemnité de 800.000 euros, que selon les articles 2003 et 2004 du code civil, le mandat finit par la révocation du mandataire, qui peut intervenir quand bon lui semble ; qu’il n’est ainsi nécessaire d’aucun motif ou préavis ; que seule une faute faisant dégénérer ce droit en abus peut engager la responsabilité contractuelle du mandant ; qu’un abus dans la révocation de l’intimée n’est pas caractérisé, en raison de la découverte du dol alors que dès le 19 avril 2020, les concluantes l’ont mise en garde ce qui a constitué un préavis suffisant, le contrat prévoyant qu’il était résiliable à tout moment moyennant un préavis de 15 jours ouvrables ;
21. – subsidiairement, que l’intimée ne justifie pas du préjudice financier consistant dans la perte de chance de percevoir le « success free » escompté dans l’hypothèse où l’opération aurait abouti, en l’absence de lien de causalité avec la faute reprochée alors que cette opération n’a pas été menée à son terme ; qu’il n’existe aucun préjudice moral.
Prétentions et moyens de la société NDLS Conseil:
22. Selon ses conclusions remises le 6 décembre 2023, elle demande à la cour :
– de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté les sociétés Energy Pool Développement et Energy Pool Fondateurs de leurs demandes relatives à la reconnaissance du dol ; en ce qu’il a débouté les appelantes de toutes leurs autres demandes ;
– reconventionnellement, de réformer ce jugement en ce qu’il a débouté la concluante de sa demande reconventionnelle de résiliation abusive du contrat et des dommages et intérêts subséquents ;
– en conséquence, de dire et juger que la résiliation du contrat par les sociétés Energy Pool Développement et Energy Pool Fondateurs est abusive ;
– de condamner les appelantes au paiement des sommes suivantes:
* 750.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance d’obtenir la rémunération convenue;
* 50.000 euros au titre du préjudice moral subi par la concluante ;
– de confirmer ce jugement en ce qu’il a condamné les appelantes à payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
– y ajoutant, de condamner solidairement les sociétés Energy Pool Développement et Energy Pool Fondateurs à payer la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, en cause d’appel.
L’intimée soutient :
23. – que dans le cadre de son activité de médiation financière, la concluante conduit une politique de transparence afin que l’investisseur dispose d’une relation directe avec le client et puisse accéder à l’ensemble des données utiles lui permettant de qualifier son intention ;
24. – que la lettre de mission du 9 août 2018 a ainsi indiqué que la concluante avait dressé une liste indicative de familles industrielles, de fonds d’investissement spécialisés apparaissant correspondre au profit recherché par les appelantes ; qu’il a été précisé que la concluante disposait de toute latitude, sous réserve de l’accord des appelantes lors de chaque carrefour décisionnel, pour organiser la séquence des contacts à prendre et la stratégie à mettre en ‘uvre pour aboutir à une conclusion satisfaisante des objectifs ;
25. – que la concluante a réalisé un audit managérial, afin de valider l’alignement du dirigeant et de son équipe sur le projet de développement ; qu’il en est ressorti des divergences entre la vision du dirigeant et l’équipe de direction sur les moyens à mettre en ‘uvre ; que la concluante a ensuite procédé à la rédaction du mémorandum d’informations et à la sélection des investisseurs, avec l’organisation de réunions en présence des parties ; qu’en 2019, le retour des investisseurs potentiels s’est avéré négatif concernant la personne du dirigeant, le caractère trop ambitieux du plan de développement et le modèle économique retenu ; que plusieurs investisseurs ont ainsi renoncé à l’opération ;
26. – que de septembre à décembre 2019, les familles d’investisseurs ont débuté les pourparlers en vue de négocier leur participation ; que des lettres d’intention ont ainsi été signées par quatre investisseurs, acceptant d’investir quatre millions d’euros sous réserve d’une valorisation de la sociétés Energy Pool Développement à 12 millions d’euros, du remboursement in fine de la créance Schneider de 21,5 millions d’euros, de la mise en place d’un comité de surveillance présidé par un représentant des familles ; qu’un accord a alors été recherché avec la société Schneider Electric pour restructurer sa créance alors que celle-ci exigeait le départ de monsieur [T], dirigeant de la sociétés Energy Pool Développement ; que cependant, ce dernier a formulé de nouvelles instructions le 17 avril 2020, modifiant totalement le projet initial, avant de supprimer le 19 avril l’exclusivité accordée à la concluante dans la recherche d’investisseurs, puis invoquant la résolution du contrat pour dol ;
27. – que si les appelantes invoquent un dol, celui-ci doit s’apprécier au moment de la signature du contrat ; que les éléments qu’elles invoquent sont mensongers et postérieurs au 9 août 2018 ; que le mandat d’intérêt commun reproché à la concluante n’est que l’application du principe de transparence exigé dans la relation de travail existant entre les investisseurs et le mandant, précisé dans le site internet de la concluante ; que les appelantes ont fait appel à la concluante en raison de la confiance dont elle jouit auprès des investisseurs en raison de ce principe, malgré un profil compliqué des sociétés cibles ; que les appelantes savaient que la concluante entretenait des relations régulières avec les investisseurs et qu’elle pouvait les accompagner ; qu’un avenant a été signé afin d’augmenter la rémunération de la concluante en connaissance de cause en août 2019; qu’il n’y a eu aucun mandat d’intérêt commun ;
28. – que l’annexe 7 de la lettre d’intention signée le 7 janvier 2020 par monsieur [X], président de la société Star, n’a pas été dissimulée aux appelantes mais a été portée à leur connaissance depuis la rédaction des premiers projets à l’automne 2019 et a été validée par monsieur [T] ; que tous les projets de lettre d’intention ont comporté cette annexe, projets soumis à monsieur [T] ; que cette annexe n’a jamais été utilisée dans la relation contractuelle dans la mesure où les investisseurs concernés, dont la société Star, n’avaient pas donné de mandat à la société [G] Gestion Privée ; que cette annexe a été glissée par erreur dans la lettre d’intention et a été signée par inadvertance par monsieur [X] ainsi qu’il l’a indiqué dans son attestation ; que monsieur [D], membre du directoire de la société [G] Family Office, a confirmé que cette société n’avait reçu aucun mandat de la part de monsieur [X]; que l’annexe 7 ne peut ainsi permettre de rapporter la preuve d’un dol et d’un mandat d’intérêt commun;
29. – que si les appelantes invoquent les conditions de la négociation de la créance Schneider Electric, en soutenant que la concluante les aurait discréditées auprès de ce créancier, ce qui caractériserait un mandat d’intérêt commun, cependant le groupe Schneider Electric manifestait une animosité caractérisée envers monsieur [T], et conditionnait le retraitement de sa créance in fine à la condition que ses titres soient cédés au profit exclusif des nouveaux investisseurs ainsi qu’à la réduction à 10 % de la participation des fondateurs au capital, avec une nouvelle gouvernance sans monsieur [T] ; que la concluante a considéré ces conditions initiales comme étant inacceptables et a tenté de trouver une situation médiane ; que l’évolution des négociations a été communiquée au mandataire ad hoc de la société Energy Pool Développement ;
30. – que la concluante a également tenté de trouver un équilibre concernant les conditions posées par la société Bièvre Epargne représentée par monsieur [I], suite au retard pris et aux conditions posées par le groupe Schneider Electric, puisque monsieur [I] voulait renégocier les termes de son investissement ;
31. – que la caractérisation du dol suppose que la dissimulation ait été réalisée dans l’intention de tromper le cocontractant ; que la preuve de cet élément n’est pas rapportée, puisque la concluante a agi en toute transparence à l’égard de l’ensemble des parties, mais en vue de la défense des seuls intérêts de ses mandants, ce qui explique l’avenant destiné à augmenter sa rémunération ;
32. – concernant l’appel incident de la concluante, que le contrat comportait une mission d’intermédiation et de conseil, avec une rémunération fixe de 4.500 euros HT par mois, et une rémunération variable portant sur un pourcentage du montant des investissements réalisés ; que l’avenant du 1er août 2019 a prévu différents taux de rémunération en fonction des opérations réalisées ; que pendant deux ans, la concluante s’est investie dans ce projet ; que le mandat lui a été retiré alors que l’opération était sur le point d’aboutir ;
33. – que l’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi est d’ordre public selon l’article 1104 du code civil ; qu’il en résulte que si une partie qui met fin à un contrat à durée indéterminée dans le respect des modalités prévues n’a pas à justifier d’un motif, le juge peut néanmoins, selon les circonstances, retenir la faute faisant dégénérer en abus l’exercice du droit de rompre ;
34. – qu’en l’espèce, le courrier des appelantes du 25 mai 2020 a évoqué pour la première fois un vice du consentement résultant du fait que la concluante aurait dissimulé qu’elle était également le conseil des investisseurs ; qu’elle aurait négocié la créance Schneider Electric dans un sens favorable aux investisseurs et au détriment des appelantes ; que la concluante n’aurait pas respecté ses obligations de loyauté, de confidentialité et le respect des instructions données par les appelantes ; que cette lettre a ainsi été adressé à la concluante brutalement, en exposant des propos diffamatoires, alors que la concluante oeuvrait en transparence, avec d’excellents résultats concernant la négociation de la créance Schneider Electric ;
35. – que la concluante a ainsi perdu la chance de percevoir la rémunération convenue, puisqu’elle avait trouvé des investisseurs pour quatre millions d’euros et avait permis l’abandon de 21 millions au titre de la créance Schneider Electric ;
36. – que le gain manqué représente, selon l’avenant du 1er août 2019 :
* 420.000 euros HT au titre de la transformation de la créance Schneider Electric de 12 millions d’euros en compte courant d’associé bloqué jusqu’à la date de la liquidité des investisseurs ( rémunération de 3,5 % HT);
* 140.000 euros HT au titre de l’apport en capital de quatre millions d’euros (rémunération de 3,5 % HT) ;
* 100.000 euros HT au titre de l’apport de quatre millions d’euros hors augmentation de capital (rémunération de 2,5 % HT) ;
* 325.000 euros HT au titre de la cession de la créance Schneider Electric de 9,3 millions d’euros au bénéfice des familles d’investisseurs (rémunération de 3,5 % HT) ;
soit un total de 985.500 euros HT, de sorte que le préjudice subi à hauteur de 750.000 euros n’est pas contestable ;
37. – que la concluante a subi un préjudice moral, après avoir consacré 18 mois de son temps pour exécuter le contrat, alors qu’il lui est reproché des collusions avec les investisseurs.
*****
38 Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
1) Sur le dol invoqué par les appelantes :
39. Ainsi qu’énoncé par le tribunal de commerce, le dol n’entraîne la nullité du contrat que s’il se produit au moment où les parties s’engagent l’une envers l’autre.
40. En l’espèce, il a relevé que la mission confiée à l’intimée impliquait qu’elle soit en lien avec des investisseurs et qu’elle les accompagne aux fins de transactions pour le compte des appelantes ; que cette mission s’est normalement déroulée pendant de nombreux mois, menant à la présentation de différents investisseurs ; qu’il a été établi un avenant au contrat initial concernant une revalorisation de la rémunération de l’intimée et maintenant l’objet initial de la mission, un an après la signature du mandat ; que dans le contrat, les appelantes ont accepté la condition prévoyant que l’intimée disposera de toute latitude sous la réserve de leur accord à chaque carrefour décisionnel, pour organiser la séquence des contacts à prendre et la stratégie à mettre en ‘uvre pour aboutir à une conclusion qui satisfasse aux deux objectifs ; que monsieur [T], alors président de la société Energy Pool Développement, a suivi de près l’ensemble des travaux de l’intimée ; que les projets de lettres d’intention, comprenant les annexes, ont été soumis dès l’automne 2019 à monsieur [T] et à ses conseils avant communication aux investisseurs potentiels ; que l’annexe 7 de la lettre d’intention signée par monsieur [X] le 17 janvier 2020 ne constitue pas la preuve d’un dol ; que le contrat d’intermédiation et de conseils est un contrat de moyens et non de résultats. Le tribunal a en conséquence débouté les appelantes de leur demande concernant le dol, et partant, de toutes leurs autres demandes.
41. La cour constate que selon le site internet de l’intimée, il est insisté sur la transparence de la procédure, afin que l’investisseur dispose d’une relation directe avec le client et qu’il puisse accéder à l’ensemble des données utiles lui permettant de qualifier son intention. L’intimée est spécialisée dans les entreprises de croissance et innovantes, et dans les investissements de famille à famille, les familles exprimant de plus en plus leur souhait de prendre en main leur stratégie d’investissement et de réaliser des opérations directement. L’intimée est en relation avec des investisseurs avec lesquels elle travaille régulièrement, et qu’elle convie à des réunions dans le cadre d’un club. Il résulte de cette présentation que si la société NDLS Conseils ‘uvre principalement pour le compte de sociétés désirant trouver des partenaires financiers, elle s’astreint à des règles déontologiques particulières à l’égard de ces partenaires, avec lesquels elle est en relation habituelle. Compte tenu des informations détaillées dans ce site, les appelants ne pouvaient ainsi se méprendre sur les particularités selon lesquelles l’intimée exerce son activité.
42. Selon la lettre des appelantes du 9 août 2018 valant mandat, signée également par l’intimée, le but est de les conseiller dans la réponse à apporter aux offres d’investissement qui leur sont faites directement, et d’organiser en parallèle la recherche active et la mise en concurrence d’investisseurs intéressés par une participation, voire l’acquisition de l’intégralité du capital. Le problème résulte de la volonté du groupe Schneider Electric de se désengager.
43. Dans cette lettre de mission, les appelantes acceptent que l’intimée ait toute latitude pour organiser la séquence des contacts à prendre et la stratégie à mettre en ‘uvre, sous la réserve de leur accord à chaque carrefour décisionnel. La rémunération comprend une part variable selon les financements recueillis, et une part forfaitaire (4.500 euros HT/mois). Il est stipulé que l’intimée représentera les intérêts des appelantes dans les discussions techniques et les négociations. Le terme de l’opération d’investissement est prévu vers le mois de juillet 2019. Le mandat est résiliable à tout moment, sauf préavis de 15 jours, donné par lettre simple.
44. Ce contrat comporte des annexes, dont l’annexe 1 qui contient une liste indicative de grandes familles d’investisseurs connus de la société NDLS Conseil. Ces familles possèdent de grandes enseignes, et il est également mentionné des fonds souverains et des fonds d’investissement.
45. Un mémorandum d’information a été établi par l’intimée, et a été destiné à être remis à un nombre restreint d’investisseurs, afin de présenter la société Energy Pool Développement, dont le fondateur est [V] [T]. Le but est alors de lever 20 millions d’euros.
46. Il résulte ainsi de ces premiers éléments que dès l’origine, les appelantes connaissaient les conditions dans lesquelles devait intervenir la société NDLS Conseil, à savoir qu’elle allait mettre en ‘uvre le projet de restructuration en sollicitant les familles d’investisseurs qu’elle connaissait, et auprès desquels elle disposait d’une certaine confiance, au titre de la transparence détaillée sur son site internet.
47. Le principe d’une relation de confiance avec les investisseurs a été rappelé dans un échange de mails du mois de novembre 2019, l’intimée rappelant qu’elle joue sa réputation qui est faite de l’accompagnement des dirigeants comme des familles, avec l’objectif de faire converger les familles dont les intérêts doivent être défendus avec l’intérêt bien compris de son client. Il est précisé que « [G] » joue également sa propre réputation et doit tenir une réunion à laquelle seront présents les familles [Y] et [I]. Certaines familles ne seront pas présentes, mais ont demandé à recevoir une information. Les séquences des opérations sont discutées ainsi que les projets des lettres d’intention. Cet échange de mails confirme la connaissance de la spécificité de l’action de la société NDLS Conseil par les appelantes.
48. La lettre d’intention de monsieur [X] est datée du 17 janvier 2020. Il est le représentant de la famille Star. Cette lettre est identique à d’autres lettres, mais comporte en plus des autres lettres produites une annexe 7 relative au suivi de la participation sur laquelle apparaît le logo « [G] » et le logo de l’intimée. Il est précisé que le processus débute par un mandat donné par l’investisseur à Meschaert Gestion Privée pour effectuer la recherche de cibles d’investissement, et par un mandat donné par la société cible à l’intimée pour établir le pack documentaire et bâtir l’itinéraire devant conduire à une décision d’investissement. Les familles peuvent compter sur [G] Gestion Privée et l’intimée pour préserver l’alignement d’intérêt et la gestion de leur investissement. La lettre d’intention s’inscrit dans le prolongement du mandat que l’investisseur a donné à [G] Gestion Privée pour lui présenter des propositions, avec une rémunération.
49. Selon l’attestation de monsieur [X], il certifie qu’à aucune moment il n’a été le client de la société [G] et qu’il n’a pas demandé qu’elle gère son investissement. Il indique que l’annexe 7 n’a ainsi aucune raison de s’appliquer à son investissement, et qu’elle s’est retrouvée par erreur glissée dans la lettre d’intention. Cette attestation est confirmée par
celle de monsieur [D], pour le compte de cette société d’investissement, indiquant qu’à aucun moment la société [G] n’a eu comme client monsieur [X].
50. La cour relève que les appelantes connaissaient l’existence du groupe [G] depuis au moins le mois de mai 2019, ayant été informées par l’intimée par mails des 2 et 5 mai 2019 de l’évolution des contacts avec les familles, dont la famille [I] et le groupe [G].
51. Cependant, les appelantes ont à nouveau donné mandat à l’intimée, sous forme d’une lettre du 17 avril 2020, pour la négociation avec les nouveaux investisseurs, modifiant le projet initial : augmentation de capital ramenée à 4 millions d’euros, restructuration de la créance Schneider Electric et sortie du groupe Schneider, modification de la gouvernance de la société Energy Pool Développement.
52. La cour retire ainsi de ces éléments que l’existence du groupe [G] n’était pas inconnue des appelantes, alors qu’aucun fait ne permet de retenir que la société NDLS Conseil aurait agi pour le compte de ce groupe, ou d’autres investisseurs, contre les intérêts de ses mandats, alors que le mandat initial a été confirmé, sauf à modifier les modalités de l’opération, afin de tenir justement compte des discussions entamées avec les groupes d’investisseurs.
53. La cour relève d’ailleurs que dans la lettre adressée à l’intimée et à monsieur [X] le 19 avril 2020, monsieur [T] a retiré le mandat confié à l’intimée, aux motifs qu’elle avait, ainsi que monsieur [X], voulu agir comme négociateur et pour représenter les intérêts de la société Energy Pool Développement, de ses salariés et fondateurs, mais que l’intimée a manifesté ses réserves auprès de personnes étrangères à la société et a proposé une solution différente, contrecarrant les intérêts du mandant. Cependant, cette lettre ne fait pas état d’un conflit d’intérêt de la part de l’intimée.
54. Ce n’est que par lettre adressée à l’intimée le 25 mai 2020 que les appelantes lui ont reproché le fait qu’elle était également le conseil des investisseurs, ce qui aurait été découvert à la lecture de l’annexe 7 de la lettre d’intention de monsieur [X]. Il est également reproché l’attitude de l’intimée lors du déroulement du projet concernant les options à prendre. Il est enfin reproché à la société NDLS Conseil de s’être concertée avec les investisseurs pour prendre le contrôle de la société Energy Pool Développement au détriment de ses fondateurs.
55. Il résulte de ces motifs ajoutés à ceux retenus par le tribunal de commerce que la preuve d’un dol imputable à la société NDLS Conseil n’est pas rapportée. Le jugement déféré sera ainsi confirmé en ce qu’il a débouté les appelantes de leurs demandes, et les a condamnées solidairement au paiement des sommes exposées par l’intimée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
2) Sur les demandes reconventionnelles de l’intimée :
56. Le tribunal a estimé qu’elle ne justifie pas du quantum correspondant aux sommes demandées.
57. La cour constate en premier lieu que le mandat donné à la société NDLS n’a pas prévu de terme, alors qu’il a stipulé qu’il est résiliable à tout moment, moyennant la notification de sa résiliation quinze jours ouvrables à l’avance. Ce mandat pouvait ainsi être révoqué à tout moment, moyennant un préavis, conformément aux dispositions de l’article 2004 du code civil,
d’autant que les parties à l’instance conviennent qu’il ne s’est pas agi d’un mandat d’intérêt commun. Cependant, la rupture du mandat ne doit pas être abusive, et ainsi ne pas procéder de l’intention de nuire de son auteur ou de sa légèreté blâmable susceptible de se rattacher à des circonstances vexatoires ou intempestives.
58. En l’espèce, il est établi par les éléments développés plus haut qu’après une première phase de négociation, les investisseurs ont formulé de nouvelles exigences au regard de la situation de la société Energy Pool Développement et de sa gouvernance. Les termes de la mission confiée à l’intimée ont ainsi été modifiés le 17 avril 2020, concernant notamment le montant de l’augmentation de capital, la restructuration de la créance Schneider Electric, et également la gouvernance de la société, alors placée sous mandat ad hoc. Au titre de la gouvernance de la société Energy Pool Développement, il a ainsi été prévu une gouvernance dualiste, par un comité de surveillance et un comité directeur, et le départ (« la succession) de monsieur [T] selon un calendrier précis. La composition des comités a été définie, avec la présence d’un représentant des nouveaux investisseurs pour chacun des comités. Or, le 19 avril 2020 monsieur [T] a informé la société NDLS Conseil qu’il mettait fin au mandat.
59. Cette rupture, intervenue deux jours après la modification des termes de la mission conférée à l’intimée, est intervenue brutalement, ne permettant pas à la société NDLS Conseil d’exercer la mission venant de lui être confiée. Elle n’a pu ainsi être motivée par le fait que l’intimée n’aurait pas accompli sa mission, et procède en réalité d’un revirement de position de monsieur [T]. Aucun élément relatif à un dol n’a été évoqué, ce fait n’étant avancé que dans le courrier adressé le 25 mai 2020 par les appelantes à la société NDLS Conseil. En outre, si cette lettre de rupture a reproché à l’intimée d’avoir pris des initiatives dans le déroulement des négociations, le mandat initial avait laissé toute latitude à la société NDLS Conseil pour rechercher des investisseurs, d’autant que celle-ci n’était astreinte qu’à une obligation de moyens comme indiqué par le tribunal de commerce. Enfin, il est établi que les appelantes ont été informées du déroulement des négociations menées avec les divers investisseurs, ce que la lettre du 17 avril 2020 confirme, prévoyant des directives précises sur les opérations à mener. Il en résulte que cette révocation du mandat est intervenue dans des conditions la rendant fautive.
60. S’agissant de la demande de la société NDLS Conseil portant sur la somme de 750.000 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance d’obtenir la rémunération convenue, le mandat du 9 août 2018 avait prévu une rémunération comprenant une part variable en fonction des financements recueillis, outre une part fixe de 4.500 euros HT par mois. L’avenant du 1er août 2019 a modifié la part variant selon le montant des investissements. Dans ses conclusions, l’intimée en retire qu’elle aurait dû percevoir 985.500 euros HT au titre du gain manqué.
61. La cour retient qu’en raison de l’avancement des négociations avec les investisseurs, et de la position des appelantes, la perte de chance invoquée par l’intimée ne saurait être retenue à hauteur de 76 %, rien n’étant finalisé . Elle ne peut être retenue au-delà de 7 %. En conséquence, l’indemnité due à la société NDLS Conseil sera fixée à 75.000 euros HT.
62. S’agissant du préjudice moral invoqué par l’intimée, la cour, retenant les conditions brusques de la rupture, et l’imputation d’un dol dont la preuve n’est pas rapportée, allouera à l’intimée la somme de 5.000 euros en réparation de ce préjudice. La preuve de ce préjudice est rapportée par la nature particulière de l’intervention de la société NDLS Conseil, recherchant des investisseurs pour ses clients au travers de ses connaissances personnelles, alors que son mandat, connu de ces investisseurs, a été abusivement révoqué.
63. Le jugement déféré sera donc infirmé sur ces deux points. Succombant en leur appel, les sociétés Energy Pool Développement et Energy Pool Fondateurs seront condamnées solidairement à payer à la société NDLS Conseil la somme complémentaire de 5.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 1130, 1992, 2003 et suivants du code civil ;
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société NDLS Conseil de ses demandes reconventionnelles ;
Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions soumises à la cour ;
statuant à nouveau ;
Condamne les sociétés Energy Pool Développement et Energy Pool Fondateurs à payer à la société NDLS Conseil la somme de 75.000 euros au titre de la perte de chance d’obtenir la rémunération convenue ;
Condamne les sociétés Energy Pool Développement et Energy Pool Fondateurs à payer à la société NDLS Conseil la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral ;
Condamne solidairement les sociétés Energy Pool Développement et Energy Pool Fondateurs à payer à la société NDLS Conseil la somme complémentaire de 5.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement les sociétés Energy Pool Développement et Energy Pool Fondateurs aux dépens exposés en cause d’appel ;
SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente