Augmentation de capital : décision du 29 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/11193
Augmentation de capital : décision du 29 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/11193
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT MIXTE

DU 29 JUIN 2023

Expertise

N°2023/134

Rôle N° RG 21/11193 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BH3RS

S.A.S. GO INVESTISSEMENTS

C/

[V] [O]

[N] [O]

[Y] [O]

S.A.S. UN AIR D’ICI

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Pierre-yves IMPERATORE

Me Joseph MAGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d’AIX-EN-PROVENCE en date du 19 Juillet 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 2019/07837.

APPELANTE

S.A.S. GO INVESTISSEMENTS, prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège est sis [Adresse 4]

représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Jacques-Philippe GUNTHER, avocat au barreau de PARIS, et de Me Myria SAARINEN, avocat au barreau de PARIS plaidant

INTIMES

Monsieur [V] [O]

né le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 10] (84), demeurant [Adresse 8]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Tehani GOY, avocat au barreau de PARIS, et de Me Samir KHAWAJA, avocat au barreau de PARIS, plaidants

Monsieur [N] [O]

né le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 12] (84), demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Tehani GOY, avocat au barreau de PARIS, et de Me Samir KHAWAJA, avocat au barreau de PARIS, plaidants

Madame [Y] [O]

née le [Date naissance 5] 1951 à [Localité 10] (84), demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Tehani GOY, avocat au barreau de PARIS, et de Me Samir KHAWAJA, avocat au barreau de PARIS, plaidants

S.A.S. UN AIR D’ICI prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 9]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Tehani GOY, avocat au barreau de PARIS, et de Me Samir KHAWAJA, avocat au barreau de PARIS, plaidants

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023, après prorogation du délibéré.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023.

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

La société Un air d’ici a été constituée en 2000 sous forme de SARL par la famille [O], s’est spécialisée dans la distribution de produits agro-alimentaires, notamment des fruits secs et des graines, issus de l’agriculture biologique. Elle est dirigée par M. [V] [O].

Souhaitant ouvrir le capital de la société à un investisseur privé en raison de besoins en trésorerie de la société et d’un ratio d’endettement élevé, M. [V] [O] s’est rapproché de M. [T] [K], directeur général de la société d’investissement

Go investissements, fondée par la famille [K].

La société Go investissements a ainsi acquis le 18 juin 2012, à l’issue d’une augmentation de capital de la société Un air d’ici, 200 parts représentant 20% du capital de la société, moyennant le prix de 250000 euros.

Le 9 juillet 2012, les associés de la société Un air d’ici ont signé un pacte d’associés prévoyant notamment :

– la nécessité de l’accord unanime des associés pour tout investissement ou emprunt supérieur à 100000 euros,

– une obligation renforcée d’information et de reporting à la charge des gérants de la société,

– un droit de contrôle et d’audit.

À compter de l’année 2014, la société Un air d’ici a progressivement réorienté son activité sur la distribution de fruits secs et graines bio en vrac, avec le projet d’implanter dans les points de vente de la grande distribution des meubles présentoirs fournis par la société et dont elle assurait l’entretien et le réassort.

La politique de croissance conduite par M. [V] [O] était fondée sur un recours massif à l’endettement bancaire.

M. [O] a ainsi sollicité l’accord de M. [T] [K] le 29 mars 2016 pour la souscription auprès de la BPI d’un nouvel emprunt de 300000 euros, et envisagé un plan d’investissement de 550000 euros sur l’année 2016.

Après échanges avec M. [K] et son conseil, M. [V] [O] a pris acte de la réticence et de l’inquiétude de M. [K] face à cette vague d’investissements et a proposé par mail du 20 avril 2016 adressé au conseil de Go investissements le rachat des actions détenues par cette dernière, pour un montant égal à celui payé par l’investisseur en 2012, soit 250000 euros.

Divers échanges ont eu lieu entre les parties entre mai et décembre 2016 pour négocier la valeur des parts de la société Go investissements et parallèlement, pour l’obtention de l’accord de cet associé sur un emprunt bancaire de 220000 euros sollicité par la société Un air d’ici.

Le 23 décembre 2016, M. [T] [K] a accepté la proposition de M. [O] portant sur une valorisation des parts de la société Go investissements à hauteur de 450000 euros.

Par une assemblée générale extraordinaire du 14 mars 2017, les associés de la société Un air d’ici ont approuvé la décision de réduction du capital suivie du rachat des parts sociales de la société Go investissements au prix de 450000 euros et de leur annulation, sous conditions suspensives de l’obtention par la société Un air d’ici d’un financement bancaire et de l’absence d’opposition par les créanciers sociaux.

À la suite d’un article paru le 7 avril 2017 dans La Tribune Provence-Rhône-Alpes-Côte d’Azur, faisant notamment état d’une croissance exponentielle du chiffre d’affaires de la société Un air d’ici, M. [K] a remis en cause le prix de rachat des parts sociales, affirmant que Go investissements n’avait pas été informée, conformément aux stipulations du pacte d’associés, de l’évolution de l’activité de la société Un air d’ici en 2016 et 2017.

Après une nouvelle phase de négociation, les parties ont arrêté un prix de cession de 600000 euros, sur la base d’une valorisation de la société Un air d’ici à hauteur de

3 millions d’euros soit un prix de 3000 euros par part.

Par une assemblée générale extraordinaire du 14 juin 2017, les associés de la société Un air d’ici ont approuvé la décision de rachat des parts sociales de Go investissements et de réduction du capital social pour un montant de 600000 euros. La réalisation de l’opération a été constatée par une assemblée générale extraordinaire du 31 juillet 2017.

À cette même date, les associés ont résilié le pacte d’associés.

Aux termes d’une assemblée générale mixte du 25 mai 2018, la société Un air d’ici a modifié sa forme sociale de SARL en SAS et fait entrer à son capital la société Bullit Inv par apport de 45 parts sociales détenues par M. [V] [O].

Les associés ont approuvé lors d’une assemblée générale mixte du 11 juin 2018 l’entrée du fonds d’investissement luxembourgeois Ambrosia Investments au capital de la société par l’émission de 105 actions d’une valeur nominale de 125 euros chacune, émises au prix de souscription unitaire de 71498,17 euros, soit une valorisation pre-money de la société de 58,7 million d’euros, et la cession au profit du même fonds, par les autres associés, de 175 actions au prix unitaire de 71498,17 euros.

S’estimant victime de manoeuvres dolosives lors des négociations relatives à la cession de ses parts sociales, consistant en la dissimulation d’informations déterminantes, destinées à la faire sortir du capital de la société Un air d’ici à vil prix, la société Go investissements a par courrier de son conseil en date du 23 septembre 2019, mis en demeure les consorts [O], soit de la réintégrer dans ses droits d’associé de Un air d’ici, soit de lui verser une indemnité de 13, 7 millions d’euros.

Par acte du 7 octobre 2019, la société Go investissements a fait assigner les consorts [O] et la société Un air d’ici devant le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence.

La demanderesse a également saisi le tribunal d’un incident de communication de nombreuses pièces, réparties en 22 catégories.

Par jugement du 10 septembre 2020, le tribunal a constaté que 4 demandes n’étaient plus soutenues, rejeté 15 autres demandes et ordonné 5 pièces relatives aux négociations et accords intervenus avec Ambrosia Investments.

Sur le fond, la société Go investissements demandait au tribunal de :

– à titre principal, annuler les résolutions adoptées au cours des assemblées générales extraordinaires d’Un air d’ici des 14 juin et 31 juillet 2017 ainsi que la résiliation du pacte d’associés et toutes les résolutions et tous les actes relatifs à Un air d’ici pris après le 31 juillet 2017, et prononcer la réintégration de Go investissements dans ses droits d’actionnaire d’Un air d’ici à hauteur de 20% du capital social,

– à titre subsidiaire, condamner in solidum les défendeurs à verser à Go investissements la somme de 13,7 millions d’euros de dommages et intérêts,

– plus subsidiairement, condamner in solidum les défendeurs à verser à Go investissements la somme de 5,6 millions d’euros de dommages et intérêts sur la base d’une valorisation minimale de Un air d’ici à hauteur de 28 millions d’euros et pour la détermination du surplus du préjudice, ordonner une expertise.

Par jugement du 19 juillet 2021, le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a :

– débouté la société Go investissements de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamné la société Go investissements à payer à la société Un air d’ici , M. [V] [O], Mme [Y] [O] et M. [N] [O] la somme de 100000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Go investissements aux entiers dépens.

Le tribunal a retenu à cet effet que :

– la société Go investissements et son dirigeant ont eu accès, ou ont eu la possibilité d’avoir accès à toutes les informations leur permettant d’apprécier la valorisation de la société Un air d’ici,

– la société Go investissements et son dirigeant avaient connaissance du projet de construction d’une usine,

– la société Go investissements et son dirigeant avaient une approche patrimoniale et non stratégique de leur investissement,

– la valorisation qu’ils en avaient faite et le prix qu’ils ont accepté est le reflet de leur compréhension du modèle économique de la société Un air d’ici au moment de la vente de leurs parts.

La société Go investissements a interjeté appel de cette décision le 23 juillet 2021.

Par conclusions déposées et notifiées le 6 mars 2023, la société Go investissements demande à la cour, vu les articles 1137, 1139, 1178, 1352, 1352-2, 1352-3, 1844, 1844-16, 1112-1 du code civil, L. 235-1 et L. 235-12, L. 225-100 et L. 223-26 du code de commerce, d’infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence le 19 juillet 2021 dans son intégralité et statuant à nouveau de :

– Juger que Monsieur [V] [O], Monsieur [N] [O], Madame [Y] [O] et Un Air d’Ici se sont rendus coupables de man’uvres dolosives au préjudice de Go Investissements ;

Par voie de conséquence :

– À titre principal

– annuler les résolutions adoptées au cours de l’assemblée générale extraordinaire d’Un Air d’Ici du 14 juin 2017 ;

– annuler les résolutions adoptées au cours de l’assemblée générale extraordinaire d’Un Air d’Ici du 31 juillet 2017 ;

– annuler l’acte de résiliation du pacte d’associés signé le 31 juillet 2017 ;

– annuler toutes les résolutions et tous les actes relatifs à Un Air d’Ici pris après le 31 juillet 2017 ;

– restituer en nature à Go Investissements les parts sociales dont elle a été privée du fait des man’uvres dolosives commises à son préjudice et, à ce titre, réintégrer Go Investissements dans ses droits d’actionnaire d’Un Air d’Ici, à hauteur de 20% du capital social ;

– À titre subsidiaire, si la restitution en nature susvisée était jugée impossible

– restituer en valeur à Go Investissements les parts sociales dont elle a été privée du fait des man’uvres dolosives commises à son préjudice, estimées au jour de la restitution ; – condamner in solidum Monsieur [V] [O], Monsieur [N] [O], Madame [Y] [O] et Un Air d’Ici à verser à Go Investissements la somme provisionnelle de 14,3 millions d’euros sur la base d’une valorisation minimale estimée de 71 500 € par part ou actions d’Un Air d’Ici ;

– pour la détermination de la valeur exacte des 20% de parts ou actions de Go Investissements au jour de la restitution en valeur, désigner tout expert qu’il plaira à la Cour avec pour mission de :

a) fournir tous éléments techniques et de fait, notamment financiers, de nature à permettre à la Cour de se prononcer sur la valorisation financière actuelle d’Un Air d’Ici et des parts ou actions détenus par ses associés ;

b) à cette fin, se rendre en tous lieux utiles à ses investigations et se faire remettre ou donner accès à tous documents, informations et autres éléments, sur quelque support que ce soit, qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission.

En particulier, se faire communiquer, le cas échéant directement entre les mains d’Ambrosia Investments :

(i) tous documents établis par toute banque d’affaires, tout auditeur, expert-comptable ou autre intermédiaire permettant de déterminer la valorisation actuelle d’Un Air d’Ici ;

(ii) les chiffres d’affaires et résultats prévisionnels d’Un Air d’Ici établis pour les années 2022 et suivantes ;

(iii) tous documents comptables et financiers (notamment business plans et plans d’investissement) établis pour les années 2022 et suivantes ;

(iv) toutes correspondances ou tous documents établis par Ambrosia Investments ou par tout tiers mandaté par Ambrosia Investments tendant à évaluer la valorisation d’Un Air d’Ici ou des parts sociales d’Un Air d’Ici depuis 2018 ;

(v) tout autre document juridique, comptable, financier ou commercial pertinent pour permettre à l’expert de réaliser sa mission ;

c) s’assurer que les éléments comptables et financiers fournis au titre de l’année 2023 (notamment les prévisions comptables et financières) n’ont pas été volontairement dégradés par Monsieur [V] [O] et Un Air d’Ici et sont cohérents avec les encaissements et charges d’Un Air d’Ici au titre de cette année ;

d) remettre aux parties un pré-rapport pour qu’elles lui fassent connaître leurs observations auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;

– À titre infiniment subsidiaire, si la nullité des actes et la restitution en nature ou en valeur des parts sociales n’étaient pas prononcées :

– Condamner in solidum Monsieur [V] [O], Monsieur [N] [O], Madame [Y] [O] et Un Air d’Ici à verser à Go Investissements la somme provisionnelle de 14,3 millions d’euros à titre de dommages et intérêts (sur la base d’une valorisation estimée minimale de 71 500 euros par part ou action d’Un Air d’Ici), ou encore plus subsidiairement, à la somme provisionnelle de 7 millions d’euros à titre de dommages et intérêts (sur la base d’une valorisation estimée minimale de 35 000 euros par part ou action d’Un Air d’Ici), avec majoration par les intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2017 ;

– ordonner la capitalisation annuelle des intérêts ;

– pour la détermination du surplus du préjudice subi par Go Investissements, désigner tout expert qu’il plaira à la Cour avec pour mission de :

a) fournir tous éléments techniques et de fait, notamment financiers, de nature à permettre à la Cour de se prononcer sur :

la valorisation financière actuelle d’Un Air d’Ici ou, plus subsidiairement, au 31 juillet 2017 ;

l’entier préjudice subi par Go Investissements consécutif au rachat de ses parts sociales au 31 juillet 2017 à hauteur de 600000 euros.

b) à cette fin, se rendre en tous lieux utiles à ses investigations et se faire remettre ou donner accès à tous documents, informations et autres éléments, sur quelque support que ce soit, qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission.

En particulier, se faire communiquer, le cas échéant directement entre les mains d’Ambrosia Investments :

(i) tous documents établis par toute banque d’affaires, tout auditeur, expert-comptable ou autre intermédiaire permettant de déterminer la valorisation actuelle d’Un Air d’Ici ou, plus subsidiairement, au 31 juillet 2017 ;

(ii) les chiffres d’affaires et résultats prévisionnels d’Un Air d’Ici établis par Un Air d’Ici pour les années 2017 et suivantes ;

(iii) tous documents comptables et financiers (notamment business plans et plans d’investissement) ;

(iv) toutes correspondances ou tous documents établis par Ambrosia Investments ou par tout tiers mandaté par Ambrosia Investments tendant à évaluer la valorisation d’Un Air d’Ici ou des parts sociales d’Un Air d’Ici au 31 juillet 2017 ;

(v) tout autre document juridique, comptable, financier ou commercial pertinent pour permettre à l’expert de réaliser sa mission et, notamment, si la valorisation devait être celle au 31 juillet 2017 :

– toutes correspondances et conventions échangées entre le groupe Le Duff ou toute autre personne intéressée par un investissement dans le capital d’Un Air d’Ici et les intimés, en ce compris via toute banque d’affaires, tout auditeur, expert-comptable ou autre intermédiaire, permettant de déterminer la valorisation d’Un Air d’Ici au 31 juillet 2017 ;

– les chiffres d’affaires et résultats prévisionnels d’Un Air d’Ici établis par [V] [O] en 2016 et jusqu’au 31 juillet 2017 et ce, pour les années 2017 et suivantes ;

– tous documents comptables et financiers (notamment business plans et plans d’investissement) remis par Un Air d’Ici (a) à Rothschild (ou l’une de ses filiales) et Grant Thornton ou tout autre intermédiaire, en vue de rechercher des investisseurs et (b) aux banques à l’appui de ses demandes d’emprunts en 2016 et au premier semestre 2017, en ce compris pour le financement de la nouvelle usine ;

c) Remettre aux parties un pré-rapport pour qu’elles lui fassent connaître leurs observations auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;

– En tout état de cause

– rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de Monsieur [V] [O], Monsieur [N] [O], Madame [Y] [O] et d’Un Air d’Ici, en ce compris les missions proposées au soutien de leurs demandes de désignation d’un expert judiciaire ;

– condamner in solidum Monsieur [V] [O], Monsieur [N] [O], Madame [Y] [O] et Un Air d’Ici à payer à Go Investissements une somme de 960000 euros au titre du préjudice distinct et spécifique, avec majoration par les intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2017 ;

– ordonner la compensation entre (i) le montant à déterminer par l’expert judiciaire au titre de la restitution en valeur des parts sociales de Go Investissements ou des dommages et intérêts qui lui sont dus, et (ii) la somme de 600000 euros perçue par Go Investissements au titre du rachat de ses parts sociales le 31 juillet 2017 ;

– ordonner la capitalisation annuelle des intérêts ;

– condamner in solidum Monsieur [V] [O], Monsieur [N] [O], Madame [Y] [O] et Un Air d’Ici à payer à Go Investissements une somme de 180.000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, ceux-ci distraits au profit de la SELARL Lexavoué Aix en Provence, Avocats associés aux offres de droit.

L’appelante fonde son action sur les dispositions des articles 1112-1, 1137 et 1139 du code civil, dans leur version issue de l’ordonnance du 10 février 2016 et antérieure à l’entrée en vigueur de la loi de ratification du 20 avril 2018.

Elle affirme que dans le but de se réserver les fruits d’une opération envisagée avec un nouvel investisseur, les intimés lui ont dissimulé d’une part ce projet d’entrée d’un nouvel investisseur et d’autre part, la forte accélération en 2017 du développement de la société Un air d’ici et les éléments commerciaux susceptibles d’avoir un impact majeur sur sa valorisation, en particulier un partenariat important signé avec le groupe Casino et la construction d’une nouvelle usine permettant d’augmenter substantiellement les capacités de production.

Elle prétend que dès avant la cession de ses parts le 31 juillet 2017, la société Un air d’ici avait mandaté le conseil en investissements financiers Rotschild & co pour rechercher de nouveaux actionnaires et engagé des négociations secrètes avec le groupe Le Duff, qui avait signé le 30 mai 2017 une lettre d’intention aux termes de laquelle la holding Le Duff offrait d’entrer au capital de la société Un air d’ici sur la base d’une valorisation minimale estimée à 35 millions d’euros à fin mai 2017 et que dès juin 2017, le cabinet Grant Thornton avait réalisé un audit de la société financé par Le Duff à hauteur de 150000 euros.

Par conclusions déposées et notifiées le 3 mars 2023, la société Un air d’ici et les consorts [O] demandent à la cour :

– À titre principal, vu l’article 1137 du code civil,

– confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

– juger que la société un air d’ici, Monsieur [V] [O], Monsieur [N] [O] et Madame [Y] [O] ne se sont rendus coupable d’aucune man’uvre dolosive au préjudice de la société Go Investissements ;

– débouter la société Go Investissements de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

– condamner la société Go Investissements à payer à la société Un Air d’Ici, Monsieur [V] [O], Monsieur [N] [O] et Madame [Y] [O] une somme de 100 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance, outre les dépens de première instance ;

– condamner la société Go Investissements à payer à la société Un Air d’Ici, Monsieur [V] [O], Monsieur [N] [O] et Madame [Y] [O] une somme de 150000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure d’appel, outre les dépens d’appel ;

– À titre subsidiaire, si la cour annulait les résolutions adoptées lors des assemblées générales extraordinaires de la société Un Air d’Ici respectivement en date du 14 juin 2017 et du 31 juillet 2017 et ordonnait la restitution en valeur des titres de la société Go Investissements, estimée au jour de la restitution :

– condamner Go Investissements à payer à la société Un Air d’Ici la somme de 600000 euros au titre du remboursement du prix de rachat de ses titres ;

– pour les besoins de la détermination de la valeur exacte des 20% des titre de Go Investissements au jour de la restitution en valeur, désigner tel expert qu’il plaira à la cour avec pour mission de :

a) fournir tous éléments techniques et de fait, notamment financiers et économiques, de nature à permettre à la cour de se prononcer sur la valorisation financière de la société Un Air d’Ici à la date de sa désignation et des actions détenues par ses associés, et par voie de conséquence, de fixer la valeur précise des titres de Go Investissements à la date de sa désignation;

b) à cette fin, se rendre en tous lieux utiles et se faire remettre tous documents, informations et autres éléments, sur quelque support que ce soit, qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission.

En particulier, se faire communiquer et remettre :

(i) les comptes annuels de la société Un Air d’Ici pour l’année 2022 ;

(ii) les rapports du commissaire aux comptes de la société Un Air d’Ici se rapportant aux comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2022 ;

(iii) le rapport de gestion présenté à l’assemblée statuant sur les comptes de la société Un Air d’Ici clos au 31 décembre 2022 ;

(iv) le procès-verbal de l’assemblée statuant sur les comptes de la société Un Air d’Ici clos au 31 décembre 2022 ;

(v) les comptes prévisionnels de la société Un Air d’Ici au titre de l’année en cours (2023);

(vi) liste des clients et contrats clients de la société Un Air d’Ici au titre l’année 2022 et de l’année en cours (2023) ;

(vii) état des principaux actifs incorporels et corporels de la société Un Air d’Ici ;

(viii) toutes transactions sur les titres ou opérations sur le capital de la société Un Air d’Ici intervenues en 2022 ;

(ix) tous documents se rapportant à l’évolution du secteur d’activité et au marché sur lequel intervient la société Un Air d’Ici depuis 2018;

(x) tous documents se rapportant à des transactions ou des cessions d’entreprises comparables à celle de la société Un Air d’Ici depuis 2018 ;

(xi) toutes études, analyses et évaluations ayant pu être faite par la société Un Air d’Ici, par des tiers extérieurs, dans le cadre de recherches de financement ou d’acquéreurs depuis 2018;

Et plus généralement sans que cette liste ne soit exhaustive, tous documents permettant de déterminer la valeur précise des titres que Go Investissements à la date de désignation de l’expert.

c) s’adjoindre si besoin le concours de tout sachant ou professionnel pour l’exercice de sa mission ;

d) remettre aux parties un pré-rapport pour qu’elles lui fassent connaître leurs observations auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;

En conséquence,

– rejeter la mission d’expertise proposée par Go Investissements ;

– débouter la société Go Investissements de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions (en ce compris sa demande de provision) ;

-À titre très subsidiaire, si la cour annulait les résolutions adoptées lors des assemblées générales extraordinaires de la société Un Air d’Ici respectivement en date du 14 juin 2017 et du 31 juillet 2017 et refusait d’ordonner la restitution en valeur des parts de la société Go Investissements, vu l’article 1240 du Code Civil,

– juger que la société Go Investissements ne justifie d’aucun préjudice indemnisable ;

En conséquence,

– débouter la société Go Investissements de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

– À titre encore plus subsidiaire,

– juger que le préjudice subi par société Go Investissements ne saurait excéder 100000 euros ;

En conséquence,

– débouter la société Go Investissements du surplus de ses demandes indemnitaires ainsi que de toutes ses autres demandes ;

À titre infiniment subsidiaire,

– pour les besoins de la détermination du préjudice subi par Go Investissements, désigner tel expert qu’il plaira à la cour avec pour mission de :

a) fournir tous éléments techniques et de fait, notamment financiers et économiques, de nature à permettre à la cour de se prononcer :

sur la valorisation de la société Un Air d’Ici à la date de sa désignation et à la date de la sortie de la société Go Investissements du capital de la société Un Air d’Ici ;

sur la valorisation de la société Un Air d’Ici à retenir pour la fixation de la valeur des titres que Go Investissements détenait au capital de la société Un Air d’Ici ;

sur le pourcentage de décote de minorité à appliquer et sur le préjudice subi par la société Go Investissements déduction faite du prix de cession de 600000 euros perçu à l’occasion de l’opération de réduction de capital social intervenue en 2017.

b) À cette fin, se rendre en tous lieux utiles et se faire remettre tous documents, informations et autres éléments, sur quelque support que ce soit, qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission.

En particulier, se faire communiquer et remettre :

(i) les comptes annuels de la société Un Air d’Ici pour les exercices 2015 à 2022 ;

(ii) les rapports du commissaire aux comptes de la société Un Air d’Ici se rapportant aux comptes des exercices 2015 à 2022 ;

(iii) les rapports de gestion présentés aux assemblées statuant sur les comptes de la société Un Air d’Ici des exercices 2015 à 2022 ;

(iv) les procès-verbaux des assemblées statuant sur les comptes de la société Un Air d’Ici des exercices 2015 à 2022 ;

(v) les comptes prévisionnels de la société Un Air d’Ici au titre de l’année en cours (2023);

(vi) liste des clients et contrats clients de la société Un Air d’Ici sur la période 2015 à 2022;

(vii) état des principaux actifs incorporels et corporels de la société Un Air d’Ici ;

(viii) toutes transactions sur les titres ou opérations sur le capital de la société Un Air d’Ici intervenues entre 2015 et 2017 ;

(ix) tous documents se rapportant à l’évolution du secteur d’activité et au marché sur lequel intervient la société Un Air d’Ici depuis 2015;

(x) tous documents se rapportant à des transactions ou des cessions d’entreprises comparables à celle de la société Un Air d’Ici depuis 2017 ;

(xi) toutes études, analyses et évaluations ayant pu être faite par la société Un Air d’Ici, par des tiers extérieurs, dans le cadre de recherches de financement ou d’acquéreurs entre 2015 et 2022 ;

Et plus généralement sans que cette liste ne soit exhaustive, tous documents permettant de déterminer la valeur précise des titres que Go Investissements à la date de désignation de l’expert.

c) s’adjoindre si besoin le concours de tout sachant ou professionnel pour l’exercice de sa mission ;

d) remettre aux parties un pré-rapport pour qu’elles lui fassent connaître leurs observations auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;

En conséquence,

– rejeter la mission d’expertise proposée par Go Investissements ;

– débouter la société Go Investissements de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions (en ce compris sa demande de provision) ;

– En tout état de cause,

– condamner la société Go investissements à verser à la société Un Air d’Ici, Monsieur [V] [O], Monsieur [N] [O] et Madame [Y] [O] une somme de 150000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance d’appel; – condamner la société Go Investissements aux entiers dépens de première instance

et d’appel, ceux-ci distraits au profit de Me Joseph Magnan, Avocat aux offres de droit.

La procédure a été clôturée le 7 mars 2023.

MOTIFS :

Aux termes de l’article 1137 du code civil dans sa version en vigueur à la date de la cession litigieuse, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manoeuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Il résulte des articles 1130, 1131, 1139 du code civil dans leur version en vigueur à la date de la cession d’actions litigieuses, que le dol vicie le consentement lorsqu’il est de telle nature que, sans lui, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes, qu’il est une cause de nullité relative du contrat, que l’erreur qui résulte d’un dol est toujours excusable et est une cause de nullité alors même qu’elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat.

L’appelante reproche aux intimés de lui avoir volontairement dissimulé que dès avant sa sortie du capital de la société Un air d’ici le 31 juillet 2017, des négociations étaient menées par M. [V] [O] avec le groupe Le Duff, présenté comme étant le 2ème acteur mondial du marché café-boulangerie, par l’intermédiaire du conseil en investissement financier Rotschild & Co en la personne de [A] [F], que ces négociations avaient donné lieu à la signature d’une lettre d’intention en date du 30 mai 2017 aux termes de laquelle la Holding Le Duff proposait de prendre une participation majoritaire de 75% dans Un air d’ici sur la base d’une valorisation minimale de la société estimée avant audit à hauteur de 35 millions d’euros, et qu’à la suite de la signature de cette lettre d’intention une mission d’audit avait été confiée au cabinet Grant Thornton.

Elle prétend que les intimés lui ont dissimulé des informations sur les perspectives de développement et de croissance de la société Un air d’Ici et l’envolée financière du premier semestre 2017.

Il résulte les échanges de mails produits par les parties que la sortie de la société Go investissements du capital d’Un air d’ici a été évoquée pour la première fois par M. [V] [O] par mail adressé le 20 avril 2016 au conseil de M. [K] dans les termes suivants :

‘Lors de notre conversation d’hier, j’ai bien senti la réticence, voire l’inquiétude de [T] face à cette nouvelle vague d’investissements. Ce dernier m’a confié avoir le sentiment que la structure financière d’Un air d’ici s’était détériorée entre 2012 et 2016 compte tenu de son endettement. Je peux comprendre ce sentiment car les métiers de l’agro-alimentaire demandent de lourds investissements avant d’être réellement rentables.

Par conséquent, et face à ces divergences, il me semblerait opportun d’envisager le rachat des 20% de capital que détient Go investissements. Compte tenu de la situation et de nos relations particulières, je propose donc de vous rembourser la somme initiale de 250000 euros.’

Le conseil de Go investissements a fait part de l’accord de son client sur le principe du rachat de ses parts sociales par mail du 16 mai 2016 et sollicité un prix de 450000 euros.

Les négociations sur le prix de cession se sont poursuivies tout au long de l’année 2016 et ont donné lieu à un premier accord formalisé par un procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 14 mars 2017, aux termes duquel :

– il est exposé que la société Go investissements est en désaccord avec l’associé majoritaire sur la conduite de l’entreprise et notamment sur le programme des investissements, et a fait part aux associés de sa volonté de se retirer en qualité d’associée de la société, qu’il a été convenu de procéder à l’indemnisation de Go investissements selon un calcul réalisé selon les mêmes modalités que celles de son investissement en 2012, à hauteur de 450000 euros, par voie de rachat par la société puis d’annulation de ses parts sociales,

– l’assemblée générale approuve, sous condition suspensive d’obtention d’un financement bancaire et d’absence d’opposition des créanciers sociaux, le projet de réduction du capital et prend acte qu’en conséquence de son retrait la société Go investissements percevra 450000 euros.

La parution le 7 avril 2017 d’un article dans La Tribune Provence-Rhône-Alpes-Côte d’Azur, faisant notamment état d’une croissance exponentielle du chiffre d’affaires de la société Un air d’ici, a entraîné une réouverture des négociations, donnant lieu à une nouvelle AGE du 14 juin 2017, dont le procès-verbal précise qu’elle annule et remplace la précédente assemblée réunie le 14 mars 2017, devenue caduque, nulle et non avenue.

Aux termes de ce procès-verbal l’assemblée générale approuve, sous condition suspensive d’absence d’opposition des créanciers sociaux, le projet de réduction du capital et prend acte qu’en conséquence de son retrait la société Go investissements percevra 600000 euros, payable au comptant au jour de l’assemblée générale constatant la réalisation définitive de la réduction de capital.

Il est également précisé que l’assemblée générale constatant la réalisation définitive de l’opération devra intervenir au plus tard le 31 juillet 2017 ou en cas d’opposition de créanciers dans le mois suivant le rejet des oppositions, à peine de caducité de la décision de réduction de capital.

Il résulte de cette dernière disposition que pour la réalisation de l’opération, la société Go investissements devait, à peine de caducité la décision prise le 14 juin 2017, réitérer son consentement le 31 juillet 2017, date à laquelle elle a définitivement perdu sa qualité d’associée et signé l’acte de résiliation du pacte d’associés.

Sont dès lors susceptibles d’avoir eu une incidence sur son consentement à l’acte litigieux, d’un point de vue chronologique, toutes manoeuvres commises jusqu’au 31 juillet 2017.

L’appelante verse aux débats la lettre d’intention signée entre d’une part M. [V] [O], qui se porte fort de Mme [Y] [J] [O], de M. [N] [O] et de Go investissements, et d’autre par la Holding le Duff, aux termes de laquelle la Holding Le Duff (HDL) souhaite étudier une offre pour l’acquisition de 75% du capital et des droits de vote de la société Un air d’ici pour un montant de 26 250 000 euros correspondant à 35 000 000 euros pour 100% du capital de la société. Les parties y mentionnent également la réalisation d’un audit financier, juridique, fiscal et social à réaliser sur les exercices 2015, 2016 et les premiers mois de l’année 2017.

Le document non daté mentionne une acceptation à intervenir au plus tard le 22 juin 2017 et se réfère à l’accord de confidentialité signé entre les parties le 30 mai 2017, également versé aux débats.

Il résulte par ailleurs des emails produits par les intimés qu’une version de la lettre d’intention de la société HDL a été transmise à M. [V] [O] le 15 juin 2017 par M. [A] [F] du cabinet Rotschild et qu’après échanges entre les parties par l’intermédiaire de ce dernier un rendez-vous a été fixé pour une signature le 22 juin 2017.

Les intimés ne contestent pas que la société Go investissements n’était pas informée de l’existence de ces négociations mais prétendent qu’elles seraient postérieures au 14 juin 2017, date de l’échange des consentements portant sur le retrait de Go investissements.

Cette affirmation ne peut être sérieusement soutenue, alors qu’il ressort des documents précités que le 30 mai 2017, la société HDL émettait un document aux termes duquel elle rappelait avoir manifesté son intérêt à étudier l’acquisition d’une participation majoritaire au capital de la société Juste Bio Un air d’ici dite ‘Projet Mont Ventoux’ et que la lettre d’intention émise dans la suite de cet accord fait état, dans son article 2 intitulé ‘L’Offre’, des différentes informations communiquées par les associés, de la compréhension acquise de la société à l’occasion des visites réciproques et des échanges des parties.

Il apparaît ainsi que le mandat confié au cabinet Rotschild & Co et l’engagement des négociations avec le groupe Le Duff sont antérieurs au 31 juillet 2017, date de la réalisation de la cession et même à l’AGE du 14 juin 2017, l’émission d’une lettre d’intention fixant une base de valorisation du capital étant nécessairement précédée d’une prise de contact, de la transmission d’informations, de leur étude, et d’échanges entre les parties.

Le retrait de la société Go investissements est intervenu à l’initiative de M. [V] [O], qui souhaitait ‘reprendre son indépendance’ selon les termes d’un mail de son expert-comptable en date du 15 novembre 2016 repris par lui-même par mail du 23 avril 2017, alors que M. [K] affirmait par mail du 10 novembre 2016 qu’il n’était pas pressé pour sortir du capital de la société et le ferait à une valeur qui pourrait satisfaire les parties, tandis que M. [O] manifestait son empressement pour finaliser l’opération par mails des 23 décembre 2016, 27 mars 2017, 3 avril 2017, 12 mai 2017, sur la base des résultats de 2015.

À la suite de la parution dans la presse économique le 7 avril 2017 d’un article mentionnant notamment une progression du chiffre d’affaires de la société Un air d’Ici de 70% en 2016 et une croissance de 100% sur le premier trimestre 2017, le conseil de Go investissements écrivait le 21 avril 2017 à M. [O] :

‘Si cet article est véridique, Go investissements aurait dû être informée, conformément aux stipulations du pacte d’associés convenu, de l’évolution de l’activité de la société en 2016 et en 2017, ce qui pourrait modifier sa perception de l’opération.’

M. [O] répondait le 23 avril 2017 à M. [K] :

‘ L’article de la Tribune ne t’apprend rien que tu ne saches déjà. Un air d’Ici continue sa croissance sur le même rythme que celui de 2014 et 2015, nous investissons beaucoup dans le bio et souhaiterions construire un nouvel entrepôt pour le stockage…

J’ajoute à cela que nous devons emprunter beaucoup pour financer cette croissance et que c’est l’une des raisons de ma volonté de reprise d’indépendance.

Afin d’atteindre mes objectifs, il me faut cultiver la confiance de mes banquiers et je ne t’apprendrai pas que la presse économique joue un rôle déterminant dans ce processus. Rendre la mariée plus belle auprès de cette dernière fait donc partie du jeu…’

M. [O] a ainsi cherché à convaincre M. [K] de que les informations relayées par l’article de la Tribune ne reflétaient pas la réalité et que la société continuait sa croissance au même rythme qu’en 2014 et 2015, alors qu’il ressort des documents comptables versés aux débats qu’entre 2014 et 2015, le chiffre d’affaires de la société Un air d’Ici avait progressé de 29,21%, qu’entre 2015 et 2016 la progression est de 71,8% et que sur les 4 premiers mois de l’année 2017 la progression atteint 119% par rapport aux 4 premiers mois de 2016.

Si les comptes sociaux de l’exercice 2016 ont été communiqués dans le cadre d’une renégociation du prix de cession des parts initialement fixé à 450000 euros, aucune information n’a été communiquée concernant l’envolée du chiffre d’affaire sur les premiers mois de l’année 2017 que M. [O] a manifestement cherché à minimiser par les termes de son mail du 23 avril 2017 et par les termes de son rapport de gestion soumis à l’AG d’approbation des comptes du 30 juin 2017, selon lesquels ‘l’activité du nouvel exercice devrait évoluer sur les mêmes bases que celles de l’exercice précédent’ et ‘aucun événement marquant n’est à signaler depuis la clôture de l’exercice’.

Ces éléments caractérisent la volonté des intimés de faire sortir la société Go investissements du capital de Un air d’ici en évitant de faire profiter cet actionnaire des résultats de l’accélération du développement de la société entre 2016 et 2017 et en lui dissimulant le projet de faire entrer un investisseur au capital, le mandat confié à la société Rotschild & Co, les négociations menées avec la Holding Le Duff et la lettre d’intention signée par cette dernière sur la base d’une valorisation de la société à hauteur de 35 millions d’euros, et la décision des parties en négociation de faire réaliser par un cabinet qui se révélera être Grant Thornton, un audit financier, juridique, fiscal et social sur les exercices 2015, 2016 et les premiers mois de l’année 2017.

Cette dissimulation constitue une manoeuvre dolosive, au regard des informations fiables et complètes loyalement dues par le dirigeant à l’associé sortant concernant la situation de la société, a fortiori compte tenu de l’obligation renforcée d’information stipulée au pacte d’associés et au fait que M. [O] a conduit les négociations avec la Holding Le Duff en se portant fort pour l’ensemble des associés y compris la société Go investissements.

La connaissance de ces éléments aurait nécessairement conduit M. [K], qui cherchait à être rassuré sur la structure financière de la société sans avoir exprimé une volonté de sortir à tout prix du capital ni un quelconque empressement à le faire, à reconsidérer son accord pour céder les actions de Go investissements à la veille de l’entrée au capital d’un investisseur d’envergure, et en tout état de cause son accord pour un prix calculé sur la base d’une valorisation de la société à 3 millions d’euros.

L’argument selon lequel la société Go investissement disposait des informations, de l’expertise et de l’assistance lui permettant de retenir, à la date de son retrait, une valorisation de sa participation supérieure à celle qu’elle a acceptée est inopérant, les dispositions de l’article 1139 du code civil ne permettant pas à l’auteur du dol de reprocher à la victime de ne pas avoir été suffisamment diligent et pertinent dans son appréciation de la situation de la société.

La société Go investissement est en conséquence fondée en sa demande d’annulation pour dol, en application des articles 1131 et 1178 du code civil, de la cession d’actions réalisée le 31 juillet 2017, ainsi que des délibérations des assemblées générales des 14 juin et 31 juillet 2017 qui en sont le support et de l’acte de résiliation du pacte d’associés.

La demande d’annulation sera en revanche écartée en ce qu’elle porte sur d’autres actes non précisément désignés et auxquels la victime du dol n’est pas partie.

Aux termes de l’article 1178 du code civil, le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé et les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Aux termes de l’article 1352 précité, la restitution d’une chose autre que d’une somme d’argent a lieu en nature, ou lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution.

Les intimés font valoir à juste titre l’impossibilité d’une restitution des actions en nature, compte tenu des modifications intervenues dans le capital de la société Un air d’Ici depuis le retrait de la société Go investissements.

La restitution sera en conséquence ordonnée en valeur, estimée au jour de la restitution soit à la date de la présente décision, à déterminer par le recours à une mesure d’expertise comme il sera dit au dispositif.

La société Go investissements sollicite l’allocation d’une provision sur la restitution en valeur, d’un montant de 14,3 millions d’euros, calculé en référence à la valorisation de 71500 euros la part retenue lors des opérations sur le capital d’Un air d’Ici, intervenues en 2018.

Aucune des parties ne produit un avis d’expert relatif au calcul de la valeur des parts de la société Un air d’Ici en 2023.

Les avis d’expert produits, émanant du cabinet Sorgem évaluation pour l’appelante et de Mme [B] [D], expert-comptable, commissaire aux comptes, expert près la cour d’appel de Paris, pour les intimés, comportent toutefois une évaluation des titres en 2017 et 2018 dont il ressort que ces professionnels s’accordent sur le fait que la valeur de l’entreprise peut être déterminée par le montant de l’EBITDA multiplié par un coefficient, variable dans le temps et en fonction de la catégorie d’entreprise considérée.

Alors que Mme [D] retient un coefficient de 8,4 pour l’année 2018 issu de l’observatoire CNCC, le cabinet Sorgem retient un coefficient de 9 correspondant à un indice Argos Mid-Market qui, selon les intimés, s’élève à 9,9 pour le premier trimestre de l’année 2023.

Mme [D] considère par ailleurs que pour déterminer la valeur des titres, il y a lieu de déduire de la valeur de l’entreprise la valeur financière nette, ce que n’applique pas le cabinet Sorgem qui ne formule toutefois aucune critique sur cette déduction.

Les parties s’accordent sur le fait que sur l’exercice 2022, la société Un air d’ici a réalisé un chiffre d’affaires de 70 492 000 euros, en recul de 9,27% par rapport à 2021, et que l’EBITDA s’élève à 5 875 000 euros, en recul de 29,09% par rapport à 2021.

Compte tenu de ces éléments, et de la restitution du prix de cession de 600000 euros à la charge de l’appelante, il sera alloué à cette dernière une provision sur la restitution en valeur d’un montant pouvant être justement arbitré à un minimum de 8 millions d’euros.

Les autres demandes seront réservées jusqu’au dépôt du rapport d’expertise, en particulier la demande d’indemnisation du préjudice distinct qui pourra être utilement documentée par les travaux de l’expert, ainsi que les dépens et demandes d’indemnités pour frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

la cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Prononce l’annulation pour vice du consentement de la cession, par la société Go investissements à la société Un air d’ici, de 200 actions du capital de cette société, intervenue le 31 juillet 2017 ainsi que des délibérations de l’assemblée générale extraordinaire des 14 juin et 31 juillet 2017 constatant cette cession, et de l’acte du 31 juillet 2017 portant résiliation du pacte d’associés,

Déboute la société Go investissements de sa demande d’annulation d’autres actes de la société,

Dit n’y avoir lieu à restitution des actions en nature,

Ordonne la restitution des actions en valeur par la société Un air d’Ici à la société Go investissements et la restitution par la société Go investissements à la société Un air d’ici du prix de cession de 600000 euros,

Avant dire droit sur la restitution des actions en valeur, ordonne une mesure d’expertise et commet pour y procéder M. [Z] [S] [Adresse 6] (tel [XXXXXXXX01] mel : [Courriel 11]) avec mission de :

– entendre les parties et leurs avocats en leurs observations, recueillir toutes informations, entendre tous sachants, se faire remettre tous documents qu’il estimera utiles à sa mission et dont il établira lui-même la liste,

– donner son avis sur la valeur, à la date de la présente décision, de 200 actions de la société Un air d’ici, en expliquant le choix de la méthode de valorisation qu’il aura retenue,

– donner son avis sur l’existence et l’évaluation le cas échéant du préjudice distinct invoqué par la société Go investissements,

– faire toutes observations techniques utiles à la solution du litige,

Dit que l’expert fera connaître sans délai son acceptation et que, dans l’hypothèse d’un refus ou d’un empêchement légitime, il sera aussitôt pourvu à son remplacement,

Dit qu’il sera procédé aux opérations d’expertise en présence des parties ou celles-ci régulièrement convoquées et leurs conseils avisés selon les formes de l’article 160 du code de procédure civile,

Dit que la société Go investissements devra consigner auprès de la régie d’avances et de recettes de la cour la somme de 20.000 euros à valoir sur les frais d’expertise au plus tard le 31 juillet 2023,

Dit qu’à défaut de consignation dans le délai prescrit, la désignation de l’expert sera caduque,

Dit que l’expert ne pourra commencer sa mission qu’à compter de l’avis de consignation délivré par le greffe,

Dit qu’après avoir établi un pré-rapport et répondu aux dires des parties, l’expert devra déposer son rapport et en adresser copie à chacune des parties avant le 31 janvier 2024, délai de rigueur, sauf prorogation qui serait accordée sur rapport de l’expert à cet effet,

Rappelle que le dépôt par l’expert de son rapport est accompagné de sa demande de rémunération, dont il adresse un exemplaire aux parties par tout moyen permettant d’en établir la réception. S’il y a lieu, celles-ci adressent à l’expert et à la juridiction ou, le cas échéant, au conseiller chargé de contrôler les mesures d’instruction, leurs observations écrites sur cette demande dans un délai de quinze jours à compter de sa réception,

Désigne le conseiller de la mise en état de la chambre pour surveiller les opérations d’expertise et ordonner le remplacement de l’expert en cas de refus ou d’empêchement,

Condamne la société Un air d’Ici à payer à la société Go investissements la somme de

8 millions d’euros à titre de provision à valoir sur la restitution en valeur des actions, déduction faite de la restitution réciproque de 600000 euros incombant à l’appelante,

Réserve le surplus des demandes ainsi que les dépens et demandes d’indemnités pour frais irrépétibles,

Dit qu’après le dépôt du rapport d’expertise, l’affaire sera audiencée à la diligence du conseiller de la mise en état.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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