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N° RG 23/01916 – N° Portalis DBVX-V-B7H-O2VB
Décisions :
Tribunal de Grande Instance de VALENCE
Au fond
du 13 novembre 2018
RG : 16/01724
Cour d’Appel de GRENOBLE
Au fond du 19 Janvier 2021
RG 19/1020
Cour de Cassation
Civ1 du 05 Janvier 2023
Pourvoi D21-13.151
Arrêt 2 FS-B
[B]
C/
[B]
[B]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 27 Février 2024
statuant sur renvoi après cassation
APPELANTE :
Mme [Y] [B]
née le [Date naissance 5] 1961 à [Localité 31] (26)
[Adresse 19]
[Adresse 19]
[Localité 7]
Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938
Ayant pour avocat plaidant Me Jean-daniel DECHEZELLES, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
M. [H] [B]
né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 25] (07)
[Adresse 2]
[Localité 8]
M. [I] [B]
né le [Date naissance 4] 1956 à [Localité 25] (07)
[Adresse 22]
[Localité 1]
Représentés par Me Hervé RIEUSSEC de la SCP RIEUSSEC & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 548
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 10 Novembre 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 Novembre 2023
Date de mise à disposition : 20 Février 2024 prorogée au 27 Février 2024, les avocats dûment avisés conformément à l’article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Olivier GOURSAUD, président
– Stéphanie LEMOINE, conseiller
– Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l’audience, un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
[U] [B] et [R] [A] se sont mariés le [Date mariage 11] 1955 à [Localité 25] (Ardèche). Leur union a été précédée d’un contrat de mariage aux termes duquel les époux ont adopté le régime de la communauté de bien réduite aux acquêts.
De cette union sont issus trois enfants : [I], [H] et [Y] [B].
Suivant acte authentique du 22 novembre 1983, [R] [A] a fait donation à son mari, en cas d’existence d’héritiers réservataires à son décès et au choix du donataire, de la quotité disponible permise entre époux, soit en pleine propriété, soit en pleine propriété et usufruit, soit en usufruit seulement soit encore en pleine propriété et nue-propriété.
Par acte authentique reçu le 8 novembre 1998, les époux [B] ont fait donation (donation-partage conjonctive) entre vifs à leurs enfants de biens compris dans la masse à partager décrite dans l’acte de la manière suivante :
– premier lot attribué à M. [I] [B] composé :
d’une part des biens et droits immobiliers constituant les lots n°10, 26, 63 d’un ensemble immobilier en copropriété dénommé ” Le Berlioz ” sis à [Localité 31], cadastrée section [Cadastre 16], évalués en pleine propriété à 450 000 francs ;
d’autre part la nue-propriété de 5 parts sociales de la SCI [14] estimées en pleine propriété à 200 000 francs ;
soit ensemble pour 650 000 francs.
– deuxième lot attribué à M. [H] [B], composé ;
d’une part des 2/3 indivis d’une maison d’habitation sise à [Adresse 23], cadastrée section [Cadastre 15] ;
d’autre part de la nue-propriété de 5 parts sociales de la SCI [14] estimées en pleine propriété à 200 000 francs ;
soit ensemble pour 650 000 francs
– troisième lot attribué à Mme [Y] [B] épouse [D] composé :
d’une part des 990 parts sociales de la SCI [29] pour leur estimation en pleine propriété, soit 200 000 francs ;
par confusion sur elle-même (par rapport en moins prenant des dons manuels qui lui avaient été précédemment consentis par M. et Mme [B] en avancement d’hoirie) de 450 000 francs ;
soit ensemble pour 650 000 francs
Mme [Y] [B] ne s’est pas présentée à l’étude de Maître [Z] le 8 décembre 1998 pour accepter la donation-partage. Le notaire, au vu de cette absence, a précisé dans l’acte que la donation-partage n’engagera que les donateurs et les donataires-acceptants et ne prendra effet immédiatement que pour ces mêmes parties.
[R] [A] est décédée le [Date décès 10] 2001 à [Localité 31] (Drôme), laissant pour lui succéder son conjoint survivant [U] [B], et ses trois enfants, [I], [H] et [Y].
Préalablement à son décès, [R] [A] avait établi un testament olographe, le 26 mars 1999, qui léguait à ses seuls fils la quotité disponible de sa succession.
La déclaration de succession déposée à la recette des impôts de [Localité 31] Sud le 20 septembre 2004 faisait apparaître que sa succession était composée des biens suivants :
à l’actif :
o des placements auprès d’établissements bancaires ou compagnies d’assurances;
o un studio situé dans l’immeuble « résidence Montholon » [Adresse 6] ;
o 990 parts de la SCI [29] et le compte-courant d’associé attaché
au passif :
o un solde débiteur d’un compte courant
o une créance due à la société [21]
Aucun partage n’est intervenu suite au décès de [R] [A].
[U] [B] est décédé à son tour le 23 décembre 2013 à [Localité 31] (Drôme), laissant pour lui succéder ses trois enfants.
Préalablement à son décès, il a rédigé successivement cinq testaments. Le dernier testament, olographe, du 29 novembre 2013, révoquait les dispositions à cause de mort antérieures, consenties sous quelque forme que ce soit, instituait Mme [Y] [B] légataire universelle de l’ensemble des biens composant sa succession, sans exception, et modifiait les bénéficiaires des assurances-vie souscrites auprès de la société [12] pour désigner Mme [Y] [B] en qualité d’unique bénéficiaire pour la totalité en pleine propriété.
Ce dernier testament, remis au notaire du vivant de [U] [B], a été déposé au rang des minutes en l’étude de Maître [V], notaire à [Localité 9], le 4 mars 2014, accompagné d’un certificat du docteur [P] daté du 29 novembre 2013 ainsi rédigé : « Je soussigné certifie que M [B] [U] a toutes ses capacités intellectuelles pour prendre des décisions ». Il a été enregistré au ficher central des dispositions des dernières volontés.
Un courrier du 29 novembre 2013, daté et signé par [U] [B], a aussi été adressé à la société [13] pour l’avertir de l’annulation des clauses bénéficiaires des contrats d’assurance-vie ouverts dans ses livres et de la désignation de Mme [Y] [B] en qualité de bénéficiaire au terme du testament du 29 novembre 2013.
Le 21 novembre 2013, Mme [Y] [B] a adressé à MM. [I] et [H] [B], par lettres recommandées avec demande d’avis de réception, distribuées le 23 décembre 2013, un courrier manuscrit de [U] [B] ainsi rédigé : « [H], par le présent courrier je t’informe que j’ai rédigé un testament en date du 29 novembre 2013 déposé et conservé chez Maître [C] [V] [Localité 9] ».
Par acte d’huissier de justice en date des 25 avril et 2 mai 2016, Mme [Y] [B] a fait assigner MM. [I] [H] [B] afin de voir ordonner l’ouverture des opérations de liquidation et de partage des successions confondues de [R] [A] et [U] [B].
Par jugement du 13 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Valence a, en substance :
– déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer présentée par MM [I] et [H] [B] ;
– ordonné le partage des successions de [R] [A] et de [U] [B];
– commis Maître [J], notaire associé à [Localité 30], ou à défaut, son successeur au sein de la Scp [J] et Savin-Rivier, pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage, pour rendre compte au juge commis en cas de difficulté et dresser dans le délai d’un an suivant la désignation et dans les conditions prévues par les articles 1368 et suivant du code de procédure civile, un état liquidatif établissant les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots.
Préalablement aux opérations de partage et pour y parvenir :
– débouté les consorts [B] de leur demande tendant à l’annulation du testament olographe de [U] [B] daté du 29 novembre 2013 et de leur demande subséquente en dommages et intérêts ;
– dit que la succession de [R] [A] sera réglée en considération des dispositions de dernières volontés contenues dans son testament olographe daté du 26 mars 1999 ;
– dit que la succession de [U] [B] sera réglée en considération des dispositions de ses dernières volontés contenues dans son testament olographe en date du 29 novembre 2013;
– déclaré irrecevable l’action en déclaration de simulation engagée par Mme [Y] [B], ainsi que l’intégralité de ses demandes subséquentes, tendant notamment à la réunion à la masse successorale des gratifications ou avantages prétendument obtenus de leurs parents par MM. [H] et [I] [B], à l’occasion de la constitution de la SCI [14] et des opérations de toute nature (achat de parts sociales, augmentations de capital, fourniture de travail, de marchandises, de garanties hypothécaires, fonctionnement de comptes courants, ‘) concernant la Sarl [27] et les sociétés venant aux droits de ladite société ;
– dit que les héritiers de [R] [A] et [U] [B] devront rapporter aux successions les biens et sommes d’argent suivantes :
o M. [H] [B] :
– rapport des 2/3 du prix de vente de la maison d’habitation sise à [Adresse 23], cadastrée section [Cadastre 15], qui lui a été donné par l’acte de donation-partage du 8 décembre 1998 (vente intervenue en 2005) ;
– rapport de la nue-propriété de 5 parts sociales de la SCI [14] (valeur à évaluer à la date du partage) ;
o M. [I] [B] :
– rapport des biens et droits immobiliers constituant les lots n°10, 26, 63 d’un ensemble immobilier en copropriété dénommé ” le Berlioz ” sis à [Localité 31], cadastrée section [Cadastre 16] (valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation)
– rapport de la nue-propriété de 5 parts sociales de la SCI [14] (valeur à évaluer à la date du partage)
o Mme [Y] [B] :
– rapport à la succession de [U] [B] de la valeur à l’époque du partage, de l’ensemble des biens et droits dépendant de la succession de [U] [B] légués par le testament du 29 novembre 2013, soit sous réserve de précisions à apporter sur la consistance de ces biens devant le notaire : immeuble situé à [Adresse 18], parts sociales et comptes courants de la SCI [29], parts sociales et compte courant de la SAS [20], actifs et valeurs mobilières détenues sur les comptes ouverts dans les livres de la société [17] et de la banque [12], véhicule automobile, meubles et objets mobiliers garnissant le domicile situé à Valence Châteauvert, en ce compris 9 tableaux (à l’exclusion des sommes provenant des contrats d’assurance-vie, non soumises aux règles du rapport et de la réduction) ;
– rapport des liquidités ou sommes d’argent perçues du vivant des défunts ;
– sommes perçues pour l’acquisition d’un appartement sis à [Adresse 32] soit 106 714 € ;
– avances reçues de ses parents, reconnues par Mme [Y] [B] (en ce compris les chèques émis en 2013 sur le compte de [U] [B]) soit 127 644,10 € ;
– don manuel de 22 867,35 € (soit 150 000 francs) reçu en avancement d’hoirie à la suite de la vente d’un bien propre de [R] [A].
soit un total à rapporter par Mme [Y] [B] s’élevant à 257 225,15 €
– rejeté la demande de Mme [Y] [B] tendant à obtenir la remise du montant du compte courant de la SCI [29] existant au jour du décès de [U] [B] et l’intégralité du mobilier meublant l’appartement du défunt au jour du décès, prématuré à ce stade de la procédure;
– constaté que le testament olographe de [U] [B] daté du 29 novembre 2013 désigne Mme [Y] [B] en qualité de bénéficiaire des contrats d’assurance-vie souscrits par [U] [B] auprès de la société [13] (venant aux droits de la société [12]) et débouté les consorts [B] de leur demande tendant à l’annulation de la lettre d’instruction adressée le 29 novembre 2013 à la société [13], relative à la modification des clauses bénéficiaires des contrats d’assurance-vie ;
– rappelé que les sommes revenant à Mme [Y] [B] en exécution des contrats d’assurance-vie ne sont pas compris dans les successions, ni soumises aux règles du rapport et de la réduction ;
– ordonné une expertise patrimoniale ;
– débouté les parties de leurs conclusions plus amples ou contraires ;
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
– réservé les dépens (qui seront traités en frais privilégiés de partage en cas de partage amiable).
Par déclaration du 4 mars 2019, Mme [Y] [B] a interjeté appel de ce jugement.
Par un arrêt du 19 janvier 2021, la cour d’appel de Grenoble a :
– confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Valence en date du 13 novembre 2018 en toutes ses dispositions frappées d’appel, tant s’agissant de l’appel principal que de l’appel incident des consorts [B], sauf en ce que le jugement a fixé à 257 225,15 € le montant total des liquidités ou sommes d’argent perçues du vivant des défunts que Mme [Y] [B] doit rapporter aux successions confondues de ses parents ;
Statuant à nouveau :
– fixé à la somme de 273 094,10 € le montant total des liquidités ou sommes d’argent perçues du vivant des défunts que Mme [Y] [B] doit rapporter aux successions confondues de ses parents.
Y ajoutant :
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– condamné les consort [B] à supporter in solidum la moitié des dépens d’appel, dont Mme [Y] [B] conservera l’autre moitié, l’ensemble étant recouvré conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle ;
Mme [Y] [B] a formé un pourvoi en cassation en date du 19 janvier 2021.
Par un arrêt du 5 janvier 2023 (1re Civ., 5 janvier 2023, pourvoi n° 21-13.151), la Cour de Cassation a :
– rejeté le pourvoi incident ;
– cassé et annulé mais seulement en ce qu’il déclare irrecevables l’action en déclaration de simulation engagée par Mme [Y] [B] ainsi que l’intégralité de ses demandes subséquentes tendant notamment à la réunion à la masse successorale des gratifications ou avantages prétendument obtenus de leurs parents par MM. [H] et [I] [B], à l’occasion de la constitution de la SCI [14] et des opérations de toute nature (achat de parts sociales, augmentations de capital, fourniture de travail, de marchandise, de garanties hypothécaires, fonctionnement de comptes courants, ‘) concernant la Sarl [27] et les sociétés venant aux droits de celle-ci, et rejette sa demande d’expertise aux fins de chiffrer les avantages et gratifications concernant les parts sociales de la société [26] et de la SCI [14] données à MM. [H] et [I] [B], dans leur état au jour de la donation et de leur valeur au jour du partage, l’arrêt rendu le 19 janvier 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ;
– remis sur ces points, les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Lyon ;
– condamné MM. [H] et [I] [B] aux dépens ;
– en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par MM. [H] et [I] [B] et les a condamnés à payer à Mme [Y] [B] la somme de 3000 €
La Cour de cassation a motivé son arrêt ainsi:
« Vu les articles 920, 921 alinéa 2, 1438 et 1439 du code civil :
7. Selon le premier de ces textes, les libéralités, directes ou indirectes, qui portent atteinte à la réserve d’un ou de plusieurs héritiers, sont réductibles à la quotité disponible lors de l’ouverture de la succession.
8. Il résulte des deux derniers que, sauf clause contraire, la donation de biens communs est réputée consentie à concurrence de moitié par chacun des époux, de sorte que sa réduction ne peut être demandée par leurs enfants communs qu’à due proportion, à l’ouverture de chacune des successions des co-donateurs.
9. Pour déclarer irrecevable l’action « en déclaration de simulation » intentée par Mme [Y] [B], l’arrêt retient que les donations qu’elle a pour but de révéler portant sur des biens communs, sa prescription court du jour du décès du premier donateur, soit le 6 octobre 2001, date du décès de [R] [A], et après avoir relevé que le délai de trente ans applicable antérieurement était toujours en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, soit le 19 juin de la même année, il en déduit, sur le fondement des dispositions transitoires de cette loi, que cette action, engagée par assignation des 25 avril et 2 mai 2016, soit plus de cinq ans après le 19 juin 2008, est prescrite.
10. En statuant ainsi, alors que, à concurrence de la moitié de la donation, Mme [B] disposait d’un délai de cinq ans à compter du décès de son père, soit le 23 décembre 2013, pour engager une action en réduction relative à la succession de celui-ci, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »
Mme [Y] [B] a saisi la juridiction de renvoi le 7 mars 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 novembre 2023, Mme [Y] [B] demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a :
o jugé irrecevable l’action en déclaration de simulation, ainsi que de l’intégralité des demandes subséquentes tendant à réunir à la succession les gratifications ou avantages et des opérations de toute nature concernant les sociétés [14] et [27], et les sociétés venant aux droits de la société [27] en raison de la prescription de l’action.
o rejeté sa demande d’expertise aux fins de chiffrer les avantages et gratifications concernant les parts sociales de la société [26] et de la SCI [14] donnés à Mm. [H] et [I] [B] dans leur état au jour de la donation et leur valeur au jour du partage ;
En conséquence, statuant à nouveau, puis avant dire droit ;
– dire recevable l’action en déclaration de simulation, ainsi que de l’intégralité des demandes subséquentes tendant à réunir à la succession les gratifications ou avantages relatifs aux opérations de toute nature concernant les sociétés [14] et [27], et les sociétés venant aux droits de la société [27] dont MM. [B] ont bénéficié ;
Avant dire droit,
– désigner aux frais partagés des parties l’expert comptable qu’il lui plaira aux fins de chiffrer le montant des avantages et gratifications reçus par Mm. [H] et [I] [B] à l’occasion de la constitution de la SCI [14], des opérations de toute nature (achat de parts sociales, augmentation de capital, fourniture de travail, de marchandises, de garanties hypothécaires, fonctionnement de compte courant) relatives à la SARL [27] ainsi qu’aux sociétés venant aux droits de celle-ci ;
– dire que l’expert désigné pourra faire appel à un sapiteur spécialisé selon le cas que l’on soit en matière immobilière, en droit des sociétés, en comptabilité, ou en écriture ;
– dire que l’expert désigné et ses sapiteurs éventuels pourront se faire remettre l’intégralité des livres, registres sociaux, de comptes, et de manière générale, toute pièce nécessaire afin de reconstituer la chronologie des actes relatifs aux mouvements des parts sociales (apports de capital, fusion et absorption) des sociétés concernées;
– dire que l’expert devra vérifier l’authenticité de la signature de [U] [B] figurant sur l’acte de cession des 4 parts de la Sas [26] à la Sa [24], en date du 27 juillet 2005.
En tout état de cause,
– condamner Mm. [I] et [H] [B] à payer à Mme [Y] [B] une somme de 10 000 € au visa de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Réserver les dépens ;
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 3 novembre 2023, MM. [I] et [H] [B] demandent à la cour de :
– rejeter purement et simplement l’ensemble des prétentions adverses ;
– déclarer irrecevable l’action en déclaration de simulation dans chacune des deux successions ;
Subsidiairement,
– déclarer irrecevable l’action en déclaration de simulation dans la succession de [R] [A] à la lecture de l’arrêt rendu par la Cour de Cassation et en application des dispositions conjuguées de la loi de 2006 et des dispositions transitoires;
A titre subsidiaire et si elle était déclarée recevable :
– rejeter les demandes en déclaration de simulation et de rapport à succession et d’éventuelles réductions relatives aux actes de cession de parts sociales de la société [26] et à la libération du capital de la SCI [14] ;
A titre infiniment subsidiaire et si par extraordinaire tout ou partie de l’action en déclaration de simulation était accueillie :
– juger que les rapports et éventuelles réductions se feront de la valeur des biens donnés à la date du partage ou des cessions intervenues, en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet, état qu’aura à charge le notaire commis de déterminer;
– rejeter en conséquence la demande d’expertise ;
– condamner Mme [Y] [B] à leur verser la somme de 12 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d’instance ces derniers distraits au profit de la Scp Rieussec et Associés représentée par Maître Hervé Rieussec, avocat sur son affirmation de droit ;
La clôture a été prononcée par ordonnance du 10 novembre 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
L’arrêt du 5 janvier 2023 (1re Civ., 5 janvier 2023, pourvoi n° 21-13.151) de la Cour de Cassation ayant cassé et annulé mais seulement en ce qu’il déclare irrecevables l’action en déclaration de simulation engagée par Mme [Y] [B] ainsi que l’intégralité de ses demandes subséquentes tendant notamment à la réunion à la masse successorale des gratifications ou avantages prétendument obtenus de leurs parents par MM. [H] et [I] [B], à l’occasion de la constitution de la SCI [14] et des opérations de toute nature (achat de parts sociales, augmentations de capital, fourniture de travail, de marchandise, de garanties hypothécaires, fonctionnement de comptes courants, ‘) concernant la Sarl [27] et les sociétés venant aux droits de celle-ci, et rejette sa demande d’expertise aux fins de chiffrer les avantages et gratifications concernant les parts sociales de la société [26] et de la SCI [14] données à MM. [H] et [I] [B], dans leur état au jour de la donation et de leur valeur au jour du partage, l’arrêt rendu le 19 janvier 2021par la cour d’appel de Grenoble, la cour est uniquement saisie de ces questions à l’exclusion des demandes de Mme [Y] [B] relatives au rapport à la succession des sommes et biens résultant de la remise de liquidités à MM [H] et [I] [B], des biens composant la donation partage du 8 décembre 1998 et du testament du 29 novembre 2013, qui ont été tranchées de façon irrévocable par l’arrêt précité du 19 janvier 2021.
En conséquence, ces demandes sont irrecevables.
1° Sur la prescription de l’action en déclaration de simulation
Mme [Y] [B] soutient que ses frères ont bénéficié de donations déguisées de leurs parents à l’occasion de cessions des parts sociales de la société [27] et de la constitution de la SCI [14]. Elle fait notamment valoir que:
– la prescription s’attachant à l’action en déclaration de simulation ne peut s’exercer qu’à partir du moment où elle disposait des éléments d’information lui permettant d’agir et que les actes critiquables ont été effectués hors sa vue et ne lui sont apparus que lorsque son père lui a remis des documents permettant d’avoir connaissance des donations effectuées,
– le délai de prescription quinquennale ne s’applique pas aux successions ouvertes antérieurement au 1er janvier 2007, ce qui conduit à appliquer le délai de prescription trentenaire,
– l’action en déclaration de simulation est une action réelle soumise à la prescription trentenaire,
– concernant la succession de sa mère, ouverte en 2001, l’action n’est pas prescrite compte tenu du délai de trente ans pour agir,
– concernant la succession de son père, la déclaration de simulation a été engagée dans le délai des nouvelles dispositions applicables, soit dans un délai de cinq ans,
– le calcul de la réserve et de la quotité disponible ne peuvent valablement être déterminés qu’au décès de l’époux dernier vivant,
– les deux successions sont autonomes et par conséquent qu’il y a lieu de retenir deux délais de prescription distincts.
Les consorts [B] soutiennent que la Cour de Cassation n’a statué que sur la prescription de l’action relative à la succession paternelle qu’elle considère recevable et qu’elle a donc validé la prescription de l’action en simulation du chef de la succession maternelle.
Ils font notamment valoir que:
– l’action en déclaration de simulation concernant la branche paternelle est prescrite puisque le point de départ du délai de prescription doit être fixé au décès du premier des donateurs, dans la mesure où l’action implique des biens de communauté appartenant aux deux parents,
– il ne peut y avoir deux points de départ de prescription distincts pour un seul et même acte,
– leur soeur a découvert les prétendues donations déguisées avant le décès de leur père,
– la prescription trentenaire a été novée en prescription quinquennale en application des dispositions transitoires de la loi de 2008,
– la contestation de la cession de parts sociales n’est pas une action réelle immobilière mais une action personnelle ou mobilière enfermée dans un délai de prescription de cinq ans.
Réponse de la cour
Il résulte de la combinaison des articles 920, 1438 et 1439 du code civil que, sauf clause contraire, la donation de biens communs est réputée consentie à concurrence de moitié par chacun des époux, de sorte que sa réduction ne peut être demandée par leurs enfants communs qu’à due proportion, à l’ouverture de chacune des successions des codonateurs.
Dès lors, l’action en simulation exercée par l’un des enfants communs en vue d’obtenir la réduction de la donation déguisée qu’elle vise à révéler peut, en application de l’article 921, alinéa 2, du même code, être exercée, à concurrence de la moitié de la donation, dans un délai de cinq ans à compter du décès du survivant des époux codonateurs.
En l’espèce, à concurrence de la moitié de la donation, Mme [Y] [B] disposait d’un délai de cinq ans à compter du décès de sa mère, soit le 6 octobre 2001, pour engager une action en réduction relative à la succession de celle-ci et à compter du décès de son père, soit le 23 décembre 2013, pour engager une action en réduction relative à la succession de celui-ci.
Or, cette action, engagée par assignations des 25 avril et 2 mai 2016, est prescrite et donc irrecevable concernant la succession de [R] [A], mais recevable, comme ayant été engagée dans le délai de cinq ans qui lui était ouvert, concernant la succession de [U] [B].
Le jugement est donc infirmé.
2. Sur l’existence de gratifications
a. Concernant la société [27]
Mme [Y] [B] soutient qu’une expertise doit être ordonnée afin de chiffrer le préjudice qu’elle a subi du fait de l’ensemble des opérations qui ont été réalisées au bénéfice des ses frères. Elle fait notamment valoir que:
– la moitié des parts sociales de la société [27] a été donnée à M. [H] [B] en 1982, et l’autre moitié à M. [I] [B] en 1987, sachant que le patrimoine de la Société [26] a été estimé en 2015 à la somme de 3 214 807 €,
– son père a rédigé divers écrits attestant de l’aide apportée à ses deux fils,
– aucun justificatif n’est fourni pour justifier du rachat invoqué des parts par M. [H] [B] à M. [O] [X], qui était l’associé de cette société,
– [U] [B] a acheté les parts de [H] puis de [I] de ses propres deniers, ce qui constitue une donation qu’il a tenté de dissimuler,
– [U] [B] est ensuite redevenu associé de cette société à hauteur de quatre actions, qu’il a léguées à ses deux fils par testament,
– en 2014, il y a eu une fusion absorption de la société [26] et de la société [24], aux termes de laquelle M. [H] [B] apparaît comme l’unique associé de la société [26], de sorte qu’il n’est pas possible de savoir ce que les quatre actions sont devenues, et les modalités et circonstances de leur acquisition par son père,
– la cession à la société [24], dont M. [H] [B] fait état, paraît fausse,
– l’absence de distribution des bénéfices aux associés dont font parties ses parents constitue également une donation indirecte.
Les consorts [B] soutiennent que Mme [Y] [B] n’apporte aucun élément probant justifiant son action, puisqu’elle ne fait que relater l’historique de la création des sociétés concernées. Ils font notamment valoir que:
– les opérations de cession ne constituent pas des donations rapportables dans la mesure où M. [H] [B] a racheté les parts de la société [27] à M. [O]-[X], qui était le dernier associé, sans appauvrissement du de cujus, ni intention libérale,
– les bénéfices mis en réserve et non distribués à leurs parents ne sont pas constitutifs d’une renonciation aux dividendes et assimilables à une donation déguisée puisque [R] [A] n’a jamais été associée et qu’aucune distribution de dividendes n’a été décidée en assemblée, de sorte qu’aucun dividende n’a existé sur le plan juridique, – l’augmentation de capital par incorporation de réserve participe de la seule volonté collective des associés et ne peut pas être assimilée à une donation individuelle,
– Mme [Y] [B] confond les patrimoines des personnes physiques et des personnes morales puisque les dividendes affectés en réserve sont restés la propriété de la société et non de ses actionnaires.
Réponse de la cour
En premier lieu, selon l’acte de cession de parts sociales du 21 mai 1982, intervenu entre M. [O] [X] et M. [H] [B], ce dernier justifie que le premier lui a cédé « les 50 parts sociales de 200 francs chacune de montant nominal, entièrement libérées, portant les numéros 21 à 30 et 41 à 80 qu’il possède dans la société [28] », soit pour la somme totale de 10 000 francs qui a été payée, aux termes de l’acte, « à l’instant même ».
Par ailleurs, suivant un procès-verbal du 21 mai 1980, l’assemblée générale extraordinaire a donné son agrément à cette cession.
Dès lors, la photocopie d’un talon de chèque intitulé « achat part [H] » ou des écrits (pièces 17 à 19) non signés, dont l’auteur ou l’origine n’est pas démontrée est insuffisante pour établir que [U] [B] aurait acheté les parts de son fils pour lui en faire don.
En deuxième lieu, selon l’acte de cession de parts sociales du 16 juin 1987, intervenu entre [U] [B] et M. [I] [B], ce dernier justifie que le premier lui a cédé les 50 parts de 1750 francs chacune (…) dont il est titulaire dans la société [28] ». Il est en outre encore constaté que le prix est payé « à l’instant même » à [U] [B].
Par ailleurs, suivant un procès-verbal du 15 juin 1987 les associés de la société avaient donné leur agrément au projet de cession.
En troisième lieu, s’il est constant entre les parties que [U] [B] est redevenu actionnaire de la société [28] afin de permettre sa transformation en société anonyme, et qu’il a été procédé en 1996 à une augmentation de capital par incorporation des réserves, il ne saurait être déduit du fait que les bénéfices n’ont pas été distribués à [U] [B], qu’il a renoncé aux dividendes et qu’il a par là même consenti une donation déguisée à ses fils.
En effet, ainsi que l’observent MM [H] et [I] [B], les bénéfices affectés en réserve sont restés la propriété de la société et non de ses actionnaires, de sorte que cette affectation, qui est au demeurant décidée à la majorité des parts sociales lors d’une assemblée générale des associés, ne saurait établir une intention libérale de la part de [U] [B].
En quatrième lieu, M. [H] [B] justifie que [U] [B] a soldé à la société [24] quatre parts de la société [28] devenue la société [26] au prix de 146 euros en produisant la copie de la cession de droits sociaux adressée au centre des impôts le 20 juillet 2005 et enregistrée le 9 août 2005, une copie du talon de chèque mentionnant la remise de la somme de 146 euros le même jour, ainsi que le débit de la somme des comptes de la société.
Il est ainsi suffisamment justifié, malgré les doutes émis par Mme [Y] [B] sur la véracité de la signature de [U] [B] sur le formulaire de cession, que les quatre parts sociales ont été cédées et n’ont pas fait l’objet d’un don.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il apparaît qu’aucune donation déguisée n’a été réalisée dans le cadre du fonctionnement de la société [27], de sorte que Mme [Y] [B] doit être déboutée de sa demande d’expertise.
b. Concernant la société [14]
Mme [Y] [B] soutient que ses parents ont fait don de la valeur des parts sociales de cette société à ses frères, ainsi que des frais de constitution. Elle fait notamment valoir que:
– la société a été créée en 1987 par [R] [A] et [U] [B], et MM [I] et [H] [B] en 3 parts égales,
– [R] [A] et [U] [B] ont réglé les frais de notaire et de géomètre et ont fait don de la valeur des parts sociales à leurs fils.
Les consort [B] soutiennent qu’il n’y a eu qu’une avance de la part de [U] [B], dont il a par la suite été remboursé. Ils font notamment valoir que:
– chacun d’eux a dûment réglé la somme de 1 000 francs pour l’achat des parts sociales selon des chèques encaissés par la société,
– il n’y a eu aucune donation soit des frais de constitution, soit des actions attribuées initialement à chacun des actionnaires.
Réponse de la cour
Il est justifié par MM [H] et [I] [B] que les frais de constitution de la société [14], d’un montant de 6.302, 914 francs, selon l’état des frais d’acte du 23 juin 1987 et de géomètre, de 2 069,85 francs selon la note d’honoraires du 6 avril 1987, ont été remboursés par la société à [U] [B] selon un chèque daté du 2 février 1988, débité du compte de la société le 4 février, de sorte que Mme [Y] [B] n’est pas fondée à soutenir qu’il leur a été fait don de cette somme.
De même, MM [H] et [I] [B] produisent le bordereau de remise de chèques, le détail du bilan actif de la société portant mention de deux apports, le relevé de compte bancaire de la société du 5 août 1989 et la souche de carnet de chèques de M. [H] [B] qui établissent qu’ils ont réglé les parts sociales en versant la somme de 1 000 francs selon remise de chèques datés du 27 juillet 1989.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient d’écarter les allégations de Mme [Y] [B] selon lesquelles [U] [B] aurait procédé à des donations déguisées et, par voie de conséquence, de la débouter de sa demande d’expertise.
3. Sur les autres demandes
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en appel.
Les dépens d’appel sont à la charge de Mme [Y] [B].
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Dans la limite de sa saisine,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il déclare irrecevables l’action en déclaration de simulation engagée par Mme [Y] [B] ainsi que l’intégralité de ses demandes subséquentes tendant notamment à la réunion à la masse successorale des gratifications ou avantages prétendument obtenus de leurs parents par MM. [H] et [I] [B], à l’occasion de la constitution de la SCI [14] et des opérations de toute nature (achat de parts sociales, augmentations de capital, fourniture de travail, de marchandise, de garanties hypothécaires, fonctionnement de comptes courants, ‘) concernant la Sarl [27] et les sociétés venant aux droits de celle-ci, et rejette sa demande d’expertise aux fins de chiffrer les avantages et gratifications concernant les parts sociales de la société [26] et de la SCI [14] données à MM. [H] et [I] [B], dans leur état au jour de la donation et de leur valeur au jour du partage;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare irrecevables les demandes de Mme [Y] [B] relatives au rapport à la succession des sommes et biens résultant de la remise de liquidités à MM [H] et [I] [B], des biens composant la donation partage du 8 décembre 1998 et du testament du 29 novembre 2013;
Déclare irrecevable l’action en simulation exercée par Mme [Y] [B] concernant la succession de [R] [A],
Déclare recevable l’action en simulation exercée par Mme [Y] [B] concernant la succession de [U] [B],
Déboute Mme [Y] [B] de ses demandes,
Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
Condamne Mme [Y] [B] aux dépens de la procédure d’appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.
La greffière, Le Président,