Augmentation de capital : décision du 26 septembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/05616
Augmentation de capital : décision du 26 septembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/05616
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1ère Chambre

ARRÊT N°268/2023

N° RG 22/05616 – N° Portalis DBVL-V-B7G-TEBB

Mme [X] [H] épouse [M]

C/

Me [X] [E]

S.A.S. PAPYRUS FLEURS

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère, entendue en son rapport,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats, et Madame Julie ROUET, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 23 Mai 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Septembre 2023 par mise à disposition au greffe, après prorogation du délibéré indiqué au 12 septembre 2023 à l’issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [X] [H] épouse [M]

née le 23 Janvier 1968 à [Localité 7]

[Adresse 10]

[Localité 9]

Représentée par Me Jean-david CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Jean-maurice CHAUVIN, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Maître [X] [E] prise tant en son nom propre qu’es qualité de notaire associée et représentante légale de la SCP TRENTE CINQ NOTAIRES

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représenté par Me Sylvie PELOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Carine PRAT, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

S.A.S. PAPYRUS FLEURS

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 7]

Représentée par Me Marie-caroline CLAEYS de la SELARL HSA, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte authentique en date du 7 septembre 2017 au rapport de Me [E], alors notaire à [Localité 12], Mme [H] épouse [M] donnait à bail commercial à la société Papyrus Fleurs, représentée par sa gérante, Mme [L], un local à usage commercial situé dans un ensemble en copropriété sis [Adresse 3] à [Localité 9].

Le bail prenait effet le 1er septembre 2017.

Le 5 juillet 2021, Maître [E] adressait à ‘M. et Mme [V]’, c’est à dire à Mme [L] et à son époux M. [V], un courrier les informant de la décision de Mme [M] de vendre ses locaux à la SCI Clem Invest au prix de 150.000 euros et leur demandant de lui faire savoir dans le délai d’un mois si elle souhaitait acquérir l’immeuble en usant de son droit de préemption.

Par courriel du même jour, le clerc de notaire de l’office notarial adressait à Mme [L] en qualité de gérante de la société Papyrus Fleurs une copie de la lettre adressée à M. et Mme [V] et lui demandait de lui faire retour de sa position dès le lendemain, la vente étant fixée au 7 juillet.

Le 6 juillet et le matin même du 7 juillet 2021, Mme [L] était relancée.

Par courrier du 7 juillet 2021, Maître [E] adressait à la SAS Papyrus un nouveau courrier l’informant du projet de vente des locaux commerciaux, ceux-ci étant désignés comme étant situés [Adresse 1] à [Localité 9], en lui précisant qu’elle disposait d’un délai d’un mois pour exercer son droit de préemption.

Par lettre recommandée du 13 juillet 2021, reçue le 15 juillet 2021 en l’étude du notaire, Mme [L], au nom de la SAS Papyrus Fleurs, complétait le formulaire attaché à la deuxième notification (celle datée du 7 juillet 2021) par lequel elle entendait exercer son droit de préemption, en précisant avoir l’intention de recourir à un prêt.

Cependant, par courrier du 6 octobre 2021, Maître [E] indiquait à la SAS Papyrus que la notification du 7 juillet 2021 était nulle en raison de l’erreur affectant la désignation du bien, l’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 9] n’étant pas l’objet du bail commercial.

Le 7 octobre 2021, la SAS Papyrus réitérait sa volonté d’acquérir le local sis [Adresse 3] à [Localité 9] moyennant un prix de 150.000 euros en rappelant les échanges précédents. Elle confirmait être dans l’attente de la signature d’un compromis.

Par courrier du 13 octobre suivant, Me [E] lui répondait qu’aucun droit de préemption ne lui avait été ouvert s’agissant du local loué.

Le 15 octobre 2021, la société Papyrus Fleurs obtenait un accord de principe pour l’octroi d’un prêt de 150.000 euros auprès de la Banque Populaire.

Par courrier du 26 octobre 2021, Maître [E] lui confirmait après consultation du Cridon que le courrier adressé à la SAS Papyrus Fleurs n’était pas valable et qu’il n’avait pas pu ouvrir un quelconque droit de préférence.

C’est dans ces circonstances que suivant ordonnance du 9 novembre 2021 rendue sur requête du même jour, la SAS Papyrus Fleurs a été autorisée par le président du tribunal judiciaire de Rennes à assigner à jour fixe Mme [M] afin de voir déclarer la vente parfaite depuis le 13 novembre 2021, d’obtenir la condamnation de Mme [M] à réitérer la vente, outre la restitution des loyers réglés depuis le 13 novembre 2021.

Par acte d’huissier du 12 novembre 2021, la SAS Papyrus Fleurs a fait assigner Mme [X] [M] devant le tribunal judiciaire de Rennes sur le fondement des dispositions des articles 1103, 1 104, 1115 et 1583 du code civil et L.145-56-1 du code de commerce.

Par acte d’huissier du 10 février 2022, Mme [M] a fait assigner Maître [E] à jour fixe aux fins que cette dernière ‘puisse fournir toute explication concernant la notification litigieuse dont la société Papyrus Fleurs entend se prévaloir’ et que le jugement à intervenir lui soit déclaré commun et opposable.

Par jugement du 2 août 2022, le tribunal judiciaire de Rennes a :

– ordonné la jonction des deux assignations contre la venderesse et le notaire,

– constaté parfaite la vente par Mme [X] [H] épouse [M] à la SAS Papyrus représentée par Mme [A] [L] épouse [V] des locaux commerciaux situés [Adresse 3] cadastrés AR n° [Cadastre 4] (1a et 05 ca) et AR n° [Cadastre 5] (14 ca) au prix de 150.000 euros,

– enjoint à Mme [X] [M] de signer l’acte authentique de vente correspondant au bien sus indiqué sous astreinte provisoire de 200 € par jour de retard durant deux mois, à l’expiration d’un délai de deux mois courant à compter de la signification du présent jugement,

– dit qu’à défaut de signature de l’acte authentique, le juge de l’exécution sera saisi d’une demande de liquidation de l’astreinte provisoire et fixation de l’astreinte définitive,

– condamné Mme [X] [M] à restituer à la SAS Papyrus les loyers perçus depuis le 13 novembre 2021,

– déclaré irrecevables les demandes indemnitaires formées par Mme [X] [M] à l’encontre de Maître [X] [E],

– condamné Mme [X] [M] à verser à la SAS Papyrus la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Mme [X] [M] de sa demander sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

– dit n y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire.

Suivant déclaration au greffe du 20 septembre 2022, Mme [X] [H] épouse [M] a relevé appel de tous les chefs de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe et notifiées le 20 avril 2023 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, Mme [X] [H] épouse [M] demande à la cour d’infirmer le jugement dont appel, en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

– juger la demande indemnitaire formée par la société Papyrus Fleurs à l’encontre de Mme [M] autant irrecevable que mal fondée,

– débouter la SAS Papyrus Fleurs de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

– débouter Me [X] [E] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

à titre principal :

– juger l’absence de mandat et de pouvoir de Me [X] [E] pour notifier la faculté d’exercice du droit de préemption à la société Papyrus Fleurs,

– juger l’absence de consentement de Mme [M] à l’offre de vente du local commercial instrumenté par Me [X] [E],

en conséquence,

– prononcer la nullité de l’acte de notification transmis à la société Papyrus Fleurs, et subsidiairement la nullité de la vente pour erreur,

– condamner Me [X] [E] à verser à Mme [X] [M] la somme de 5.000 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

– juger que le bail commercial liant les parties a continué à s’exécuter et que la société Papyrus Fleurs doit régler les loyers dus à ce titre depuis le 13 novembre 2021,

à titre subsidiaire

– condamner Me [X] [E] à verser à Mme [X] [M] la somme de 123.750 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de perte de chance,

en tout état de cause

– condamner in solidum la SAS Papyrus Fleurs et Me [X] [E] à payer la somme de 10.000 € à Mme [M] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Jean David Chaudet, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– débouter la SAS Papyrus Fleurs et Me [E] de l’ensemble de leurs demandés, fins et conclusions.

Pour s’opposer aux demandes de la SAS Papyrus Fleurs, Mme [M] réplique qu’elle n’a jamais eu l’intention de vendre son local commercial, mais seulement d’envisager son apport à la SCI Familiale Clem Invest afin de préparer la transmission de son patrimoine à ses enfants et diminuer la pression fiscale sur le bien, ce dont Me [E] qui n’a jamais reçu de mandat de vente, était informée. Elle soutient d’ailleurs que le prix de 150.000 euros, très inférieur selon elle à la valeur des murs, ne pouvait être celui du prix de cession. Elle rappelle qu’un apport en société n’ouvre pas la faculté pour le locataire d’exercer son droit de préférence conformément à l’article L 145-46-1 du code de commerce.

Elle expose que n’ayant pas eu l’intention de vendre, les notifications opérées résultent d’une erreur de droit.

Elle fait encore valoir que Me [E] ne disposait d’aucun mandat pour purger le droit de préemption de sorte que les notifications litigieuses doivent être déclarées nulles et de nul effet. Elle conteste en outre toute application en l’espèce de la théorie du mandat apparent en rappelant qu’un mandat écrit est nécessaire pour les actes d’aliénation réalisés par l’intermédiaire de professionnels.

En toute hypothèse, elle conteste la régularité de l’acte de notification adressé à la SAS Papyrus Fleurs et conclut à l’absence de rencontre des consentements à défaut d’accord sur la chose et sur le prix.

Elle considère enfin que les demandes indemnitaires formées par la SAS Papyrus sont irrecevables comme étant nouvelles en appel et en tous cas, mal fondées.

À titre subsidiaire, si la validité de la vente est confirmée, elle entend engager la responsabilité de Me [E] pour ses différents manquements en lui réclamant la somme de 123.750 euros au titre de la perte de chance de vendre son bien au prix du marché. Elle conteste l’irrecevabilité soulevée par le notaire dés lors que cette demande ne fait que répondre aux conclusions adverses.

*****

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe et notifiées le 5 avril 2023 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, la SAS Papyrus Fleurs demande à la cour :

à titre principal,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rennes, le 22 août 2022,

y additant,

– condamner Mme [X] [M] à verser à la SAS Papyrus Fleurs une indemnité de 27.512 €, et à titre subsidiaire 17.111 €, en indemnisation du surcoût associé au financement du bien et lié au retard pris dans la réitération de la vente exclusivement imputable à Mme [X] [M],

– condamner Mme [X] [M] à verser à la SAS Papyrus Fleurs une indemnité de 3.000 € au titre des frais irrépétibles de la procédure d’appel,

– condamner Mme [X] [M] aux entiers dépens associés à la procédure d’appel,

à titre subsidiaire,

– juger que Me [X] [E], prise tant en son nom propre qu’es qualités de notaire associée et représentante légale de la SCP Trente cinq notaires, a commis une faute dans le cadre de la rédaction de l’acte de notification du droit de préférence ouvert au bénéfice de la SAS Papyrus Fleurs l’ayant privé du droit de préférence sur le bien,

– condamner solidairement Me [X] [E] et la SCP Trente cinq notaires à verser à la SAS Papyrus Fleurs une indemnité de 50.000€ au titre de la perte de chance d’acquérir les lots 2 et 6 de l’ensemble immobilier situé [Adresse 3] à [Localité 9],

– condamner solidairement Me [X] [E] et la SCP Trente cinq notaires, à verser à la SAS Papyrus Fleurs la somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,

en tout état de cause,

– débouter Mme [X] [M] et Me [X] [E] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

La SAS Papyrus soutient que le droit de préemption de l’article L. 145-46-1 du code de commerce lui était ouvert dès lors que le projet de la bailleresse a toujours été de vendre le local commercial et non d’en faire apport à la SCI familiale. Elle observe que cette intention n’est confirmée par aucune formalité telle que le vote par les associés de la SCI d’une augmentation de capital.

Elle conteste par ailleurs la possibilité pour Mme [M] d’opposer les exceptions prévues à l’article L. 145-56-1 alinéa 6, la SCI Clem Invest n’étant ni son conjoint, ni son enfant et ajoute qu’elle ne peut utilement invoquer l’erreur de droit.

Le contrat s’est selon elle valablement formé. Elle estime en effet que l’offre d’acquérir émise par le notaire est régulière, nonobstant les différentes erreurs matérielles qui ont émaillé les actes de notification et que son acceptation traduit un accord sur la chose et sur le prix rendant la vente parfaite. Elle soutient que le formalisme n’est pas prévu à peine de nullité et que le notaire ne saurait se prévaloir de ses propres erreurs pour faire échec à l’exercice de son droit de préemption.

Elle considère que le moyen tiré du défaut de mandat du notaire est inopérant dès lors qu’elle est fondée à se prévaloir de l’existence d’un mandat apparent.

Enfin, elle précise avoir obtenu le financement dans le délai prévu à l article L145-45-1 du code de commerce et qu’ayant usé de son droit de préemption, elle aurait dû être propriétaires dès le 13 novembre 2021. Elle s’estime en conséquence bien fondée à réclamer que les loyers versés depuis cette date lui soient restitués.

Elle ajoute que le refus de Mme [M] de réitérer la vente lui cause un préjudice lié à l’enchérissement du coût du crédit dont elle demande réparation.

À titre subsidiaire, elle estime que le notaire a engagé sa responsabilité à son égard en raison des erreurs matérielles affectant les notifications. Elle évalue son préjudice à la somme de 50.000 euros au titre de la perte de chance d’acquérir.

*****

Aux termes de ses dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 03 avril 2023 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, Me [X] [E] demande à la cour de :

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rennes en date du 22 août 2022 en ce qu’il a jugé irrecevables les demandes formulées par Mme [M] à l’encontre de Me [E],

– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rennes en date du 22 août 2022 en ce qu’il a jugé parfaite la vente par Mme [M] à la société Papyrus Fleurs des locaux commerciaux sis [Adresse 3] à [Localité 9] au prix de 150.000 €,

– débouter la société Papyrus Fleurs de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions formulées à l’encontre de Mme [M],

– débouter la société Papyrus Fleurs de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions formulées à l’encontre de Me [E],

– juger irrecevable et écarter des débats la pièce n° 19 communiquée par Mme [M] (attestation de Mme [Y] [T]),

– débouter Mme [M] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions formulées à l’encontre de Me [E],

– condamner Mme [M] aux dépens de l’instance, lesquels seront recouvrés par la SELARL Ablitis en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Me [E] conclut à l’irrecevabi1ité des demandes indemnitaires de Mme [M] à son encontre au motif que dans le cadre d’une procédure à jour fixe, elle ne peut déposer des conclusions contenant des prétentions non incluses dans sa requête initiale, ce qui lui interdit de former une demande subsidiaire de dommages-intérêts.

Au fond, pour s’opposer aux demandes de la SAS Papyrus, elle réplique que les notifications du 5 juillet et du 7 juillet 2021 sont inopérantes, l’une pour comporter une erreur sur le nom du locataire et la seconde pour ne pas viser les locaux loués. Par ailleurs, elle rappelle que le formalisme de l’article L.145-46-1 du code de commerce, non respecté en l’espèce, est prescrit à peine de nullité de sorte qu’il n’y a pu avoir rencontre des consentements faute d’accord sur la chose et sur le prix.

Elle réfute toute responsabilité à l’égard de Mme [M] dont le projet était bien de vendre le local commercial (comme en témoigne le prêt souscrit par la SCI Clem Invest), ce pourquoi elle avait reçu mandat, même si en raison des liens d’amitié la liant à l’appelante, elle n’avait pas jugé utile d’établir un mandat écrit.

À titre subsidiaire, elle conteste l’existence des dommages-intérêts allégués par la SAS Papyrus qui ne peut selon elle se prévaloir d’aucun préjudice indemnisable.

MOTIVATION DE LA COUR

1°/ Sur l’ouverture d’un droit de préemption à la SAS Papyrus

En matière de baux commerciaux, lorsque le bailleur entend vendre le bien donné à bail, il doit préalablement respecter les dispositions de l’article L145-46-1 alinéa 1 du code de commerce aux termes desquelles :

‘Lorsque le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d’acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur, d’un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l’acceptation par le locataire de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois’.

a. Sur la qualification de l’opération envisagée par Mme [M]

Mme [M] soutient qu’elle n’a jamais eu l’intention de vendre le local commercial, l’opération envisagée, étant de faire apport de celui-ci au capital de la la SCI familiale Clem Invest. Elle rappelle que l’apport en société, même à titre onéreux, n’ouvre pas le droit de préférence au locataire de sorte que Me [E] a procédé à tort aux notifications litigieuses.

Elle fait valoir que cet apport à titre onéreux constituait l’ultime préconisation de M. [F], expert-comptable, consulté par le couple aux fins de transmission du patrimoine immobilier aux enfants et d’allègement de la pression fiscale sur les revenus immobiliers.

La consultation patrimoniale évoquée par M. [F] dans son attestation n’est cependant pas produite, ce qui aurait permis de vérifier que l’apport en société du local litigieux avait bien été envisagé en amont du litige.

En tout état de cause, l’attestation de M. [F] ne fait état que d’une simple préconisation, laquelle ne liait pas M. et Mme [M]. Elle ne saurait suffire à établir la réalité du projet d’apport en société allégué.

Il n’est d’ailleurs justifié d’aucune formalité effectuée en ce sens : ni augmentation du capital social, ni procès-verbal d’assemblée générale de la SCI Clem Invest constatant l’accord des associés sur la rémunération de cet apport à titre onéreux.

Par ailleurs, l’argumentation de Mme [M] selon laquelle il conviendrait, pour apprécier la véritable nature de l’opération projetée, de se référer aux trois opérations précédentes ‘d’apports de titres à la SCI Clem’, est totalement inopérante dès lors que ces opérations n’étaient précisément pas des apports en société mais bien des cessions de parts sociales, moyennant le versement d’un prix par la SCI Clem Invest. Ces opérations renforcent plutôt l’hypothèse d’une vente.

En définitive, aucun élément ne corrobore le projet d’apport du local commercial à la SCI familiale.

Au contraire, plusieurs éléments contredisent cette allégation.

D’une part, il est établi que la SCI Clem Invest a obtenu et signé une offre de prêt le 7 mai 2021, d’un montant de 163.480 euros. L’objet du financement indiqué dans l’offre est relatif à un ‘achat ancien, destination : locatif , adresse du bien à financer : [Adresse 3].’

Mme [M] ne s’explique pas sur l’existence de ce prêt, manifestement destiné à financer l’acquisition du local litigieux par la SCI Clem Invest, ni sur l’utilité d’un tel prêt dans le cadre d’un apport en société, dont la contrepartie est en principe la distribution de parts sociales à l’associé et non le paiement d’un prix.

D’autre part, les correspondances versées au débats par Me [E] laissent peu de doutes sur l’intention réelle de Mme [M] dès lors que :

-le 18 décembre 2020, Mme [G] du Crédit Mutuel de Bretagne indique à Me [E] : ‘Je suis en train d’instruire une offre de prêt au nom de la CLEM INVEST pour le rachat du local commercial de [Localité 9], prêt à hauteur de 150.000 € qui sera garanti par un PDD’ (Pièce n° 4),

– le 16 mai 2021, Mme [M] écrit à Me [E] ‘Il faudrait que nous bloquions un RDV pour signer le rachat du magasin (Mme [M] vers CLEM INVEST’ (Pièce n° 5),

– le 25 juin 2021, Mme [M] précise à la clerc de notaire de l’étude notariale: ‘Concernant la vente, elle ne concerne que les murs commerciaux’ (Pièce n° 6).

Il est observé que tous les échanges intervenus entre l’étude notariale et Mme [M] comportent en objet ‘VENTE [M]/CLEM INVEST’, sans qu’aucune erreur ne soit jamais relevée à ce titre par Mme [M], qui elle-même évoque sans ambiguïté la vente du local commercial.

Mme [M] tente également vainement de tirer argument de la faiblesse de l’offre de prix transmise par Me [E] à la société Papyrus Fleurs pour démontrer que l’opération ne pouvait consister en une vente mais bien en un apport en SCI, dès lors qu’elle n’a pas pu vouloir vendre son bien à la moitié de son prix réel.

À cet égard, elle verse aux débats une estimation immobilière (Pigeault Immobilier) évaluant le local commercial à la somme de 275.000 euros à la date du 5 mai 2022. Cette estimation est effectivement bien inférieure à l’offre de prix transmise à la SCI Papyrus en juillet 2021, à hauteur de 150.000 euros.

Toutefois, l’estimation de l’agence Pigeault Immobilier est sujette à caution dans la mesure où le bien a été évalué de façon à corriger l’existence d’un loyer commercial jugé, sans argumentation, trop bas par l’agent immobilier : (‘Étant donné que votre loyer actuel n’est pas dans la valeur du marché, et qu’il n’est pas possible (de par votre bail) d’augmenter votre loyer, le juste prix serait, si vous vouliez vendre, de prendre la différence entre le prix réel aujourd’hui et le prix avec un loyer normal.’

En outre, la SCI Clem Invest a sollicité et obtenu une offre de prêt pour un montant de 150.000 euros (outre les frais), ce dont il se déduit que le prix de 150.000 euros proposé au preneur avait été validé par Mme [M] et correspondait à la valeur réelle de l’immeuble.

L’ensemble de ces éléments permet d’affirmer que l’opération projetée était bien la vente du local commercial à la SCI Invest et non l’apport de celui-ci au capital de la société.

Contrairement à ce qui est soutenu, ce projet de vente était parfaitement abouti puisque la SCI a obtenu son financement le 7 mai 2021, que le 16 mai suivant, Mme [M] adressait un courriel au notaire afin de solliciter la fixation d’un rendez-vous de signature ‘idéalement courant juin’ et que la signature de l’acte était manifestement prévue le 7 juillet 2021, compte tenu des messages pressants adressés par le notaire à la SAS Papyrus.

b. sur l’inapplicabilité des exceptions au droit de préférence prévues à l’article L’article L.145-46-1 alinéa 6 du code de commerce

L’exclusion de l’article L. 145-46-1 dernier alinéa du code de commerce doit s’interpréter strictement. Elle est limitée au conjoint du bailleur, à un ascendant ou à un descendant du bailleur ou de son conjoint. Elle n’a pas vocation à s’appliquer à une SCI même familiale, laquelle constitue une entité juridique distincte.

Contrairement à ce que soutient Mme [M], l’exception prévue à l’article L.145-46-1 du code du commerce n’a pas vocation à s’appliquer en l’espèce.

2°/ Sur la demande de nullité des actes de notification

a. sur la recevabilité de la pièce n° 19 produite par Mme [M]

Me [E] demande que l’attestation émanant de Mme [T], s’ur de l’appelante, relatant les termes d’une conversation téléphonique intervenue entre la notaire et Mme [M] au sujet du procès, soit écartée des débats.

Elle rappelle que l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, à l’insu de l’auteur des propos, est un procédé déloyal devant conduire à l’irrecevabilité de la preuve ainsi obtenue.

Cependant, en l’espèce, la conversation n’a pas été enregistrée, Mme [T] n’ayant fait que retranscrire ce qu’elle a entendu d’une conversation téléphonique alors qu’elle se trouvait au côté de sa s’ur.

En tout état de cause, cette attestation présente un intérêt probatoire certain concernant la question du mandat, sans avoir porté une atteinte disproportionnée à la vie privée de Me [E]. La demande tendant à ce que cette pièce soit écartée sera rejetée.

Le jugement est confirmé de ce chef.

b.sur le mandat de Me [E] pour notifier la faculté d’exercice du droit de préemption

Selon l’article 1985 du code civil, la preuve du mandat, même tacite s’établit par écrit, conformément aux règles générales de la preuve des contrats.

Toutefois, aux termes de l’article 1360 du code civil, en cas d’impossibilité morale ou matérielle d’établir un écrit, la preuve peut être rapportée par tous moyens.

Selon l’article 1998 du code civil, le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné. Il n’est tenu de ce qui a pu être fait au-delà, qu’autant qu’il l’a ratifié expressément ou tacitement.

Il est cependant admis que le mandant est tenu des actes réalisés par le mandataire au delà des pouvoirs qui lui ont été donnés, sur le fondement du mandat apparent, dès lors que le tiers a pu légitimement croire que le mandataire agissait en vertu d’un mandat et dans les limites de celui-ci.

Mme [M] fait valoir qu’elle ne peut être engagée par les notifications effectuées par l’étude de Me [E], faute de mandat exprès de vente conféré à cette dernière. Elle expose que la théorie du mandat apparent n’est pas applicable aux opérations de gestion immobilière, pour lesquelles un mandat écrit précisant l’étendue des pouvoirs du professionnel est exigé.

Me [E] conclut à l’impossibilité que l’étude ait procédé aux deux notifications des 5 et 7 juillet 2021 sans aucun mandat et de sa propre initiative. Elle affirme qu’elle était pourvue du mandat de purger le droit de préemption de la SAS Papyrus Fleurs dans le cadre du projet de vente du local commercial. Elle fait valoir qu’en raison des liens d’amitié qui l’unissaient à Mme [M], elle n’a pas jugé utile et nécessaire d’établir un mandat écrit.

La SAS Papyrus entend pour sa part, se prévaloir de la théorie du mandat apparent.

En l’espèce, Me [E] n’est certes pas en mesure de produire un mandat écrit.

Cependant, les liens d’amitié et de confiance unissant Me [E] et Mme [M] ne sont pas contestés. Ils sont d’ailleurs corroborés par l’attestation de Mme [T] (s’ur de Mme [M]).

Il y a donc lieu de retenir l’existence d’un empêchement moral autorisant la preuve du mandat par tous moyens.

En l’occurrence, la cour a jugé que la volonté de Mme [M] était bien de vendre le local commercial.

Les correspondances entre Mme [M] et l’étude notariale corroborent l’existence d’un mandat pour vendre, notamment lorsque le 16 mai 2021, Mme [M] écrit à Me [E] : ‘Il faudrait que nous bloquions un RDV pour signer le rachat du magasin (Mme [M] vers CLEM INVEST’ (Pièce n° 5) et qu’elle précise le 25 juin 2021, à la clerc de notaire en vue de la rédaction de l’acte : ‘Concernant la vente, elle ne concerne que les murs commerciaux’ (Pièce n° 6).

Dès lors que le local commercial allait être vendu, Mme [M], en tant que bailleresse, avait l’obligation légale de purger le droit de préemption du preneur en place. Dans la mesure où elle ne justifie d’aucune démarche personnelle en ce sens et que Me [E] était chargée de la vente, il s’en déduit que le mandat du notaire incluait la purge du droit de préemption de la SAS Papyrus Fleurs, sur le fondement de l’article L.145-46-1 dernier alinéa du code de commerce.

Par ailleurs, Mme [T] rapporte dans son attestation la teneur d’une conversation téléphonique entre Mme [M] et Me [E] au sujet du procès, aux termes de laquelle Me [E] aurait dit ‘qu’il y avait à son avis, d’autres moyens d’être défendus que d’attaquer sur un non-mandat’, ce qui tend à démontrer que la contestation du mandat par Mme [M] relève d’une stratégie de défense contestée par la notaire.

En tout état de cause, comme l’a justement retenu le tribunal, la SAS Papyrus Fleurs peut se prévaloir de la théorie du mandat apparent.

Elle pouvait en effet légitimement croire que Me [E], qui est officier public et ministériel et qui avait reçu le contrat de bail commercial le 7 décembre 2017, avait le pouvoir d’engager Mme [M] en notifiant le droit de préférence dans les conditions de l’article L.145-46 du code du Commerce.

Ni le contenu des notifications opérées ou des échanges avec l’étude notariale (lesquelles visaient systématiquement en objet ‘VENTE [M] / CLEM INVEST’) ni le contexte chaotique et précipité des notifications adressées à la SAS Papyrus Fleurs ne pouvaient lui permettre de considérer que le notaire agissait sans mandat de la bailleresse. Au contraire, au vu des circonstances, la locataire était bien fondée à ne pas investiguer davantage sur les pouvoirs de Me [E].

Enfin, Mme [M] fait valoir à tort que la preuve de l’existence et de l’étendue du mandat de gestion immobilière délivré à un professionnel ne peut être rapportée que par écrit, de sorte que la théorie du mandat apparent n’est pas applicable.

D’une part, l’article 95 du décret n°2002-642 du 29 avril 2002 portant application de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations de gestions immobilières dite ‘loi Hoguet’ précise que les dispositions de cette loi ne sont pas applicables à certaines professions, dont les notaires.

D’autre part, la Cour de cassation admet parfaitement l’application de la théorie du mandat apparent pour les actes établis par un notaire en matière de ventes immobilières (3e Civ., 23 septembre 2020, n°19-14261).

Ce moyen est donc inopérant.

En définitive, que ce soit en application de l’article 1998 du code civil ou de la théorie du mandat apparent, Mme [M] est incontestablement engagée par les notifications faites au preneur par Me [E] en application de l’article L.145-46 du code du commerce. Aucune nullité n’est encourue.

c. sur l’absence de vice du consentement

Mme [M] soutient encore vainement au visa de l’article 1132 du code civil, que c’est par une erreur de droit qu’elle aurait fait notifier un tel droit de préemption à la société Papyrus Fleurs.

Dès lors en effet que la cour a retenu que Mme [M] avait bien l’intention de vendre le local commercial, il ne peut être considéré que le droit de préférence a été purgé par erreur.

De fait, en cas de vente, la SAS Papyrus disposait bien d’un droit de préemption. Mme [M] était donc tenue de procéder aux notifications litigieuses en application de l’article L.145-46-1 du code du commerce, qui est une disposition d’ordre public du statut des baux commerciaux.

Aucune nullité des actes de notification n’est encourue à ce titre.

d. sur la régularité de la notification et la formation du contrat de vente

Il résulte de l’article 1118 du code civil que l’acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre. L’acceptation non conforme à l’offre est dépourvue d’effet, sauf à constituer une offre nouvelle.

Il résulte de l’article 1121 du même code que le contrat est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant.

Il résulte enfin de l’article 1583 du même code que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé.

Enfin, il a été jugé qu’une simple erreur matérielle (référence cadastrale) ne remet pas en cause la validité de l’offre de vente et ne fait donc pas obstacle à l’exercice du droit de préemption. (3e Civ., 18 octobre 2006, n°05-17.327).

En l’espèce, le 5 juillet 2021, Me [E] a notifié à M. et Mme [V] (respectivement associé et gérante associée de la SAS Papyrus Fleurs) le droit de préférence sur le local du [Adresse 3] à [Localité 9], au prix de vente de 150 000 euros.

Puis, se rendant compte de son erreur sur l’identité du locataire, le notaire a également adressé par courriel du même jour, cette fois-ci à Mme [L] prise en sa qualité de gérante de la SAS Papyrus Fleurs, le courrier adressé à M. et Mme [V].

Par SMS du même jour, elle a, en outre, prévenu M [V] de l’envoi d’un courrier rectificatif en ces termes : ‘Bonjour [O], mon clerc vous a envoyé le courrier modifié au nom de la SAS. J’attends votre retour. Merci d’avance. [X].’

Or, ce courrier daté du 7 juillet, adressé à la SAS Papyrus, vise bien un local situé à [Localité 9], mais au [Adresse 2].

Le 13 juillet 2021, la SAS Papyrus en la personne de sa gérante Mme [L] (épouse [V]) a retourné au notaire le récépissé joint au courrier du 7 juillet 2021 en indiquant qu’elle exerçait son droit de préemption et qu’elle avait l’intention de recourir à un prêt, par courrier recommandé reçu le 15 juillet 2021 par l’étude notariale.

Ce prêt a fait l’objet d’un accord de principe pour la somme de 150 000 euros, selon attestation de la Banque Populaire Grand Ouest du 15 octobre 2021 qui indique que l’objet du financement est l’acquisition de murs professionnels situés au [Adresse 3] à [Localité 9].

Contrairement à ce que soutient Mme [M], la notification du 5 juillet n’a pas été faite à un tiers mais bien à la représentante légale de la SAS Papyrus Fleurs même si cette qualité n’était pas précisée. Il s’agit là d’une erreur matérielle qui n’a eu aucune conséquence puisque le locataire bénéficiaire du droit de préemption l’a en définitive exercé.

Il n’y avait d’ailleurs aucune ambiguïté quant au destinataire et l’objet de cette notification qui visait bien le local commercial situé [Adresse 3] à [Localité 9] et qui rappelait que ‘en votre qualité de preneur à bail commercial, vous bénéficiez d’un droit de préemption.’

Par ailleurs cette acte comporte la désignation précise du bien visé par la vente ainsi que le prix d’acquisition fixé à 150 000 euros. Il précise que la vente se fera aux conditions habituelles.

Cette notification du 5 juillet constitue donc une véritable offre, conforme aux dispositions de l’article L.145-46-1 du code du commerce, qu’elle reproduit intégralement.

La seconde notification du 7 juillet, qui ne visait qu’à régulariser l’erreur d’identité du destinataire affectant l’offre adressée deux jours plus tôt. Elle est donc indissociable de l’offre du 5 juillet 2021.

Il importe donc peu que cette nouvelle notification comporte une nouvelle erreur matérielle affectant cette fois la désignation du bien.

En effet, comme l’a retenu le premier juge, il n’y a pas de confusion possible sur la chose dans la mesure où la SAS Papyrus n’est locataire que du seul local situé [Adresse 3] à [Localité 9] et que la SAS Papyrus a sollicité un prêt en vue de l’acquisition de ce local dont Mme [M] est incontestablement la propriétaire, alors qu’elle ne justifie d’aucun droit sur un éventuel immeuble situé [Adresse 2].

Au surplus, l’offre du 5 juillet 2021 a été adressée à la SAS Papyrus par courriel du même jour, ce qui a régularisé l’erreur de destinataire.

En effet, la purge du droit de préférence est certes une formalité substantielle, mais une éventuelle absence de respect du formalisme (notamment par l’envoi de la notification par courriel) ne peut être invoquée par le bailleur ou son mandataire pour faire échec aux droits que le locataire tient de la loi. Seul le preneur pourrait éventuellement l’invoquer pour prétendre à l’absence de purge du droit de préférence.

En l’espèce, Me [E] confirme que son intention était bien de purger le droit de préférence de la SAS Papyrus. Cette dernière reconnaît que l’objet des notifications était de purger son droit de préemption qu’elle a d’ailleurs exercé par courrier recommandé du 15 juillet 2021.

Le notaire ne peut se prévaloir de ses propres erreurs pour considérer que les notifications sont nulles.

C’est donc à juste titre que le premier juge a retenu la validité de la notification du droit de préemption au locataire et l’existence d’un accord sur la chose et sur le prix.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que la vente était parfaite à compter du 13 novembre 2021 et en ce qu’il a enjoint sous astreinte Mme [M] à réitérer la vente par acte authentique.

3°/ Sur les demandes indemnitaires de la SAS Papyrus à l’égard de la bailleresse

a. sur la restitution des loyers perçus à compter du 13 novembre 2021

Il n’est pas contesté que la SAS Papyrus a poursuivi le paiement des loyers commerciaux alors que par application des dispositions de l’article L.145-46-1 du code du commerce, en ayant notifié au bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 juillet 2021, l’exercice de son droit de préférence et en précisant avoir recours à un crédit, elle pouvait prétendre à la signature de l’acte authentique au plus tard le 13 novembre 2021.

Comme l’a relevé le premier juge, la qualité de propriétaire de la SAS Papyrus est exclusive du versement d’un loyer de sorte que c’est à juste titre que Mme [M] a été condamnée à lui restituer les loyers perçus depuis le 13 novembre 2021.

Le jugement est confirmé de ce chef.

b. sur l’indemnisation des conséquences du retard dans la réitération de la vente

La SAS Papyrus expose avoir obtenu le 15 octobre 2021 un accord de principe pour le financement de l’acquisition du local commercial. Elle considère que le refus de Mme [M] de reconnaître le caractère parfait de la vente lui cause un préjudice résultant de l’enchérissement du coût du crédit en raison de l’augmentation des taux d’intérêts.

Mme [M] conclut à l’irrecevabi1ité de cette demande comme étant nouvelle en appel et subsidiairement, à son rejet comme étant mal fondée.

L’article 564 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou la révélation d’un fait.

L’article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dés lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Il ressort enfin de l’article 566 que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l’espèce, devant le premier juge, la SAS Papyrus Fleurs s’est contentée de solliciter la restitution des loyers perçus depuis le 13 novembre 2021. Cette prétention ne saurait s’analyser en une demande de dommages et intérêts, dès lors que la restitution des loyers n’est que la conséquence de la reconnaissance de la qualité de propriétaire de la SAS Papyrus Fleurs.

La demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier lié à l’enchérissement du coût du crédit présentée par la SAS Papyrus Fleurs ne constitue ni l’accessoire, ni la conséquence ou le complément nécessaire de cette prétention et ne tend pas aux mêmes fins. Il s’agit donc d’une prétention nouvelle en appel.

Elle doit par conséquent être déclarée irrecevable.

4°/ Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme [M] à l’encontre du notaire

Le jugement étant confirmé en ce qu’il a reconnu le caractère parfait de la vente et enjoint Mme [M] à signer l’acte authentique, il n’y a pas lieu d’examiner la demande de dommages et intérêts présentée à titre subsidiaire par la SAS Papyrus Fleurs au titre de la perte de chance de devenir propriétaire du local commercial.

Mme [M] sollicite pour sa part l’indemnisation de son préjudice moral ainsi que des dommages et intérêts au titre de la perte de chance d’avoir pu vendre son bien à sa valeur réelle (qu’elle estime à 275.000 euros). Elle invoque une perte de chance à hauteur de 99% de sorte que son préjudice s’établit à la somme de 123.750 euros (275.000 – 150.000 x 99 %).

Toutefois, Mme [M] a été autorisée par ordonnance présidentielle du 2 janvier 2022 à assigner Me [E] devant le tribunal judiciaire de Rennes dans le cadre d’une procédure à jour fixe, telle que prévue par l’article 788 du code de procédure civile.

Cette ordonnance a été rendue au vu d’une requête en date du 1er février 2022.

Il est constant en droit que le demandeur dans le cadre d’une procédure à jour fixe ne peut déposer des conclusions au fond contenant des prétentions ou moyens non inclus dans la requête, sauf pour répondre à l’argumentation adverse.

En l’espèce, Mme [M] a été autorisée à assigner Me [E] à jour fixe aux seules fins de voir la décision à intervenir dans l’instance l’opposant à la société Papyrus Fleurs ‘commune et opposable’ au notaire.

Il n’était donc formulé aucune demande indemnitaire à l’encontre du notaire aux termes de la requête et contrairement à ce que soutient Mme [M], le fait de solliciter des dommages et intérêts à l’encontre de Me [E] ne peut s’analyser comme une réponse aux conclusions de cette dernière.

Le jugement ne peut qu’être confirmé en ce qu’il a jugé que les demandes de condamnations financières formulées à l’encontre du notaire étaient irrecevables.

5°/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions du jugement relatives au frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

Succombant en appel, Mme [M] sera condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’est pas inéquitable de condamner Mme [M] à payer à la SAS Papyrus Fleurs une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 août 2022, par le tribunal judiciaire de Rennes,

Y ajoutant,

Déboute Me [X] [E] de sa demande tendant à voir écarter des débats la pièce n°19 communiquée par Mme [M],

Déclare irrecevable la demande de dommages et intérêts formée par la SAS Papyrus Fleurs à l’encontre de Mme [X] [M],

Déboute Mme [X] [M] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [X] [M] aux dépens d’appel.

Condamne Mme [X] [M] à payer à la SAS Papyrus Fleurs une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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