Augmentation de capital : décision du 20 février 2024 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/02808
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C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE – A –

Section 1

PRUD’HOMMES

Exp +GROSSES le 20 FEVRIER 2024 à

la AARPI CATHELY & ASSOCIES

la SCP 91 DEGRES AVOCATS

LD

ARRÊT du : 20 FEVRIER 2024

MINUTE N° : – 24

N° RG 21/02808 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GOVY

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTARGIS en date du 30 Septembre 2021 – Section : ENCADREMENT

APPELANT :

Monsieur [S] [F]

né le 06 Février 1974 à [Localité 3]

Chez Monsieur et Madame [F] [Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Aurélie MORICE de l’AARPI CATHELY & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTARGIS

ET

INTIMÉE :

S.A. LABORATOIRE CEVRAI F.C.V (VENANT AUX DROITS DE CEL S LABORATOIRE) Prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès-qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Marc GENOYER de la SCP 91 DEGRES AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture : 2 octobre 2023

Audience publique du 10 Octobre 2023 tenue par Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assisté lors des débats de Monsieur Jean-Christophe ESTIOT, Greffier.

Après délibéré au cours duquel Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller

Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,

Puis le 20 FEVRIER 2024, (délibéré initialement prévu le 19 décembre 2023), Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller, assisté de Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [S] [F] a été engagé le 1er août 2016 en qualité de directeur commercial par la SA Cels Laboratoire aux droits de laquelle vient la S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V.

Le 18 février 2019, la SA Cels Laboratoire a convoqué M. [F] à un entretien préalable fixé au 25 février 2019 et l’a mis à pied à titre conservatoire.

Le 22 février 2019, M. [F] a démissionné de son poste.

Par requête du 14 juin 2019, la SA Cels Laboratoire a saisi le conseil de prud’hommes de Montargis aux fins de voir reconnaître le préjudice subi en raison d’une tentative de vol, de diffusion d’informations confidentielles, de falsification, d’extorsion de fonds imputée par elle à M. [S] [F], M. [H] [M] et M. [T] [E].

Par acte d’huissier de justice délivré le 3 septembre 2019, l’employeur a fait citer M. [F] à l’audience du bureau de conciliation et d’orientation du 19 septembre 2019.

En cours d’instance, la société s’est désistée de ses demandes à l’encontre de M. [M] et de M. [E].

Par décision du 30 septembre 2020, le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes de Montargis a ordonné à la SA Cels Laboratoire de délivrer à M. [S] [F] les bulletins de paie de décembre 2017 à février 2019 et ce, sous astreinte de 50 euros par jour à compter de la notification de sa décision et a dit n’y avoir lieu à « ordonner à la SA Cels Laboratoire la suite des instances données à celles opposant cette dernière à M. [T] [E] et M. [H] [M] ». Il a ainsi débouté M. [S] [F] de sa demande de production des protocoles d’accord passés avec ces salariés et des actes ayant mis fin, s’agissant de ces derniers, à l’instance prud’homale.

Le 26 novembre 2020, la SA Laboratoire Cevrai-F.C.V., associée unique de la SA Cels Laboratoire, a procédé à la dissolution sans liquidation de cette société. Par conséquent, il a été opéré une transmission universelle du patrimoine de la SAS Cels Laboratoire à la SA Laboratoire Cevrai-F.C.V.

Par jugement du 30 septembre 2021, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud’hommes de Montargis a :

Dit que la demande de réparation de la SA Laboratoire Cevrai-FCV est justifiée.

Débouté M. [S] [F] de sa demande de requalification de sa démission en prise d’acte de la rupture de son contrat de travail et de ses conséquences.

Condamné M. [S] [F] à verser à la société SA Laboratoire Cevrai-FCV la somme de 298 368 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Condamné M. [S] [F] à verser à la SA Laboratoire Cevrai-FCV la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires

Condamné M. [S] [F] aux entiers dépens.

Le 27 octobre 2021, M. [S] [F] a relevé appel de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 13 septembre 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles M. [S] [F] demande à la cour de :

Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Montargis du 30 septembre 2021 en ce qu’il a retenu que la demande de la société Laboratoire Cevrai-FCV était justifiée par le comportement fautif de M. [F],

Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Montargis du 30 septembre 2021en ce qu’il a condamné M. [F] à payer à la société Laboratoire Cevrai-FCV la somme de 298 368 euros en réparation du préjudice dont elle a été victime en raison des agissements de M. [F] et exécution de son contrat de travail et manque de probité,

Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Montargis du 30 septembre 2021 en ce qu’il a débouté M. [F] de ses demandes en paiement de salaires, indemnité relative à la rupture de son contrat de travail et dommages et intérêts,

Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Montargis du 30 septembre 2021 en ce qu’il a condamné M. [F] à payer à la société Laboratoire Cevrai-FCV la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux dépens,

Statuant à nouveau,

Débouter la société Laboratoire Cevrai-FCV de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Ordonner que la démission équivoque du 22 février 2019 de M. [F] s’analyse en une prise d’acte de la rupture du contrat de travail,

Ordonner que compte tenu des fautes et manquements imputables à la société Laboratoire Cevrai-FCV venant aux droits de la société Cels Laboratoire, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Fixer le montant du salaire de référence reconstitué de M. [F] à la somme de 4.364,98 euros outre 1.000 euros de prime d’atelier soit la somme de 5.364,98 euros,

Condamner la société Laboratoire Cevrai-FCV venant aux droits de la société Cels Laboratoire à payer à M. [F] :

– 9.322,83 euros à titre de rappel de salaire outre 932,28 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire,

– 16.094,94 euros brut d’indemnité de préavis

– 1.609,49 euros brute à titre de congés payés sur préavis

– 707,95 euros brut à titre de rappel de salaire pendant sa mise à pied outre 70,79 euros brut à titre de congés payés sur rappel de salaire et de 185,71 euros à titre de rappel de prime d’atelier.

– 3.464,88 euros à titre d’indemnité légale de licenciement.

– 26.824,90 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 3.000 euros d’indemnité pour défaut de visite médicale

Condamner la société Laboratoire Cevrai-FCV venant aux droits de la société Cels Laboratoire, dans un délai de 8 jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard à remettre à M. [F] :

des bulletins de salaire rectifiés au moins pour les 12 mois précédents son départ de la société,

un certificat de travail rectifié,

une attestation Pôle emploi faisant état de son licenciement et des salaires rectifiés

A titre subsidiaire,

Surseoir à statuer sur la demande indemnitaire de la société Laboratoire Cevrai, dans l’attente de l’arrêt à intervenir dans l’instance opposant la société Laboratoire Cevrai-FCV à la société Immojed devant la Cour d’appel d’Orléans (RG n°21/02141 et 21/03168),

Condamner la société Laboratoire Cevrai-FCV venant aux droits de la société Cels Laboratoire à payer à M. [F] une somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société Laboratoire Cevrai-FCV venant aux droits de la société Cels Laboratoire aux entiers dépens de l’instance.

***

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 28 juillet 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles la S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V. demande à la cour de :

Réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Montargis en date du 30 septembre 2021 en ce qu’il a limité la condamnation de M. [S] [F] à hauteur de 298.368 euros ;

Quoi faisant :

Condamner M. [S] [F] à indemniser la société Laboratoire Cevrai-FCV à hauteur de 567.500 euros ;

Confirmer le jugement rendu pour le surplus ;

A titre subsidiaire :

Confirmer purement et simplement le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Montargis en date du 30 septembre 2021 ;

En tout état de cause :

Débouter M. [S] [F] de l’ensemble de ses demandes ;

Condamner M. [S] [F] à verser à la société Laboratoire Cevrai-FCV la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [S] [F] aux entiers dépens (articles 695 et suivants du code de procédure civile) dont distraction au profit de l’avocat soussigné (article 699 du code de procédure civile).

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 2 octobre 2023.

MOTIFS

Sur la demande tendant à ce que soient écartées les conclusions et pièces remises au greffe le 13 septembre 2023 par M. [S] [F]

Aux termes de l’article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

Le 22 mai 2023, les parties ont été avisées de ce que l’ordonnance de clôture serait prononcée le 18 septembre 2023 à 11 h, l’audience de plaidoiries étant fixée au 10 octobre 2023.

Dans le dossier, avant cet avis de fixation du 22 mai 2023, les dernières conclusions remises au greffe étaient celles de M. [S] [F], en date du 18 mai 2022, d’une longueur de 61 pages.

Le 28 juillet 2023, soit plus de deux mois après l’avis de fixation et quatorze mois après les dernières conclusions adverses, la S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V. a déposé de nouvelles conclusions, en versant aux débats 36 nouvelles pièces, toutes antérieures à la déclaration d’appel du 27 octobre 2021.

M. [S] [F] a répliqué à ces conclusions le 13 septembre 2023 en communiquant des conclusions de 87 pages ainsi que de nouvelles pièces (pièces n° 88 à 123).

Ces conclusions sont conformes aux exigences de l’article 954 du code de procédure civile en ce que les ajouts apportés aux précédentes écritures y sont présentés de façon formellement distincte.

A la demande expresse de la S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V., formulée par message RPVA du 15 septembre 2023, l’ordonnance de clôture a été reportée au 2 octobre 2023. Ce report a été décidé afin de permettre à l’intimée de répondre aux conclusions de son adversaire.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 2 octobre 2023. La S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V. a donc disposé d’un délai suffisant pour répliquer aux écritures adverses du 13 septembre 2023. La prise en compte de ces conclusions n’est donc pas de nature à compromettre les droits de la société et à porter atteinte au principe de la contradiction.

La S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V. a eu connaissance de l’ordonnance de clôture du 2 octobre 2023. Elle ne formule aucune demande de révocation de cette ordonnance.

Il n’y a donc pas lieu d’écarter des débats ces conclusions du 13 septembre 2023 et les pièces présentées à leur appui.

A l’audience, les parties n’ont pas été autorisées à produire de note en délibéré. Il n’y a pas lieu de faire usage des dispositions de l’article 442 du code de procédure civile.

Sur la responsabilité pécuniaire de M. [S] [F]

La S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V. fonde sa demande de condamnation sur l’article 1240 du Code civil.

Cependant, la responsabilité du salarié envers son employeur ne peut être engagée que pour faute lourde (Soc., 25 octobre 2005, pourvoi n° 03-46.624, Bull. 2005, V, n° 299).

La faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise (Soc., 22 octobre 2015, pourvoi n° 14-11.291, Bull. 2015, V, n° 201).

A titre liminaire, M. [S] [F] conteste la valeur probante de certaines pièces produites par la S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V. et notamment les copies de courriels (conclusions, p. 22 à 25). Cependant, il ne ressort d’aucun élément du dossier que le contenu des courriels cités ci-dessous, émanant de la messagerie professionnelle du salarié, ait été altéré ou modifié par l’employeur. Il y a lieu de considérer que les impressions de ces courriels sont conformes aux messages envoyés par voie électronique.

La SAS Cels Laboratoire a été créée le 19 juillet 2016. Il ressort des motifs de l’ordonnance de référé rendue le 2 avril 2019 par le président du tribunal de commerce d’Orléans que cette société a acquis les actifs de la société DPLI, dirigée par M. [S] [F], à la suite de la liquidation judiciaire de celle-ci (pièce n° 73 du salarié).

M. [S] [F] est par ailleurs gérant de la SCI Immojed, bailleur des locaux à usage commercial situés à Sainte-Geneviève-des-Bois (Loiret) au sein desquels est implantée l’usine de fabrication de la SAS Cels Laboratoire.

Selon contrat de travail du 1er août 2016, il a été engagé par la SA Cels Laboratoire en qualité de directeur commercial.

Selon un courriel adressé le 12 juillet 2018, depuis l’adresse courriel de M. [S] [F], à M. [B] [W], président de la SAS Cels Laboratoire, M. [T] [E], associé majoritaire de la société, fait part de ce qu’il entend céder dès que possible ses parts à M. [S] [F] en « compensation d’une reconnaissance de dette établie le 30 juin 2016 en faveur de ce dernier (pièce n° 79-1 de l’employeur). Il s’en évince que cette reconnaissance de dette est concomitante à la création de la SAS Cels Laboratoire et, par conséquent, à l’acquisition de parts dans cette société par M. [T] [E].

Il est rappelé dans le courriel précité qu’il est fait interdiction à M. [S] [F] de détenir des parts dans la SAS Cels Laboratoire pendant une période de cinq ans à compter de la cession des actifs de la société DPLI. Cette règle résulte de l’article L. 642-3 du code de commerce.

Il résulte de ce courriel, qui emporte la conviction de la cour, qu’à compter, au moins du 12 juillet 2018, M. [S] [F] avait l’intention de devenir actionnaire majoritaire de la SAS Cels Laboratoire. Il ressort de ce courriel un conflit entre le salarié et les dirigeants de la société puisque M. [T] [E] fait part de ce que M. [S] [F] l’a alerté sur des agissements de nature à nuire à l’intérêt social de l’entreprise et à celui de l’actionnaire majoritaire.

Par décision du 10 octobre 2019, la ministre du travail a autorisé le licenciement de M. [H] [M], responsable du service informatique de la SAS Cels Laboratoire, membre du comité social et économique et par ailleurs gendre de M. [T] [E] (pièce n° 48 de l’employeur).

Selon le considérant n° 6 de cette décision, M. [H] [M] a diffusé deux organigrammes de la société les 29 janvier et 12 février 2019 dans lesquels M. [B] [W] n’est pas mentionné en qualité de président. L’employeur verse aux débats les deux courriels de M. [M] contenant les deux organigrammes sur lesquels M. [S] [F] figure en qualité de directeur et M. [W] n’apparaît pas. L’objet du message du 29 janvier 2019, adressé à trois personnes dont M. [S] [F], est « draft1 » (pièce n° 65 de l’employeur).

Il ressort des courriels émis le 11 février 2019 versés aux débats par l’employeur (pièces n° 10 et 11 à 11 bis) une grande proximité entre M. [M] et M. [F]. En effet, ce dernier a été destinataire en copie d’un courriel adressé par M. [M] à M. [B] [W] et contenant des propos véhéments à l’encontre de la direction : « je ne saisis pas bien votre intérêt de nuire à Cels », « je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour le [ [S] [F] ] soutenir et empêcher les gens nuisibles d’essayer de couler notre société (à bon entendeur) », « Cels est une entité qui réclame son indépendance, donc merci de lâcher prise et de nous laisser nous envoler ». M. [F] a répondu en ces termes à M. [M] « Je ne sais quoi te dire en ai les larmes aux yeux et que grâce à vous je vais tout péter aujourd’hui pour nous ! Bises ».

De surcroît, M. [M] a transmis le jour même à M. [F] un extrait d’article sur les droits des délégués du personnel en lui demandant « comment exploiter ça ‘ »

Selon le considérant n° 7 de la décision précitée de la ministre du travail du 10 octobre 2019, avec l’aide de son épouse, fille de M. [T] [E], M. [H] [M] a développé un logiciel de gestion commerciale et des stocks à l’insu de son employeur afin de remplacer celui utilisé par l’entreprise.

Le 7 février 2019, M. [S] [F] a adressé un courriel au webmaster de la société Cevrai, dont M. [H] [M] était destinataire en copie (pièces n° 31 et 31 bis de l’employeur). Il fait part de sa volonté de ce que « Cels ne souffre pas des conséquences de la gestion hasardeuse de [B] [W] ». Il indique avoir mis en oeuvre avec M. [T] [E] le déploiement progressif d’un nouveau système de gestion propre à Cels destiné à remplacer celui utilisé. Il ajoute que M. [T] [E] et lui ont donné à M. [H] [M] et à l’unique autre personne utilisant à ce jour le nouveau logiciel l’instruction formelle de ne pas en parler au destinataire du courriel. Il résulte par conséquent de ce courriel que M. [S] [F] a été, avec M. [T] [E], l’instigateur de la conception et du déploiement, à l’insu de son employeur, d’un logiciel destiné à lui permettre de contrôler la gestion commerciale de la SAS Cels Laboratoire. C’est en vain que M. [S] [F] invoque une décision commune des actionnaires en se prévalant de son courriel du 17 janvier 2019 (pièces n° 30 et 30 bis de l’employeur). En effet, si, pour les raisons précédemment exposées, M. [T] [E] a été partie prenante de cette initiative, M. [S] [F], en tant que salarié, est placé sous la subordination du président en exercice de la société, à savoir M. [B] [W].

Il ressort du courriel du 5 mars 2019 de M. [Z] [N], membre du cabinet d’expertise comptable Omega, que M. [S] [F] a bloqué en fin d’année 2018 la comptabilité de Cels (pièce n° 35 de l’employeur). M. [S] [F] ne conteste pas utilement la teneur de ce courriel émanant d’un tiers à l’entreprise. Il apparaît qu’il n’entrait pas dans le cadre de ses fonctions de directeur commercial de procéder à des manipulations sur le logiciel de comptabilité, étant précisé qu’il reconnaissait dans son courriel précité du 7 février 2019 qu’il n’avait aucun contrôle sur le logiciel de gestion utilisé par l’entreprise (pièces n° 31 et 31 bis de l’employeur).

Selon le considérant n° 9 de la décision précitée du 10 octobre 2019 de la ministre du travail, M. [H] [M] a imprimé des formulaires Cerfa relatifs au dépôt de bilan et a tenté de participer à une procédure de dépôt de bilan fondée sur le non-paiement de certains fournisseurs.

Il ressort de l’ordonnance de référé précitée rendue le 2 avril 2019 par le président du tribunal de commerce d’Orléans que M. [T] [E] a saisi le 19 mars 2019 cette juridiction aux fins de désignation d’un administrateur provisoire pour la S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V. avec comme mission « éventuellement » de constater l’état de cessation de paiement de celle-ci. Le juge des référés a rejeté la requête de l’actionnaire majoritaire après avoir constaté le fonctionnement normal de la société sous la présidence de M. [B] [W] et l’absence d’irrégularités mettant en péril celle-ci (ordonnance, p. 5). Le juge des référés a également constaté que M. [S] [F] et M. [T] [E] avaient mené des actions visant à obtenir le départ de M. [B] [W] ou le dépôt de bilan de la société afin d’en reprendre l’activité. Il a ainsi relevé d’une part qu’ils avaient sollicité des fournisseurs « amis » pour décaler volontairement des paiements et délivrer ensuite des assignations, d’autre part qu’ils avaient organisé avec des investisseurs une augmentation importante de capital pour diluer les parts de M. [W] (ordonnance, p. 6).

L’employeur verse aux débats deux courriels adressés le 9 février 2019 par M. [S] [F] à « bgpackaging », fournisseur de la société (pièces n° 32 et 32 bis de l’employeur). Le salarié indique au destinataire du message que les assignations en paiement de fournisseurs amis ont permis la nomination d’un mandataire judiciaire « seul moyen pour que [B] [ [W] ] ne soit plus président et surtout que toute convention et contrat signés soient suspendus dans l’attente de savoir s’ils seront continués ». Dans un second courriel du même jour, M. [S] [F] fait état de ce que M. [W] va « basculer en faillite personnelle ».

L’employeur verse aux débats un courriel du 19 février 2019 émanant de la responsable qualité de la société 3 Chênes et qui fait part de ce que M. [S] [F] l’a informée du dépôt de bilan de la S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V. Elle indique transmettre l’information aux services financiers et approvisionnements (pièce n° 33 de l’employeur). Ce courriel emporte la conviction de la cour. Il importe peu que M. [S] [F] ait fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire le 18 février 2019 dès lors qu’à la date d’émission de ce courriel il faisait toujours partie de l’entreprise, sa démission n’ayant été adressée à l’employeur que le 22 février 2019.

Dans un des courriels précités du 9 février 2019, M. [S] [F] indique : « avec mes clients, et l’accord déjà acté avec mes fournisseurs stratégiques, quinze jours après la nomination du mandataire, une augmentation de capital plus que significative (me laissant avec valorisation déjà confirmée […] la majorité). Les fournisseurs sont ok, [W] ne pourra pas suivre évidemment et cela roule ». Dans un second courriel du même jour, il ajoute avoir eu d’un investisseur un apport de 490 000 euros en trois tranches sur la structure du bâtiment B dont il est seul actionnaire, précisant que les investisseurs attendent « le débouclage de la première décision judiciaire enfin reçue sur [W] qui va basculer en faillite personnelle ».

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que M. [S] [F], en sa qualité de salarié, a agi de manière fautive à l’encontre de son employeur, la SAS Cels Laboratoire, en tentant, par des procédés déloyaux, d’évincer le président de la société, M. [B] [W], et reprendre l’activité de cette société. Il apparaît qu’il a diffusé à des tiers de fausses informations afin de leur faire croire que la situation financière de la société était obérée et qu’il a opéré des manoeuvres auprès de fournisseurs de la société afin que celle-ci soit déclarée en état de cessation de paiement. Ces agissements caractérisent une intention de nuire à l’entreprise.

Il ne résulte pas des éléments versés aux débats que, comme il le soutient dans ses conclusions (p. 53 à 56), les capacités cognitives de M. [S] [F] étaient altérées au moment des faits litigieux et qu’il n’ait pas eu conscience de ce qu’il nuisait à l’employeur.

Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres manquements invoqués par l’employeur, il y a lieu de dire que la faute lourde est constituée et, par conséquent, la responsabilité pécuniaire de M. [S] [F] engagée.

Sur les demandes de condamnation formées à l’encontre du salarié

Dans ses conclusions (p. 17), l’employeur soutient qu’en ne prenant en compte que les données strictement comptables, le préjudice est évalué à une somme comprise entre 495 000 et 640 000 euros. Il sollicite la condamnation de M. [S] [F] à lui payer la somme de 567 500 euros correspondant à la moyenne de ces deux nombres.

La S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V. s’appuie sur un rapport de cinq pages réalisé le 20 novembre 2020 à sa demande par la société d’expertise comptable Omega (pièce n° 71). Ce rapport n’a pas été établi contradictoirement. Cependant, il est régulièrement versé aux débats et M. [S] [F] est donc en mesure d’en discuter les conclusions, ce qu’il fait (écritures du salarié, p. 60 à 74).

L’expert comptable propose deux méthodes de calcul du préjudice, la première basée sur la perte de chiffre d’affaires, la perte de marge et le préjudice économique, la seconde sur la perte de valeur des parts de la société.

L’expert comptable, procédant à une comparaison des données comptables sur les années 2017, 2018 et 2019, estime le préjudice de marge brute sur 2018 à 298 638 euros. Cependant, ce calcul repose sur un pourcentage de marge brute rapporté au chiffre d’affaires. Il y a lieu de constater que, selon les chiffres du rapport, la marge brute en valeur a été, en 2018, très supérieure à celle de l’année 2017. Surtout, il n’est aucunement établi l’existence d’un lien de causalité entre les agissements de M. [S] [F] et la dégradation du taux de marge brute en 2018.

L’expert comptable évalue à 108 746 euros le préjudice lié aux avoirs établis par la société entre janvier et septembre 2019. Il est versé aux débats un tableau de facturation des avoirs entre janvier 2018 et avril 2020 ainsi que les factures correspondantes (pièces n° n° 43 et 72 de l’employeur). M. [S] [F] a démissionné le 22 février 2019. Il n’est nullement établi que l’émission de ces avoirs serait consécutive aux fautes commises par le salarié et qualifiées de faute lourde.

S’agissant du préjudice économique, l’expert comptable missionné par la société évalue à 23 000 euros les achats « surcomplémentaires » et entre 65 718 euros et 94 237 euros les coûts liés à des embauches de personnels non justifiées par l’activité économique. Les factures correspondantes à des achats de matériel et les bulletins de paie des salariés concernés sont produits (pièces n° 44, 73 et 74 de l’employeur). Il apparaît que le préjudice ainsi chiffré par l’expert comptable est consécutif à l’implantation de lignes de production dans le bâtiment B (conclusions de l’employeur, p. 21). Comme le soutient M. [S] [F] (conclusions, p. 30 et 31), il apparaît que M. [W] a été informé par lui de l’aménagement du bâtiment le 26 octobre 2018 (pièce n° 38 du salarié) et que l’ensemble des locaux de la société sur le site de [Localité 4] a fait l’objet d’une visite d’évaluation en vue de sa certification. La création de nouvelles lignes de production ne saurait par conséquent être considérée comme constitutive d’une faute lourde imputable à M. [S] [F] et susceptible d’engager sa responsabilité.

La base de calcul retenue par l’expert pour évaluer la perte de valeur des parts de la société ne saurait être retenue dans la mesure où elle ne repose que sur une perte de marge opérationnelle entre le 31 décembre 2017 et le 31 décembre 2019. Outre que, selon les données figurant dans le rapport, le chiffre d’affaires et le résultat net ont augmenté, il n’est pas établi que cette diminution de la marge opérationnelle serait imputable aux seuls agissements de M. [S] [F].

En revanche, il apparaît, ainsi que le relève l’expert comptable, que les agissements du salarié ont porté atteinte à l’image de l’entreprise, notamment à l’égard de ses fournisseurs.

Par voie d’infirmation du jugement, il y a lieu de condamner M. [S] [F] à payer à la S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V. la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Les manquements imputés par la S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V. à la société Immojed, son bailleur, sont distincts de ceux qu’elle impute à M. [S] [F] en sa qualité de salarié. L’atteinte au principe de réparation intégrale du dommage invoquée par l’appelant (conclusions, p. 73) n’est donc pas caractérisée.

Il n’y a pas lieu de surseoir à statuer sur la demande indemnitaire de la S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V. dans l’attente de l’arrêt à intervenir dans l’instance opposant la S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V. à la société Immojed devant la cour d’appel d’Orléans (RG n°21/02141 et 21/03168), dans la mesure où la solution du litige entre l’intimée et son bailleur n’est pas susceptible d’avoir d’incidence sur le présent litige.

Sur la requalification de la démission en une prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse 

M. [S] [F] a démissionné le 22 février 2019, alors qu’il faisait l’objet d’une mise à pied, en précisant à son employeur que sa décision était motivée par « votre volonté inqualifiable, malhonnête et délibérée au regard de vos turpitudes ».

La démission est donc équivoque et s’analyse comme une prise d’acte de la rupture du contrat de travail (Soc., 19 décembre 2007, pourvoi n° 06-42.550, Bull. 2007, V, n° 218). Le jugement est infirmé de ce chef.

Dans ses conclusions (p. 74 à 78), le salarié invoque les manquements suivants de l’employeur :

– l’absence de visite médicale depuis son embauche,

– l’absence d’organisation d’un entretien annuel pour s’assurer de ses conditions de travail et de ce que les objectifs fixés étaient conformes à son état de santé et réalisables,

– une forte dégradation des relations avec l’employeur, et notamment avec le président de la société, M. [B] [W], le salarié faisant valoir qu’il a été rendu responsable d’erreurs dont il ignorait tout, que ses tentatives pour obtenir des informations quant au règlement par la SAS Cels Laboratoire de factures d’autres filiales du groupe [W] ont été interprétées comme une ingérence, que le contenu de ses courriels a été falsifié,

– l’intervention d’un huissier de justice le 18 février 2019 pour récupérer tous les ordinateurs des salariés,

– la survenance d’un burn out ayant conduit à son hospitalisation en psychiatrie en juillet 2019.

Sur l’absence de visite médicale

M. [S] [F] a été engagé à compter du 1er août 2016. La S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V. ne justifie ni même n’allègue que le salarié aurait été soumis à une visite médicale d’embauche. Elle ne rapporte la preuve d’aucun suivi par la médecine du travail pendant le cours de la relation de travail. L’employeur ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l’article R. 4624-15 du code du travail, ce texte n’étant pas applicable lorsque le salarié a été engagé. De surcroît, elle ne justifie pas que les conditions dispensant l’employeur de faire procéder à une nouvelle visite d’information et de prévention étaient remplies.

L’employeur ayant manqué à ses obligations, il y a lieu, par voie d’infirmation du jugement, de condamner la S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V. à payer à M. [S] [F] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur l’absence d’organisation d’un entretien annuel

Selon l’article 5 du contrat de travail, M. [S] [F] était soumis au régime du forfait en jours.

L’employeur ne rapporte pas la preuve d’avoir organisé une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

Ce faisant, l’employeur a manqué à son obligation de sécurité. Le grief est établi.

Sur la dégradation des relations avec l’employeur et la détérioration de l’état de santé

Il ressort des courriels versés aux débats par l’une et l’autre des parties que les relations entre M. [S] [F] et son employeur, particulièrement le président de la société, M. [B] [W], se sont détériorées.

Par courriel du 12 juillet 2018, rédigé par M. [S] [F] et émis depuis son adresse électronique professionnelle, M. [T] [E], actionnaire majoritaire de la société, a informé M. [B] [W] de ce que M. [S] [F] lui avait fait part de sa volonté d’acquérir ses actions et d’obtenir le règlement de la créance de loyers de la SCI Immojed à l’encontre de la SAS Cels Laboratoire. Il a ajouté, mettant ainsi en cause M. [B] [W], que M. [S] [F] l’avait alerté sur des agissements qui nuisaient à l’intérêt social de la société et à celui de l’actionnaire majoritaire (pièce n° 79-1 de l’employeur).

Il apparaît que la dégradation des relations des parties au contrat de travail n’est pas imputable à un comportement fautif de l’employeur, étant précisé que M. [S] [F] s’adressait de manière très directe voire comminatoire à M. [B] [W] et à ses correspondants, comme l’illustrent ses courriels des 17 janvier 2019 et 7 février 2019 (pièces n° 30 bis et 31 de l’employeur).

Il n’est pas établi que, pendant le cours de la relation de travail, les courriels de M. [S] [F] aient été falsifiés.

Il ressort de la décision précitée du 10 octobre 2019 de la ministre du travail autorisant le licenciement de M. [H] [M] que celui-ci a procédé à un paramétrage permettant de récupérer automatiquement les courriels du président de la SAS Cels Laboratoire, a téléchargé le contenu de la messagerie électronique de celui-ci et a réacheminé les courriels du président de la société sur la messagerie professionnelle de M. [S] [F] (considérant n° 11). Dans ce contexte, la mission confiée à Maître [K], huissier de justice, ne procède d’aucune faute.

Il n’apparaît pas que la détérioration de l’état de santé de M. [S] [F] soit consécutive à un manquement de l’employeur.

En conclusion, les manquements de l’employeur, pour ceux qui sont établis, n’étaient pas d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Il y a lieu de dire que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’une démission et, par conséquent, de débouter M. [S] [F] de ses demandes d’indemnité de préavis, d’indemnité légale de licenciement et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au regard des agissements fautifs de M. [S] [F], la mise à pied conservatoire était une mesure justifiée et proportionnée dans l’attente de l’issue de la procédure disciplinaire. Il y a lieu de débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied.

Sur la demande de rappel de salaire formée par M. [S] [F]

Le contrat de travail de M. [S] [F] fait référence à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques du 15 décembre 1987 (pièce n°1).

Il ressort des bulletins de paie versés aux débats que l’employeur a fait application de la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970. Les bulletins de paie ne précisent pas le niveau auquel le salarié a été positionné.

M. [S] [F] revendique un rappel de salaire sur la base d’un positionnement à l’échelon 3, niveau X, échelon 1 de la classification conventionnelle, régie par l’avenant I à la convention, relatif aux cadres.

Il ne rapporte pas la preuve de ce qu’il remplit les conditions requises pour être positionné à ce niveau. En effet, M. [S] [F] était placé sous l’autorité de M. [T] [E], directeur de l’usine de [Localité 4]. Selon l’ordonnance de référé du 2 avril 2019 précitée, la SAS Cels Laboratoire avait un effectif de 31 personnes. Il apparaît que le salarié était directeur commercial d’une entreprise de taille moyenne.

Il ne résulte pas des éléments versés aux débats qu’il assumait la responsabilité d’une équipe d’au moins cinq personnes. Il n’est pas davantage établi qu’il coordonnait l’activité de plusieurs responsables qui disposaient d’une large délégation entre lesquels il était amené à faire des arbitrages en fonction de la politique générale de l’entreprise dont il assumait l’application.

De surcroît, la base de calcul proposée par le salarié dans ses conclusions (p. 79) est erronée. En effet, aux termes de l’article 1er de l’accord du 3 mars 2015 relatif aux salaires minima au 1er mars 2015, annexé à la convention collective applicable, du niveau VII, échelon 1, au niveau X, échelon 2, la grille des minima conventionnels s’apprécie au 31 décembre en comparant le montant total des salaires bruts perçus par le salarié pendant l’année avec le minimum conventionnel annuel correspondant à son niveau et échelon. Ce calcul s’effectue pro rata temporis en cas de départ en cours d’année.

Il en résulte que, contrairement à ce que soutient le salarié, le respect par l’employeur des minima conventionnels ne saurait s’apprécier sur la base du salaire mensuel perçu.

De surcroît, c’est à tort que le salarié se fonde sur l’accord du 3 mars 2015 relatif aux salaires minima au 1er mars 2015. En effet, la demande de rappel de salaire portant sur la période d’octobre 2017 à février 2019, le montant des minimas conventionnels est fixé par l’accord du 2 mars 2017 relatif aux salaires minima au 1er mars 2017, l’accord du 8 mars 2018 relatif aux salaires minima au 1er mai 2018 et l’accord du 27 février 2019 relatif aux salaires minima pour l’année 2019.

Il y a donc lieu de débouter M. [S] [F] de sa demande de rappel de salaire au titre de la classification conventionnelle.

Il y a lieu par conséquent de débouter M. [S] [F] de ses demandes tendant à la remise de bulletins de paie, certificat de travail et attestation Pôle emploi « rectifiés ».

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu de condamner M. [S] [F] aux dépens de l’instance d’appel, avec distraction au profit de la SCP 91 Degrés Avocats.

Il y a lieu de condamner M. [S] [F] à payer à la S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V. la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de le débouter de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 30 septembre 2021, entre les parties, par le conseil de prud’hommes de Montargis mais seulement en ce qu’il a débouté M. [S] [F] de sa demande de requalification de sa démission en prise d’acte de la rupture de son contrat de travail et en ce qu’il l’a condamné à verser à la SA Laboratoire Cevrai-FCV la somme de 298 368 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Dit n’y avoir lieu à écarter des débats les conclusions remises au greffe le 13 septembre 2023 par M. [S] [F] et les pièces présentées à leur appui ;

Dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer sur la demande indemnitaire de la S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V. dans l’attente de l’arrêt à intervenir dans l’instance opposant la S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V. à la société Immojed devant la cour d’appel d’Orléans (RG n°21/02141 et 21/03168) ;

Dit que M. [S] [F] a commis une faute lourde ;

Condamne M. [S] [F] à payer à la S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V. la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Condamne la S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V. à payer à M. [S] [F] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale ;

Dit que la démission de M. [S] [F] s’analyse comme une prise d’acte produisant les effets d’une démission ;

Déboute M. [S] [F] de ses demandes d’indemnité de préavis, d’indemnité légale de licenciement et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel de salaire au titre de la mise à pied et de rappel de salaire au titre de la classification conventionnelle ;

Déboute M. [S] [F] de ses demandes tendant à la remise de bulletins de paie, certificat de travail et attestation Pôle emploi « rectifiés » ;

Condamne M. [S] [F] à payer à la S.A. Laboratoire Cevrai F.C.V. la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et le déboute de sa demande à ce titre ;

Condamne M. [S] [F] aux dépens de l’instance d’appel, avec distraction au profit de la SCP 91 Degrés Avocats.

Et le présent arrêt a été signé par le conseiller et par le greffier

Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Xavier AUGIRON

 


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