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3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°393
N° RG 21/07898 – N° Portalis DBVL-V-B7F-SKAC
S.A.S. NEW WORLD WIND
S.C.P. SCP [T]
C/
M. [D] [K]
M. [Y] [J]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me RANCHERE
Me CORNET
Me SARRODET
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 08 Juin 2023 devant Madame Olivia JEORGER-LE GAC, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Septembre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTES :
S.A.S. NEW WORLD WIND immatriculée au RCS de PONTOISE sous le numéro 829 453 208, prise en la personne de son représentant légal y domicilié
[Adresse 6]
[Localité 9]
S.C.P. [T] prise en la personne de Maître [Z] [T], es qualités de Mandataire judiciaire de la société NEW WORLD WIND, nommé à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Pontoise du 16 octobre 2020
[Adresse 1]
[Localité 10]
Représentés par Me François RANCHERE, Postulant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Jean-Marie BERTHELOT, avocat au barreau de Rennes
Représentés par Me Frédéric GOURDAIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur [D] [K]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représenté par Me Benoît BOMMELAER de la SELARL C.V.S., Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Alexandre CORNET de la SELARL C.V.S., Plaidant, avocat au barreau de NANTESsubstitué par Me Jérémy ROVERE, avocat au barreau de Nantes
Monsieur [Y] [J]
né le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 12]
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représenté par Me Anne SARRODET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
M. [D] [K] est associé de la société NEW WIND R&D et titulaire d’un compte courant d’associé créditeur.
La société NEW WIND R&D était dirigée par M. [Y] [J].
Par jugement du 14 décembre 2016, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société NEW WIND R&D, puis le 08 mars 2017, converti la procédure en liquidation judiciaire.
Me [H] a été désigné liquidateur judiciaire.
Par ordonnance du 21 juin 2017, le juge commissaire a ordonné qu’il soit procédé à la vente par adjudication publique de l’ensemble des actifs, dont les brevets dépendants de la procédure collective.
La vente de trois brevets et de deux marques a été réalisée le 29 septembre 2017, pour un prix de 12.850,10 euros, par la SCP JUILLAN BOREL.
Il est apparu qu’une société NEW WORLD WIND a repris et exploite un certain nombre d’actifs de la société NEW WIND R&D et que M. [J] en est l’associé, détenant 48% des parts sociales.
Suivant jugement du 20 janvier 2020 le tribunal de commerce de Saint Brieuc a prononcé une peine d’interdiction de gérer d’une durée de dix années contre M. [J].
M. [K] a assigné la société NEW WORLD WIND et M. [J] afin de voir annuler la cession des actifs de la société NEW WIND R&D et de voir annuler la prise de participation de M. [J] au capital de la société NEW WORLD WIND.
Par jugement du 13 décembre 2021, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a:
– dit et jugé que les demandes de M. [K] sont recevables,
– dit et jugé que les demandes de M. [K] ne sont pas prescrites,
– iinterdit à la société NEW WORLD WIND d’exploiter et de céder les actifs de la société NEW WIND R&D, en particulier les brevets portant sur l’arbre à vent, sous astreinte de 1.000 euros par jour suivant la signification du jugement,
– jugé que M. [Y] [J] a violé les dispositions de l’article L642-3 du code de commerce,
– annulé purement et simplement l’acte à l’origine de la détention des parts sociales détenues par M. [J] au sein de la société NEW WORLD WIND,
– condamné M. [J] à mettre en oeuvre les formalités nécessaires en vue de la cession de sa participation sous astreinte de 1.000 euros à compter de la signification du jugement,
– débouté M. [J] et la SCP [T] ès-qualités de mandataire judiciaire de la société NEW WORLD WIND de leurs prétentions,
– condamné les mêmes à payer à M. [K] la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné les mêmes aux dépens,
– rejeté le surplus des demandes.
Appelants de ce jugement, la SAS NEW WORLD WIND et la SCP [T] prise en la personne de Me [T] ès-qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société NEW WORLD WIND ont demandé à la Cour :
IN LIMINE LITIS :
– De juger a bénéfice des sociétés NEW WORLD WIND et [T] es qualité de Mandataire Judiciaire de la société NEW WORLD WIND de l’avènement d’un fait nouveau portant sur lesdates de parutions de la vente aux enchères publiques fi xée au 29 septembre 2017,
– Dès lors de dire les sociétés NEW WORLD WIND et [T] es qualité de Mandataire Judiciaire de la société NEW WORLD WIND recevables et bien fondées en leur demande de fin de non-recevoir au visa des articles 122 du CPC et L 642-3 du Code de Commerce,
– De dire l’action introduite par M [D] [K] né le [Date naissance 5] 1954 à [Localité 11], de nationalité Française, demeurant [Adresse 2], prescrite de plein Doit,
– D’infirmer en conséquence le jugement rendu le 13 décembre 2021 par le Tribunal de Commerce de Saint Brieuc en toutes ses dispositions,
A TOUTES FINS, SUR LE FOND :
– De juger que la société NEW WORLD WIND qu’elle ne fut en rien adjudicataire des actifs mis aux enchères publiques le 20 septembre,
– De juger que la société NEW WORLD WIND et la SCP [T] es qualité de Mandataire Judiciaire de la société NEW WORLD WIND que cette dernière ne détient aucun droit quant à la propriété des actifs adjugés à son bénéfi ce le 29 septembre 2017,
– De juger que la société NEW WORLD WIND et la SCP [T] es qualité de Mandataire Judiciaire de la société NEW WORLD WIND du droit de la première à exploitation desdits actifs,
– De juger M [K] mal fondé en ses demandes, f ns et prétentions et de l’en débouter,
– De juger la mise hors de cause de la SCP [T] ès qualités de Mandataire Judiciaire de la SAS NEW WORLD WIND.
– D’infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 décembre 2021 par le Tribunal de Commerce de Saint Brieuc,
ET EN TOUT ETAT DE CAUSE :
– De condamner M [K] au paiement d’une somme 4.800€ ce au visa de l’article 700 du codede procédure civile, ainsi qu’au support des entiers dépens.
Par conclusions du 16 septembre 2022, M. [K] a demandé que la Cour:
– confirme le jugement déféré,
– condamne chacun des appelants à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– les condamne aux dépens.
Par conclusions du 20 juin 2022, M. [J] a demandé que la Cour:
– infirme le jugement déféré,
– dise et juge que M. [K] est irrecevable en son action, celle-ci étant prescrite,
– dise et juge que M. [K] est irrecevable faute d’intérêt à agir,
– dise et juge que M. [J] n’a pas violé les dispositions de l’article L642-3 du code de commerce,
– déboute M. [K] de toutes ses demandes,
– condamne M. [K] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamne aux dépens de premère instance et d’appel.
Durant le cours de son délibéré, la Cour a invité les parties à présenter leurs observations sur les questions suivantes:
– dans quelle mesure les dispositions de l’article L642-3 du code de commerce permettent à la juridiction d’ordonner d’autres mesures que l’annulation de la vente litigieuse et ou l’annulation du contrat dénommé ‘accord d’exploitation de brevets et d’actifs”
– dans quelle mesure la présence à la procédure de
– la société ACT, cessionnaire des brevets et concédante du droit d’exploitation,
– de la société NEW WIND R &D
étaient nécessaires’
La société NEW WORLD WIND et la SCP [T] ès-qualités de mandataire judiciaire ont déposé une note en délibéré le 29 juin 2023.
M. [K] a déposé une note le 30 juin 2023.
MOTIFS DE LA DECISION:
Sur la procédure d’appel:
Malgré un rappel du greffe valant mise en demeure en date du 21 mars 2022, M. [J] n’a pas acquitté le droit prévu par les dispositions de l’article 1635 bis P du code général des impôts.
Ses conclusions et pièces sont dès lors irrecevables par application des dispositions de l’article 963 du code de procédure civile.
Sur la recevabilité de l’action introduite par M. [K]:
Les dispositions de l’article L642-3 du code de commerce prévoient que:
Ni le débiteur, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni les parents ou alliés jusqu’au deuxième degré inclusivement de ces dirigeants ou du débiteur personne physique, ni les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure ne sont admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre. De même, il est fait interdiction à ces personnes d’acquérir, dans les cinq années suivant la cession, tout ou partie des biens dépendant de la liquidation, directement ou indirectement, ainsi que d’acquérir des parts ou titres de capital de toute société ayant dans son patrimoine, directement ou indirectement, tout ou partie de ces biens, ainsi que des valeurs mobilières donnant accès, dans le même délai, au capital de cette société.
Toutefois, lorsqu’il s’agit d’une exploitation agricole, le tribunal peut déroger à ces interdictions et autoriser la cession à l’une des personnes visées au premier alinéa, à l’exception des contrôleurs. Dans les autres cas, le tribunal, sur requête du ministère public, peut autoriser la cession à l’une des personnes visées au premier alinéa, à l’exception des contrôleurs, par un jugement spécialement motivé, après avoir demandé l’avis des contrôleurs.
Tout acte passé en violation du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter de la conclusion de l’acte. Lorsque l’acte est soumis à publicité, le délai court à compter de celle-ci.
La vente des brevets qui étaient la propriété de la société NEW WIND R&D a été réalisée par adjudication le 29 septembre 2017.
Cette vente aux enchères avait été précédée d’une publicité publiée les 21 et 23 septembre précédents, ainsi qu’il en est justifié par la société NEW WORLD WIND.
L’assignation est datée du 23 septembre 2020.
Toutefois, la publicité visée par le texte cité ci-dessus n’est pas la publicité préalable à la vente mais la publicité donnée à l’acte lui-même quand celui-ci est soumis à une obligation de publication: publication dans un livre foncier, publication dans un registre etc…
La publicité envisagée ne peut donc être qu’une publicité postérieure à la vente.
L’action de M. [K] n’est pas prescrite.
Sur le fond:
Les pièces versées aux débats démontrent que :
– la vente sur adjudication (le 29 septembre 2017) a conduit la société ATELIERS TRAVAUX CONCEPTION, société unipersonnelle dont le gérant est M. [R] [N] à devenir adjudicataire des brevets,
– la société ATELIERS TRAVAUX CONCEPTION a consenti, six jours plus tard, soit le 05 octobre 2017, un ‘accord d’exploitation de brevets et d’actifs’ à la SAS NEW WORLD WIND, immatriculée au RCS de NANTERRE, dont la présidente est son associée unique, la société LEK BETILIGUNGEN, dont le dirigeant est M. [R] [N],
– l’accord d’exploitation donne le droit, pour une durée indéterminée, à la société NEW WORLD WIND d’exploiter les brevets moyennant une redevance annuelle hors taxe de 15.000 euros;
le droit d’exploitation n’est pas limité dans le temps mais le paiement de la redevance est limité à une durée de cinq années, au delà duquel le droit d’exploitation sera réputé comme étant définitif sans qu’il soit assimilé à une cession de droit.
Le paiement des échéances de la redevance pourra être reporté sur simple demande de la société NEW WORLD WIND et aucun intérêt de retard ne sera dû,
– la société NEW WORLD WIND a modifié ses statuts le 25 avril 2019, s’est immatriculée au RCS de PONTOISE avec le même numéro que la précédente (le KBIS mentionnant le changement) et sont versés aux débats des statuts qui seraient des statuts fondateurs aux termes desquels seraient associés de la société M. [J], M. [U] et la société LEK BETILIGUNGEN.
L’extrait infogreffe versé aux débats vise toutefois une mise à jour des statuts antérieure, soit le 31 janvier 2019, concommitant à une assemblée générale extraordinaire emportant augmentation du capital social et transfert de la société à un autre RCS.
Cet enchainement démontre sans aucune difficulté une interposition de personnes visant à permettre à M. [J] d’acquérir des parts d’une société ayant dans son capital, directement ou indirectement, les brevets.
La société ATELIERS TRAVAUX CONCEPTION s’est interposée lors de l’adjudication de telle sorte que société NEW WORLD WIND ait dans son patrimoine les brevets cédés: l’acte intitulé ‘accord d’exploitation de brevets’ conclu six jours après l’adjudication des brevets est en fait un acte de mise à disposition gratuite des brevets au bénéfice de la société NEW WORLD WIND, définitif à l’issue d’un délai de cinq années.
M. [J] est ensuite, à une date inconnue de la cour, devenu associé de la société NEW WORLD WIND, comme le démontrent les statuts de cette société signés le 25 avril 2019, où il apparaît comme associé.
Sont ainsi annulables en vertu des dispositions précitées:
– l’acte de cession des actifs de la liquidation judiciaire de la société NEW WIND R&D à la société ATELIERS TRAVAUX CONCEPTION, celle-ci s’étant interposée au bénéfice de la société NEW WORLD WIND,
– l’acte intitulé ‘accord d’exploitation de brevets’, qui est l’instrument de l’interposition,
– l’acte par lequel M. [J] est devenu détenteur de parts sociales de la société NEW WORLD WIND.
Ne sont pas demandés par M. [K] l’annulation de l’acte d’adjudication non plus que l’acte intitulé ‘accord d’exploitation de brevets’.
Est demandée l’annulation de l’acte par lequel M. [J] est devenu détenteur de parts sociales au sein de la société NEW WORLD WIND et sa condamnation à mettre en oeuvre les formalités nécessaires à la cession de sa participation.
Toutefois, l’acte par lequel M. [J] est devenu détenteur de parts sociales au sein de la société NEW WORLD WIND n’est pas versé aux débats, alors même que l’extrait infogreffe constituant la pièce numéro 15 de M. [K] fait état du dépôt d’un procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire et d’une augmentation de capital de la société NEW WORLD WIND en date du 25 avril 2029.
Cette date est précisément la date de signature des statuts versés aux débats par M. [K] et qui font apparaître la présence de M. [J] comme associé de la société.
Pour autant, il n’est pas justifié que ce soit l’acte par lequel M.[J] est devenu détenteur de parts sociales, l’extrait infogreffe faisant aussi état, à la date du 31 janvier 2019 d’une assemblée générale extraordinaire avec augmentation du capital social et d’une modification des statuts.
La Cour ne peut annuler qu’un acte déterminé lui ayant été soumis, et après avoir vérifié que toutes les parties affectées par cette annulation sont présentes à la procédure, afin que cette annulation leur soit opposable.
En l’absence de cet acte, les prétentions de M. [K] sont rejetées, la Cour ne pouvant ni annuler l’acte ni enjoindre à M. [J] de céder ses parts sociales.
Enfin, le texte précité ne permet pas de faire interdiction à la société NEW WORDL WIND d’exploiter les brevets sans qu’aient été demandés l’annulation des actes lui permettant cette exploitation.
Consécutivement, M. [K] est débouté de ces demandes et le jugement déféré est infirmé de ces chefs.
Sur les frais irrépétibles et les dépens:
En raison des motifs qui précèdent, chacune des parties gardera à sa charge ses propres frais et dépens, de première instance comme d’appel.
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
Déclare irrecevables les conclusions et pièces de M. [J].
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a dit que les demandes de M. [K] sont recevables et non prescrites et en ce qu’il a dit que M. [J] a violé les dispositions de l’article L642-3 du code de commerce
Infirme pour le solde le jugement déféré.
Statuant à nouveau:
Déboute M. [K] du surplus de ses demandes.
Rejette les autres demandes.
Dit que chaque partie gardera à sa charge ses propres frais et dépens, de première instance comme d’appel;
LE GREFFIER LE PRESIDENT