Your cart is currently empty!
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 5
ARRET DU 18 JANVIER 2024
(n° 003/2024, 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 21/00868 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC5NH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Décembre 2020 – Tribunal de Commerce de Paris, 19ème chambre – RG n° 2019000603
APPELANTS
S.A.S. SAINT HONORE PRODUCTION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 479 699 373
[Adresse 1]
[Localité 4]
Maître [O] [J] ès qualités d’administrateur judiciaire au redressement de la SAS SAINT HONORE PRODUCTION, prononcé par le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 26 novembre 2021
[Adresse 7]
[Localité 6]
S.C.P. BTSG Prise en la personne de Maître [D] [M] ès qualité de mandataire judiciaire au redressement de la SAS SAINT HONORE PRODUCTION prononcé par le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 26 novembre 2021
immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 434 122 511
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentés par Me Charles-Hubert Olivier de la SCP LAGOURGUE & OLIVER, avocat au barreau de Paris, toque L0029
INTIMEE
S.A.S. AUDACIA prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 492 471 792
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Martine Leboucq Bernard de la SCP HUVELIN & associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R285
Assistée de Me Emmanuel d’Esparron, avocat au barreau de Marseille
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 26 Octobre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Nathalie Renard, présidente de la chambre 5.5
Madame Marilyn Ranoux-Julien, conseillère
Madame Marie-Annick Prigent, magistrate à titre honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Nathalie Renard dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Monsieur Maxime Martinez
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Nathalie Renard, présidente de la chambre 5.5 et par Madame Karine Abelkalon, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
La société Audacia est une société de gestion agréée par l’Autorité des Marchés Financiers qui investit pour le compte de ses mandants dans d’autres sociétés. A ce titre, la société Audacia intervient comme représentante des investisseurs souhaitant bénéficier d’avantages fiscaux, notamment d’une réduction de l’ISF lors de leur investissement et une exonération du montant investi pendant la durée de l’investissement.
La société Audacia sélectionne les sociétés, réalise ou fait réaliser des diligences comptables et fiscales, et elle assure “la gestion des relations de la société avec les porteurs des ADP2015 et ADP2015BIS” (reportings, suivi des assemblées générales, gestion du registre de titres, reçus fiscaux’) dans le cadre des protocoles d’accord conclus et du mandat de gestion confié par les souscripteurs dans les statuts.
La société Saint Honoré Production (SHP) exerce une activité de restauration. Elle est actionnaire de plusieurs sociétés.
La société SHP et la société Audacia ont conclu deux protocoles d’investissement les 11 mai 2015 et 7 décembre 2015.
En 2015, la société SHP a souhaité procéder à une augmentation de capital en vue du rachat d’un hôtel 2 étoiles.
En juin 2015, une première augmentation de capital de la société SHP a eu lieu pour la somme de 1 258 840 euros.
En décembre 2015, un investissement complémentaire de 715 350 euros a été réalisé.
Prétendant être intervenue dans l’intérêt de la société SHP pour permettre une levée de fonds équivalente à 1 974 190 et avoir conclu avec celle-ci deux protocoles prévoyant sa rémunération, reprise dans les statuts de la société SHP, la société Audacia a, par acte du 24 octobre 2018, assigné la société SHP en paiement de ses factures.
Une procédure de redressement judiciaire de la société SHP a été ouverte par un jugement du 24 septembre 2019.
Par acte des 4 et 7 novembre 2019, la société Audacia a assigné en intervention forcée les organes de la procédure collective.
Par jugement du 9 décembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a :
– joint les causes RG 2018059879 et RG 2019063278 ;
– fixé à la somme de 411 988,12 euros la créance de la société Audacia au titre de ses commissions à inscrire au passif de la procédure collective de la société SHP ;
– fixé à la somme de 4 000 euros la créance de la société Audacia au titre de l’article 700 du code de procédure civile à inscrire au passif de la procédure collective de la société SHP ;
– ordonné l’exécution provisoire ;
– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
– condamné les défendeurs aux dépens.
Par déclaration du 7 janvier 2021, la société SHP, M. [J], en sa qualité d’administrateur judiciaire, et la société BTSG, en sa qualité de mandataire judiciaire, ont interjeté appel du jugement en ce qu’il a :
– débouté la société SHP de sa demande tendant à voir dire et juger fictives les prestations réalisées en aval des augmentations de capital par la société Audacia ;
– débouté la société SHP de sa demande d’annulation des factures ;
– débouté la société SHP de sa demande de réduction des facturations ;
– fixé à la somme de 411 988,12 euros la créance de la société Audacia au titre de ses commissions à inscrire au passif de la procédure collective de la société SHP ;
– fixé à 4 000 euros la créance de la société Audacia au titre de l’article 700 du code de procédure civile à inscrire au passif de la procédure collective de la société SHP ;
– ordonné l’exécution provisoire ;
– débouté la société SHP de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société SHP et ses mandataires aux dépens.
Par leurs dernières conclusions notifiées le 23 février 2022, la société SHP, la société AJAssociés, commissaire à l’exécution du plan de redressement de la société SHP, et la société BTSG, mandataire judiciaire de la société SHP, demandent, au visa des articles anciens 1131, 1153 et 1315 du code civil, des articles 1832, 1833, 1844-10, 1984 et suivants du code civil, des articles L.232-15, L.622-13 et L.631-14 du code de commerce, et des articles 31, 117, 118, 122, 123, 147 et 563 du code de procédure civile, de :
A titre liminaire :
– constater que la société Audacia ne dispose d’aucun pouvoir pour agir contre la société SHP car ne justifiant ni d’un mandat général de représentation des porteurs d’ADP 2015 et d’ADP 2015bis, ni d’un mandat spécial pour agir en justice dans leurs intérêts ;
– en conséquence, déclarer nulle l’assignation de la société Audacia du 24 octobre 2018 et partant infirmer dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal ;
– constater que la société SHP n’est pas redevable des sommes qui seraient dues à la société Audacia ;
– en conséquence, déclarer la société Audacia irrecevable en toutes ses demandes pour défaut de qualité et d’intérêt pour agir et partant infirmer dans toutes ses dispositions le jugement ;
A titre principal :
– constater que la société SHP n’est pas redevable des sommes réclamées par la société Audacia au titre des protocoles et que, quand bien même les protocoles prévoiraient une telle rémunération au profit de la société Audacia, cette obligation serait privée d’effet pour cause illicite ;
– constater que les clauses 9, b) et 10, c) des statuts de la société SHP lui sont inopposables par la société Audacia ;
– constater que les clauses 9, b) et 10, c) des statuts de la société SHP ont un caractère léonin et contreviennent à l’interdiction des clauses d’intérêt fixe au profit des associés ;
– constater que les clauses 9, b) et 10, c) des statuts de la société SHP contreviennent aux dispositions impératives du second alinéa de l’article 1833 du code civil ;
– constater que les clauses 9, b) et 10, c) des statuts de la société SHP caractérisent des engagements perpétuels prohibés par la loi ;
– en conséquence, réputer non écrites et de nul effet les clauses 9, b) et 10, c) des statuts de la société SHP ;
– en conséquence, constater que la société SHP n’est pas redevable des sommes réclamées par la société Audacia au titre des clauses 9, b) et 10, c) des statuts ;
– constater, que les prétendues prestations pour lesquelles la société Audacia sollicite le règlement de certaines sommes, ont été en réalité accomplies dans les intérêts exclusifs de ses mandants en application des dispositions des articles 1984 et suivants du code civil ;
– en conséquence, constater que la société Audacia est créancière de ses mandants et non de la société SHP s’agissant du remboursement de sommes liées à des prestations réalisées dans le cadre de l’exécution de son mandat conformément aux dispositions de l’article 1999 du code civil ;
– en conséquence, débouter la société Audacia de l’intégralité de ses demandes ;
– en conséquence, infirmer dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce en date du 9 décembre 2020 ;
A titre subsidiaire :
– constater que le montant des prestations de la société Audacia est excessif ;
– en conséquence, réduire le montant des prestations de la société Audacia à la somme de 10 000 euros et partant infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 9 décembre 2020 ;
En tout état de cause :
– déclarer la société SHP recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions ;
– constater que la société Audacia ne rapporte ni la preuve du caractère abusif de la résistance de la société SHP au paiement des factures, ni d’un quelconque préjudice distinct des retards de paiement de ces factures et l’absence d’une telle faute comme d’un tel préjudice ;
– en conséquence, débouter la société Audacia de sa demande de dommages et intérêts ;
– condamner la société Audacia aux entiers dépens et à payer à la société SHP la somme de 20 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions notifiées le 11 novembre 2021, la société Audacia demande, au visa de l’article 1134 ancien du code civil, des articles 515 et 700, 561, 564, 567 et 910-4 du code de procédure civile, et des articles L622-22, L.622-23, L641-3, L. 227-8 et L.227-251 du code de commerce, de :
– confirmer le jugement en son intégralité, y ajoutant,
– constater que les demandes des appelants portant sur l’absence de mandat spécial sont des demandes nouvelles et dire les demandes nouvelles irrecevables ;
– juger que les demandes des appelants concernant (i) le prétendu caractère léonin de la rémunération Audacia, (ii) la prétendue contrariété des articles 9b) et 10b) des statuts à l’article 1833 du code civil, (iii) la prohibition des engagements perpétuels, (iv) le prétendu caractère excessif des prestations de la société Audacia sont irrecevables pour avoir été développées pour la première fois dans un second jeu de conclusions en appel ;
– constater que la société Audacia a permis l’augmentation de capital réalisée dans la société SHP en 2015 et qu’elle effectue de nombreuses prestations en qualité de représentante d’environ 1 600 porteurs d’ADP2015 et ADP2015BIS ;
– constater que la société SHP n’invoque plus la fictivité des prestations de la société Audacia, ni la prétendue illicéité de la cause, ni l’existence d’un acte anormal de gestion ;
– constater que la société SHP est débitrice de la société Audacia pour la somme de 506 749,24 euros TTC, somme arrêtée au 14 février 2020, hors pénalités contractuelles de retard et hors frais d’animation et de représentation des porteurs d’ADP 2015 et d’ADP 2015Bis au titre de l’exercice 2021 ;
En conséquence :
– fixer sa créance au passif du redressement de la société SHP à la somme de 506 749,24 euros TTC, avec intérêt à un taux directeur de la banque centrale majoré de 10%, calculé prorata temporis sur la base du nombre exact de jours écoulés à compter de la date d’exigibilité jusqu’au jour du paiement total et effectif, et d’un mois de 30 jours, outre la somme de 20 000 euros à titre de justes dommages-intérêts pour sanctionner sa résistance abusive, d’une particulière mauvaise foi à titre chirographaire ;
– débouter la société SHP de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles ;
– fixer sa créance à la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
– déclarer les dépens en frais privilégiés de justice.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 5 octobre 2023.
La société SHP n’a pas déposé ses pièces au greffe, malgré plusieurs demandes.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l’exception de nullité et des fins de non recevoir :
La société SHP soulève la nullité de l’assignation devant le tribunal pour défaut de pouvoir agir de la société Audacia, ainsi que l’irrecevabilité des demandes de la société Audacia pour défaut de qualité et d’intérêt à agir.
L’article 117 du code de procédure civile dispose :
“Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte :
Le défaut de capacité d’ester en justice ;
Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice ;
Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice.”
L’article 118 du même code énonce :
“Les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.”
L’exception de nullité fondée sur le défaut de pouvoir peut être proposée en tout état de cause et peut donc être invoquée pour la première fois en cause d’appel et en tout état de cause.
Cette exception de nullité, soulevée par la société SHP devant la cour, est dès lors recevable.
L’article 122 du code de procédure civile dispose que “constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.”
L’article 123 du même code énonce :
“Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.”
Les fins de non-recevoir soulevées par la société SHP de défaut de qualité et d’intérêt à agir peuvent être proposées en tout état de cause et soulevées pour la première fois en cause d’appel.
Soulevées par la société SHP devant la cour, elles sont dès lors recevables.
Sur la recevabilité des demandes de la société Audacia :
La société Audacia réclame le paiement d’honoraires de gestion en vertu de deux protocoles d’investissement conclus avec la société SHP les 11 mai 2015 et 7 décembre 2015.
L’article 3.4 b de chacun de ces protocoles stipule :
“Le représentant des porteurs des ADP2015 percevra une rémunération au titre de la mise en place des relations de la Société avec les porteurs des ADP2015. Cette rémunération sera égale à 10 % du montant total reçu par la Société au titre de la souscription des ADP2015 augmenté de la TVA et sera payée par prélèvement automatique sur le compte bancaire de la Société le premier jour ouvré du mois de juillet de l’année d’émission des ADP2015. Le représentant des porteurs des ADP2015 percevra par ailleurs une rémunération annuelle au titre de la gestion des relations de la Société avec les porteurs des ADP2015. Cette rémunération sera égale à 4 % du montant total reçu par la Société au titre de la souscription des ADP2015 augmenté de la TVA et sera payée par prélèvement automatique sur le compte bancaire de la Société chaque année le premier jour ouvré du mois de mars, étant précisé que pour l’année d’émission des ADP2015, la rémunération sera établie prorata temporis à compter de la souscription des ADP2015 et sera payée concomitamment au premier versement de la rémunération annuelle”.
“Le représentant des porteurs” des ADP2015BIS percevra une rémunération au titre de la mise en place des relations de la Société avec les porteurs des ADP2015BIS. Cette rémunération sera égale à 10 % du montant total reçu par la Société au titre de la souscription des ADP2015BIS augmenté de la TVA et sera payée par prélèvement automatique sur le compte bancaire de la Société le premier jour ouvré du mois de janvier 2016. Le représentant des porteurs des ADP2015BIS percevra par ailleurs une rémunération annuelle au titre de la gestion des relations de la Société avec les porteurs des ADP2015BIS. Cette rémunération sera égale à 4 % du montant total reçu par la Société au titre de la souscription des ADP2015BIS augmenté de la TVA et sera payée par prélèvement automatique sur le compte bancaire de la Société chaque année le premier jour ouvré du mois de mars”.
Il est précisé dans les protocoles que la “Société” désigne la société SHP et que les ADP sont des actions de préférence.
La société Audacia est, au sens de ces protocoles, le représentant des porteurs des ADP2015 et des ADP2015BIS.
Elle réclame le paiement de la rémunération stipulée pour son propre compte, et non pas au bénéfice des porteurs d’actions, ses mandants, et réglée par la société SHP.
Elle a dès lors qualité et intérêt à agir contre la société SHP.
Elle n’agit pas en qualité de mandataire des souscripteurs d’actions de préférence.
Elle n’a dès lors pas à justifier d’un mandat pour agir dans les intérêts des porteurs d’ADP.
Ses demandes sont recevables.
Sur la recevabilité des demandes en nullité de clauses de la société SHP :
Aux termes de l’article 71 du code de procédure civile, “constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l’adversaire.”
L’article suivant précise que “les défenses au fond peuvent être proposées en tout état de cause.”
L’article 564 du code de procédure civile dispose :
“A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.”
La société SHP demande de réputer non écrites et de nul effet les clauses 9, b) et 10, c) de ses statuts, afin de retenir qu’elle n’est pas redevable des sommes réclamées par la société Audacia au titre de ces clauses.
Ces moyens de nullité, dont certains ont été soulevés en première instance, tendent à faire écarter les prétentions de la société Audacia en paiement d’une rémunération. Ils constituent une défense au fond qui peut être proposée en tout état de cause conformément aux dispositions de l’article 72 du code de procédure civile.
Ils sont dès lors recevables.
Sur la nullité de clauses :
La société SHP demande de réputer non écrites et de nul effet les clauses 9, b) et 10, c) de ses statuts.
La société Audacia fonde ses demandes sur les articles 3.4 b des deux protocoles d’investissement conclus avec la société SHP les 11 mai 2015 et 7 décembre 2015.
Dès lors, le moyen de la société SHP tiré de l’inopposabilité des clauses 9, b) et 10, b) de ses statuts, est inopérant.
La société SHP soutient que l’article 3.4.b dont se prévaut la société Audacia pour réclamer une rémunération contractuelle correspondant à 4% du montant des souscriptions des ADP2015 et 2015bis n’est pas un article des protocoles mais une reproduction des dispositions statutaires de la société SHP, que les protocoles ne comportent aucun article 3.4.b mais uniquement un article 3.4 intitulé « Modification des Statuts » qui n’impose aucune autre obligation à la société SHP que celle de modifier ses statuts conformément à la rédaction qui y est indiquée.
Il ne peut qu’être constaté que les deux protocoles d’investissement conclus entre la société SHP et la société Audacia, les 11 mai 2015 et 7 décembre 2015, comporte chacun un article 3.4 b qui prévoit, au bénéfice de la société Audacia, et à la charge de la société SHP, une rémunération de 10 % du montant total reçu au titre de la mise en place des relations de la société SHP avec les porteurs des ADP, et une rémunération annuelle de 4 % du montant total reçu au titre de la gestion des relations de la société SHP avec les porteurs des ADP.
La société SHP soutient que la rémunération est illicite comme étant excessive et contraire à son objet social.
La société SHP a souhaité procéder à une augmentation de capital pour financer le développement de son activité.
Il est exposé, en préambule des protocoles d’investissement, et à l’article 1, que la société Audacia est mandatée par les souscripteurs des actions de préférence pour gérer en leur nom et pour leur compte tout ou partie des opérations de souscription, de cession ou de rachat portant sur des titres, de suivi des participations, de représentation, de perception des dividendes et autres revenus, d’information.
La clause est destinée à rémunérer la société Audacia, désignée comme représentant des porteurs des ADP, des prestations accomplies.
La société Audacia a effectué les diligences décrites dans les protocoles tant pour permettre l’augmentation du capital de la société SHP, que dans les relations entre les souscripteurs et la société SHP, s’occupant de la tenue du registre des actions de préférence, représentant les porteurs des actions de préférence, informant ces derniers, établissant des certificats de réduction et d’exonération d’impôts.
La clause, qui figure dans les statuts de la société SHP et qui est intégralement reprise dans les protocoles conclus entre la société SHP et la société Audacia, n’apparaît pas contraire à son objet social ou à l’intérêt social, les diligences effectuées par la société Audacia contribuant au bon fonctionnement de la société SHP.
La société SHP n’allègue aucun élément à l’encontre d’une libre négociation de cette clause, dont elle ne démontre pas le caractère excessif de la rémunération fixée annuellement à 4 % du montant total reçu par la société SHP au titre de la souscription des actions.
Elle a ainsi accepté le montant de la rémunération de la société Audacia qui n’est pas contraire à son intérêt social.
La société SHP argue, au soutien de la nullité de la rémunération, que l’article 1844-1 du code civil répute non écrites les dispositions exonérant un associé de la totalité des pertes et que l’article L.232-15 du code de commerce interdit et répute non écrite la stipulation d’un intérêt fixe ou intercalaire au profit des associés.
Cependant, ces dispositions concernent l’associé.
Or, la société Audacia réclame le paiement de sa rémunération correspondant à la gestion des relations entre la société SHP et les porteurs des actions de préférence, et non pas au titre de sa qualité d’associé de la société SHP. Cette rémunération ne relève pas des dispositions invoquées.
La société SHP soutient que les clauses instituent un engagement perpétuel, étant privée de la possibilité de le résilier.
L’article 11 du protocole d’investissement, intitulé “durée”, stipule :
“Le protocole prend effet à la date de signature des présentes et est conclu pour une durée de dix années à compter de la date d’augmentation de capital. Au terme de cette période de dix ans, et tant qu’il restera des ADP2015 au capital de la Société ou que les Souscripteurs détiendront des titres de la Société, le protocole sera renouvelé par tacite reconduction pour des périodes successives de deux années”.
Les clauses sont liées à la gestion des actions de préférence, et au mandat confié à la société Audacia, et n’instituent pas un engagement perpétuel de rémunération distinct des actions.
Le mandat de la société Audacia n’est pas perpétuel.
En conséquence, les clauses litigieuses n’encourent pas de nullité.
Sur la demande subsidiaire de révision :
La société SHP n’établit pas que la rémunération de la société Audacia n’aurait pas été librement négociée.
Il n’y a pas lieu de la réduire.
La demande de la société SHP sera rejetée.
Sur la créance de la société Audacia :
Les factures de la société Audacia sont dues.
La société Audacia a déclaré, le 23 octobre 2019, une créance de 411 988,12 euros TTC correspondant aux factures émises les 17 février 2016, 23 février 2017, 15 février 2018, et 15 février 2019 et ne peut solliciter la fixation d’une créance supérieure à la somme déclarée auprès du mandataire judiciaire.
La société Audacia réclame, en outre, le paiement de ses factures du 14 février 2020 au titre de la période de janvier à décembre 2019, et d’intérêts, qui n’ont pas fait l’objet d’une déclaration de créance.
En application des articles L. 622-28 et L. 631-14 du code de commerce, le cours des intérêts des créances nées antérieurement est arrêté définitivement par le jugement d’ouverture du redressement judiciaire.
Le jugement, qui a fixé à la somme de 411 988,12 euros la créance de la société Audacia au titre de ses commissions à inscrire au passif de la procédure collective de la société SHP, sera confirmé.
Sur la résistance abusive :
L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’étant pas, en soi, constitutive d’une faute, l’abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par la juridiction.
La société Audacia ne justifie pas d’un abus de droit commis par la société SHP dans l’exercice de son droit d’appel.
Le jugement, qui a rejeté sa demande en dommages et intérêts, sera confirmé.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
La société SHP succombe en appel.
Elle sera tenue aux dépens de première instance et d’appel, qui seront fixés au passif de sa procédure collective.
Le jugement, qui a rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles, sera confirmé.
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles exposés en appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Déclare recevables les exceptions de nullité et fins de non-recevoir soulevées par la société Saint Honoré Production, la société AJAssociés, commissaire à l’exécution du plan, et la société BTSG, mandataire judiciaire ;
Déclare recevables les demandes de la société Audacia ;
Confirme le jugement du 9 décembre 2020 du tribunal de commerce de Paris ;
Y ajoutant,
Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Fixe les dépens de première instance et d’appel au passif de la procédure collective de la société Saint Honoré Production.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE