Augmentation de capital : décision du 13 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/05388
Augmentation de capital : décision du 13 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/05388
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 8

ARRET DU 13 OCTOBRE 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/05388 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHKMZ

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 23 Février 2023 -Président du TC de PARIS – RG n° 2022059176

APPELANTE

Mme [C] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Régina LOPEZ RAMIREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : 257

INTIMÉE

S.A.R.L. ABC prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée et assistée par Me Victor EDOU de la SELARL EDOU – DE BUHREN ‘ HONORE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 septembre 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président et Rachel LE COTTY, Conseiller, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:

Florence LAGEMI, Président,

Rachel LE COTTY, Conseiller,

Patrick BIROLLEAU, magistrat honoraire

Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

A la suite du décès de [Z] [R], épouse [U], survenu le 12 avril 2012, ses cinq enfants, Mmes [H], [I] et [C] [U] et MM. [B] et [N] [U], sont devenus propriétaires indivis des murs et du fonds de commerce de l’hôtel situé [Adresse 2] à [Localité 4].

Le 2 mai 2012, Mmes [I] et [C] [U] et MM. [B] et [N] [U] ont créé la SARL ABC afin d’exploiter l’hôtel. Le capital social de la société, fixé à 1.000 euros, était divisé en 100 parts sociales de 10 euros chacune, réparties de façon égalitaire entre les quatre associés, soit 25 parts chacun. Mme [C] [U] a été désignée en qualité de gérante.

En 2016, le mandat de gérante de Mme [C] [U] a été révoqué et elle a été remplacée par MM. [U] en qualité de co-gérants puis par M. [B] [U].

Par lettre du 10 juin 2022, M. [B] [U] a convoqué une assemblée générale afin de délibérer, notamment, sur une augmentation du capital social.

A la date de cette assemblée générale, qui s’est tenue le 27 juin 2022, le capital social était divisé en 250 parts réparties de la façon suivante :

Mme [C] [U] : 25 parts ;

M. [B] [U] : 75 parts ;

Mme [I] [U] : 75 parts ;

M. [N] [U] : 75 parts.

Par acte du 19 décembre 2022, Mme [C] [U] a assigné la société ABC devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris afin de voir désigner un mandataire chargé de convoquer l’assemblée des associés avec l’ordre du jour suivant : modification des statuts aux fins de régularisation de l’augmentation de capital approuvée par l’assemblée générale du 27 juin 2022, de révocation du gérant et de nomination d’un nouveau gérant.

Par ordonnance du 23 février 2023, le juge des référés a :

dit n’y avoir lieu à référé, ni à application de l’article 700 code de procédure civile ;

renvoyé l’affaire à l’audience collégiale du 23 mars 2023, 16ème chambre, à 14 heures pour qu’il soit statué au fond ;

condamné Mme [C] [U] aux entiers dépens.

Par déclaration du 20 mars 2023, Mme [C] [U] a interjeté appel de cette décision en limitant son appel au chef de dispositif suivant « disons n’y avoir lieu à référé ».

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 25 août 2023, Mme [U] demande à la cour de :

réformer l’ordonnance entreprise ;

et statuant à nouveau,

juge que l’augmentation de capital votée au cours de l’assemblée générale de la société ABC du 27 juin 2022 et l’établissement d’un procès-verbal mensonger rend conforme à l’intérêt social la demande de désignation d’un mandataire en vue de régulariser cette augmentation de capital et de se prononcer sur la révocation du gérant et la désignation d’un nouveau gérant ;

désigner un mandataire chargé de convoquer l’assemblée des associés de la société ABC qui se déroulera dans l’immeuble situé [Adresse 2] et de fixer son ordre du jour suivant :

modification des statuts aux fins de régularisation de l’augmentation de capital approuvée par l’assemblée générale du 27 juin 2022 et d’entériner les souscriptions à cette augmentation ;

révocation du gérant et nomination d’un nouveau gérant ;

condamner la société ABC et son gérant, M. [B] [U], solidairement, à lui payer la somme de 5.000 euros pour résistance abusive et la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

condamner M. [B] [U], en qualité de gérant, solidairement avec la société ABC, à lui payer la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société ABC aux entiers dépens avec faculté de recouvrement au profit de Maître Lopez Ramirez conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 1er août 2023, la société ABC demande à la cour de :

à titre liminaire,

écarter des débats le procès-verbal de constat en date du 24 juin 2022 (pièce adverse n°42) ;

en toute hypothèse,

confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

débouter Mme [C] [U] de l’ensemble de ses demandes ;

la condamner au paiement d’une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entier dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 6 septembre 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

SUR CE, LA COUR,

Sur la demande principale de désignation d’un mandataire

Mme [C] [U] fonde sa demande de désignation d’un mandataire sur l’article L. 223-27, alinéa 7, du code de commerce, qui dispose que « tout associé peut demander en justice la désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée et de fixer son ordre du jour ».

L’article R. 223-20 du code de commerce précise que « le mandataire chargé de convoquer l’assemblée dans le cas prévu par le septième alinéa de l’article L. 223-27 est désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce statuant en référé ».

Mme [C] [U] soutient que la compétence attribuée au président du tribunal de commerce est une compétence spéciale qui n’exige pas que les conditions du référé soient réunies, de sorte que le premier juge ne pouvait refuser de statuer en référé et renvoyer l’affaire au fond au motif de l’existence de contestations sérieuses.

Elle ajoute que sa demande de désignation d’un mandataire chargé de convoquer une assemblée générale est fondée et conforme à l’intérêt social car elle a découvert, via les actes mis en ligne sur Infogreffe, qu’un faux procès-verbal avait été établi et signé par MM. [N] et [B] [U] concernant l’assemblée générale du 27 juin 2022.

Elle précise que ce procès-verbal, publié au registre du commerce et des sociétés de Paris, mentionne de façon mensongère que la sixième résolution relative à l’augmentation du capital social a été rejetée, alors que cette résolution a été adoptée à la majorité, ainsi qu’en atteste le procès-verbal de constat qu’elle a fait établir par un commissaire de justice, après avoir procédé à l’enregistrement – au vu et au su des associés présents – de cette assemblée générale.

Elle expose qu’elle a en vain sollicité la régularisation des statuts à la suite de l’augmentation de capital votée et demandé la convocation d’une nouvelle assemblée générale par lettre du 8 novembre 2022, ce qui lui a été refusé par le gérant. Elle estime que le gérant ne peut être maintenu dans ses fonctions après l’établissement d’un faux procès-verbal d’assemblée générale et que la convocation d’une assemblée générale s’impose donc pour se prononcer sur sa révocation.

Elle soutient encore que la décision prise lors de la nouvelle assemblée générale du 9 février 2023, qui a confirmé la décision de rejet de la résolution relative à l’augmentation du capital social, est constitutive d’un abus de majorité et n’a pas été prise dans l’intérêt social mais dans l’unique dessein de favoriser les associés majoritaires au détriment de l’associée minoritaire ayant seule souscrit à l’augmentation de capital.

La société ABC réplique que l’enregistrement de l’assemblée générale du 27 juin 2022 constitue un procédé déloyal de preuve et doit être écarté des débats, les associés et son gérant n’ayant jamais donné leur accord pour cet enregistrement, ajoutant que la retranscription est dépourvue de toute force probante, les échanges étant incompréhensibles.

Elle soutient que Mme [C] [U] tente de remettre en cause une décision prise à la majorité des associés et refusant l’augmentation de capital social, comme en atteste le procès-verbal de l’assemblée générale du 27 juin 2022.

Enfin, elle expose qu’une nouvelle assemblée générale a été convoquée le 9 février 2023, qui s’est déroulée en présence de l’ensemble des associés, dont Mme [C] [U], et que lors de cette assemblée, il a été confirmé que les résolutions relatives à l’augmentation de capital avaient bien été rejetées. Elle fait valoir que Mme [C] [U] tente en réalité d’obtenir seule une augmentation de capital expressément refusée par l’ensemble des autres associés et estime qu’il n’appartient pas au tribunal de se substituer au vote des associés.

La cour relève que la compétence attribuée au président du tribunal de commerce par les dispositions des articles L. 223-27, alinéa 7, et R. 223-20 du code de commerce est une compétence spéciale qui n’exige pas le constat de l’absence de contestation sérieuse au sens de l’article 872 du code de procédure civile.

Le seul critère d’appréciation du juge des référés est, en application de ces dispositions, la conformité de la demande à l’intérêt social (Com., 15 décembre 2021, pourvoi n° 20-12.307, publié), sans examen de l’opportunité de la décision envisagée ou des motifs de celle-ci.

Cependant, en l’espèce, la demande de désignation d’un mandataire chargé de convoquer une assemblée générale de la société ABC présentée par Mme [C] [U] est formée dans son intérêt personnel et non dans l’intérêt social.

Celle-ci souhaite en effet souscrire à une augmentation du capital social mais ne démontre nullement en quoi cette mesure serait justifiée par l’intérêt social.

Elle souhaite également la révocation du gérant, M. [B] [U], en raison des multiples conflits qui les oppose, mais sans que la conformité à l’intérêt social de cette mesure ne soit nullement démontrée.

Au-delà des longs développements de ses conclusions reprenant l’historique des relations conflictuelles entre les associés de la SARL, sans incidence sur la présente instance, le reproche qu’elle formule à l’encontre du gérant et justifiant selon elle sa révocation, est l’établissement d’un faux procès-verbal d’assemblée générale.

Or, ce faux n’est en rien établi, le procès-verbal de constat du commissaire de justice du 27 août 2022 qu’elle produit ne faisant que traduire des échanges incompréhensibles entre les frères et soeur associés de la société, sans aucune transcription de la décision prise. S’il n’y a pas lieu d’écarter des débats ce procès-verbal de constat, qui a été établi à partir d’enregistrements sonores effectués au vu et au su de tous les participants à l’assemblée générale et ne constitue donc pas un procédé déloyal, il est dépourvu de toute valeur probante s’agissant du sens du vote de la résolution n° 6 litigieuse relative à l’augmentation du capital social, aucune décision n’étant clairement retranscrite et le sens de la décision demeurant indéterminé.

En tout état de cause, la demande de Mme [C] [U] de convocation d’une nouvelle assemblée générale a été satisfaite par le gérant de la société ABC, qui a convoqué une nouvelle assemblée générale le 9 février 2023. Et il ne peut qu’être constaté que, lors de cette assemblée générale, à laquelle un commissaire de justice était présent pour retranscrire les votes, la décision du 27 juin 2022 de rejet de l’augmentation du capital social a été réitérée.

Il n’appartient pas à la cour, statuant avec les pouvoirs du juge des référés, de statuer sur un éventuel abus de majorité lors de cette assemblée générale, pas plus qu’il ne lui appartient, comme le relève l’intimée, de se substituer au vote des associés.

Faute d’établir que sa demande de demande de désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée est conforme à l’intérêt social, Mme [C] [U] ne peut qu’être déboutée de celle-ci.

La décision sera en conséquence confirmée, sauf à préciser que les demandes de l’appelante sont rejetées.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et en réparation du préjudice moral

Le rejet des demandes principales de Mme [C] [U] implique celui de ses demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive et préjudice moral, aucune faute de la société ABC et de son gérant n’étant établie.

Sur les frais et dépens

Mme [C] [U], partie perdante, sera tenue aux dépens d’appel et condamnée à payer à la société ABC, qui a dû engager de nouveaux frais de procédure, la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Dit n’y avoir lieu d’écarter des débats le procès-verbal de constat du 24 juin 2022 ;

Confirme l’ordonnance entreprise en ses dispositions dont il a été fait appel, sauf à préciser que les demandes de Mme [C] [U] sont rejetées ;

Y ajoutant,

Rejette les demande de dommages et intérêts formées par Mme [C] [U] ;

Condamne Mme [C] [U] aux dépens d’appel ;

La condamne à payer à la société ABC la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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