Augmentation de capital : décision du 13 février 2024 Tribunal judiciaire de Marseille RG n° 18/01766
Augmentation de capital : décision du 13 février 2024 Tribunal judiciaire de Marseille RG n° 18/01766
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TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 13 Février 2024

Enrôlement : N° RG 18/01766 – N° Portalis DBW3-W-B7C-UMZU

AFFAIRE : M. [G] [A] – Mme [X] [A] – M. [J] [A] ( la SELARL PIERRE ARNOUX AVOCAT)
C/ M. [L] [F] – M. [I] [F] (Me Jean-christophe SERVANT)

DÉBATS : A l’audience Publique du 12 Décembre 2023

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BERARD Béatrice,

Vu le rapport fait à l’audience

A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 13 Février 2024

Jugement signé par JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente et par BERARD Béatrice, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEURS

Monsieur [G] [A]
né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 28] (MAROC)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 12]

Monsieur [J] [A]
né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 24]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 10] – ETATS UNIS

Madame [X] [A]
née le [Date naissance 4] 1956 à [Localité 28] (MAROC)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 22]

Tous représentés par Maître Pierre ARNOUX de la SELARL PIERRE ARNOUX AVOCAT, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et par Maître Emmanuelle WEILL, membre de la SCP PALAZY-BRU & Associés, avocat plaidant au barreau d’ALBI

C O N T R E

DEFENDEURS

Monsieur [L] [F]
né le [Date naissance 7] 1947 à [Localité 17]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 15]

Monsieur [I] [F]
né le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 25]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 11]

Tous deux représentés par Me Jean-christophe SERVANT, avocat au barreau de MARSEILLE

EXPOSE DU LITIGE

[Y] [A] est décédé à [Localité 23] le [Date décès 8] 2013, laissant pour héritiers Madame [O], son conjoint survivant, avec laquelle il s’était marié sous le régime de la séparation de biens le [Date mariage 9] 1979, et ses trois enfants issus d’une précédente union : [J] [A], [G] [A] et [X] [A].

Madame [O] était bénéficiaire d’une donation entre époux, portant à son choix soit sur la pleine propriété de la quotité disponible, soit sur le quart en pleine propriété et les trois quarts en usufruit de tous les biens disponibles, soit de l’usufruit de tous les biens disponibles.

Madame [O] est décédée le [Date décès 16] 2015, laissant pour lui succéder ses deux enfants [L] [F] et [I] [F].

Par actes d’huissier en date des 2 et 19 janvier 2018, Monsieur [J] [A], Monsieur [G] [A] et Madame [X] [A] ont fait assigner [L] [F] et [I] [F] devant le Tribunal de grande instance de Marseille aux fins de voir :
– ordonner le partage des biens dépendant de la succession de Monsieur [Y], [S], [V] [A] né le [Date naissance 13] 1924 et décédé à [Localité 23] le [Date décès 8] 2013,
– commettre un Notaire pour procéder aux opérations de compte liquidation et partage de la succession, à l’exception de Me [U] [B], ainsi qu’un juge commis pour présider aux opérations en cas de difficultés conformément à la loi,
Préalablement aux opérations,
– ordonner une expertise en désignant tel expert qu’il plaira au Tribunal de nommer qui devra :
– réunir contradictoirement les parties et éventuellement consigner leurs dires et y répondre,
– se faire communiquer tout document utile à l’accomplissement de sa mission et le cas échéant entendre tout sachant à l’effet de :
– déterminer à la date du décès de Monsieur [Y] [A] la masse active et passive, mobilière et immobilière de sa succession, l’expert étant autorisé à cette fin à effectuer toute recherche auprès de FICOBA sur les comptes bancaires du défunt et ceux des héritiers,
– évaluer chacun des éléments à la date la plus proche du dépôt du rapport au besoin avec l’aide d’un sapiteur de son choix,
– préciser la consistance des donations effectuées par le de cujus, en évaluer l’objet au jour du décès et au jour du rapport an vue d’une réunion fictive ou d’un rapport.
– prendre connaissance du dossier, les parties présentes ou appelées,
– procéder à une évaluation à la date du décès des masses actives et passives du patrimoine de Monsieur [Y] [A] composant la succession en ceux compris les biens ayant pu faire l’objet de donation,
– plus généralement, énoncer toutes difficultés dont la solution sera jugée utile au règlement du différend opposant les parties
– entendre tout sachant et se faire remettre toute pièce par quiconque et enfin procéder à toute investigation nécessaire a l’accomplissement de sa mission.
– proposer un compte d’indivision prenant en considération tous les éléments d’un compte de gestion qui serait dû à l’indivision, les améliorations apportées par un coindivisaire et génératrice de plus-value, ainsi que les impenses nécessaires faites de ses deniers personnels pour la conservation du bien,
– rechercher si tous les biens successoraux peuvent être commodément partagés en nature et proposer dans l’affirmative des lots en vue de leur tirage au sort, dans la négative une mise à prix on vue de leur licitation,
– donner, dans l’hypothèse où l’une des parties demanderait l’attribution préférentielle d’un bien indivis, tout élément de fait permettant au Tribunal de savoir si les conditions exigées quant à l’objet et au bénéficiaire de l’attribution sont remplies,
– d’une manière plus générale, faire toute constatation et donner au Tribunal tout avis et tout élément utile à la solution du litige, notamment quant à l’existence de donations ou avantages indirects et quant à l’apurement des comptes entre les parties,
– s’expliquer sur les dires et observations des parties après les avoir informées avant le dépôt du rapport, de l’état de ses investigations sur l’ensemble des chefs de mission ci-dessus, à l’occasion d’une réunion de synthèse ou par la diffusion d’une note écrite ou d‘un pré rapport
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
– condamner les consorts [F] au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner les défendeurs aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître [Z] sur son affirmation de droit.

Par acte en date du 17 avril 2018, [L] [F] et [I] [F] ont fait assigner Maître [U] [B] et la SCP « [U] [B] – [20] » aux fins de voir:
– ordonner la jonction de la présente instance avec l’instance n°18/01766,
– entendre Maître [U] [B], Notaire, et la SCP [U] [B] – [20] intervenir aux opérations d’expertise sollicitées par les consorts [A],
– entendre le Tribunal en conséquence déclarer commune et exécutoire la décision ordonnant une expertise telle que sollicitée par les consorts [A] à Maître [U] [B], Notaire, et la SCP [U] [B] – [20],
– statuer ce que de droit sur les dépens de la présente instance.
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Les deux affaires ont fait l’objet d’une jonction par ordonnance en date du 22 mai 2018.

Par jugement en date du 25 juin 2019, le Tribunal a déclaré irrecevables les demandes formées par [L] [F] et [I] [F] à l’encontre de Maître [U] [B] et de la SCP [U] [B] – [20], ordonné la liquidation et le partage de l’indivision résultant de l’indivision résultant du décès de [Y] [A] né le [Date naissance 13] 1924 et décédé à [Localité 23] le [Date décès 8] 2013, commis Maître [N] [P], Notaire à [Localité 23], afin de procéder aux opérations et le juge de la mise en état du cabinet numéro 2 de la première chambre du tribunal de grande instance afin de surveiller lesdites opérations et débouté [J] [A], [G] [A] et [X] [A] de leur demande d’expertise.
Par courrier en date du 8 mars 2023, Maître [N] [P] a transmis au juge commis un procès-verbal de difficultés dressé le 6 mars 2023 intégrant un projet d’état liquidatif

Le 14 mars 2023, le juge commis a fait rapport au tribunal des points de désaccord subsistants, à savoir :

“Maître Jean-Christophe SERVANT représentant les consorts [F] a formulé les dires suivants :

“ 1) Sur l’évaluation des parts de la SCI [21]
Me SERVANT indique qu’il n’est pas contestable qu’au moment de la donation, la SCI [21] n’avait pas encore acquis l’immeuble que ladite société a acquis un instant de raison après.
A ce titre Me SERVANT confirme la nécessite d’une expertise à réaliser sur la valeur des parts de ladite société.
Me SERVANT conteste l’évaluation de la maison à 250 000,00 euros.
Il déclare que cette valeur déclarée de l’immeuble évaluée par l’expert à la somme de 250.000,00 euros correspond à son état actuel, mais non à la valeur du bien donné à l’époque du partage, en prenant en compte son état à l’époque de la donation.
Il précise également qu’il résulte de l’acte de donation de parts sociales reçu aux minutes de Maître [U] [B], notaire à [Localité 31], le 24 mai 1996, que “la présente donation sera rapportable en moins prenant pour moitié à la succession du donateur.”
Aux termes d’un courrier en date du 30 mai 2022, Me SERVANT a précisé ce qui suit littéralement retranscrit :
“Mes clients ne comprennent pas pourquoi, vous n’avez pas tenu compte de cette disposition. Car cette donation consentie par M [A] était pour moitié une simple contrepartie correspondant aux avantages potentiels acquis par celui-ci du fait de son mariage avec Madame [O].
Ainsi, outre la valeur des parts sociales à modifier pour tenir compte de la jurisprudence, il doit être aussi tenu compte du fait que le rapport ne portait que sur la moitié de la donation, Monsieur [A] ayant exclu expressément toute intention libérale pour la moitié de celle-ci.”

2) Sur la clause du rapport pour moitié
Me SERVANT confirme la disposition de l’acte de donation qui indique : “la présente donation sera rapportable en moins prenant pour moitié à la succession du donateur” en indiquant que cette donation consentie par le défunt était une simple contrepartie correspondant aux avantages potentiels acquis par celui-ci du fait de son mariage avec Mme [O].
Ce dernier précise en outre que le donateur a expressément exclu son intention libérale pour la moitié du bien, et que le projet de partage ne doit donc pas être rectifié à ce titre.

3) Sur l’intégration de la créance de Mme [O]
Les consorts [F] indiquent également que la créance de Madame [O] que souhaite voir intégrer les consorts [A] dans l’actif successoral, d’une somme de 14.317,55 euros, doit être considérée comme une contribution aux charges du mariage dans la mesure où Monsieur [Y] [A] l’avait expresément indiqué dans l’acte de donation-partage reçu par Maître [B], notaire à [Localité 31], le 11 décembre 1999.

En effet, le couple a profité jusqu’à son décès du bien immobilier et donc Monsieur [A] a aussi contribué aux frais d’entretien de ce bien en sa qualité d’usufruitier occupant, ces frais pouvant être qualifiés de contribution par lui aux charges du mariage.”
Maître Emmanuelle WEIL représentant Madame [X] [A] et Monsieur [G] [A] a formulé les dires suivants :

“ 1) Sur l’évaluation des parts de la SCI [21]
Me WEIL conteste le fait que lors de la donation, la SCI [21] n’était pas propriétaire de l’immeuble, et précise à ce titre que le siège de ladite société étant à l’adresse du bien, la SCI [21] ne pouvait pas être domiciliée dans un bien qu’elle n’aurait pas acquis antérieurement.
Me WEIL indique en outre que l’acquisition du bien n’a pas entraîné d’augmentation de capital de la SCI [21], du fait notamment que ladite société détenait les fonds nécessaires à l’achat avant la signature lors de la constitution de la société (260.000 francs pour l’acquisition de la nue-propriété par les consorts [F]-[O] et 260.000 francs réglés par M. [Y] [A] pour l’achat de l’usufruit).
Me WEIL indique au surplus qu’aucun document n’atteste que la donation des parts n’ait eu lieu avant l’acquisition du bien immobilier et, à ce titre, confirme que l’évaluation à prendre en compte dans le partage desdites parts est bien de 134 615,00 euros.
Me WEIL rappelle que l’évaluation du rapport à tenir compte dans l’acte de partage ne porte pas sur un immeuble mais sur des parts de société (SCI [21]).
Elle se réfère à la jurisprudence qui considère que les parts doivent être évaluées au jour du partage d’après l’état du patrimoine social au jour de la donation, sans tenir compte de la plus-value imputable au gratifié.
Elle indique notamment dans son courrier en date du 3 juin 2022 “qu’il n’a pas été démontré que la plus-value des parties sociales soit imputable à Madame [O]” et qu’il n’y a donc pas lieu de tenir compte des travaux effectué sur le bien immobilier.

2) Sur l’intégration de la créance de Mme [O]
Me WEIL confirme que pour apprécier l’indemnité de réduction due par la successsion, il convient d’intégrer à l’actif successoral la somme de 14 317,55 euros, somme qui doit être considérée comme une donation reçue de Monsieur [A].
Elle indique à l’appui de cette prétention notamment que Monsieur [A], eu égard à ses revenus confortables, contribuait largement aux charges du mariage.

3) Sur le calcul de l’indemnité de réduction
Me WEIL précise que l’indemnité de réduction de Mme [O] représente donc la somme de :
– Valeur de 3850 parts : 134.615 euros ;
– Donation 14.317,55 euros ;
– Avois financiers [18] 16.514,83 euros ;
– Avoirs financiers [19] 60.408,49 euros ;
Soit au total la somme de 225.855,87 euros.
Les droits de Madame [O] sont d’1/4 soit 56.463,96 euros.
Ayant reçu 148.932,55 (134.615 + 14.317,55), Madame [O] doit une indemnité de réduction de 92.468,59 euros.”

Monsieur [J] [A] n’a pas formalisé de dires particuliers et a indiqué par courriel du 30 janvier 2023 s’en remettre à la décision du tribunal.

Pour un plus ample exposé des points de désaccords persistants entre les copartageants, il convient de se renvoyer à la lecture des courriers annexés au rapport, soit les courriers en date du 2 février 2023 de Maître Jean-Christophe SERVANT et du 31 janvier 2023 de Maître Emmanuelle WEIL.”

Dans leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 11 septembre 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour plus ample exposé des moyens, [G] [A] et [X] [A] demandent au Tribunal de :
– rejeter toutes prétentions contraires comme injustes et mal fondées,
– juger n’y avoir lieu à expertise judiciaire,
– fixer la valeur des 3.850 parts de la SCI [21] immatriculée au RCS de GAP sous le numéro [N° SIREN/SIRET 14] dont le siège social est situé [Adresse 27] à la somme de 134.615 €,
– juger que constitue un rapport spécial en moins prenant, les libéralités reçues par Madame [O] par imputation sur ses droits légaux de conjoint survivant,
– juger que la clause de rapport pour moitié de la donation des parts sociales reçue par Me [B], Notaire, le 24 mai 1996 est inapplicable,
En conséquence,
– fixer à la somme de 134.615 € la valeur des parts sociales à imputer en totalité sur les droits de Madame [O] dans la succession de Monsieur [Y] [A],
– juger que la somme de 14.317,55 € constitue une libéralité,
En conséquence,
– fixer à la somme de 14.317,55 € la donation reçue par Madame [O] à imputer en totalité sur les droits de Madame [O] dans la succession de Monsieur [Y] [A],
En conséquence,
– fixer à la somme de totale de 148.932,55 € le montant des libéralités reçues par Madame [O] de Monsieur [Y] [A] à imputer sur sa part successorale,
– fixer le montant de « l’indemnité de réduction » due par la succession [O] à Madame [X] [A] et Monsieur [G] [A] et Monsieur [J] [A] à la somme de 92.468,59 €,
En conséquence,
– condamner Monsieur [L] [F] et Monsieur [I] [F] à payer la somme de 92.468,59 € à Madame [X] [A] et Monsieur [G] [A] et Monsieur [J] [A] soit 1/3 pour chacun,
– renvoyer les parties devant Maître [P], Notaire commis, pour établir l’acte constatant le partage,
– juger que les dépens passeront en frais privilégiés de partage en ce compris le coût de l’expertise de Monsieur [E] d’un montant de 1.057,23 €,
– condamner Monsieur [L] [F] et Monsieur [I] [F] aux frais liés à l’acte constatant le partage,
– condamner Monsieur [L] [F] et Monsieur [I] [F] à payer à Madame [X] [A] et Monsieur [G] [A] la somme de 6.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de leurs prétentions, ils exposent que les parts sociales doivent être évaluées en fonction de la valeur partage selon l’état au jour de la donation; qu’il était de l’intention de Monsieur [Y] [A] de faire donation à son épouse de ses parts sociales de la SCI [21], afin que celle-ci, in fine soit majoritaire au sein de la SCI, pour que les héritiers réservataires de Monsieur [A] n’aient aucun droit sur l’immeuble; que lors de sa constitution, la SCI [21] avait déjà fixé son siège social [Adresse 30], à savoir l’adresse du bien acquis en nue-propriété par la SCI, ce qui implique que lors de la donation des 3.850 parts sociales de la SCI [21], cette dernière avait déjà acquis la nue-propriété de ce bien; qu’il y a donc lieu d’évaluer la valeur des parts sociales de la SCI [21] en fonction de son actif au jour du partage, constitué uniquement par l’immeuble; qu’ainsi les 3.850 parts sociales doivent être évalués à la somme de 134.615 € compte-tenu de l’évaluation faite par Monsieur [E] le 23 juin 2020; qu’en effet, cette évaluation du bien immobilier a été réalisée en présence des consorts [F], sans contestation de leur part et sans qu’ils ne fassent état de ce que Madame [O], donataire, aurait financé à titre personnel des travaux d’amélioration; qu’ils déplorent que le Notaire n’ait pas suggéré avant janvier 2023 la nécessité d’ordonner une expertise pour établir la valeur nette des parts de la société au jour du partage d’après état du patrimoine social au moment de la donation, en prenant en compte les éventuels revenus de la société et aux compte courant d’associé; qu’en tout état de cause, aucun bilan de la SCI n’a été établi depuis sa constitution; que le choix fait par les consorts [F] [O] [A] de constituer la SCI pour l’acquisition de la nue-propriété du bien immobilier a pour conséquence qu’il convient d’effectuer une analyse des comptes de la société et non une simple constatation de l’état du bien immobilier appartenant à la société afin d’apprécier si Madame [O], associée gérante, est à l’origine de la plus-value apportée à la valeur des parts sociales; qu’ainsi, l’expertise sollicitée par les consorts [F] ne pourra pallier ce défaut de preuve, de sorte qu’elle se révèlera inutile; que dans ces conditions, et à supposer qu’une plus-value soit liée à des travaux d’aménagement, les consorts [F] ne rapportant pas la preuve que Madame [O] y ait contribué personnellement, la plus-value peut être prise en compte pour résulter d’une cause étrangère au gratifié; que la valeur des parts de la SCI doit donc être évaluée au regard du seul actif immobilier de la société, dont Monsieur [Y] [A] réglait manifestement toutes les charges liées à l’entretien en ce compris les taxes foncières.
Ils ajoutent que les consorts [F] doivent un rapport spécial en moins prenant de la somme de 134.615 € au titre de la valeur des parts sociales de la SCI [21], de sorte qu’il conviendra de calculer l’indemnité de réduction due par les consorts [F] en tenant compte de ce rapport spécial; qu’en effet, ainsi que l’a indiqué Maître [P], il convient d’interpréter l’acte de Maître [B] en considérant qu’il ne s’agissait pas d’un rapport mais d’une imputation et d’une indemnité de réduction devant s’opérer sur la totalité de la donation.
Ils soutiennent encore que la somme de 14.317,55 € (32.518 Frs + 61.399 Frs) apporté par Monsieur [A] au financement de l’appartement de Madame [O] à [Localité 26] constitue une donation qui doit être également intégrée au partage, puisqu’en renonçant à cette créance, Monsieur [Y] [A] s’est dépouillé irrévocablement avec une intention libérale au bénéfice de Madame [O], cette remise de fonds excédant manifestement la contribution aux charges du mariage.
Ils en concluent que la succession [O] est redevable d’une indemnité de réduction de 92.468,59 € au profit des héritiers réservataires.

Dans leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 16 octobre 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour plus ample exposé des moyens, [L] [F] et [I] [F] demandent au Tribunal de :
– retenir la valeur des parts de la SCI [21] à la valeur nominale de celle-ci, seule valeur composant le capital social et patrimoine de celle-ci au moment de la donation, soit à la somme de 58.686,16 euros,
– désigner au besoin tel expert habituel avec mission de déterminer la valeur nette des parts de la SCI [21], au jour du partage d’après leur valeur retenue à 58.686,16 euros au moment de la donation, en prenant en compte des éventuels revenus de la société et/ou les comptes courants d’associés,
Subsidiairement, dans l’hypothèse contestable et contestée où ce bien immeuble serait entré dans le patrimoine et donc dans le capital de la SCI [21] avant la donation de ses parts par Monsieur [A] à Madame [O],
– ordonner une expertise de la valeur du bien immeuble à l’époque du partage en tenant compte de son état à l’époque de la donation,
– faire application de la stipulation expresse de Monsieur [A] dans l’acte de donation du 24 mai 1996, selon laquelle seule la moitié de la donation des parts sociales est rapportable à sa succession.
– débouter les consorts [A] de leur demande tendant à voir fixer la valeur des parts de la SCI [21] à la somme de 134.615 euros,
– débouter les consorts [A] de leur demande d’intégration à l’actif de la succession de la somme de 14.317,55 €,
– débouter les consorts [A] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
– renvoyer les parties devant Maître [P], notaire, pour qu’il établisse l’acte de partage successoral conformément aux difficultés tranchées par la décision à intervenir,
– les condamner à leur payer la somme de 6.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
– statuer ce que de droit sur les dépens de la présente instance.

Ils soutiennent que la SCI a été constituée, puis la donation effectuée et enfin le bien immeuble de Ribiers acquis, puisque si la donation avait été ultérieure à l’acquisition, l’acte de donation aurait mentionné l’entrée dans le patrimoine de la SCI de ce bien immeuble; qu’en tout état de cause, l’immeuble acquis était totalement différent de l’état dans lequel il se trouve actuellement puiqu’il a fait l’objet de travaux.
Ils affirment que seule la moitié de la donation du 24 mai 1996 est rapportable à la succession de Monsieur [A], et que d’ailleurs les consorts [A] dans leur acte introductif d’instance et dans leurs conclusions postérieures ont toujours revendiqué le rapport de la moitié de la valeur des parts sociales, reconnaissant ainsi en justice et de façon incontestable la portée de la clause stipulée par leur père.
Ils précisent que les consort [A] ne démontrent nullement ce qui justifierait que soient réintégrées dans la succession les sommes engagées par Monsieur [A] relatives à son occupation des biens dont il avait la jouissance avec son épouse, dont une partie a été justement qualifiée par celui-ci de contribution aux charges du mariage.

La procédure a été clôturée à la date du 24 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les articles 1373 et suivants du Code de procédure civile disposent qu’en cas de désaccord des copartageants sur le projet d’état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmet au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d’état liquidatif, de façon à ce que le tribunal statue sur les points de désaccord. Il homologue l’état liquidatif ou renvoie les parties devant le notaire pour établir l’acte constatant le partage.

Les points de désaccord qui subsistent concernent l’évaluation des parts de la SCI [21], la clause de rapport pour moitié figurant dans l’acte de donation, et l’existence d’une créance de Madame [O].

Sur l’évaluation des parts de la SCI [21]

Madame [O] a bénéficié d’une donation de parts sociales de la SCI [21].

Les demandeurs considèrent que les parts sociales doivent être évaluées au jour du partage en tenant compte du patrimoine immobilier de la SCI [21] constitué par un immeuble, tandis que les consorts [F] estiment qu’elles doivent être évaluées à leur valeur nominale au moment de la donation sans tenir compte du patrimoine immobilier de la SCI, et à titre subsidiaire, demandent qu’une expertise soit ordonnée pour tenir compte des travaux d’amélioration réalisés.

Il résulte des pièces versées aux débats que suivant acte reçu le 24 mai 1996 au rang des minutes de Maître [U] [B], Notaire à Sisteron, la SCI [21] a été constituée entre [Y] [A] apportant en numéraire la somme de 385.000 francs, [M] [O] apportant en numéraire la somme de 275.000 francs, [L] [F] apportant en numéraire la somme de 275.000 francs et [I] [F] apportant en numéraire la somme de 275.000 francs.
Le capital social a ainsi été fixé à 715.000 francs et divisé en 7.150 parts sociales d’un montant nominal de 100 francs chacune, réparties entre les associés en proportion de leurs apports respectifs, soit :
– [Y] [A] : 3850 parts,
– [M] [O] : 2750 parts,

– [L] [F] : 275 parts,
– [I] [F] : 275 parts.

Suivant acte reçu le 24 mai 1996 au rang des minutes de Maître [U] [B], [Y] [A] a fait donation en pleine propriété de ses 3.850 parts sociales de la SCI [21] au profit de [M] [O].
Cet acte de donation précise que le capital social de la SCI s’élève à la somme de 715.000 francs et que la donation sera rapportable en moins prenant conformément à l’article 860 alinéa 1 et 2 du Code civil pour moitié à la succession de [Y] [A].
Il précise encore : “Le capital social de cette société a été divisée en 7.150 parts sociales de 100 Francs chacune…depuis il n’a été apporté aucune modification aux statuts de cette société, et il n’a été réalisé aucune augmentation de capital depuis, ni aucune cession de parts, ainsi que les comparants le déclarent expressément au notaire soussigné.”

Suivant acte reçu le 24 mai 1996 au rang des minutes de Maître [U] [B], [C] [R] a vendu à la SCI [21] la nue propriété et à [Y] [A] l’usufruit d’un immeuble situé sur la commune de [Localité 29] cadastré section A numéros [Cadastre 5] à [Cadastre 6] pour une contenance totale de 02ha 02a 85ca, moyennant le prix de 520.000 francs.

L’acte de donation du 24 mai 1996 n’indique pas que la SCI [21] vient d’acquérir un immeuble. En outre, il se réfère à un capital social de 715.000 francs et ne fait nullement référence à l’entrée de l’immeuble dans le patrimoine de la SCI.

Le fait que la SCI [21] ait fixé son siège au lieu de l’immeuble ne permet pas d’en déduire que l’acquisition aurait eu lieu avant la donation car il est d’usage de fixer le siège social d’une SCI lors de sa constitution au lieu de l’immeuble dont elle projette l’acquisition.

Les demandeurs soutiennent qu’il doit être tenu compte de la volonté de [Y] [A] de vider son patrimoine de droits mobiliers ou immobiliers au préjudice de ses héritiers réservataires.
Ils ne fournissent cependant aucune pièce de nature à établir cette volonté, ni que le bien est entré dans le patrimoine de la SCI avant la donation.
Il ressort des élements produits que [Y] [A] a souhaité acquérir cet immeuble en en gardant l’usufruit et en laissant la nue-propriété à la SCI.

Il y a donc lieu de retenir la chronologie suivante : constitution de la SCI, donation entre époux, puis acquisition du bien immobilier par la SCI.

Dès lors, pour déterminer la valeur du bien donné à la date du partage, d’après son état à l’époque de la donation, il convient de considérer que la SCI venait d’être constituée à la date de la donation, qu’elle n’était pas encore propriétaire de l’immeuble, et que la valeur nominale unitaire d’une part était de 100 francs.

Il n’est pas établi l’existence de revenus de la société ni de comptes courants d’associés, de sorte que la valeur de la part sociale donnée doit être évalue à 100 francs.

La valeur des parts au moment de la donation était donc de 385.00 francs, soit 58.686,16 euros.

Pour déterminer la valeur des parts sociales d’une SCI, il y a lieu d’ajouter l’ensemble des actifs, y compris la trésorerie comptabilisée sur le compte bancaire, au montant du bien immobilier, et de soustraire les dettes de la SCI pour obtenir un actif net. La division de ce dernier par le nombre de parts total que comprend le capital de la société civile immobilière permet d’obtenir le prix unitaire.
L’évaluation doit être faite à la date la plus proche possible du partage.

A la date de la donation, le bien immobilier ne faisait pas partie de la SCI; il n’est pas contesté que la SCI [21] ne détient que ce bien immeuble et qu’aucun bilan n’a été établi; dès lors, il n’est pas nécessaire d’ordonner une expertise pour évaluer la valeur des parts sociales mais de retenir une valeur de 58.686,16 euros.

Sur la clause du rapport de moitié

L’ acte de donation du 24 mai 1996 contient une clause intitulée “rapport et imputation de la donation” qui prévoit que la donation sera rapportable en moins prenant conformément aux dispositions de l’article 860 alinéa 1 et 2 du Code civil pour moitié à la succession de [Y] [A], donateur.
Selon les consorts [F], le rapport ne porterait que sur la moitié de la donation, Monsieur [A] ayant exclu expressément toute intention libérale pour la moitié de celle-ci.

Aux termes de l’article 758-6 du Code civil « Les libéralités reçues du défunt par le conjoint survivant s’imputent sur les droits de celui-ci dans la succession. Lorsque les libéralités ainsi reçues sont inférieures aux droits définis aux articles 757 et 757-1, le conjoint survivant peut en réclamer le complément, sans jamais recevoir une portion des biens supérieure à la quotité définie à l’article 1094-1. »

Dès lors, et même si l’imputation n’est pas techniquement un rapport, elle opère à la manière du rapport en moins prenant puisque la libéralité imputée vient en déduction de la part successorale du conjoint survivant gratifié.
Si la libéralité excède le montant de la quotité disponible, elle est alors sujette à réduction.
Selon l’article 924-2 du Cdoe civil, le montant de l’indemnité de réduction se calcule d’après la valeur des biens donnés ou légués à l’époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet. S’il y a eu subrogation, le calcul de l’indemnité de réduction tient compte de la valeur des nouveaux biens à l’époque du partage, d’après leur état à l’époque de l’acquisition. Toutefois, si la dépréciation des nouveaux biens était, en raison de leur nature, inéluctable au jour de leur acquisition, il n’est pas tenu compte de la subrogation.

En réalité, ainsi que le retient à juste titre Maître [P] Notaire, le terme de rapport paraît impropre et il est plus approprié de parler d’imputation et d’indemnité de réduction, qui doit s’opérer sur la totalité de la donation.

Sur la créance de Madame [O]

Les demandeurs sollicitent que la somme de 14.317,55 euros soit qualifiée de donation déguisée et qu’en conséquence cette libéralité s’impute sur les droits légaux de Madame [O], conjoint survivant.
Les consorts [F] considèrent que la somme de 14.317,55 € est une contribution aux charges du mariage.

Aux terme de l’acte d’acquisition du bien immobilier sis à [Localité 26], il est indiqué que Monsieur [Y] [A] a apporté une somme totale 32.518 Frs + 61.399 Frs, soit 14.317,55 €, pour le financement d’un bien immobilier appartement à Madame [O], mais que cette participation était « considérée par les époux comme consistant en la juste compensation de la participation de Madame aux travaux du ménage et en la compensation de sa participation excédentaire aux charges du ménage».

Les demandeurs soutiennent que cette remise de fonds en faveur de Madame [O] excédait manifestement la contribution aux charges du mariage de Monsieur [A], rappelant qu’il disposait d’un patrimoine mobilier conséquent.

Les défendeurs indiquent que Monsieur [A] avait un revenu trois fois supérieur à celui de son épouse, laquelle avait en outre perdu son droit à une pension de réversion de son premier époux suite à son mariage avec Monsieur [A], ce qui n’est pas contesté par les parties.

Il y a lieu de s’en tenir à la commune volonté des parties et de considérer cette somme comme une contribution aux charges du mariage, d’autant plus qu’elle ne paraît pas excessive compte tenu des revenus de Monsieur [A] et de ceux de son épouse.

Sur le partage

Il y a lieu de relever que le notaire a fait une juste appréciation des droits des parties.

Les droits de Madame [O] dans la succession de son époux sont d’un quart en pleine propriété soit la somme de 33.902,37 euros, correspondant à un quart de l’actif:
Comptes bancaires [18] : 16.514,83 €
Comptes bancaires [19] : 60.408,49 €
Donations reçues : 58.686,16 euros
TOTAL : 135.609,48 euros.

Madame [O], qui a reçu la somme de 58.686,16 euros, est donc redevable d’une indemnité de réduction de la différence, soit 24.783,79 euros.

Il y a lieu de renvoyer les parties devant le notaire pour établir l’acte constatant le partage conformément aux dispositions du présent jugement. Les opérations de clôture seront effectuées par le notaire avec attribution définitive des sommes.

Le présent jugement clôturant la procédure de partage judiciaire, il convient de liquider les dépens, en ce compris les frais d’expertise, qui seront employés en frais privilégiés de partage.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

Vu le projet d’état liquidatif établi par Maître [N] [P] le 6 mars 2023 ;

Déboute [G] [A] et [X] [A] de leur demande d’intégration à l’actif de la succession de la somme de 14.317,55 € ;

Fixe à la somme de 58.686,16 euros le montant des libéralités reçues par [M] [O] de la part de [Y] [A] à imputer sur sa part successorale ;

Dit que l’indemnité de réduction due par les ayant-droits de [M] [O] s’élève à 24.783,79 euros ;

Renvoie les parties devant Maître [N] [P], Notaire, afin qu’il soit procédé à l’établissement par ses soins de l’acte constatant le partage conformément au projet d’état liquidatif du 6 mars 2023 et aux prescriptions du présent jugement ,

Dit que les dépens, en ce compris les frais d’expertise, seront employés en frais privilégiés de partage;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

AINSI JUGE ET PRONONCE ET MIS A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE13 FEVRIER 2024.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

 


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