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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 29Z
DU 12 SEPTEMBRE 2023
N° RG 21/01961
N° Portalis DBV3-V-B7F-UMYT
AFFAIRE :
Epoux [F]
C/
S.A.S. SUEZ RV PLASTIQUES ATLANTIQUE anciennement REGENE ATLANTIQUE,
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Décembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de PONTOISE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 15/01505
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Me Sandrine FRAPPIER,
-la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dont le délibéré a été prorogé le 13 juin 2023, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :
Monsieur [M], [H], [P] [F]
né le 27 Juillet 1954 à [Localité 14] [Adresse 2]
de nationalité Française
et
Madame [L], [O], [C] [D] épouse [F]
née le 19 Juin 1957 à [Localité 21]
de nationalité Française
demeurant tous deux [Adresse 9]
[Localité 10]
représentés par Me Sandrine FRAPPIER, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 181 – N° du dossier DAUVIN
Me Stéphane SERVANT de la SELEURL LSA PARIS, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : P0572
APPELANTS
****************
S.A.S. SUEZ RV PLASTIQUES ATLANTIQUE anciennement REGENE ATLANTIQUE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
N° SIRET : 451 789 192
Avenue du 8-Mai-1945
[Localité 11]
S.A. SUEZ RV FRANCE, anicennement SITA FRANCE,
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
N° SIRET : 775 690 035
[Adresse 3]
[Adresse 22]
[Localité 14]
S.A. SUEZ RV ILE DE FRANCE VITRY anciennement CYCLEADE
pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
N° SIRET : 401 217 542
[Adresse 4]
[Localité 16]
S.A. HTP
pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
N° SIRET : 403 211 451
[Adresse 3]
[Adresse 22]
[Localité 14]
S.A.R.L. F.E.E SERVICE
pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
N° SIRET : 424 214 765
[Adresse 3]
[Adresse 22]
[Localité 14]
S.A.S. SUEZ RV PLASTIQUES OUEST anciennement SITA RECYCLING POLYMERS
pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
N° SIRET : 448 258 798
[Adresse 7]
[Localité 13]
S.A.S. SUEZ RV RECYCLAGE anciennement SITA RECYCLAGE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
N° SIRET : 404 360 869
[Adresse 3]
[Adresse 22]
[Localité 14]
S.A.S. REGENE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
N° SIRET : 429 956 832
[Adresse 3]
[Adresse 22]
[Localité 14]
représentées par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2165849
Me Bruno CAVALIE de la SELARL RACINE, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : L0301
INTIMÉES
****************
S.A.R.L. MONTCARVILLE INVESTISSEMENTS
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
N° SIRET : 403 155 690
[Adresse 9]
[Localité 10]
Madame [B], [S], [T] [F]
née le 05 Octobre 1990 à [Localité 14] [Adresse 1]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 14]
Monsieur [U], [CE], [Z] [F]
né le 05 Octobre 1990 à [Localité 14] [Adresse 1]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 14]
S.C.I. LA HURIE
représentée par son gérant, M. [X] [F]
N° SIRET : 493 181 267
[Adresse 8]
[Localité 14]
S.C.I. PRASSALAT
représentée par sa gérante, Mme [L] [F]
N° SIRET : 454 057 511
[Adresse 8]
[Localité 14]
S.C.I. ITHAQUE ENVIRONNEMENT
représentée par son gérant, M. [X] [F]
N° SIRET : 502 576 143
[Adresse 8]
[Localité 14]
S.A.R.L. [Adresse 17]
représentée par son gérant, M. [X] [F]
N° SIRET : 498 404 524
[Adresse 8]
[Localité 14]
S.A.R.L. [F] FINANCE
représentée par son gérant, M. [X] [F]
N° SIRET : 494 517 501
[Adresse 8]
[Localité 14]
Monsieur [X], [R], [J] [F]
né le 24 Mai 1983 à [Localité 14] [Adresse 1]
[Adresse 12]
[Localité 15]
représentés par Me Sandrine FRAPPIER, avocat – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 181
PARTIES INTERVENANTES
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente et Madame Sixtine DU CREST, Conseiller chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Pascale CARIOU, Conseiller,
Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
Aux termes d’un arrêt du 1er mars 2013, statuant sur l’appel d’un jugement du 29 mars 2011, la cour d’appel de Versailles, (entre autres dispositions) a :
Sur l’action publique :
– déclaré M. [M] [F] coupable de diverses infractions portant principalement sur des faits d’abus de biens sociaux et l’a condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement assorti du sursis et 250 000 euros d’amende ;
– déclaré Mme [L] [D] épouse [F] coupable de diverses infractions portant principalement sur des faits d’abus de biens sociaux et l’a condamnée à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende ;
Sur l’action civile :
– déclaré la société SITA France recevable en sa constitution de partie civile ;
-déclaré irrecevable l’action ut singuli de cette société exercée au nom de ses filiales ;
– condamné M. [M] [F] à payer à la société SITA France la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice d’image ;
– condamné solidairement M. [F] [M], Mme [L] [D] épouse [F] et sept autres prévenus (dont MM. [E] et [A]) à payer à la société SITA France la somme de 107 640 euros au titre des frais de procédure exposés devant le tribunal de grande instance de Nanterre et celle de 59 800 euros au titre des frais de procédure exposés en cause d’appel, en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale.
Des pourvois en cassation ont été formés contre cette décision.
Par arrêt du 9 avril 2015, la Cour de cassation a :
– rejeté le pourvoi de M. [F] ;
Sur les pourvois de MM. [F] et [N] :
– cassé et annulé par voie de retranchement et sans renvoi l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 1er mars 2013, en ses seules dispositions ayant assorti de la solidarité la condamnation de ces prévenus à payer à la société SITA diverses sommes au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
Sur le pourvoi de M. [A] :
– cassé et annulé par voie de retranchement et sans renvoi l’arrêt susvisé en ses dispositions l’ayant condamné à payer diverses sommes à la société SITA au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
Sur le pourvoi de M. [E] :
– cassé et annulé par voie de retranchement et sans renvoi l’arrêt susvisé en ses dispositions l’ayant déclaré coupable de non dénonciation de faits délictueux et l’ayant condamné à verser diverses sommes à la société SITA au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale, cassé et annulé les dispositions de cet arrêt relatives à la peine et pour qu’il soit jugé à nouveau dans la limite de cette dernière cassation, renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Versailles autrement composée.
En exécution de ces décisions, M. et Mme [F] étaient finalement redevables envers la société SITA France des condamnations suivantes :
– M. [M] [F] : 50 000 euros au titre du préjudice d’image + 1/7ème de la somme de 167 440 euros prononcée en dernier lieu à l’égard de sept prévenus au titre des frais de procédure (aucune condamnation n’étant plus prononcée à l’égard de MM. [A] et [E]), soit 23 920 euros à ce dernier titre ;
– Mme [L] [D] épouse [F] qui n’avait pas formé de pourvoi en cassation : 167 440 euros au titre des frais de procédure, étant précisé qu’elle restait tenue au paiement de cette somme solidairement avec certains des six autres prévenus.
Parallèlement, par acte du 5 juin 2013, les sociétés du groupe SITA France ont assigné devant le tribunal de grande instance de Paris les protagonistes des abus de biens sociaux dont M. et Mme [F], pour obtenir réparation de préjudices non réparés par la procédure pénale. Cette instance est en cours.
M. [M] [F] et Mme [L] [D] épouse [F] ont procédé aux opérations suivantes sur leur patrimoine :
– le 7 octobre 2013 une donation-partage au bénéfice de leurs trois enfants [X], [B] et [U] [F], des parts qu’ils détenaient dans les SCI La Hurie et Prassalat, la SARL Montcarville Investissements et la SAS Odyssée Finance ;
– par acte du 3 mars 2014, M. [F] a cédé à son fils [X] 30 parts et à la société Montcarville Investissements 45 parts sur les 100 qu’il détenait dans le capital de la société Ithaque Environnement ;
– par acte du 9 mars 2014, M. [F] a cédé à ses trois enfants, [X], [B] et [U], 150 parts, au prix de 90 euros par part, sur les 200 qu’il détenait dans le capital de la société La Foncière du Lac. Mme [F] a cédé le même jour à la société Montcarville Investissements 100 parts sur les 150 qu’elle détenait dans le capital de la société La Foncière du Lac ;
– le 27 juin 2014, la société [F] Finance a procédé à une réduction de son capital par imputation des pertes et, dans le même temps, à une augmentation de son capital au bénéfice de la société Montcarville Investissements qui est passé de 25% du capital à 97,92% du capital au prix de 350 000 euros ;
– par acte du 6 février 2015, la société Montcarville Investissements a cédé à [B] et [U] [F] 10 parts chacun de la société Ithaque Environnement.
Par actes d’huissier de justice des 18 décembre 2014 et 6 janvier 2015, la société SITA France (devenue société Suez RV France) et les autres sociétés du groupe dénommées SITA Recycling Polymers (devenue Suez RV Plastiques Ouest), SITA Recyclage (devenue Suez RV Recyclage), Regene, Regene Atlantique (devenue Suez RV Plastiques Atlantiques), Cycléade (devenue Suez RV Ile de France Vitry) ont fait assigner M. [M] [F], Mme [L] [D] épouse [F], M. [X] [F], M. [U] [F], Mme [B] [F], la SARL Montcarville Investissements, la SCI Hurie, la SCI Prassalat, la SARL Ithaque Environnement, la SARL Foncière du lac, la SARL [F] Finance, la SAS Odyssée Finance devant le tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Pontoise, sur le fondement de l’action paulienne, aux fins de juger inopposables à leur égard ces actes qu’elles estimaient avoir été accomplis en fraude de leurs droits.
Parallèlement, M. [M] [F] s’est acquitté de la somme de 50 000 euros (en deux versements respectifs de 30 000 et 20 000 euros) et la société Suez RV France a diligenté diverses mesures d’exécution à l’encontre des biens de M. et Mme [F]. L’une d’elles a été fructueuse à hauteur de 24 381,96 euros. En 2016, elle a diligenté une procédure de saisie immobilière sur un immeuble appartenant à M. et Mme [F] situé à [Adresse 18].
En outre, par ordonnance du 28 avril 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise a ordonné la mise sous séquestre (en la personne de M. [K] [W], administrateur judiciaire) des sommes ayant fait l’objet des donations, cessions et transferts ci-dessus relatés sur le patrimoine de M. et Mme [F].
Par jugement avant dire droit du 9 juin 2017, le tribunal de judiciaire de Pontoise a ordonné une expertise et désigné M. [I] en qualité d’expert. Celui-ci a déposé son rapport le 27 juin 2018.
Par un jugement contradictoire rendu le 18 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Pontoise a :
– déclaré l’action paulienne de la SA SITA France (devenue SA Suez RV France) et les autres sociétés du groupe dénommées SITA Recycling Polymers (devenue Suez RV Plastiques Ouest), SITA Recyclage (devenue Suez RV Recyclage), Regene, Regene Atlantique (devenue Suez RV Plastiques Atlantiques), Cycléade (devenue Suez RV Ile de France Vitry), recevable ;
– déclaré inopposables à la SA SITA France (devenue SA Suez RV France) et les autres sociétés du groupe dénommées SITA Recycling Polymers (devenue Suez RV Plastiques Ouest), SITA Recyclage (devenue Suez RV Recyclage), Regene, Regene Atlantique (devenue Suez RV Plastiques Atlantiques), Cycléade (devenue Suez RV Ile de France Vitry), les actes suivants :
o l’acte de donation partage reçu par Me [Y] [UZ] Notaire associé à [Localité 19], le 7 octobre 2013, consenti par M. [M] [F] et Mme [L] [D] épouse [F] au bénéfice de leurs enfants [X], [B] et [U] [F], à l’exception des donations des parts des SCI La Hurie et Odyssée Finance,
o l’acte du 3 mars 2014 par lequel M. [M] [F] a cédé à son fils [X] [F] et à la société Montcarville Investissements 75 titres qu’il détenait dans le capital de la société Ithaque Environnement,
o l’acte du 9 mars 2014 par lequel :
” M. [M] [F] a cédé à ses trois enfants [X], [B] et [U] [F] 150 parts sociales qu’il détenait dans le capital de la société La Foncière du lac,
” Mme [L] [D] épouse [F] a cédé à la société Montcarville Investissements 100 parts sociales qu’elle détenait dans cette même société,
o les décisions prises par l’assemblée générale des associés de la société [F] Finance le 27 juin 2014, aux termes desquelles :
” le capital de la société [F] Finance a été réduit par absorption des pertes à hauteur de 90 000 euros,
” le capital de la société [F] Finance a été augmenté à hauteur de 350 000 euros par création de 3500 parts nouvelles intégralement souscrites par la société Montcarville Investissements,
o la souscription par la société Montcarville Investissements de 3500 actions [F] Finance et les opérations de paiement subséquents à hauteur de 140 000 euros en numéraires, à hauteur de 240 000 euros par cession de titres détenus dans la société Odyssée Finance ;
– dit que, en application de cette inopposabilité, les actes ci-dessus sont réputés ne pas être intervenus et les titres, parts et actions sur lesquels ils portent pourront être appréhendés par les sociétés demanderesses en leur qualité de créancières de M. [F] [M] et Mme [D] [L] épouse [F] entre les mains des tiers dans lesquelles elles se trouvent,
– ordonné le maintien de la séquestration, entre les mains de Me [K] [W], administrateur judiciaire à [Localité 20], des titres énumérés dans le dispositif de l’ordonnance de référé du 28 avril 2015 et dans les conditions ordonnées par cette ordonnance, à l’exception des titres sur lesquels ont porté :
o les donations des parts des SCI La Hurie et Odyssée Finance dans la donation-partage du 7 octobre 2013,
o l’acte daté du 6 février 2015 par lequel la société Montcarville Investissements a cédé à [B] et [U] [F] 20 parts (10 parts à chacun) de la société Ithaque Environnement ;
– débouté M. [F] [M], Mme [D] [L] épouse [F], M. [F] [X], M. [F] [U], Mme [F] [B], la SARL Montcarville Investissements, la SCI Hurie, la SCI Prassalat, la SARL Ithaque Environnement, la SARL Foncière du lac, la SARL [F] Finance, la SAS Odyssée Finance de leur demande de dommages-intérêts,
– rejeté toutes les autres demandes des parties,
– condamné in solidum M. [F] [M], Mme [D] [L] épouse [F], M. [F] [X], M. [F] [U], Mme [F] [B], la SARL Montcarville Investissements, la SCI Hurie, la SCI Prassalat, la SARL Ithaque Environnement, la SARL Foncière du lac, la SARL [F] Finance, la SAS Odyssée Finance au paiement des dépens qui comprendront les frais d’expertise et seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
– condamné in solidum M. [F] [M], Mme [D] [L] épouse [F], M. [F] [X], M. [F] [U], Mme [F] [B], la SARL Montcarville Investissements, la SCI Hurie, la SCI Prassalat, la SARL Ithaque Environnement, la SARL Foncière du lac, la SARL [F] Finance, la SAS Odyssée Finance à payer à la SA SITA France (devenue SA Suez RV France) et les autres sociétés du groupe dénommées SITA Recycling Polymers (devenue Suez RV Plastiques Ouest), SITA Recyclage (devenue Suez RV Recyclage), Regene, Regene Atlantique (devenue Suez RV Plastiques Atlantiques), Cycléade (devenue Suez RV Ile de France Vitry), la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution du présent jugement.
M. et Mme [F] ont interjeté appel de ce jugement le 24 mars 2021 à l’encontre de la SAS Suez RV Plastiques Atlantique, la SA Suez RV France, la SA Suez RV Ile de France Vitry, la SA HTP, la SARL FEE Services, la SAS Suez RV Plastiques Ouest, la SAS Suez RV Recyclage et la SAS Regene.
Par courrier du 23 juillet 2021, la SAS Suez RV Plastiques Atlantique, la SA Suez RV France, la SA Suez RV Ile de France Vitry, la SA HTP, la SARL FEE Services, la SAS Suez RV Plastiques Ouest, la SAS Suez RV Recyclage, la SAS Regene ont demandé le retrait du rôle de l’incident aux fins de radiation, le jugement ayant été exécuté par M. et Mme [F].
Par ordonnance du 16 septembre 2021, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Versailles a retiré du rôle l’incident.
Par dernières conclusions notifiées le 30 janvier 2023, M. et Mme [F] demandent à la cour, au fondement des articles 1167, 537, 544, 1591, 1658 et 902 du code civil, des articles L.223-13, L.223-16 et L.223-32 du code de commerce, des articles 6 et 9 du code de procédure civile, et de l’article 700 du code de procédure civile, de :
– juger les consorts [F] bien fondés dans leurs demandes, fins et conclusions,
– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Pontoise du 18 décembre 2020 en ce qu’il a :
¢ déclaré l’action paulienne de la SA SITA France (devenue SA Suez RV France) et les autres sociétés du groupe dénommées SITA Recycling Polymers (devenue Suez RV Plastiques Ouest), SITA Recyclage (devenue Suez RV Recyclage), Regene, Regene Atlantique (devenue Suez RV Plastiques Atlantiques), Cycléade (devenue Suez RV Ile de France Vitry), recevable ;
¢ déclaré inopposables à la SA SITA France (devenue SA Suez RV France) et les autres sociétés du groupe dénommées SITA Recycling Polymers (devenue Suez RV Plastiques Ouest), SITA Recyclage (devenue Suez RV Recyclage), Regene, Regene Atlantique (devenue Suez RV Plastiques Atlantiques), Cycléade (devenue Suez RV Ile de France Vitry), les actes suivants :
o l’acte de donation partage reçu par Me [Y] [UZ] Notaire associé à [Localité 19], le 7 octobre 2013, consenti par M. [M] [F] et Mme [L] [D] épouse [F] au bénéfice de leurs enfants [X], [B] et [U] [F], à l’exception des donations des parts des SCI La Hurie et Odyssée Finance,
o l’acte du 3 mars 2014 par lequel M. [M] [F] a cédé à son fils [X] [F] et à la société Montcarville Investissements 75 titres qu’il détenait dans le capital de la société Ithaque Environnement,
o l’acte du 9 mars 2014 par lequel :
” M. [M] [F] a cédé à ses trois enfants [X], [B] et [U] [F] 150 parts sociales qu’il détenait dans le capital de la société La Foncière du lac,
” Mme [L] [D] épouse [F] a cédé à la société Montcarville Investissements 100 parts sociales qu’elle détenait dans cette même société,
o les décisions prises par l’assemblée générale des associés de la société [F] Finance le 27 juin 2014, aux termes desquelles :
” le capital de la société [F] Finance a été réduit par absorption des pertes à hauteur de 90.000 euros,
” le capital de la société [F] Finance a été augmenté à hauteur de 350.000 euros par création de 3500 parts nouvelles intégralement souscrites par la société Montcarville Investissements,
o la souscription par la société Montcarville Investissements de 3500 actions [F] Finance et les opérations de paiement subséquents à hauteur de 140.000 euros en numéraires, à hauteur de 240.000 euros par cession de titres détenus dans la société Odyssée Finance ;
¢ dit que, en application de cette inopposabilité, les actes ci-dessus sont réputés ne pas être intervenus et les titres, parts et actions sur lesquels ils portent pourront être appréhendés par les sociétés demanderesses en leur qualité de créancières de M. [F] [M] et Mme [D] [L] épouse [F] entre les mains des tiers dans lesquelles elles se trouvent,
¢ ordonné le maintien de la séquestration, entre les mains de Me [K] [W], administrateur judiciaire à [Localité 20], des titres énumérés dans le dispositif de l’ordonnance de référé du 28 avril 2015 et dans les conditions ordonnées par cette ordonnance, à l’exception des titres sur lesquels ont porté :
o les donations des parts des SCI La Hurie et Odyssée Finance dans la donation partage du 7 octobre 2013,
o l’acte daté du 6 février 2015 par lequel la société Montcarville Investissements a cédé à [B] et [U] [F] 20 parts (10 parts à chacun) de la société Ithaque Environnement ;
¢ débouté M. [F] [M], Mme [D] [L] épouse [F], M. [F] [X], M. [F] [U], Mme [F] [B], la SARL Montcarville Investissements, la SCI Hurie, la SCI Prassalat, la SARL Ithaque Environnement, la SARL Foncière du lac, la SARL [F] Finance, la SAS Odyssée Finance de leur demande de dommages-intérêts,
¢ rejeté toutes les autres demandes des parties,
¢ condamné in solidum M. [F] [M], Mme [D] [L] épouse [F], M. [F] [X], M. [F] [U], Mme [F] [B], la SARL Montcarville Investissements, la SCI Hurie, la SCI Prassalat, la SARL Ithaque Environnement, la SARL Foncière du lac, la SARL [F] Finance, la SAS Odyssée Finance au paiement des dépens qui comprendront les frais d’expertise et seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
¢ condamné in solidum M. [F] [M], Mme [D] [L] épouse [F], M. [F] [X], M. [F] [U], Mme [F] [B], la SARL Montcarville Investissements, la SCI Hurie, la SCI Prassalat, la SARL Ithaque Environnement, la SARL Foncière du lac, la SARL [F] Finance, la SAS Odyssée Finance à payer à la SA SITA France (devenue SA Suez RV France) et les autres sociétés du groupe dénommées SITA Recycling Polymers (devenue Suez RV Plastiques Ouest), SITA Recyclage (devenue Suez RV Recyclage), Regene, Regene Atlantique (devenue Suez RV Plastiques Atlantiques), Cycléade (devenue Suez RV Ile de France Vitry), la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
¢ ordonné l’exécution du présent jugement,
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Pontoise du 18 décembre 2020 en ce qu’il a :
o débouté la société Suez RV France et les autres sociétés du même groupe de leur demande subsidiaire de sursis à statuer,
o débouté la société Suez RV France et les autres filiales du groupe de leur demande d’inopposabilité de la cession du 6 février 2015 aux termes de laquelle la société Montcarville Investissements a cédé 20 parts de la société Ithaque Environnement à [B] et [U] [F],
Statuant à nouveau,
A titre principal :
– juger l’absence de créance certaine à l’encontre de M. [F],
– juger l’absence de créance certaine à l’encontre de Mme [F]
En conséquence,
– juger que l’action paulienne est irrecevable à l’encontre de M. [F],
– juger que l’action paulienne est irrecevable à l’encontre de Mme [F],
Si par extraordinaire, la cour d’appel de céans s’interrogeait sur le caractère certain de la créance,
– sursoir à statuer jusque qu’au prononcée de l’arrêt de la cour d’appel de Paris enrôlée sous le numéro RG n° 21/19831,
A titre subsidiaire, si la cour estimait la créance des appelants certaine,
– juger l’absence d’intention frauduleuse des époux [F] dans l’acte de donation reçu par Me [Y] [UZ], notaire associé à [Localité 19] (95), le 7 octobre 2013, consenti par les époux [F] au bénéfice de leurs enfants, [X], [B] et [U] [F],
– juger l’absence d’intention frauduleuse des époux [F] dans l’acte du 9 mars 2014 par lequel ils ont cédé des parts sociales à leurs enfants et à la société Montcarville Investissements ;
– juger l’absence d’intention frauduleuse de M. [M] [F] dans l’acte du 3 mars 2014 par lequel il a cédé des titres qu’il détenait dans le capital de la société Ithaque Environnement à son fils M. [X] [F], ainsi qu’à la société Montcarville Investissements ;
– juger l’absence de réunion des conditions cumulatives d’exercice de l’action paulienne par les intimés ;
En conséquence,
– juger que sont opposables, à chacun des intimés, les actes suivants :
* l’acte de donation des époux [F] du 7 octobre 2013, reçu par Me [Y] [UZ], Notaire Associé à [Localité 19] (95),
* l’acte de cession de parts sociales des époux [F] du 9 mars 2014,
* l’acte de cession de titres de M. [M] [F] du 3 mars 2014,
* les décisions prises par l’assemblée générale des associés de la société [F] Finance le 27 juin 2014,
– débouter les appelants de leurs demandes, fins et conclusions (sic) ;
En tout état de cause,
– condamner solidairement les intimés au paiement de la somme de 5 000 euros aux époux [F] en réparation de leur préjudice ;
– condamner solidairement les intimés au paiement de la somme de 45 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens y compris les frais d’expertise ;
– condamner solidairement l’ensemble des intimés à verser à chacun des intimés provoqués la somme de 9 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 3 janvier 2023, la SAS Suez RV Plastiques Atlantique, la SA Suez RV France, la SA Suez RV Ile de France Vitry, la SA HTP, la SARL FEE Services, la SAS Suez RV Plastiques Ouest, la SAS Suez RV Recyclage et la SAS Regene (ci-après ” les sociétés Suez ” ou les ” sociétés intimées “) demandent à la cour, au fondement des articles 1167 et suivants du code civil, dans leur version applicable au litige, et des articles 232 et suivants et 263 et suivants du code de procédure civile, de :
A titre principal,
– confirmer le jugement rendu le 18 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Pontoise dans son intégralité, sauf en ce qu’il a :
o jugé opposable à la SA SITA France (devenue SA Suez RV France) et les autres sociétés du groupe dénommées SITA Recycling Polymers (devenue Suez RV Plastiques Ouest), SITA Recyclage (devenue Suez RV Recyclage), Regene, Regene Atlantique (devenue Suez RV Plastiques Atlantiques), Cycléade (devenue Suez RV Ile de France Vitry) l’acte de donation partage reçu par Me [Y] [UZ] Notaire associé à [Localité 19], le 7 octobre 2013, consenti par M. [M] [F] et Mme [L] [D] épouse [F] au bénéfice de leurs enfants [X], [B] et [U] [F], en ce qu’il portait sur la donation des parts de la société SCI La Hurie et de la société Odyssée Finance,
o jugé opposable à la SA SITA France (devenue SA Suez RV France) et les autres sociétés du groupe dénommées SITA Recycling Polymers (devenue Suez RV Plastiques Ouest), SITA Recyclage (devenue Suez RV Recyclage), Regene, Regene Atlantique (devenue Suez RV Plastiques Atlantiques), Cycléade (devenue Suez RV Ile de France Vitry) l’acte du 6 février 2015 par lequel la société Montcarville Investissements a cédé à [B] [F] et à [U] [F] 20 parts qu’elle détenait dans le capital de la société Ithaque Environnement ;
Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés,
– déclarer inopposable à la SA SITA France (devenue SA Suez RV France) et les autres sociétés du groupe dénommées SITA Recycling Polymers (devenue Suez RV Plastiques Ouest), SITA Recyclage (devenue Suez RV Recyclage), Regene, Regene Atlantique (devenue Suez RV Plastiques Atlantiques), Cycléade (devenue Suez RV Ile de France Vitry) l’acte de donation partage reçu par Me [Y] [UZ] Notaire associé à [Localité 19], le 7 octobre 2013, consenti par M. [M] [F] et Mme [L] [D] épouse [F] au bénéfice de leurs enfants [X], [B] et [U] [F], en ce qu’il portait sur la donation des parts de la société SCI La Hurie et de la société Odyssée Finance,
– déclarer inopposable à la SA SITA France (devenue SA Suez RV France) et les autres sociétés du groupe dénommées SITA Recycling Polymers (devenue Suez RV Plastiques Ouest), SITA Recyclage (devenue Suez RV Recyclage), Regene, Regene Atlantique (devenue Suez RV Plastiques Atlantiques), Cycléade (devenue Suez RV Ile de France Vitry) l’acte du 6 février 2015 par lequel la société Montcarville Investissements a cédé à [B] [F] et à [U] [F] 20 parts qu’elle détenait dans le capital de la société Ithaque Environnement,
– ordonner la mise sous séquestre judiciaire, à compter de l’arrêt à intervenir, des titres ci-après énumérés (ci-après les ” titres “) détenus par :
*Mme [B] [F] :
o la pleine propriété de 10 parts de la société Ithaque Environnement ;
o la nue-propriété de 100 parts de la SCI La Hurie ;
*M. [X] [F] :
o la nue-propriété de 100 parts de la SCI La Hurie,
*M. [U] [F] :
o la pleine propriété de 10 parts de la société Ithaque Environnement,
o la nue-propriété de 100 parts de la SCI La Hurie,
– Ordonner la mise sous séquestre judiciaire, entre les mains d’un séquestre, des registres de mouvements de titres et des comptes d’actionnaires correspondant aux titres, et ce jusqu’à la mainlevée du séquestre ;
A cette fin,
– désigner Me [K] [W], administrateur judiciaire à la résidence de [Localité 20], ou tout autre administrateur judiciaire ou mandataire judiciaire qu’elle lui plaira, en qualité de Séquestre (ci-après le ” Séquestre “), avec pour mission de séquestrer les titres et les registres précités jusqu’à ce que l’arrêt à intervenir soit passé en force de chose jugée et insusceptible de tout recours,
– dire que les sociétés émettrices des titres séquestrés auront l’obligation d’informer le Séquestre de la tenue de toute assemblée générale ordinaire ou extraordinaire dans les mêmes formes et délais que ceux prévus par la loi et les statuts concernant la convocation et l’information des associés,
– dire que le Séquestre sera tenu, dès réception de la convocation et de l’ordre du jour relatif à une assemblée générale de l’une des sociétés émettrices des titres séquestrés, de transmettre ces éléments aux intimées, en leur domicile élu au Cabinet [G],
– dire que le Séquestre sera également séquestre de tout dividende ou réserve dont la distribution serait ordonnée dans les sociétés émettrices des titres séquestrés,
– fixer la rémunération du Séquestre,
– dire que cette rémunération ainsi que les frais engagés par le Séquestre, du chef de sa mission de séquestre, seront supportés par les appelants,
– dire qu’il sera fait mention, par le Séquestre, de la décision à intervenir et de ses conséquences en marge des registres des associés de chacune des sociétés concernées,
A titre subsidiaire,
Si par extraordinaire la cour venait à considérer que le principe de créance invoqué par les intimées n’est pas suffisamment certain,
– surseoir à statuer jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’action civile des intimées aux termes d’une décision définitive passée en force de chose jugée et insusceptible de tout recours,
– ordonner le séquestre des titres sous la responsabilité du Séquestre dans les conditions et selon toutes les modalités décrites ci-dessus jusqu’à ce que l’arrêt à intervenir soit passé en force de chose jugée et insusceptible de tout recours,
– déclarer inopposables à la SA SITA France (devenue SA Suez RV France) et les autres sociétés du groupe dénommées SITA Recycling Polymers (devenue Suez RV Plastiques Ouest), SITA Recyclage (devenue Suez RV Recyclage), Regene, Regene Atlantique (devenue Suez RV Plastiques Atlantiques), Cycléade (devenue Suez RV Ile de France Vitry) les six donations en numéraire par l’effet desquelles M. [F] a donné, à chacun de ses trois enfants, la somme de 100 000 euros et Mme [F] a donné à chacun de ses trois enfants, la somme de 100 000 euros,
A titre infiniment subsidiaire,
– confirmer le jugement rendu le 18 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Pontoise en ce qu’il a condamné les époux [F] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,
En tout état de cause,
– débouter M. [M] [F] et Mme [L] [D] épouse [F] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
– condamner solidairement M. [M] [F] et Mme [L] [D] épouse [F] à rembourser aux sociétés intimées la rémunération du Séquestre et les frais exposés par ce dernier, dont elles auront fait l’avance,
– condamner solidairement M. [M] [F] et Mme [L] [D] épouse [F] au paiement aux sociétés intimées de la somme de 40 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de l’appel
Il résulte des écritures susvisées que le jugement est querellé en toutes ses dispositions.
A titre liminaire
La cour rappelle que l’article 954 du code de procédure civile oblige les parties à énoncer leurs prétentions dans le dispositif de leurs conclusions et que la cour ne statue que sur celles-ci.
Par prétention, il faut entendre, au sens de l’article 4 du code de procédure civile, une demande en justice tendant à ce qu’il soit tranché un point litigieux.
Par voie de conséquence, les ” juger ” au dispositif des conclusions des appelants – sauf en ce qu’ils demandent à la cour de ” juger que l’action paulienne est irrecevable à leur encontre ” – ne constituent pas des prétentions, mais en réalité des moyens qui ont leur place dans le corps des écritures, plus précisément dans la partie consacrée à l’examen des griefs formulés contre le jugement et à la discussion des prétentions et moyens, pas dans le dispositif. La cour ne répondra de ce fait à de tels ” juger ” qu’à condition qu’ils viennent au soutien de la prétention formulée en appel et énoncée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans le dispositif de son arrêt, mais dans ses motifs.
Par ailleurs, la cour considère que c’est par une erreur de plume qu’au dispositif de leurs écritures les époux [F] demandent à la cour de ” débouter les appelants de leurs demandes, fins et conclusions ” et qu’il convient de lire ” débouter les sociétés intimées de leurs demandes, fins et conclusions “.
En outre, la cour note une contradiction dans les motifs des écritures des appelants qui demandent, à titre subsidiaire, si la cour s’interrogeait sur le caractère certain de la créance, le sursis à statuer et qui, dans leur dispositif, demande la confirmation de la déclaration selon laquelle cette demande est sans objet. La cour ne tiendra compte que des demandes mentionnées au dispositif de leurs conclusions, conformément à l’article 954 du code de procédure civile.
Enfin la cour prend note de ce que la société Odyssée Finance a été radiée le 23 mars 2021 suite à la clôture de sa liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif.
Sur la recevabilité de l’action paulienne et l’inopposabilité des actes litigieux
Moyens des parties
Poursuivant l’infirmation du jugement en ce qu’il a déclaré l’action paulienne intentée par les sociétés Suez recevable et leur a déclaré inopposables la majeure partie des actes litigieux, les époux [F] demandent à la cour, au fondement de l’article 1167 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016 applicable au litige, de déclarer cette action irrecevable aux motifs que ses quatre conditions cumulatives ne sont pas réunies :
¢ la créance revendiquée par les sociétés Suez n’est pas certaine dans son principe (1) ;
¢ les actes litigieux n’ont pas constitué des actes d’appauvrissement (2) ;
¢ les actes litigieux ne procèdent d’aucune intention frauduleuse d’organiser leur insolvabilité (3) ;
¢ leurs enfants ni les sociétés n’ont connaissance d’une fraude présumée (4).
(1) Les époux [F] font valoir tout d’abord que la créance n’est pas certaine d’une part, parce qu’elle est pour sa majeure partie hypothétique (13 069 9800 euros réclamés dans le cadre de l’instance civile), et d’autre part, parce que les frais de procédure et l’indemnisation du préjudice d’image définitivement mis à leur charge par l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 1er mars 2013 ont été payés.
Les époux [F] soutiennent tout d’abord que la créance réclamée par les sociétés Suez à hauteur de plus de 13 millions d’euros n’est pas certaine en son principe puisque le tribunal judiciaire de Paris, dans son jugement du 26 octobre 2021, l’a considérée irrecevable pour prescription, en raison de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt du 1er mars 2013, et pour défaut d’intérêt à agir. Ce jugement frappé d’appel, selon eux, pour les besoins de la cause, soumet l’existence de la créance à un aléa judiciaire de sorte qu’elle est hypothétique et n’est pas certaine dans son principe. Ils prétendent, en outre, que le juge pénal n’a pas fait droit à l’action en réparation des sociétés Suez qu’il a jugé irrecevable, décision confirmée par la cour d’appel de Versailles le 1er mars 2013 et la Cour de cassation le 9 avril 2015. Ils ajoutent que cette somme ne figure pas dans le dispositif de l’arrêt pénal du 1er mars 2013, de sorte qu’elle n’est pas revêtue de l’autorité de la chose jugée au principal. Ils s’appuient enfin sur l’ordonnance de non-lieu rendue par le magistrat instructeur le 22 octobre 2021 suite à la plainte des sociétés Suez pour organisation frauduleuse d’insolvabilité. Ils en concluent que le jugement doit être infirmé et que, si par extraordinaire la cour considérait que la créance des sociétés Suez était certaine dans son principe, il y aurait lieu de surseoir à statuer jusqu’au prononcé de l’arrêt de la cour d’appel de Paris dans le cadre de l’instance civile.
Ensuite, les époux [F] font valoir que les frais de procédure et l’indemnisation du préjudice d’image (167 440 euros) définitivement mis à leur charge par l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 1er mars 2013 ont été payés.
Ils précisent que M. [F], qui n’est pas tenu à solidarité, a payé sa quote-part de 23 920 euros ainsi que l’indemnisation du préjudice d’image à hauteur de 50 000 euros (pièce 11 : justif CARPA de 74 381 euros). Ils précisent que M. [F] a également payé la somme de 15 607,51 euros correspondant aux intérêts de retard (pièces 14 et 16), dont ils contestent néanmoins le décompte.
S’agissant de Mme [F], ils rappellent qu’elle est tenue solidairement avec sept autres prévenus au paiement de la somme de 167 440 euros à laquelle il convient de retrancher la part payée par M. [F] de 23 920 euros. Selon eux, Mme [F] est donc tenue au paiement de la somme de 143 480 euros. Ils critiquent le décompte du 25 septembre 2020 produit par la partie adverse, excipant d’un restant dû au titre des intérêts de retard, arguant que la société SITA France a perçu 201 241,50 euros en juin 2020 suite à la saisie de leur résidence principale et que les intérêts de retard ne sont dus qu’à la procédure, infondée selon eux, de réitération d’enchères à l’initiative de la société SITA France.
Ils en déduisent par conséquent qu’au jour où le juge statue, les intimées ne peuvent se prévaloir d’aucune créance certaine dans son principe à la charge des époux [F], de sorte que leur action paulienne est irrecevable.
(2) Les époux [F] font valoir par ailleurs que les actes litigieux ne constitueraient pas des actes d’appauvrissement.
Ils considèrent, au fondement des articles 6 et 9 du code de procédure civile, que les cessions de parts sociales opérées les 3 et 9 mars 2014 et le 6 février 2015, les opérations sur le capital de la société [F] Finance effectuées le 27 juin 2014 ainsi que les donations réalisées le 7 octobre 2013 par eux relèvent de la libre disposition de leurs biens et qu’il n’est pas démontré qu’elles aient été faites à vil prix. S’appuyant sur l’ordonnance de non-lieu du 22 octobre 2021, ils ajoutent qu’il n’est pas démontré que leur patrimoine, qui comprend des biens immobiliers, des avoirs en Suisse, des droits dans des sociétés, serait à ce jour insuffisant pour désintéresser les intimées d’une ” prétendue créance de 79 103,75 euros “.
Par acte du 3 mars 2014, M. [F] a cédé à son fils [X] et à la société Montcarville Investissements des titres qu’il détenait dans le capital de la société Ithaque Environnement.
Par acte du 9 mars 2014, M. [F] a cédé à ses trois enfants, [X], [B] et [U], 150 parts, au prix de 90 euros par part, qu’il détenait dans le capital de la société La Foncière du Lac. Mme [F] a cédé à la société Montcarville Investissements 100 parts qu’elle détenait dans le capital de la société La Foncière du Lac.
Les époux [F] contestent, au fondement des articles 537, 544, 1591 et 1658 du code civil, et des articles L. 223-13 et L. 223-16 du code de commerce, que ces cessions de parts aient été faites à vil prix. Ils soutiennent que le prix de cession de titre peut être fixé par arrangement entre les parties, même si les parties sont membres d’une même famille et qu’il n’est pas justifié que ces cessions ont été opérées à un prix inférieur de la valeur réelle des titres.
Plus précisément, s’agissant de la cession du 9 mars 2014 opérée par M. [F], ils soutiennent que le prix de 90 euros par part est en réalité un prix surévalué, car la société La Foncière du Lac a vendu à perte en 2010 un bien immobilier qu’elle avait acquis en 2007 de sorte qu’au 31 décembre 2013, ses fonds propres ne représentaient qu’un peu plus de la moitié de son capital social. Ils ajoutent que cette société, dont la totalité des titres appartenaient aux membres d’une même famille, n’avait plus aucune activité de sorte que leur valeur sur le marché était infime.
S’agissant de la cession opérée par Mme [F], payée par le compte courant d’associée qu’elle détenait au sein de la société Montcarville Investissements (cessionnaire), les époux [F] s’appuient sur l’expertise pour conclure que la preuve d’une irrégularité des inscriptions en compte-courant n’est pas rapportée. Ils en déduisent que les cessions de parts du 9 mars 2014 n’ont pas constitué des actes d’appauvrissement.
S’agissant de la cession du 3 mars 2014 des parts sociales de la société Ithaque Environnement, ils soutiennent que M. [F], qui était seul à effectuer des missions de consulting au nom de cette société de conseil, partant à la retraite, a souhaité transmettre cette société à son fils [X] afin qu’il en reprenne l’activité. Ils indiquent que l’activité de cette société était en déclin et précisent que la société Ithaque Environnement détient principalement une participation (à hauteur de 103 900 euros) dans la société Odyssée Finance, société holding d’un groupe de cinq sociétés spécialisées dans le traitement des déchets qui ont connu cinq incendies criminels entre 2010 et 2012 à l’origine de leur liquidation judiciaire le 12 février 2014. Ils en déduisent que lors du bilan 2013, cette perte de valeur n’était pas encore effective, mais elle l’était au jour de la cession de sorte que le prix de 130 euros est une valeur de transaction ” réaliste, saine et irréprochable “. Ils s’appuient sur l’expertise pour en déduire que cette cession n’a pas constitué un acte d’appauvrissement.
Par ailleurs, le 27 juin 2014, la société [F] Finance a procédé à une réduction de son capital par imputation des pertes et, dans le même temps, à une augmentation de son capital au bénéfice de la société Montcarville Investissements qui est passé de 25% du capital à 97,92% du capital au prix de 350 000 euros. S’appuyant sur le rapport d’expertise, les époux [F] font valoir que cet acte n’a pas constitué un appauvrissement. Ils indiquent que leur participation dans cette société a été ” diluée ” par l’augmentation du nombre totale de parts, mais qu’antérieurement à cette augmentation de parts, la société avait un passif tel que l’augmentation de parts a permis de le résorber. Au fondement de l’article L. 223-42 du code de commerce, ils dénient à cet acte tout caractère frauduleux.
En outre, par acte du 6 février 2015, la société Montcarville Investissements a cédé à [B] et [U] [F] 10 parts chacun de la société Ithaque Environnement. Sur ce point, les appelants s’appuient sur le jugement de première instance ayant considéré que cette cession de parts ne constituait pas un acte d’appauvrissement.
Enfin, concernant les donations du 7 octobre 2013 de la nue-propriété des parts de la société Montcarville Investissements, la SCI La Hurie, de la société Odyssée Finance et de la SCI Prassalat, au fondement de l’article 902 du code civil, les époux [F] font valoir qu’elles étaient prévues de longue date, puisqu’ils avaient fait procédé à une estimation de leurs biens par un agent immobilier dix-huit mois auparavant ainsi qu’à une valorisation des biens par un cabinet d’expertise comptable un au plus tôt. S’appuyant sur les conclusions de l’expert, ils ajoutent que les incendies criminels avaient fait perdre toute valeur à la société Odyssée Finance et réitèrent le caractère hypothétique de la créance invoquée par les intimées.
(3) Les époux [F] font valoir que les actes litigieux ne procèdent d’aucune intention frauduleuse d’organiser leur insolvabilité.
Selon les époux [F], la présente procédure procède d’un acharnement judiciaire contre eux dans la mesure où les intimés n’ont pas diligenté de procédure à l’encontre des autres condamnés. Ils ajoutent qu’en l’absence de quantum déterminé des sommes réclamées, il leur était impossible de procéder à un règlement amiable. Les règlements auxquels ils ont procédé démontrent, selon eux, qu’ils n’ont jamais voulu organiser leur insolvabilité. Ils contestent l’échec des mesures d’exécution forcée invoqué par les intimés, et soutiennent que les sociétés Suez ont récupéré 206 741,50 euros sur la saisie immobilière de leur résidence principale, et 24 381,96 euros sur la saisie attribution de leur compte bancaire ouvert par Maître [V] CARPA Sud-ouest. Ils réitèrent le caractère hypothétique de la créance et le fait que leur patrimoine est suffisant pour désintéresser les créanciers.
Ils considèrent enfin que la connaissance de la fraude ne doit pas être déduite de la seule qualité d’enfant du couple ou de société du même groupe.
Ils en concluent que les conditions cumulatives de l’action paulienne ne sont pas réunies et qu’il convient de débouter les intimées de leurs demandes.
Les sociétés Suez poursuivent :
– la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré leur action paulienne recevable et en ce qu’il leur a déclaré inopposables :
o les actes de donation partage du 7 octobre 2013 des parts de la SCI Prassalat et de la SCI Montcarville Investissements
o les actes de cession de parts sociales des 3 et 9 mars 2014 ;
o les opérations sur le capital de la société [F] Finance effectuées le 27 juin 2014 ;
– l’infirmation du jugement en ce qu’il ne leur a pas déclaré inopposables :
o les actes de donation partage du 7 octobre 2013 concernant les parts de la SCI La Hurie et de la société Odyssée Finance ;
o l’acte de cession de vingt parts de la société Montcarville Investissements du 6 février 2015.
Elles demandent à la cour, au fondement de l’article 1167 ancien du code civil, dans sa version applicable au litige :
– que leur soient déclarées inopposables :
o les actes de donation partage du 7 octobre 2013 concernant les parts de la SCI La Hurie et de la société Odyssée Finance, ainsi que la mise sous séquestre de la nue-propriété des parts de la SCI La Hurie détenues par les enfants ;
o l’acte de cession de vingt parts de la société Montcarville Investissements du 6 février 2015, ainsi que la mise sous séquestre des titres de la société Ithaque environnement détenus par [B] et [U] [F] ;
– de statuer à nouveau et de leur déclarer inopposables les donations de numéraire à hauteur de 600 000 euros effectuées par les époux [F] au profit de leurs trois enfants.
Elles précisent que l’action actuellement pendante au civil devant la cour d’appel de Paris porte sur une créance de 13 019 800 euros correspondant aux montants retenus par la cour d’appel de Versailles dans les motifs de son arrêt correctionnel définitif du 1er mars 2013, outre 100 000 euros dus au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elles ajoutent que la procédure est encore au stade de la mise en état.
Elles précisent également que dix mois après la condamnation définitive des époux [F], elles ont fait procédé à des saisies sur leurs comptes bancaires, leur véhicule, leur mobilier et leurs parts sociales qui se sont révélées infructueuses ou insuffisantes. Elles ajoutent que les frais de procédure, les dépens et le préjudice d’image mis définitivement à la charge des époux [F] par la cour d’appel de Versailles le 1er mars 2013 ont fini par être réglés, grâce à des procédures d’exécution forcée ou sous la menace d’incident, comme suit :
– 206 741,50 euros ont été récupérés grâce à la saisie et vente aux enchères publiques de la résidence principale des époux [F] (la réitération d’enchères n’étant due, selon elles, qu’à la carence de l’acheteur et non du fait de la société SITA France) ;
– deux règlements à hauteur de 50 000 euros au total opérés les 8 décembre 2015 et 21 janvier 2016 ;
– la saisie attribution de 24 381,96 euros détenus sur le compte de M. [V], avocat de M. [F], à la CARPA du sud-ouest, opération validée par ordonnance du juge de l’exécution de Coutances le 13 février 2018 ;
– le paiement par chèque d’un montant de 28 765,64 euros le 4 mars 2021 ;
– le paiement par chèque d’un montant de 31 585,97 euros le 8 juillet 2021.
(1) Les sociétés Suez font valoir qu’elles disposent à l’égard des époux [F] à la fois d’un principe certain de créance d’un montant de plusieurs millions d’euros, et d’une créance liquide, certaine et exigible (correspondant aux montants chiffrés mis à leur charge par l’arrêt du 1er mars 2013, avec intérêts) antérieurs aux actes critiqués.
¢ un principe de créance à hauteur de plusieurs millions d’euros
Au fondement de la jurisprudence relative à l’ancien article 1167 du code civil, devenu 1341-2 du code civil, elles soutiennent que l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 1er mars 2013, devenu définitif suite à l’arrêt de la Cour de cassation du 9 avril 2015, a définitivement reconnu coupables les époux [F] pour des faits d’abus de biens sociaux et recels d’abus de biens sociaux commis entre 2002 et 2007. Selon elles, les sociétés Suez détiennent un principe certain de créance, estimé à plusieurs millions d’euros et a minima 13 millions d’euros (selon les montants arrêtés dans les motifs du jugement), dès la commission des faits délictueux et a fortiori avec la condamnation définitive.
Elles précisent que la juridiction répressive n’a pas rejeté leurs demandes de dommages et intérêts mais a déclaré irrecevable l’action ut singuli qu’entendait exercer la société SITA France au nom de ses filiales, ces dernières n’ayant pas été mises dans la cause, de sorte qu’une action en indemnisation devant les juridictions civiles demeure possible.
Elles ajoutent que le principe de l’autorité de la chose jugée devant les juridictions pénales, et donc le bienfondé de la créance, s’impose aux juridictions civiles, indépendamment de son montant ou de sa recevabilité. Elles précisent que l’action paulienne peut avoir un objectif hybride : soit des mesures conservatoires dans l’hypothèse d’un principe de créance, soit des mesures exécutoires dans l’hypothèse d’une créance certaine, liquide et exigible.
En outre, elles répliquent que le tribunal judiciaire de Paris, dans son jugement du 26 octobre 2021, a constaté que :
– les demandes des intimées tendant à la condamnation des époux [F] sur le fondement de l’article 1382 du code civil n’étaient pas prescrites ;
– le principe d’autorité de la chose jugée au pénal n’empêchait nullement les filiales de Sita France, qui n’étaient pas parties à l’instance pénale, de présenter leurs demandes indemnitaires devant les juridictions civiles ;
– ces dernières sont en particulier recevables à présenter une demande indemnitaire au titre de la franchise d’assurance restée à leur charge pour un montant de 743 000 euros, demande indemnitaire qui, selon le tribunal, n’a pas été formulée par les intimées.
¢ une créance certaine, liquide et exigible à compter de l’arrêt du 1er mars 2013 : préjudice d’image, frais de procédure et dépens
Les sociétés Suez font valoir que les époux [F] ont procédé au règlement définitif du solde des créances mises à leur charge telles qu’elles résultaient des décomptes communiqués par elles (dernier paiement le 8 juillet 2021).
Elles ajoutent que la récente extinction de leur dette exigible n’est pour autant pas de nature à faire échec à l’action paulienne aux motifs que d’une part, elles demeurent titulaires d’un principe certain de créance portant sur plusieurs millions d’euros, et d’autre part, l’extinction ultérieure de leurs créances exigibles – postérieurement au jugement dont appel – ne peut avoir pour effet de supprimer la fraude commise au jour de l’acte critiqué.
(2) Les sociétés Suez soutiennent par ailleurs que les époux [F] et la société Montcarville investissements ont réalisé des actes d’appauvrissement, dans le but d’organiser l’insolvabilité apparente des époux [F] au jour des actes litigieux et au jour de l’introduction de l’action paulienne.
S’appuyant sur le rapport d’expertise, elles font valoir que les cessions de parts sociales par M. [F] au profit des enfants du couple intervenues les 3 et 9 mars 2014 sont en réalité des donations déguisées puisque le prix des cessions n’a pas été payé. Elles indiquent en outre que ces actes ont été effectués postérieurement à la condamnation de la cour d’appel de Versailles du 1er mars 2013 et postérieurement à l’assignation des époux [F] devant le tribunal judiciaire de Paris en juin 2013.
Elles ajoutent que la cession des parts de la société La Foncière du Lac opérée le même jour par Mme [F] au profit de la société Montcarville Investissements (le 9 mars 2014) et la cession des parts de la société Ithaque Environnement opérée le même jour par M. [F] au profit de la société Montcarville Investissements (le 3 mars 2014) ont été payées par des inscriptions en comptes courant d’associé détenus au sein de la société Montcarville Investissements. Elles font valoir que si, comptablement, ces inscriptions en compte courant d’associé correspondent à un paiement, la preuve de leur remboursement aux associés n’est pas rapportée.
S’agissant de l’opération sur le capital de la société [F] Finance, elles indiquent qu’aux termes d’une assemblée générale extraordinaire du 27 juin 2014, les associés (les époux [F], qui détenaient ensemble 450 parts sur les 1000 parts composant le capital social de la société, leurs enfants et la société Montcarville Investissements) ont décidé de ramener le capital social à 10 000 euros en absorbant 90 000 euros de pertes et en annulant corrélativement 900 parts sociales (parmi lesquelles 414 parts détenues par les époux [F]). Aux termes de la même assemblée, les associés ont ensuite décidé une augmentation du capital à hauteur de 350 000 euros, par création de 3 500 parts nouvelles de 100 euros chacune, intégralement souscrites par la société Montcarville Investissements à leur valeur nominale.
S’appuyant sur l’expertise, elles en déduisent que ces opérations successives, réalisées postérieurement à l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 1er mars 2013 et à l’assignation des époux [F] et de la société Montcarville Investissements devant le tribunal judiciaire de Paris en juin 2013, ont eu pour effet :
– de transférer la quasi intégralité des actifs indirects des époux [F] dans la société [F] Finance vers la société Montcarville Investissements et, corrélativement, de les appauvrir ;
– d’appauvrir directement le société Montcarville Investissements (et donc indirectement les époux [F] qui y détiennent des parts) puis, selon l’expert, les parts de la société [F] Finance souscrites par Montcarville ont en réalité une valeur nulle.
Elles exposent que les donation-partage au profit des trois enfants du couple du 7 octobre 2013, opérées quelques mois après l’arrêt du 1er mars 2013 et l’assignation de juin 2013, ont porté, d’après les valeurs mentionnées aux actes, sur :
– la nue-propriété de 11 880 actions de la société Odyssée Finance, holding familiale (pour un montant de 209 860 euros) ;
– la nue-propriété de 9108 parts de la société Montarville Investissements et la nue-propriété de la moitié indivise de 300 parts (pour un montant de 277 740 euros) ;
– la nue-propriété de 69 parts sur les 70 détenues en pleine propriété par Mme [F] de la société SCI Prassalat (pour un montant de 112 125 euros) ;
– la nue propriété des 300 parts qu’ils détenaient ensemble dans le capital de la SCI La Hurie (150 euros).
Les sociétés Suez soutiennent que par définition, ces donations, dont la valorisation a été déterminée par les époux [F] eux-mêmes, ont constitué un appauvrissement total de 599 875 euros, peu important que l’ampleur de l’appauvrissement soit négligeable. Elles contestent donc les conclusions de l’expert s’agissant des donations des parts sociales de la société Odyssée Finance et de la SCI La Hurie (que l’expert a estimé négligeables) et demandent à la cour de les leur déclarer inopposables.
Elles répliquent que les valorisations de juillet 2012 qui ne concernent que les sociétés Prassalat et Montcarville Investissement, n’ont pas de date certaine et sont en tous cas présentées comme postérieures au jugement correctionnel du 29 mars 2011 ayant condamné les époux [F]. Elles considèrent en outre que la date de l’intention d’accomplir l’acte d’appauvrissement est indifférente : seule compte la date à laquelle l’acte d’appauvrissement est effectivement réalisé. Elles ajoutent qu’à supposer que l’intention des époux [F] ait existé préalablement, ces derniers, une fois condamnés et assignés, auraient dû renoncer à leur projet.
Par ailleurs, elles soutiennent avoir découvert au cours des opérations d’expertise, l’existence d’une cession de parts effectuée le 6 février 2015 (la société Montcarville Investissements a cédé 20 parts de la société Ithaque Environnement qu’elle détenait à [B] et [U] [F] pour moitié chacun). Selon les sociétés intimées, cette cession de parts a été antidatée et a eu lieu en réalité fin juin 2015, après le prononcé d’un séquestre par ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de Pontoise le 28 avril 2015, aux motifs que :
– cette cession n’a pas été évoquée lors de l’audience de référé portant sur la constitution d’un séquestre ;
– l’acte de cession a été enregistré au service des impôts des entreprises le 30 juin 2015 ;
– l’acte de cession a été déposée au greffe du tribunal de commerce le 10 juillet 2015 ;
– les chèques émis par [B] [F] en règlement des deux cessions ont été encaissés le 30 juin 2015.
Les sociétés intimées considèrent donc que cette cession de parts sociales est intervenue en violation de l’ordonnance du 28 avril 2015 qui avait ordonné le séquestre des titres détenus par la société Montcarville Investissement au sein de la société Ithaque environnement.
Enfin, les sociétés Suez indiquent avoir découvert au cours des investigations opérées suite à leur plainte pour organisation frauduleuse d’insolvabilité que les époux [F] avaient effectué des donations en numéraire à leurs enfants à hauteur de 600 000 euros, dont elles demandent qu’elles leur soient déclarées inopposables.
Les sociétés Suez soutiennent que l’ensemble de ces actes a eu pour objectif d’organiser l’insolvabilité apparente des époux [F], au regard du principe de créance certaine de plusieurs millions d’euros dont ils sont débiteurs. Elles ajoutent que le seul montant de la franchise, 743 000 euros, excèdent les capacités financières apparentes des époux [F]. Elles ajoutent qu’il aura fallu atteindre presque trois ans pour que M. [F], qui connaissait les montants mis à sa charge, effectue un premier règlement, et près de huit ans pour que les époux [F] règlent l’ensemble des frais mis à leur charge par l’arrêt du 1er mars 2013. Elles soutiennent que l’échec de la plupart des saisies initiées par elles et le fait qu’il a fallu saisir la résidence principale des époux [F] suffisent à démontrer leur insolvabilité apparente.
Elles répliquent enfin que l’ordonnance de non-lieu du 22 octobre 2021 est sans incidence sur la présente procédure aux motifs que les éléments constitutifs du délit d’organisation frauduleuse d’insolvabilité, prévu à l’article 314-7 du code pénal, sont plus restrictifs que les conditions de l’action paulienne et exigent le prononcé d’une condamnation de nature patrimoniale. Elles ajoutent que le magistrat instructeur a en outre refusé de tenir compte des frais de justice et du principe certain de créance de plusieurs millions d’euros invoqués par les plaignantes.
(3) Les sociétés Suez soutiennent que l’intention frauduleuse des époux [F] ne fait aucun doute.
Elles déduisent du calendrier des opérations, quelques mois après la condamnation du 1er mars 2013 et l’assignation du 5 juin 2013 devant le tribunal judiciaire de Paris, ainsi que de leur caractère méthodique, systématique et sans contrepartie, la démonstration d’une intention frauduleuse. Elles insistent sur le fait qu’à supposer que l’intention des époux [F] de donner leur patrimoine à leurs enfants ait existé préalablement, ces derniers, une fois condamnés et assignés, auraient dû renoncer à leur projet.
(4) Elles considèrent que l’intention frauduleuse des tiers donataires est caractérisée.
Elles rappellent tout d’abord que cette intention frauduleuse est une présomption irréfragable dans l’hypothèse d’un acte à titre gratuit (telle une donation-partage).
Pour les actes à titres onéreux, elles considèrent que les enfants du couple avaient nécessairement connaissance que ces opérations causeraient un préjudice au créancier puisque le prix des cessions de parts sociales des 3 et 9 mars 2014 n’a jamais été payé, et que, de surcroît, ils ne pouvaient pas ignorer la condamnation de leurs parents.
Appréciation de la cour
L’article 1167, alinéa 1, du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, applicable au litige, dispose que les créanciers peuvent, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits.
La fraude paulienne suppose d’une part, que le débiteur ait passé un acte constitutif d’une atteinte au droit de son créancier, et d’autre part, qu’il ait été animé par une intention frauduleuse, laquelle est également requise pour le tiers contractant si l’acte est à titre onéreux.
Pour démontrer que l’acte constitue une atteinte au droit du créancier, il convient de réunir deux conditions : le droit du créancier est né avant l’acte frauduleux ; la seconde suppose d’établir en quoi l’acte attaqué compromet la réalisation du droit du créancier. Il convient en d’autres termes d’établir : la préexistence d’un principe de créance (1) et des actes d’appauvrissement du débiteur ayant pour objectif d’organiser son insolvabilité (2).
Il doit ensuite être démontrée l’intention frauduleuse du débiteur (3) et, en cas d’actes à titre onéreux, celle du tiers cocontractant du débiteur (4).
1. Sur la condition tenant à la préexistence d’un principe certain de créance
L’acte d’appauvrissement du débiteur ne peut nuire qu’aux créanciers qui lui sont antérieurs. L’établissement de la fraude ne requiert pas la préexistence d’une créance parfaite : le débiteur d’une somme d’argent à terme peut, par exemple, s’appauvrir sciemment avant même la survenance du terme, en se rendant insolvable au jour où le paiement pourra lui être demandé. Ainsi, la jurisprudence a précisé que ” la condition d’antériorité exigée pour l’application de l’article 1167 [devenu art. 1341-2] du code civil concerne seulement l’existence de la créance ” (Civ. 1re, 29 mai 1985, n°83-17.329 publié). Elle retient en conséquence qu’il ” n’est pas nécessaire, pour que l’action puisse être exercée, que la créance dont se prévaut le demandeur ait été certaine ni exigible au moment de l’acte argué de fraude et qu’il suffit que le principe de la créance ait existé avant la conclusion dudit acte par le débiteur ” (Com. 25 mars 1991, 89-12.267, Publié au bulletin) (souligné par la cour). Dans cette espèce, la Cour de cassation a admis l’existence d’un principe de créance dans l’hypothèse d’une créance de l’administration fiscale soumise à un aléa (demande de dégrèvement adressée à la direction des services fiscaux).
Il s’ensuit que la liquidité comme l’exigibilité de la créance ne sont pas nécessaires. Il suffit qu’un principe de créance préexiste à l’acte frauduleux ou existe au moment de l’acte argué de fraude (Civ. 1re, 14 juin 1961, Bull. civ. I, n°312 ; Civ. 1re, 15 févr. 1967, Bull. civ. I, n°66 ; Civ. 1re, 17 janv. 1984, Bull. civ. I, n°16).
L’action paulienne peut ainsi avoir une nature conservatoire ou exécutoire, selon l’intérêt à agir du demandeur.
Plus spécialement, la Cour de cassation a notamment admis ” qu’ayant relevé que le rappel d’impôt portait sur des revenus antérieurs à la donation litigieuse, la cour d’appel en a exactement déduit qu’il existait un principe certain de créance au jour de l’acte argué de fraude, peu important que l’action en recouvrement de cette créance fût susceptible d’être déclarée prescrite par le juge administratif parallèlement saisi ” (Civ 1ère, 6 avril 2016, n°15-12.381).
En l’espèce, l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 1er mars 2013, devenu définitif après l’arrêt de la Cour de cassation du 9 avril 2015 ayant statué, sans renvoi, sur les pourvois, a définitivement condamné M. et Mme [F] pour des faits d’abus de biens sociaux et recels d’abus de biens sociaux commis entre 2002 et 2007 (pièce 11 intimées).
Sur l’action civile, la cour a déclaré recevable l’action de la société SITA France, a déclaré irrecevable l’action qu’elle entendait exercer au nom de ses filiales, faute pour ces dernières d’avoir été incluses dans la cause, condamné M. [M] [F] à 50 000 euros en réparation d’un préjudice d’image et condamné les prévenus aux frais de procédure et aux dépens. La demande d’indemnisation de la société SITA France liée à la désorganisation de l’entreprise a été rejetée.
L’arrêt du 1er mars 2013 étant exécutoire par provision, les sommes mises à la charge des époux [F] au titre du préjudice d’image et des frais de procédure et des dépens étaient immédiatement dus à la société SITA France. L’arrêt du 9 avril 2015 a ” sorti ” M. [F] (et un autre prévenu) de la solidarité à laquelle il était tenu au titre des frais de procédure. Il est néanmoins resté redevable de 50 000 euros (préjudice d’image) et 23 920 euros (frais de procédure), Mme [F] restant quant à elle tenue au paiement de 143 520 euros solidairement avec six autres prévenus.
Ces créances, exécutoires dès le 1er mars 2013, préexistaient aux actes litigieux (signés entre le 7 octobre 2013 et 2015). Au jour de l’introduction de l’action paulienne (18 décembre 2014 et 6 janvier 2015), elles n’étaient pas réglées dans leur intégralité, de sorte que les sociétés Suez disposaient, les concernant, d’une créance certaine, liquide et exigible à l’encontre des époux [F].
A ce jour, et au terme de nombreuses démarches entreprises par les sociétés intimées, dont une saisie immobilière et une saisie attribution, il n’est pas contesté que ces sommes ont été payées, de sorte que la créance des sociétés Suez concernant son préjudice d’image et les frais de la procédure pénale est éteinte.
Par ailleurs, les sociétés Suez font valoir qu’elle dispose d’un principe de créance de plus de 13 millions d’euros, dont elles ont demandé le paiement dans le cadre d’une instance civile actuellement pendante devant la cour d’appel de Paris. Les appelants considèrent que cette créance, hypothétique, ne peut fonder l’action paulienne.
Pourtant, il résulte de l’arrêt du 1er mars 2013 (pièce 11 des intimées) que :
– la société SITA France, devenue la société Suez RV France, n’a pas demandé réparation de son préjudice matériel et financier devant les juridictions pénales, de sorte qu’il lui est possible de le faire devant les juridictions civiles ;
– il en est de même pour ses filiales, lesquelles sont intimées dans le cadre de la présente procédure.
C’est donc à tort que les appelants considèrent que les sociétés intimées ont été déboutées de leur demande de réparation de leurs préjudices.
En outre, l’arrêt du 1er mars 2013 a définitivement condamné M. et Mme [F] pour des faits d’abus de biens sociaux et recels d’abus de biens sociaux commis entre 2002 et 2007. Les montants des détournements illégaux sont mentionnés dans les infractions développées qui leur étaient reprochées et s’élèvent à plus de 13 millions d’euros. Certes, ces montants ne sont pas repris dans le dispositif de l’arrêt. Toutefois, le dispositif de cette décision ” déclare [M] [F] coupable des faits reprochés “, à l’exception d’une infraction, et ” le condamne (‘), et déclare [L] [F] coupable des délits reprochés et la condamne (‘) ” (pièce 11 intimées). Il est donc établi que les actes délictueux commis par les époux [F] ont consisté en des détournements des fonds appartenant à la société SITA France et à ses filiales, aux droits desquels viennent aujourd’hui les sociétés Suez, à hauteur de plus de 13 millions d’euros.
Par conséquent, contrairement à ce que prétendent les appelants et ainsi que l’ont à juste titre retenu les premiers juges, les sociétés Suez disposent d’un principe de créance certain sur les époux [F], au titre de l’action en réparation de leur préjudice matériel et financier actuellement pendante devant les juridictions civiles.
Les sociétés Suez ont assigné les époux [F] en réparation de leur préjudice le 5 juin 2013, juste avant qu’il ne soit procédé aux actes litigieux, et ont interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire de Paris du 26 octobre 2021 (pièce 100 des intimées), de sorte que rien ne permet de préjuger de la décision à venir de la cour d’appel de Paris.
Il existe donc au bénéfice des sociétés Suez un principe certain de créance, d’un montant très important estimé à plusieurs millions d’euros, au jour des actes argués de fraude, peu important les irrecevabilités et rejets prononcés par le tribunal judiciaire de Paris, lesquels sont susceptibles d’être totalement remis en cause en appel.
Il s’ensuit que la première condition de recevabilité de l’action pauline, tenant à la préexistence d’un principe certain de créance, est remplie.
2. Sur l’existence d’actes d’appauvrissement ayant pour but d’organiser l’insolvabilité apparente des époux [F]
La fraude du débiteur est commise à l’encontre d’un créancier particulier, et c’est donc à son égard qu’il faut apprécier si le patrimoine du débiteur pourrait lui permettre d’être payé. Cela implique donc de corréler l’appréciation de la solvabilité du débiteur aux chances de paiement du créancier concerné.
Comme l’insolvabilité, au moins apparente, participe à l’établissement de la fraude, c’est au créancier qu’incombe la charge d’en apporter la preuve, et ce par tous moyens.
En l’espèce, il convient d’analyser chacun des actes litigieux.
¢ Sur la cession de parts du 9 mars 2014 (pièce 23 des intimées)
Par acte du 9 mars 2014, M. [F] a cédé à ses trois enfants, [X], [B] et [U], 150 parts (50 parts à chacun) sur les 200 qu’il détenait dans le capital de la société La Foncière du Lac. Le même jour, Mme [F] a cédé à la société Montcarville Investissements 100 parts sur les 150 qu’elle détenait dans le capital de la société La Foncière du Lac. Il est précisé à l’article 4 que le prix de cession de 90 euros par part sera payé comptant par chèque au profit du cédant le même jour, et que le montant des parts cédées à la société Montcarville Investissements seront portées au crédit du compte courant d’associée de Mme [F] (pièce 23 des intimées).
Il résulte du rapport d’expertise du 27 juin 2018 (pièce 65 des intimées) que cette cession a entraîné un appauvrissement de 10 852 euros, soit 15% du montant des capitaux propres de la société (estimé à 72 345 euros), en raison du non-paiement du prix des 150 parts cédées par M. [F] à ses enfants (contrairement à la cession de 100 parts à la société Montcarville Investissements, payée via le compte courant de Mme [F], qui constitue une opération régulière (pièce 65 des intimées).
Les appelants ne démontrent pas par leurs productions le paiement comptant de la valeur des parts tel que stipulé dans l’acte de cession.
Par conséquent, cet acte constitue une donation déguisée qui a nécessairement abouti à un appauvrissement de son auteur.
¢ Sur la cession de parts du 3 mars 2023 (pièce 27 des intimées)
Par acte du 3 mars 2014, M. [F] a cédé 75 des 100 parts qu’il détenait au capital de la société Ithaque Environnement au prix de 130 euros par part. Parmi ses 75 parts, il en a cédé 30 à son fils [X] et 45 à la société Montcarville Investissements. Il est précisé à l’article 4 que le prix de cession de 390 euros sera payé comptant par chèque par M. [X] [F] au profit du cédant le même jour, et que le montant des parts cédées à la société Montcarville Investissements seront portées au crédit du compte courant d’associée de M. [F] au sein de cette société (pièce 27 des intimées).
La cour note que, d’après le rapport d’expertise (pages 9 et 10), la société Ithaque Environnement détient 3,1%, seulement, de la société Odyssée Finance (laquelle détient, par l’intermédiaire de la société Ulysse, la société Edifisud qui a connu les incendies et les difficultés économiques évoquées par les appelants).
Il résulte du rapport d’expertise du 27 juin 2018 que la cession des parts de la société Ithaque environnement a entraîné un appauvrissement de 2 935 euros, soit 30% de la valeur de la société retenue par l’expert (tenant compte de la valeur quasi-nulle des parts de la société Odyssée finance détenues par la société Ithaque Environnement), en raison du non-paiement du prix de cette cession de parts, qui constitue donc, selon l’expert, une donation déguisée (contrairement à la cession des 45 parts à la société Montcarville Investissements, payée via le compte courant de M. [F] qui constitue une opération régulière) (pièce 65 des intimées).
Les appelants ne démontrent pas un transfert de fonds correspondant au prix de cession stipulé dans l’acte.
Les développements des époux [F] sur la valeur des titres sont inopérants puisque d’une part, l’expert a tenu compte de la valeur quasi-nulle des parts de la société Odyssée Finance pour estimer la valeur des parts de la société Ithaque Environnement, et d’autre part, parce qu’en tout état de cause, le prix de ces cessions n’a pas été payé.
Par conséquent, cet acte constitue une donation déguisée qui a nécessairement abouti à un appauvrissement de son auteur.
¢ Sur la cession de parts du 6 février 2015 (pièce 67 des intimées)
Par acte du 6 février 2015, la société Montcarville Investissements a cédé 20 parts de la société Ithaque Environnement à [B] [F] (10 parts) et à [U] [F] (10 autres parts), au prix unitaire de 130 euros par action (pièce 67 des intimées).
Il ressort du rapport d’expertise (page 14) que cette cession fait suite à celle du 3 mars 2014.
Sur les 45 parts de la société Ithaque Environnement qu’elle a acquis par acte du 3 mars 2014, la société Montcarville Investissement, détenue par les époux [F], en a cédé 20 à M. [U] et Mme [B] [F].
Les sociétés Suez indiquent avoir découvert cette cession parmi les éléments communiqués par les époux [F] au cours des opérations d’expertise. Elles prétendent que cette cession a été antidatée et qu’elle aurait eu lieu fin juin 2015, après l’ordonnance de référé du 28 avril 2015 par laquelle le président du tribunal de grande instance Pontoise a ordonné la mise sous séquestre des parts détenues par la société Montcarville Investissements dans la société Ithaque Environnement.
Il ressort de l’ordonnance de référé du 28 avril 2015 qu’a été ordonnée la mise sous séquestre judiciaire des 45 parts détenues par la société Montcarville Investissements dans la société Ithaque Environnement en pleine propriété. Il ne ressort pas de l’exposé du litige que les époux [F] ont fait état de la cession de 20 parts datée du 6 février 2015, pourtant censée être intervenue antérieurement à l’assignation en référé des 1er et 3 avril 2015 (pièce 54 des intimées).
L’expert n’a pas été interrogé et ne s’est donc pas prononcé sur le point de savoir si cette cession constituait un acte d’appauvrissement ou non.
Il résulte des pièces versées par les intimées que l’acte de cession a été enregistré au service des impôts des entreprises le 30 juin 2015 (pièce 67 intimées), déposé au greffe du tribunal de commerce le 10 juillet 2015 (pièce 85 intimées) et que les chèques émis par [B] [F] en règlement des deux cessions ont été encaissés le 30 juin 2015 (pièce 68 intimées).
Leurs productions, qui ne concernent que les actes pris subséquents à cette cession de parts, sont insuffisantes à établir que la cession a été antidatée.
Il est par ailleurs démontré que le prix de cession a été versé.
Il s’ensuit que, faute d’élément probant suffisant, l’acte de cession du 6 février 2015 ne peut être considéré comme un acte d’appauvrissement.
¢ Sur la donation-partage du 7 octobre 2013 (pièce 39 des intimées)
Par acte notarié du 7 octobre 2013, les époux [F] ont cédé à leurs trois enfants de façon anticipée :
– la nue-propriété des 11 880 actions qu’ils détenaient ensemble en pleine propriété dans le capital de la société Odyssée Finance, holding familiale, le tout-estimé pour la nue-propriété à 209 860 euros ;
– la nue-propriété des 9 108 parts qu’ils détenaient en pleine propriété dans le capital de la société Montcarville Investissements et la nue-propriété de la moitié indivise de 300 parts, le tout estimé pour la nue-propriété à 277 740 euros ;
– la nue-propriété de 69 parts sur les 70 parts sociales détenues en pleine propriété par Mme [L] [F] dans le capital de la société SCI Prassalat, le tout estimé pour la nue-propriété à 112 125 euros ;
– la nue-propriété des 300 parts sociales qu’ils détenaient ensemble en pleine propriété dans le capital de la société SCI La Hurie, le tout estimé pour la nue-propriété à 150 euros.
Il ressort de l’acte de donation-partage que la valeur des titres donnés par les époux [F] représente un total chiffré à 599 875 euros (pièce 39 des intimées).
Au vu des informations disponibles, l’expert conclut que la donation-partage des parts de la société Odyssée Finance et de la SCI La Hurie intervenues le 7 octobre 2013 n’ont pas entraîné d’appauvrissement (sauf négligeable) du patrimoine des époux [F].
En revanche, d’après l’expert, la donation-partage des titres des sociétés Montcarville Investissements et de la SCI Prassalat ont entraîné un appauvrissement des époux [F] à hauteur respectivement de 91 063 euros et de 94 875 euros (correspondant aux ” valeurs réelles ” de la nue-propriété des titres retenue par l’expert) (pièce 65 des intimées).
Les appelants prétendent que ces transmissions de parts ont été envisagées antérieurement et produisent deux évaluations concernant les sociétés Prassalat et Montcarville Investissements (pièces 5 et 6 des appelants). Ce moyen est inopérant, seule compte la date à laquelle l’acte d’appauvrissement est effectivement réalisé, et à supposer que l’intention des époux [F] ait existé préalablement, ces derniers, une fois condamnés le 1er mars 2013 et assignés en le 5 juin 2013, auraient dû en tout état de cause renoncer à leur projet.
C’est donc exactement que les premiers juges ont retenu que la preuve que la donation des parts de la SCI Prassalat et de la société Montcarville Investissements ont appauvri les époux [F] est rapportée.
¢ Opération sur le capital de la société [F] Finance le 27 juin 2014 (pièce 31 des intimées)
Suivant procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 27 juin 2014, les associés (les époux [F], qui détenaient ensemble 450 parts sur les 1000 parts composant le capital social de la société, leurs enfants et la société Montcarville Investissements) ont décidé de ramener le capital social à 10 000 euros en absorbant 90 000 euros de pertes et en annulant corrélativement 900 parts sociales (parmi lesquelles 414 parts détenues par les époux [F]). Aux termes de la même assemblée, les associés ont ensuite décidé une augmentation du capital à hauteur de 350 000 euros, par création de 3 500 parts nouvelles de 100 euros chacune, intégralement souscrites par la société Montcarville Investissements à leur valeur nominale (pièce 31 des intimées).
Le même jour, suivant acte de cession d’actions du 27 juin 2014, la société Montcarville Investissements a cédé à la société [F] Finance 7000 actions qu’elle détenait dans le capital de la société Odyssée Finance au prix de 30 euros par action, soit 210 000 euros. Ce prix a été porté au crédit du compte ” augmentation de capital ” souscrit par la société Montcarville Investissements dans la société [F] Finance (pièce 31 des intimées).
Il résulte tout d’abord du rapport d’expertise que la participation de M. et Mme [F], qui s’élevait, avant cette assemblée générale extraordinaire, respectivement à 30 et 15% du capital de la société [F] Finance, a considérablement diminué avec cette opération pour atteindre respectivement 0,8% et 0,4% du capital de la société (page 9 et 10 du rapport, pièce 65 des intimées).
En outre, l’expert précise que les 350 000 euros investis par la société Montcarville Investissements sont en réalité à fonds perdus au moment de l’investissement via l’augmentation du capital de la société [F] Finance, puisque les actions de la société [F] Finance obtenues ne valent rien (pièce 65 des intimées, p. 21).
S’agissant de l’opération d’augmentation/réduction du capital de [F] Finance (prise isolément), l’expert conclut que les époux [F], étant propriétaires de 1,12% du capital en pleine propriété et de 64,9% du capital en usufruit de la société Montcarville Investissement (qui a investi 350 000 euros à fonds perdus), cette opération (prise isolément) a eu pour effet un appauvrissement de leur patrimoine à hauteur de 117 495 euros (pièce 65 des intimées, p.21).
Il précise par ailleurs que si l’on prend en compte en sens inverse le fait que les titres de la société Odyssée acquis le même jour par la société [F] Finance auprès de la société Montcarville Investissements pour 210 000 euros ont une valeur nulle, cette cession étant liée à l’opération d’augmentation/réduction de capital proprement dite, alors l’investissement réel à fonds perdus de la société Montcarville Investissements ressort en définitive à 140 000 euros et, par conséquent, l’appauvrissement réel des époux [F] ressort à 46 996 euros.
Il s’ensuit qu’il est démontré que les décisions prises lors de l’assemblée générale extraordinaire du 27 juin 2014 portant réduction/augmentation du capital de la société [F] Finance et les opérations de paiement subséquentes ont constituées un appauvrissement du patrimoine des époux [F].
¢ Les donations en numéraire de 600 000 euros
Les intimées font valoir qu’il ressort de l’ordonnance de non-lieu du 22 octobre 2021 que les appelants auraient donné postérieurement à leur condamnation une somme totale de 600 000 euros en numéraire à leurs enfants (pièce 104 des intimées, page 9).
Les appelants ne contestent pas l’existence de ces donations, mais estiment la demande d’inopposabilité de ces donations surprenante compte tenu du non-lieu à suivre du chef d’organisation frauduleuse d’insolvabilité prononcé par le magistrat instructeur (page 11 de leurs écritures).
Il s’ensuit que ces donations, non contestées, et par nature sans contrepartie, ont donné lieu à un appauvrissement des époux [F].
Au total, la donation partage du 7 octobre 2013, à l’exception des parts de la société Odyssée Finance et de la SCI La Hurie, les actes de cession de titres des 3 et 9 mars 2014, l’opération sur le capital de la société [F] Finance, la souscription de parts par la société Montcarville Investissements et les opérations de paiement subséquentes du 27 juin 2014, ont constitué des actes d’appauvrissement, ainsi que l’ont exactement considéré les premiers juges. Il en est de même des donations en numéraire de 600 000 euros.
En revanche, ainsi que l’ont exactement retenu les premiers juges, il n’est pas établi que la donation-partage du 7 octobre 2013 concernant les parts de la société Odyssée Finance et de la SCI La Hurie, et l’acte de cession du 6 février 2015, ont appauvri le patrimoine des époux [F].
Les époux [F] prétendent que leur patrimoine serait suffisant pour éteindre leur créance, mais n’apportent aucunement la preuve de ce qu’ils avancent. Ils ne versent aucune pièce relative à l’existence d’avoirs en Suisse ou à la propriété de biens immobiliers qu’ils invoquent dans leurs écritures (page 19).
Il est, par conséquent, suffisamment établi, que ces actes d’appauvrissement ont eu pour objectif et pour effet d’organiser leur insolvabilité apparente, compromettant ainsi la réalisation du droit des créanciers.
3. Sur l’intention frauduleuse
La fraude paulienne n’implique pas nécessairement l’intention de nuire ; elle résulte de la seule connaissance que le débiteur et son cocontractant à titre onéreux ont du préjudice causé au créancier par l’acte litigieux (1ère Civ., 29 mai 1985, n°83-17.329 ; 3ème Civ., 6 octobre 2004, n°03-15.392 ; 1ère Civ., 12 déc. 2006, n°04-11.579)
En l’espèce, l’intention frauduleuse des époux [F] est démontrée et résulte à la fois du moment d’accomplissement et des circonstances des actes litigieux.
En premier lieu, les actes litigieux ont été commis entre le 7 octobre 2013 et 2015, postérieurement à la condamnation pénale des époux [F] par arrêt contradictoire du 1er mars 2013, dont les dispositions étaient exécutoires à compter de cette date, et postérieurement à leur assignation en réparation au civil devant le tribunal de grande instance de Paris par acte du 5 juin 2013.
En second lieu, force est de constater qu’ils ont consisté en un appauvrissement important du patrimoine des époux [F], principalement au profit de leurs enfants, rendu complexe notamment par le démembrement de la propriété des titres détenus dans la kyrielle de sociétés familiales, obligeant les sociétés Suez à solliciter une mise sous séquestre des titres objets de cession en avril 2015 et à entreprendre une procédure de saisie attribution, contestée devant le juge de l’exécution de Coutances (pièces 70 des intimées), et une saisie immobilière.
Les époux [F], présents lors de l’audience correctionnelle devant la cour d’appel, ont nécessairement eu connaissance du préjudice causé à leurs créanciers par la souscription des actes susvisés.
Contrairement à ce que prétendent les appelants, il ne peut être tiré aucune conclusion quant à l’action paulienne de l’ordonnance de non-lieu à suivre du chef d’organisation frauduleuse d’insolvabilité dans la mesure où la saisine du magistrat instructeur a été limitée aux ” faits relatifs à la dette de dommages et intérêts de 50 000 euros mis à la charge de M. [F] par arrêt du 1er mars 2013 au bénéfice de la seule société Sita France ” (pièce 104 des intimées, pages 5 et 20).
En outre, c’est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la validité juridique des actes litigieux est sans incidence sur leur caractère frauduleux en ce qu’ils ont servi à organiser l’insolvabilité des époux [F] pour les soustraire aux poursuites des créanciers.
Il s’ensuit que l’intention frauduleuse des époux [F] est démontrée.
4. La connaissance de la fraude par les tiers (actes à titre onéreux)
Conformément à l’ancien article 1167, devenu 1341-2, du code civil, la connaissance de la fraude par les tiers n’est une condition de la recevabilité de l’action paulienne que dans le cas des actes onéreux.
Ainsi que l’a exactement considéré le tribunal, les trois enfants des époux [F], majeurs au moment des actes litigieux pour être nés en 1983 et 1990, ne pouvaient ignorer la condamnation de leurs parents. Ils ne pouvaient pas non plus ignorer, s’agissant des actes de cession des 3 et 9 mars 2014, que le prix de cession n’a pas été payé contrairement aux stipulations des actes, de sorte que ces cessions de titres étaient en réalité des donations déguisées.
Il s’ensuit que la connaissance de la fraude par les tiers, s’agissant des actes à titre onéreux, est également établie.
*
Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’à l’exception de la donation-partage du 7 octobre 2013 concernant les parts de la société Odyssée Finance et de la SCI La Hurie, et de l’acte de cession du 6 février 2015, les conditions de recevabilité de l’action paulienne sont réunies de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré inopposables aux sociétés intimées :
– la donation partage du 7 octobre 2013, concernant les parts de la société Montcarville Investissements et de la SCI Prassalat,
– les actes de cession de titres des 3 et 9 mars 2014,
– l’opération sur le capital de la société [F] Finance, la souscription de parts par la société Montcarville Investissements et les opérations de paiement subséquentes du 27 juin 2014.
Il sera ajouté au jugement que les donations en numéraire pour un montant total de 600 000 euros effectuées par les époux [F] au profit de leurs enfants seront également déclarées inopposables aux sociétés Suez.
Les dispositions du jugement concernant la mise sous séquestre des titres entre les mains de M. [W], administrateur judiciaire, dans les conditions prévues par l’ordonnance du 28 avril 2015, à l’exception des donations des parts de la société Odyssé Finance et de la SCI La Hurie du 7 octobre 2013 et des parts détenues dans le capital de la société Ithaque Environnement cédées par la société Montcarville Investissement à Mme [B] et M. [U] [F] suivant acte du 6 février 2015, seront confirmées. Les demandes des sociétés intimées concernant ces derniers titres non séquestrés sera rejetée.
La cour précise qu’elle n’est pas compétente pour ordonner le remboursement de la rémunération du séquestre par les époux [F] au profit des sociétés intimées ainsi que des frais exposés par ce dernier dont elles auraient fait l’avance, le président du tribunal judiciaire de Pontoise statuant en référé étant compétent, conformément à l’ordonnance du 28 avril 2015, pour statuer sur ce point.
Sur le sursis à statuer
Moyens des parties
Les époux [F] demandent la confirmation du jugement en ce qu’il a jugé sans objet la demande de sursis à statuer des intimées.
Les sociétés Suez demandent à titre infiniment subsidiaire, si la cour venait à considérer que la créance de plus de 13 millions d’euros dont est saisie la cour d’appel de Paris n’est pas suffisamment certaine en son principe, qu’il soit sursis à statuer dans l’attente qu’il soit statué de manière définitive sur leurs demandes de réparation. Elles ajoutent que ce sursis est nécessaire à la préservation de leurs droits car si la cour infirmait le jugement sans prononcer ce sursis à statuer, cela aurait pour effet de laisser se prescrire l’action paulienne des intimées qui seraient alors privées de tout recours lorsqu’il aura été statué sur leur action civile.
Appréciation de la cour
Il résulte de ce qui précède que la demande de sursis à statuer formulée par les sociétés Suez est sans objet.
Sur la demande de dommages et intérêts des époux [F] pour procédure abusive
Moyens des parties
Poursuivant l’infirmation du jugement qui a rejeté leur demande d’indemnisation, les époux [F] demandent à la cour de leur allouer 5000 euros en réparation de leur préjudice au titre de la procédure abusive. Selon eux, les sociétés intimées ont diligenté des procédures de saisies, notamment la saisie de leur résidence principale grevée d’une hypothèque du trésor public, et y compris sur des objets de faible valeur, ainsi que des procédures judiciaires pour les humilier, cet acharnement étant commandé, selon eux, par le fait que M. [F], non tenu par une clause de non concurrence, a créé une société concurrente de la société SITA France.
Poursuivant la confirmation du jugement, les sociétés Suez estiment la demande des époux [F] infondée et déduisent de leurs développements, le fait qu’elles étaient parfaitement fondées à agir pour préserver leur droit de créance.
Appréciation de la cour
L’article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Toute faute faisant dégénérer en abus le droit d’agir en justice ouvre droit à réparation.
Cependant, l’action ne peut constituer un abus de droit dès lors que sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré (1re Civ., 9 oct. 2001, pourvoi n° 98-14.991 ; 2e Civ., 13 mars 2003, pourvoi n° 01-17.418, ; 1re Civ., 8 juill. 2009, pourvoi n° 08-16.153).
A fortiori, les époux [F] sont appelants et les sociétés Suez ont obtenu gain de cause de sorte que la demande d’indemnisation des époux [F] pour procédure abusive ne pourra qu’être rejetée.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement qui a exactement statué sur les dépens, en ce compris les frais d’expertise, et les frais irrépétibles sera confirmé de ces chefs.
Les époux [F], partie perdante, seront condamnés in solidum aux dépens d’appel. Leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile seront de ce fait rejetée.
Il apparaît équitable d’allouer aux sociétés intimées la somme de 2 000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Les époux [F] seront dès lors condamnés in solidum au paiement de cette somme.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DÉCLARE inopposables aux sociétés intimées les six donations en numéraire par lesquelles M. [F] a donné à chacun de ses trois enfants 100 000 euros et par lesquelles Mme [F] a donné à chacun de ses trois enfants 100 000 euros ;
DIT n’être pas compétente pour ordonner le remboursement de la rémunération du séquestre par les époux [F] au profit des sociétés intimées ainsi que des frais exposés par ce dernier dont elles auraient fait l’avance ;
DIT que la demande de sursis à statuer formée par les sociétés intimées est sans objet ;
CONDAMNE in solidum M. [M] [F] et Mme [L] [F] aux dépens d’appel ;
CONDAMNE in solidum M. [M] [F] et Mme [L] [F] à verser à la SAS Suez RV Plastiques Atlantique, la SA Suez RV France, la SA Suez RV Ile de France Vitry, la SA HTP, la SARL FEE Services, la SAS Suez RV Plastiques Ouest, la SAS Suez RV Recyclage, et la SAS Regene la somme de 2 000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes autres demandes.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,