Augmentation de capital : décision du 12 septembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/06133
Augmentation de capital : décision du 12 septembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/06133
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1ère Chambre

ARRÊT N°237/2023

N° RG 20/06133 – N° Portalis DBVL-V-B7E-RFHV

SCP SCP KERMARREC & GICQUELAY

C/

Me [K] [D]

M. [H] [V]

Mme [B] [T] épouse [V]

S.A.S. TEYACEM

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre entendu en son rapport,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et Monsieur Pierre DANTON lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 23 mai 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 12 septembre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

La SELARL D GICQUELAY, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Quimper sous le n°394.296.289, venant aux droits de la SCP KERMARREC & GICQUELAY (anciennement SCP KERMARREC-MOLIC), cabinet d’avocats inscrit au barreau de Quimper, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité

[Adresse 7]

[Localité 5].

Représentée par Me Sylvie PELOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Julien CHAINAY de la SELARL EFFICIA, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Maître [K] [D]

née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 6] (35)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Céline DEMAY de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Yves-Marie LE CORFF de l’association FABRE GUEGNOT ET ASSOCIÉS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [H] [V]

né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 11] (67)

CCAS

[Adresse 13]

[Localité 10]

Représenté par Me Cyril LAURENT de la SELARL BRITANNIA, avocat au barreau de BREST

Madame [B] [T] épouse [V]

née le [Date naissance 4] 1957 à [Localité 12] (ALGÉRIE)

CCAS

[Adresse 13]

[Localité 10]

Représentée par Me Cyril LAURENT de la SELARL BRITANNIA, avocat au barreau de BREST

La société TEYACEM, SAS immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n°398.562.058, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 8]

[Localité 9]

Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Gaétan DI MARTINO de la SELARL DI MARTINO AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de STRASBOURG

EXPOSÉ DU LITIGE’:

La société [H] [V] serrurier, dont M. [H] [V] et Mme [B] [T] épouse [V] étaient les seuls associés, exploitait un fonds de commerce de serrurerie de précision, pose de coffres-forts et dépannage en serrurerie.

La société [H] [V], exposée à des difficultés économiques, a saisi le président du tribunal de commerce de Brest qui, par ordonnance du 22’octobre 2010, a ouvert une procédure de conciliation judiciaire confiée à Me [K] [D], administrateur judiciaire, avec la mission de permettre’:

– l’établissement d’une solution à la difficulté financière rencontrée par la société [H] [V] Serrurier en favorisant la conclusion entre cette société et ses créanciers sociaux d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de la société et en présentant toute proposition se rapportant à la sauvegarde de l’entreprise, à la poursuite de l’activité économique et au maintien de l’emploi,

– l’accompagnement de l’arrivée d’un investisseur potentiel en favorisant le renforcement en fonds propres et en préconisant toutes mesures utiles de nature à pérenniser l’entreprise.

Sous l’égide de cette dernière, ont été conclus, d’une part, un moratoire avec les créanciers fiscaux et sociaux de la société [H] [V] et, d’autre part, le 13 janvier 2011 un protocole d’accord avec la société Teyacem, investisseur, aux termes duquel il a été convenu :

– d’une augmentation du capital de la société [H] [V] Serrurier réservée à la société Teyacem à hauteur de 25 000 euros,

– de la mise à disposition progressive de la société [H] [V] Serrurier par la société Teyacem d’un compte courant d’associé suivant des modalités fixés dans des tableaux joints en annexe,

– de l’engagement par la société [H] [V] Serrurier de communiquer toutes les informations sur sa gestion à la société Teyacem et à la société Centrale des Fermeturistes Experts (CFE) et de relancer son activité en élargissant les propositions et le secteur d’activité,

– de l’engagement des époux [V], pour la durée de remboursement du plan d’apurement des dettes sociales et fiscales à établir par l’intermédiaire du conciliateur, à rester à la direction de la société [H] [V] Serrurier et à réduire leur rémunération,

– de l’engagement des époux [V] en tant que caution sans bénéfice de discussion à hauteur de 50% du compte courant apporté ainsi que leur engagement, à première demande, de fournir une garantie réelle sur ces sommes.

Par jugement du 3 mai 2011 rendue sur la requête conjointe de la société [H] [V] Serrurier, de la société Teyacem et de Me [K] [D], le tribunal de commerce de Brest a prorogé la mission du conciliateur jusqu’au prononcé de la décision et homologué l’accord intervenu selon protocole du 13 janvier 2011, l’engagement ayant été réitéré le 16 mars 2011.

Le 4 février 2012, un avenant a été régularisé entre la société [H] [V], la société Teyacem et les époux [V] prévoyant’:

– une nouvelle augmentation de capital réservée à la société Teyacem à hauteur de 25’000’euros et une modification de la dénomination de la société devenue [H] [V] Fermeturiste,

– l’ouverture d’un compte courant à la CFE pour obtenir 45 jours de délai de paiement entre la facture du fournisseur à la société CFE et le paiement de la refacturation par la société [H] [V] Fermeturiste,

– un engagement de caution personnelle des époux [V].

Par jugement du 18 septembre 2012, le tribunal de commerce de Brest a ouvert au bénéfice de la société [H] [V] Fermeturiste une procédure de redressement judiciaire, laquelle a été convertie en liquidation judiciaire par jugement prononcé le 4 avril 2014. Cette procédure a été clôturée le 6 octobre 2015 pour insuffisance d’actifs.

La société Teyacem a déclaré dans le cadre de cette procédure collective une créance chirographaire de 78’985,51 euros au titre de son compte courant et la société CFE une créance de 248’987,57 euros.

Ces deux créances ont été admises au passif.

La société CFE a été dissoute sans liquidation le 5 novembre 2013 et une transmission universelle de son patrimoine a été effectuée au profit de la société Teyacem.

Par courrier du 28 décembre 2014, la société Teyacem a mis en demeure les époux [V], en leur qualité de cautions, de lui régler la somme de 320’548,56’euros au titre de leurs engagements.

Les époux [V] n’ayant pas réglé les sommes dues, la société Teyacem les a assignés, par exploit du 4 janvier 2016, devant le tribunal de commerce de Brest. Par exploit du 26 septembre 2016, la société Teyacem a assigné en intervention forcée et garantie Me'[D] faisant valoir sa qualité de rédactrice des conventions. Cette instance a été jointe à celle engagée à l’encontre des époux [V]. Me [D] ayant fait valoir que les actes avaient été rédigés par la SCP Kermarrec-Gicquelay, avocat à Quimper, la société Teyacem l’a assignée par exploit du 27 janvier 2017.

S’agissant de cette dernière demande, le tribunal de commerce de Brest s’est déclaré, par jugement du 25 mai 2018, incompétent au profit du tribunal de grande instance de Lorient. Par jugement du 21 décembre 2018, il a renvoyé l’instance opposant la société Teyacem aux époux [V] et à Me [D] devant cette juridiction en raison de sa connexité avec celle engagée contre l’avocat. Enfin et par ordonnance du 5 juillet 2019, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lorient a joint les deux instances en raison de leur connexité.

Par jugement du 18 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Lorient a’:

– débouté les époux [V] de leur demande de nullité et/ou caducité du protocole d’accord du 13 janvier 2011 et de son avenant du 4 février 2012,

– déclaré nul et de nul effet le cautionnement donné dans l’avenant du 4 février 2012,

– débouté les époux [V] de leur demande en nullité du cautionnement donné dans le protocole d’accord du 13 janvier 2011,

– débouté les époux [V] de leur demande tendant à voir dire ce cautionnement disproportionné,

– condamné en conséquence solidairement les époux [V] à verser à la société Teyacem la somme de 38’206,85’euros outre les intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2015,

– débouté la société Teyacem de ses demandes à l’encontre de Me [K] [D],

– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action engagée par la société Teyacem à l’encontre de la SCP Kermarrec-Gicquelay,

– dit que la SCP Kermarrec-Gicquelay a commis une faute dans la rédaction de l’engagement de caution donné par les époux [V],

– condamné en conséquence la SCP Kermarrec-Gicquelay à indemniser le préjudice subi par la société Teyacem,

– dit que ce préjudice constitue une perte de chance de recouvrer sa créance à l’encontre de la société [H] [V] Fermeturiste auprès des époux [V],

– fixé à 50 % cette perte de chance,

– condamné en conséquence la SCP Kermarrec-Gicquelay à verser à la société Teyacem la somme de 75’000’euros,

– débouté la SCP Kermarrec-Gicquelay de son action en garantie contre Me [K] [D],

– condamné la société Teyacem à verser à Me [K] [D] une indemnité de 3’000’euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la SCP Kermarrec-Gicquelay de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné les époux [V] et la SCP Kermarrec-Gicquelay à verser à la société Teyacem une indemnité de 4’500’euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que cette condamnation sera supportée à hauteur des deux tiers par les époux [V] et à hauteur d’un tiers par la SCP Kermarrec-Gicquelay,

– condamné dans ces mêmes proportions les époux [V] et la SCP Kermarrec-Gicquelay aux dépens.

Par déclaration du 14 décembre 2020, la SCP Kermarrec-Gicquelay a interjeté appel de ce jugement, intimant Me [D], la société Teyacem et les époux [V].

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 26 avril 2023, la Selarl D.’Gicquelay venant aux droits de la SCP Kermarrec-Gicquelay demande à la cour de’:

– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lorient en date du 18 novembre 2020 en ce qu’il :

– a déclaré nul et de nul effet le cautionnement donné dans l’avenant du 4 février 2012,

– a dit qu’elle a commis une faute dans la rédaction de l’engagement de caution donné par les époux [V],

– l’a condamnée en conséquence à indemniser le préjudice subi par la société Teyacem,

– l’a condamnée à indemniser la société Teyacem au titre d’une perte de chance pour celle-ci de recouvrer sa créance à l’encontre de la société [H] [V] Fermeturiste et pour un montant de 75.000 euros,

– a fixé à 50% cette perte de chance,

– l’a condamnée à verser à la société Teyacem la somme de 75’000’euros,

– l’a débouté de son action en garantie à l’encontre de Me [K] [D],

– l’a déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– l’a condamnée avec les époux [V] à verser à la société Teyacem une indemnité de 4’500’euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– a dit que cette condamnation sera supportée à hauteur des 2/3 pour les époux [V] et à hauteur d’1/3 par elle,

– l’a condamnée avec les époux [V] dans les mêmes proportions aux dépens,

statuant à nouveau,

– dire et juger que le cautionnement donné par les époux [V] dans l’avenant du 4 février 2012 est parfaitement valable,

– dire et juger que la sûreté réelle consentie par les époux [V] dans l’avenant du 4 février 2012 et constituant une promesse d’hypothèque est parfaitement valable,

– dire et juger qu’elle n’a commis aucune faute dans la rédaction des actes qu’elle a pu rédiger (protocole d’accord du 13 janvier 2011 et avenant du 4 février 2012),

– débouter les époux [V] de leurs demandes, fins et conclusions,

– débouter la société Teyacem de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions formulées à son encontre,

– débouter Me [D] de sa demande en garantie à son encontre,

à titre subsidiaire, en cas de condamnation,

– fixer la contribution à la dette entre les co-obligés condamnés in solidum,

en tout état de cause,

– condamner la société Teyacem à lui verser la somme de 2’500’euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Teyacem aux entiers dépens en ce compris ceux éventuels d’exécution.

La société D. Gicquelay soutient qu’elle n’a commis aucune faute ayant compromis l’efficacité des actes. Elle affirme que contrairement à ce que font valoir les époux [V], la caducité du protocole d’accord du 13 janvier 2011 ne peut résulter d’une absence d’étalement des dettes sociales et fiscales sur 24 mois, cet étalement n’étant pas une condition résultant de l’accord des parties. Elle ajoute que les époux [V] ne peuvent se prévaloir de la caducité du protocole dès lors qu’il leur appartenait de négocier des délais auprès de leurs créanciers.

Elle soutient, en outre, que les époux [V] ne démontrent pas l’existence des conditions du dol que sont les man’uvres et le caractère déterminant du consentement de la prétendue erreur provoquée.

Elle estime que le tribunal a valablement pu juger que l’acte du 13 janvier 2011 ayant été homologué, il n’était pas soumis au formalisme imposé par les dispositions du code de la consommation. S’agissant du cautionnement résultant de l’avenant du 4 février 2012, elle fait valoir qu’il s’agit d’un cautionnement commercial puisqu’il a pour objet la garantie de la dette d’une société par son dirigeant et comme tel il n’est soumis à aucun formalisme. En tout état de cause, elle prétend que l’article 1326 du code civil invoqué par les époux [V] prescrit une règle de preuve et non de validité de sorte que la nullité n’est pas encourue. Elle précise enfin qu’aucune disproportion ne peut être alléguée dès lors que les cautions sont averties, en tant que fondateurs, animateurs et associés de la société, et qu’au demeurant, aucune preuve du caractère prétendument disproportionné n’est rapportée.

Elle soutient, par ailleurs, qu’en interprétant les termes pourtant clairs et précis de la clause relative à la garantie réelle, le tribunal les a dénaturés puisqu’elle prévoyait bien deux engagements distincts, à savoir un cautionnement, d’une part, et une promesse d’hypothèque, d’autre part. Ainsi, selon elle, les deux sûretés ne se confondent pas, l’une étant personnelle et l’autre réelle.

Enfin, elle affirme que la demande de compensation formulée par les époux [V] doit être rejetée car elle suppose une faute de la société Teyacem, dont l’existence n’est pas démontrée.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 27 avril 2023, la société Teyacem forme un appel incident et demande à la cour de’:

– déclarer la Selarl D. Gicquelay, venant aux droits de la SCP Kermarrec-Gicquelay, mal fondée en son appel,

en conséquence,

– débouter la Selarl D. Gicquelay, venant aux droits de la SCP Kermarrec-Gicquelay de son appel et de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

– déclarer Me [K] [D] mal fondée en son appel incident,

– débouter Me [K] [D] de son appel et de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– confirmer le jugement du tribunal de Lorient en ce qu’il a retenu que la SCP Kermarrec-Gicquelay responsable par manquement à ses obligations de conseil au titre de la rédaction des actes des 13 janvier 2011 et 4 février 2012 litigieux faute d’avoir veillé à l’efficacité de ces derniers,

– déclarer M. [H] [V] Mme [B] [V] mal fondés en leur appel incident,

– débouter M. [H] [V] et Mme [B] [V] de leur appel et de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

– la déclarer au contraire recevable et bien fondée en son appel incident,

en conséquence,

– infirmer, le jugement du tribunal judiciaire de Lorient en date du 18 novembre 2020 en ce qu’il a déclaré nul et de nul effet le cautionnement donné par les consorts [V] dans l’avenant du 4 février 2012,

– infirmer, le jugement du tribunal judiciaire de Lorient en date du 18 novembre 2020 en ce qu’il a limité à la somme de 38’206,85’euros le somme que lui doivent les époux [V],

statuant à nouveau,

– condamner solidairement M. [H] [V] et Mme [B] [V] à lui payer la somme de 75’000’euros au titre de l’engagement pris au titre du protocole du 13 janvier 2011, subsidiairement à cette même somme, à titre de dommages-intérêts en réparation de la violation de leur engagement de consentir une garantie réelle à première demande, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 décembre 2014,

– condamner solidairement M. et Mme [H] [V] et Mme [B] [V] à lui payer la somme de 150’000’euros, au titre de la garantie donnée le 4 février 2018 (sic), au titre des encours accordés à la société [H] [V] Serrurier par la société CFE (dont le patrimoine a été repris par la société Teyacem) subsidiairement à cette même somme, à titre de dommages-intérêts en réparation de la violation de leur engagement de consentir une garantie réelle à première demande, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 décembre 2014,

subsidiairement,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a solidairement condamné M. [H] [V] et Mme [B] [V] à lui verser la somme de 38’206,85 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2015,

– infirmer le jugement querellé en ce qu’il a fixé le montant du préjudice à verser par la SCP Kermarrec-Gicquelay devenue la Selarl D Gicquelay à 75’000’euros, en retenant un quantum de 50% de perte de chance pour elle « de recouvrer sa créance à l’encontre de la Sarl [H] [V] Fermeturiste auprès des époux [V] »,

– infirmer, le jugement querellé, en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes, fins et prétentions à l’encontre de Me [K] [D],

– infirmer, le jugement querellé, en ce qu’il l’a condamnée à verser à Me [K] [D] une indemnité de 3’000’euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

– déclarer que la SCP Kermarrec-Gicquelay devenue la Selarl D. Gicquelay et Me [K] [D] ont engagé leur responsabilité par manquement à leurs obligations de conseil,

en conséquence,

– condamner, la Selarl D. Gicquelay, venant aux droits de la SCP Kermarrec-Gicquelay et Me [K] [D] solidairement avec M. [H] [V] et Mme [B] [V] à l’indemniser à hauteur de :

– la somme de 75’000’euros, au titre de l’engagement découlant du protocole du 13 janvier 2011, subsidiairement à cette même somme, à titre de dommages-intérêts en réparation de l’impossibilité pour elle de mobiliser la garantie réelle à première demande, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 décembre 2014, son entier préjudice,

– la somme de 150’000′ euros, au titre de l’engagement

découlant de l’avenant signé le 4’février 2018 (sic), subsidiairement à cette même somme, à titre de dommages-intérêts en réparation de l’impossibilité pour elle de mobiliser la garantie réelle à première demande, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 décembre 2014,

– très subsidiairement, condamner, la Selarl D. Gicquelay, venant aux droits de la SCP Kermarrec-Gicquelay et Me [D] à lui verser la somme de 74’500’euros en réparation du préjudice subi au titre du protocole du 13 janvier 2011 et à la somme de 149’500’euros au titre du préjudice qu’elle a subi au titre de l’avenant du 4 février 2018 (sic),

– infiniment subsidiairement confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SCP Kermarrec-Gicquelay devenue la Selarl D. Gicquelay à lui verser la somme de 75’000’euros,

en tout état de cause,

– débouter les consorts [V], la Selarl D. Gicquelay, venant aux droits de la SCP Kermarrec-Gicquelay et Me [K] [D] de l’ensemble de leur demandes fins et prétentions, y compris au titre de l’article 700 code de procédure civile et des entiers dépens d’appel,

– condamner, solidairement les consorts [V], Me [D] et la Selarl D. Gicquelay, venant aux droits de la SCP Kermarrec-Gicquelay à lui payer un montant de 10’000’euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement les consorts [V], Me [D] et la Selarl D. Gicquelay, venant aux droits de la SCP Kermarrec-Gicquelay aux entiers frais et dépens de la procédure.

La société Teyacem soutient que le protocole n’encourt aucune caducité car sa validité ne dépendait pas de l’octroi de délais de paiement des dettes sociales et fiscales, et il revenait aux époux [V] de négocier un moratoire.

En outre, elle fait valoir que les cautionnements sont commerciaux car la dette principale est de nature commerciale et la caution est le dirigeant de la société débitrice, et ce peu importe qu’elle ne soit pas commerçante dès lors qu’elle a un intérêt personnel dans l’opération, de sorte que la mention manuscrite n’est pas, dans ce cas, prescrite ad validitatem. Elle précise qu’en tout état de cause, les engagements donnés le 13’janvier 2011 ne peuvent être remis en cause dès lors que l’acte a été homologué.

Elle relève ensuite que les époux [V] ne rapportent pas la preuve du caractère disproportionné du cautionnement au jour de l’engagement et qu’au contraire, ils disposaient a minima d’un patrimoine, notamment immobilier, suffisant pour respecter leur engagement.

Elle observe, par ailleurs, qu’il ressort des termes des actes litigieux que les époux [V] se sont engagés à consentir une garantie réelle en complément de la garantie personnelle, ces deux garanties étant indépendantes l’une de l’autre et ayant toutes deux pour objet la dette de la société débitrice. Elle estime que le fait que la clause soit rédigée en une seule phrase et incluse dans un article unique ne suffit pas à rendre les deux garanties indivisibles.

Elle soutient que la responsabilité de la société Kermarrec-Gicquelay est engagée puisqu’elle a commis un manquement tant à son obligation, en tant que rédacteur d’acte, d’assurer l’efficacité de celui-ci, qu’à son obligation d’information et de conseil. En effet, selon elle, les actes litigieux rédigés par l’avocat sont privés d’efficacité dès lors qu’elle n’a pas pu obtenir la mobilisation spontanée des garants qui en contestent la validité. Elle ajoute qu’elle ne l’a pas non plus informée des limites et des risques de l’opération. Elle affirme que ces manquements lui ont directement causé un préjudice puisqu’elle ne s’est pas engagée en connaissance de cause et n’a pu mobiliser les garanties. Elle estime que le patrimoine des époux [V] aurait permis de la désintéresser de sorte que la perte de chance ne peut être fixée seulement à 50%, le quantum devant être relevé à la hausse. Elle sollicite une indemnisation par l’avocat à hauteur du montant qui aurait dû bénéficier d’une garantie, soit 225’000’euros.

Elle prétend enfin que la responsabilité de Me [D] se trouve également engagée puisqu’elle était investie d’une mission d’assistance auprès des parties en tant que conciliateur, a manqué au devoir de conseil auquel elle était tenue et qui lui imposait de s’assurer de l’efficacité du protocole négocié et de relever l’existence des risques qu’il induisait. Or, elle relève que l’acte que Me [D] était chargée de négocier et dont elle a soutenu l’homologation n’a pu être spontanément exécuté, ce qui lui a directement causé un préjudice.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 15 mai 2023, Me [K] [D] demande à la cour de’:

– constater, dire et juger’:

– qu’en déboutant la SCP Kermarrec-Gicquelay de son action en garantie contre elle, le jugement entrepris a statué sur une demande dont il n’était pas saisi,

– que ni la déclaration ni les conclusions d’appel pour la SCP Kermarrec – Gicquelay aux droits de laquelle vient la Selarl D. Gicquelay ne peuvent donc valablement saisir la cour d’une demande d’infirmation du jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en garantie contre elle,

– déclarer infondées les demandes de la société Teyacem, comme toutes autres éventuelles, dirigées à son encontre et débouter de ce chef,

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté toutes prétentions contre elle et en ce qu’il a condamné la société Teyacem à lui régler 3’000’euros au titre des frais irrépétibles ainsi que les époux [V] et la SCP Kermarrec-Gicquelay aux dépens,

– déclarer, dire et juger qu’elle ne peut être condamnée in solidum avec quiconque et, en tant que de besoin, que, si elle l’était par impossible, que sa contribution à la dette entre co-obligés condamnés in solidum est nulle,

– subsidiairement, condamner la Selarl D. Gicquelay, venant aux droits de la SCP Kermarrec-Gicquelay à la relever et garantir intégralement de toutes éventuelles condamnations,

– en toute hypothèse, ajoutant au jugement dont appel, condamner la Selarl D. Gicquelay, venant aux droits de la SCP Kermarrec-Gicquelay et la société Teyacem, in solidum ou qui mieux le devra,

– à lui payer 6’000’euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– aux entiers dépens d’appel, avec application de l’article 699 du même code au profit de Me’Céline Demay, membre de la SCP Depasse Daugan Quesnel Demay, avocat.

Me [D] soutient d’abord qu’en déboutant la SCP Kermarrec-Gicquelay de son action en garantie à son encontre, le tribunal a statué ultra petita puisqu’aucune demande en ce sens n’avait été formulée. Aussi estime-t-elle, que la cour ne peut être saisie d’une demande d’infirmation de ce chef.

Elle fait ensuite valoir que sa responsabilité professionnelle ne peut être engagée. Elle relève que le tribunal a parfaitement retenu que le protocole d’accord du 13 janvier 2011 ayant été homologué par le juge, l’absence de mention manuscrite ne pouvait entraîner sa nullité, et le cautionnement produisant alors ses effets, sa responsabilité ne pouvait être recherchée. Elle ajoute qu’en tout état de cause, intervenant en tant que conciliateur, elle n’était ni partie, ni signataire de l’acte du 13 janvier 2011 et de l’avenant du 4 février 2012, que ne les ayant ni négociés ni rédigés, elle ne peut donc répondre de l’engagement des parties ou de l’accord lui même. Elle précise qu’en outre, s’agissant de l’avenant, celui-ci est postérieur à la fin de sa mission intervenue le 3 mai 2011. Elle soutient qu’en sa qualité de conciliateur, elle n’était tenue à un quelconque devoir de conseil.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 4 mai 2023, M. [H] [V] et Mme [B] [T] épouse [V] forment un appel incident et demandent à la cour de’:

– débouter la Selarl D. Gicquelay, venant aux droits de la SCP Kermarrec-Gicquelay et la société Teyacem de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

– réformer partiellement le jugement rendu le 18 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Lorient,

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a prononcé la nullité du cautionnement donné dans l’avenant du 4 février 2012,

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il les a déboutés de leur demande de nullité du cautionnement donné dans le protocole d’accord du 13 janvier 2011,

– prononcer la nullité des engagements de caution personnelle qu’ils ont contractés les 13’janvier 2011 et 4 février 2012,

par conséquent,

– débouter la société Teyacem de toutes ses demandes, fins et conclusions,

en tout état de cause et subsidiairement,

– dire et juger que les engagements de caution personnelle qu’ils ont contractés les 13 janvier 2011 et 4 février 2012 sont manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus,

encore plus subsidiairement,

– dire et juger que la somme allouée à la société Teyacem ne saurait excéder 38’206,85’euros correspondant à 50 % du compte-courant apporté par Teyacem en application de l’acte de caution inséré au protocole d’accord du 13 janvier 2011,

à titre infiniment subsidiaire,

– constater que la réclamation de la société Teyacem ne saurait excéder la somme de 188’806,85’euros,

– condamner la Selarl D. Gicquelay, venant aux droits de la SCP Kermarrec-Gicquelay et à défaut la société Teyacem à leur payer la somme de 3’000’euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la Selarl D. Gicquelay, venant aux droits de la SCP Kermarrec-Gicquelay et à défaut la société Teyacem aux entiers dépens.

Les époux [V] soutiennent que les cautionnements prévus par le protocole d’accord du 13’janvier 2011 et l’avenant du 4 février 2012 sont des engagements de personnes physiques envers un créancier professionnel et doivent donc comporter, à peine de nullité, la mention manuscrite prévue à l’article L. 341-2 ancien du code de la consommation, ce qui n’est pas le cas. Ils précisent que ces dispositions sont applicables au dirigeant d’entreprise personne physique ainsi qu’aux cautionnements constatés par acte authentique. Ainsi, selon eux, les deux engagements de caution, qui ne sont, par ailleurs, pas des cautionnements commerciaux, doivent être annulés.

Ils affirment, en outre, que contrairement à ce que soutiennent les sociétés Teyacem et Kermarrec-Gicquelay, ils n’ont pas fourni de garantie réelle. Ils font valoir que la clause litigieuse est intitulée «’caution personnelle’» et qu’elle est rédigée en une phrase, ce qui la rend indivisible. Ils ajoutent que l’engagement étant une garantie du cautionnement, la nullité de celui-ci la rend sans objet, en raison de son caractère accessoire.

Par ailleurs, ils soutiennent que le cautionnement était manifestement disproportionné par rapport à leurs revenus et patrimoines tant au moment de l’engagement qu’au moment où ils ont été appelés.

Subsidiairement, ils font enfin valoir que les sommes réclamées par la société Teyacem sont celles garanties par le cautionnement prévu à l’acte du 13 janvier 2011 et ne comprennent ainsi pas les 1’371,71’euros de refacturation de frais avancés demandés. Ils prétendent enfin que la garantie ne couvre que 50% du compte courant apporté de sorte que la réclamation de la société Teyacem doit être limitée à la somme de 38’206,85’euros.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2023.

SUR CE, LA COUR’:

Le protocole conclu le 13 janvier 2011 entre la société [H] [V] Serrurier, la société Teyacem et les époux [V] comporte une clause intitulé «’Engagement de caution personnelle’» ainsi rédigée’: «’En complément de la garantie du privilège de conciliation (new money), Monsieur et madame [H] [V] donnent leur caution personnelle, sans bénéfice de discussion, à hauteur de 50’% du compte courant apporté et, à première demande, s’engagent à fournir une garantie réelle sur ces mêmes sommes’».

Les époux [V] ont fait précédé leurs signatures de la mention manuscrite’: «’bon pour accord’».

Les mêmes parties ont signé le 4 février 2012 (et non 2018 comme mentionné à diverses reprises dans le dispositif des écritures de la société Teyacem) un avenant dont il ressort qu’en complément des accords précédents, la société [H] [V] Serrurier a passé un accord (non produit aux débats) avec la Centrale des Fermeturistes (CFE), centrale d’achat du groupe Teyacem, pour obtenir des délais de payement en contrepartie de quoi, la société Teyacem a demandé une garantie personnelle des dirigeants de la société [H] [V] Serrurier ainsi rédigée sous un article intitulé «’Engagement de caution personnelle’»’: «’En complément des précédentes garanties énoncées au protocole, Monsieur et madame [H] [V] donnent leur caution personnelle, sans bénéfice de discussion, à hauteur de 150’000 euros des encours maximum accordés par le CFE et, à première demande, s’engagent à fournir une garantie réelle basée sur de l’immobilier leur appartenant et qui garantit largement cette somme ou le paiement sur ces sommes. Ils s’engagent à ne pas vendre ces biens, sans apporter l’équivalence à leur garantie et à prévenir le CFE avant’».

Les époux [V] ont fait précédé leurs signatures de la mention manuscrite’: «’Bon pour accord et pour caution personnelle solidaire au CFE à hauteur de 150’000’euros’».

Sur la validité des engagements de caution des époux [V]’:

En vertu de l’article L341-2 du code de la consommation dans sa version issue de la loi du 1er août 2003 applicable au présent litige, «’Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : “En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même”‘».

Il est constant que le cautionnement est un contrat commercial lorsque la caution a un intérêt personnel dans l’affaire commerciale à l’occasion de laquelle elle est intervenue. Tel est le cas du cautionnement conclu par un gérant pour garantir la dette de sa société ou encore consenti par ses associés. En l’occurrence, les engagements de caution litigieux, conclus dans le cadre du protocole d’accord du 13 janvier 2011 et de l’avenant du 4 février 2012, ont été donnés par les époux [V], associés et gérant de la société [H] [V] Fermeturiste, pour garantir les dettes de leur société. Il s’agit, en conséquence et comme il est prétendu, de cautionnements de nature commerciale.

Néanmoins et s’agissant des mentions obligatoires, aucune distinction ne doit être opérée selon la qualité de celui qui s’engage comme caution (par ex. Com., 10 janvier 2012, pourvoi n° 10-26.630, Bull. 2012, IV, n°’2). Ainsi, la mention manuscrite doit être portée par toute personne physique qui s’engage en qualité de caution par acte sous seing privé envers un créancier professionnel, quand bien même la caution serait-elle associée ou gérante de la société garantie. L’argumentation de la Selarl D. Gicquelay fondée sur l’article L 110-3 du code de commerce («’à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit disposé autrement par la loi’») est, à cet égard, totalement inopérante.

Les époux [V], personnes physiques, se sont donc portés cautions au profit de la société Teyacem (ou de sa filiale la société CFE), qui est incontestablement un créancier professionnel. Dès lors, les dispositions relatives à la mention manuscrite étaient applicables peu importante la circonstance tirée du fait qu’ils étaient dirigeant et associés de la société cautionnée). Or, cette mention ne figure, dans les termes exigés par la loi, dans aucun de ces deux actes.

Toutefois, ces dispositions ne sont applicables qu’aux cautionnements donnés par acte sous seing privé et non à ceux donnés par acte authentique. Or, en l’espèce, le protocole d’accord du 13’janvier 2011 a fait l’objet, le 3’mai 2011, d’un jugement d’homologation par le tribunal de commerce de Brest. L’engagement de caution ainsi homologué a acquis la forme et les effets d’un acte authentique et ne peut donc être annulé pour le motif tiré de la méconnaissance du texte précité.

À l’inverse, le cautionnement résultant de l’avenant du 4 février 2012 n’ayant pas été homologué, sa nullité doit être prononcée. Le jugement critiqué sera donc confirmé sur ces points.

Sur la question, soulevée par la société Teyacem, de l’existence dans l’engagement de caution personnelle d’une garantie réelle autonome distincte de la caution, il convient d’interpréter l’acte litigieux qui, par sa formulation est ambigu, et de rechercher qu’elle avait été la commune intention des parties.

Le tribunal judiciaire de Lorient a, par une motivation pertinente que la cour adopte et fondée notamment sur l’article 1162 ancien du code civil, rappelé que la garantie réelle avait été stipulée dans un article consacré à la caution personnelle des époux [V] et figurait dans la même phrase que le cautionnement. Relevant l’absence de locution telle «’en plus’», «’en sus’» ou «’en outre’» qui aurait pu induire un engagement autonome, il a ainsi pu estimer que cette garantie complétait si nécessaire la caution dont elle était un accessoire, pour en assurer l’efficacité et lui était donc subordonnée, mais ne pouvait être analysée comme une sûreté autonome.

Il s’ensuit que cette garantie réelle ‘ sur des biens immobiliers au demeurant indéterminés ‘ ne peut survivre à l’annulation du cautionnement donné dans l’avenant de 2012. Le jugement sera également confirmé sur ce point.

Sur la disproportion de l’engagement de caution des époux [V]’:

L’article L341-4 ancien du code de la consommation prévoyait que «’Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation’».

L’engagement de caution qui résulte de l’accord du 13 janvier 2011 (seul acte qu’il convient d’examiner à la suite de l’annulation du cautionnement complémentaire résultant de l’avenant) prévoit que l’apport en compte courant peut s’élever, au maximum, à la somme de 150 000 euros et que le cautionnement garantit 50’% de cet apport. Dès lors, l’engagement des époux [V] s’élevait, au moment où ils l’ont donné, au maximum à la somme de 75 000 euros. À cette même date, M. et Mme [V] disposaient, à eux deux, d’un revenu mensuel de 3’368’euros, sans personne à charge. Ils étaient, par ailleurs, débiteurs d’un emprunt immobilier de 97’567,37 euros contracté en 1998 sur vingt ans pour l’acquisition de leur résidence principale, sise à [Localité 10] dont les mensualités s’élevaient à 813,02 euros. À la date de leur engagement de caution, le capital restant dû de cet emprunt s’élevait à la somme de 34’027’euros.

Comme l’a retenu, à juste titre, le tribunal, il ne peut être considéré que ce cautionnement était disproportionné au moment de l’engagement au regard tant du bien qu’ils possédaient ‘ dont le prêt souscrit pour son acquisition était déjà remboursé aux deux tiers ‘ que de leurs revenus. La société Teyacem est donc fondée à s’en prévaloir et en poursuivre l’exécution.

Ce moyen est en conséquence rejeté.

Sur le montant dû par les époux [V] à la société Teyacem en exécution du cautionnement’:

Le protocole d’accord du 13 janvier 2011 prévoyait que les époux [V] s’engageaient comme cautions de leur société à concurrence seulement de’50 % du montant du compte courant modulable apporté par la société Teyacem. Si cet acte prévoyait que cet apport pouvait atteindre la somme maximale de 150’000 euros, le tribunal a observé, à bon escient, que ce plafond n’était pas atteint puisque le compte courant de la société Teyacem s’élevait au jour de l’ouverture de la procédure collective à la somme de 76’413,70’euros et qu’il n’est nullement justifié que, dans le cadre du redressement judiciaire il ait été porté à une somme supérieure.

Si la société Teyacem fait valoir qu’elle est globalement créancière d’une somme largement supérieure à ce montant (notamment par le truchement de la créance de son ancienne filiale CFE) de plus de 300’000’euros, mais cette circonstance est indifférente quant à la mise en ‘uvre d’un cautionnement qui porte spécifiquement sur les seules sommes apportées en compte courant et non sur d’autres dettes, et dans la seule limite de 50’% de leur montant.

Dès lors, M. et Mme [V] ne sont redevables envers la société Teyacem que d’une somme égale à 50 % de 76’413,70 euros, soit 38’206,85’euros, la société Teyacem devant être déboutée du surplus de ses demandes au titre de ce cautionnement.

Elle doit également être déboutée de sa demande subsidiaire en dommages et intérêts complémentaires fondée sur une prétendue obstruction des époux [V], étant relevé qu’elle a attendu le mois de décembre 2015 pour les mettre en demeure de lui fournir une garantie hypothécaire, mise en demeure infructueuse à laquelle elle a répondu quelques mois plus tard en délivrant une assignation dans la perspective d’obtenir un titre.

Le fait de ne pas avoir donné suite à cette unique demande (les deux précédentes en date de 2012 et 2014 n’en faisant nullement état) est insuffisant à lui seul pour caractériser la mauvaise foi des débiteurs dont la liquidation de leur société venait d’être clôturée.

Le jugement qui a condamné solidairement les époux [V] à verser à la société Teyacem la somme de 38 206,85 euros en principal outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 décembre 2015, sera donc confirmé.

Sur l’action en responsabilité de la société Teyacem à l’encontre de la SCP Kermarrec Gicquelay’:

La Selarl D. Gicquelay ‘ qui ne verse aucune pièce aux débats ‘ ne conteste pas que son auteur, la SCP Kermarrec Gicquelay, est intervenue, en tant qu’avocat, comme rédactrice des actes des 13 janvier 2011 (dans le cadre de la conciliation menée par Me [K] [D]) et 4 février 2012.

Il est constant que l’avocat rédacteur d’un acte juridique assure la validité et la pleine efficacité de l’acte auquel il prête son concours selon les prévisions des parties. Il est tenu vis à vis de ces dernières à un devoir de conseil.

Sur ce dernier point, la société Teyacem prétend que l’avocat ne lui aurait pas prodigué les conseils nécessaires, faute de l’avoir mis en garde sur les risques de l’opération. Abstraction faite de ce que la société Teyacem ne pouvait ignorer les risques de l’opération puisqu’elle investissait dans une société déjà en difficultés, aucune argumentation n’étant développée à l’appui de cette pétition de principe (qui tient dans ses écritures en cinq lignes, page 31/40), elle ne peut qu’être déboutée sur ce fondement.

S’agissant du grief fondé sur l’efficacité des actes rédigés par l’avocat, la société Teyacem ne peut se plaindre de l’acte du 13 janvier 2011, lequel a produit ses effets dans les limites de ce qui a été expressément stipulé par les parties puisque les époux [V] sont condamnés à l’indemniser sur le fondement de cet acte.

Elle ne peut, en revanche, ni faire grief à l’avocat de ce que les cautions ont contesté leurs engagements ou ne les ont toujours pas honorés, l’avocat rédacteur n’étant évidemment pas garant de la bonne exécution par un débiteur de son obligation, ne devant répondre que de ses propres fautes et non de celles éventuellement commises par l’un ou l’autre de ses clients.

Pour ce qui est du cautionnement consenti par avenant du 4 février 2012, il convient de rappeler que celui-ci avait pour objectif de permettre à la société Teyacem (ou plus exactement à sa filiale la société CFE qui n’était pourtant pas partie à cet acte…) de recouvrer à l’encontre des époux [V], en leurs qualités de gérant et d’associés de la société [H] [V] Serrurier, tout ou partie de son compte fournisseur dans la limite de la somme de 150’000’euros en cas de défaillance de cette société. Il s’agissait donc, comme l’a relevé le tribunal, d’une condition essentielle de l’intervention la société Teyacem (au plus exactement du groupe Teyacem), investisseur intéressé au sauvetage de ladite société.

En tant que rédactrice de cet avenant, il appartenait à l’avocat rédacteur d’en assurer l’efficacité et plus particulièrement celle de la clause instituant le cautionnement qui est la contrepartie du compte ouvert dans les livres du CFE pour faciliter les achats de la société [H] [V] (quarante cinq jours de délais de payement).

Or, l’avocat ‘ dont c’était le travail ‘ n’a pas veillé à la parfaite rédaction de cette clause au regard des exigences (largement commentées) posées par la loi et la jurisprudence en s’assurant de ce que les cautions avaient bien chacune recopié et complété, avant leur signature, la mention manuscrite exigée par la loi. Ce faisant, elle a, par cette faute, omis de veiller à la régularité de son acte qu’elle a privé d’efficacité. Cette faute grossière suffit à engager sa responsabilité.

Il est à peine besoin d’ajouter que son acte, par ailleurs confus quant à l’existence d’une garantie réelle autonome (sur un ou plusieurs biens immobiliers qu’il aurait au demeurant été souhaitable de préciser), a privé la société Teyacem d’une garantie supplémentaire en payement de sa créance si tel était effectivement son intention au moment de la signature.

La faute ainsi commise par la SCP Kermarrec-Gicquelay a pour conséquence l’impossibilité pour la société Teyacem de mobiliser le cautionnement dont elle bénéficiait ce qu’elle aurait pu faire, s’il avait été régulier, dans la limite stipulée de 150’000’euros puisque le compte courant de la société [H] [V] Fermeturiste dans les livres de la société CFE excédait largement cette somme ainsi qu’il résulte de la déclaration de créances qu’elle a adressée au mandataire dans le cadre de la procédure collective et qui, convient-il de rappeler, a été admise en sa totalité (248’987,57’euros).

Le préjudice subi par la société Teyacem en raison de la faute commise par l’avocat correspond au montant qu’elle aurait pu recouvrer contre les époux [V] si l’acte avait été régulier, sachant que ces derniers étaient (et demeurent) déjà redevables au titre du premier cautionnement d’une somme de 38’206,85’euros. La créance totale de la société Teyacem serait alors élevée à la somme de 188’206,85 euros, outre intérêts.

Les époux [V] s’abstiennent de communiquer la consistance de leur patrimoine immobilier (patrimoine qu’il aurait évidemment été utile de préciser tant dans l’acte de 2011 et que dans son avenant). Ils font certes état de quelques dettes (mais les documents produits remontent à plusieurs années et aucune de ces dettes n’est actualisée) alors que leurs revenus excèdent la somme de 3’223 euros par mois (retraite de 2 300 euros par mois pour le mari et 902 euros par mois d’allocations de retour à l’emploi pour l’épouse). Ils ne font état d’aucune charge de loyer, ce qui laisse penser qu’ils ont remboursé le prêt immobilier souscrit pour leur résidence principale et qu’ils en sont toujours propriétaires (il restait 55 échéances mensuelles de 821,79 euros à régler le 20 décembre 2013, le prêt arrivant à échéance le 30 juin 2018).

En présence d’un acte valable, la société Teyacem aurait pu, après obtention d’un titre (y compris en cas de garantie réelle valable), provoquer la vente de la propriété des époux [V] et se payer pour partie au moins sur le prix de vente (peut être en concurrence avec d’autres créanciers). Le tribunal a estimé la probabilité d’être réglé de cet engagement à hauteur de 50 % soit 75’000’euros. Cette proportion est raisonnable au regard des aléas liés à la procédure judiciaire (pour l’obtention d’un titre) comme à ou aux procédure(s) d’exécution.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la SCP Kermarrec Gicquelay à verser à la société Teyacem la somme de 75’000’euros, sauf à préciser que la Selarl D. Gicquelay vient aux droits de cette SCP.

Sur la responsabilité de Me [D]’:

La société Teyacem reproche à Me [D] un manquement dans l’accomplissement de son devoir de conseil dans le cadre de la négociation qui a abouti à la conclusion du protocole du 13 janvier 2011. Au terme d’une explication aussi lapidaire que confuse, elle explique que la responsabilité de cette dernière est engagée a minima pour défaut de vigilance, de conseil et d’efficacité du protocole lequel a, au demeurant, directement influé sur la rédaction de l’avenant pour en conclure sans argumenter qu’elle a commis une «’faute indiscutable’».

Abstraction faite de la vacuité de l’argumentation soutenue, il sera relevé, d’une part, que l’engagement de caution personnel souscrit par les époux [V] le 13 janvier 2011 (conclu alors que le mandat de Me [D] était en cours) n’a pas été annulé puisque ces derniers ont été condamnés à en assumer les conséquences financières en réglant à la société Teyacem la moitié du montant de son compte courant ainsi qu’il avait été stipulé par les parties et, d’autre part, que la mission de Me [D] a pris fin le 3 mai 2011 de sorte qu’elle n’était plus mandatée lorsque l’avenant a été négocié.

En tout état de cause, la société Teyacem ne produit aux débats aucune pièce justifiant de ce qu’elle ait concouru de quelque manière que ce soit à la négociation puis à la rédaction de cet avenant.

C’est, dès lors, à bon droit que le tribunal a débouté la société Teyacem de ses demandes à l’encontre de Me [D].

Sur les demandes en garantie’:

La société D. Gicquelay sollicite que la dette soit répartie entre condamnés in solidum. Cette dernière étant uniquement condamnée au titre de l’avenant et étant la seule à l’être, il n’y a lieu de statuer sur cette demande qui est dépourvue d’objet.

Sur les dépens et les frais irrépétibles’:

Le jugement du tribunal judiciaire de Lorient étant confirmé en toutes ses dispositions sauf à préciser que la Selarl D Gicquelay vient aux droits de la SCP Kermarrec Gicquelay.

La selarl D Gicquelay supportera la charge des dépens d’appel.

Elle sera, en outre condamnée à verser à chacun de ses adversaires une somme de 3’000’euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS’:

Statuant par arrêt rendu publiquement et contradictoirement’:

Rejette les appels principaux et incidents.

Confirme le jugement rendu le 18 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Lorient dans le litige opposant la société Teyacem aux époux [V], à la SCP Kermarrec Gicquelay et à Me [D], sauf à préciser que la Selarl D. Gicquelay vient aux droits de la SCP Kermarrec Gicquelay.

Condamne la Selarl D. Gicquelay aux dépens d’appel.

Autorise les avocats qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre elle ceux des dépens dont ils auraient pu faire l’avance sans avoir reçu provision.

Condamne la Selarl D. Gicquelay à verser sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile’:

– 3’000’euros à M. et Mme [H] et [B] [V],

– 3’000’euros à la société Teyacem,

– 3’000’euros à Me [K] [D].

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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