Augmentation de capital : décision du 12 septembre 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 22/01208
Augmentation de capital : décision du 12 septembre 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 22/01208
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ARRET N°

du 12 septembre 2023

N° RG 22/01208 – N° Portalis DBVQ-V-B7G-FGCI

[Y]

[M]

c/

MONSIEUR LE DIRECTEUR REGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES

Formule exécutoire le :

à :

la SELARL MARIE CLAIRE DELVAL

Me Philippe PONCET

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 12 SEPTEMBRE 2023

APPELANTS :

d’un jugement rendu le 29 avril 2022 par le tribunal judiciaire de CHARLEVILLE MEZIERES

Monsieur [V] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Marie-Claire DELVAL de la SELARL MARIE CLAIRE DELVAL, avocat au barreau des ARDENNES et ayant pour conseil Maître de WATRIGANT, avocat au barreau de PARIS

Madame [O] [M] épouse [Y]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Marie-Claire DELVAL de la SELARL MARIE CLAIRE DELVAL, avocat au barreau des ARDENNES et ayant pour conseil Maître de WATRIGANT, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

MONSIEUR LE DIRECTEUR REGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES Monsieur le Directeur Régional des Finances Publiques d’Ile de France et de [Localité 3] – Pole Juridictionnel Judiciaire.

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Philippe PONCET, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame MAUSSIRE, conseillère, et Madame MATHIEU, conseillère,ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère faisant fonction de présidente de chambre

Madame Florence MATHIEU, conseillère

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors du prononcé

DEBATS :

A l’audience publique du 09 mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 27 juin 2023 prorogé au 12 septembre 2023,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 12 septembre 2023 et signé par Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère faisant fonction de présidente de chambre et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [V] [Y] et Madame [O] [M] épouse [Y] (ci-après les époux [Y]) ont déposé des déclarations d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour les années 2010, 2011, 2012 et de contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF) en considérant que leur participation dans la société SAS JFR, laquelle contrôle la société ARELATE, constituait un bien professionnel exonéré d’imposition.

Estimant que cette participation n’était éligible à aucun régime scal de faveur en matière d’ISF (impôts de solidarité sur le fortune) et de CEF (contribution exceptionnelle sur la fortune), la Direction générale des finances publiques (ci-après ” l’administration fiscale “) a notifié aux époux [Y] une proposition de rectification en date du ll mai 2016 en incluant la valeur des parts de cette société dans l’assiette de l’imposition.

Par réclamation contentieuse en date du 2 octobre 2019, les époux [Y] ont contesté les rehaussements d’impositions, laquelle a fait l’objet d’une décision de rejet de la part de l’administration fiscale en date 13 mars 2020.

Les droits complémentaires ont été mis en recouvrement le 16 septembre 2020 pour un montant total de 393.725 euros.

Par acte d’huissier en date du 24 juillet 2020, les époux [Y] ont fait assigner le directeur général des finances publiques, pris en la personne du directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris devant le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières aux fins d’obtenir la décharge des impositions supplémentaires mises à leur charge.

Par jugement rendu le 29 avril 2022, le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières a débouté les époux [V] [Y] de l’ensemble de leurs demandes et les a condamnés aux dépens.

Par un acte en date du 10 juin 2022, les époux [V] [Y] ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées électroniquement le 7 avril 2023, les époux [Y] concluent à l’infirmation du jugement déféré et demandent à la cour de’:

-prononcer l’annulation de la décision de rejet en date du 13 mars 2020 du directeur général des finances publiques et de leur accorder la décharge totale de l’imposition litigieuse,

-condamner le directeur général des finances publiques à leur payer la somme de 7.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

Ils soutiennent que la société JFR exerce un rôle d’animation effective du groupe de sociétés auquel elle appartient et que les parts qu’ils détiennent dans cette société doivent être regardées comme un bien professionnel exonéré en application de l’article 885 O bis du code général des impôts et de la doctrine fiscale applicable.

Ils expliquent que la société JFR dispose des moyens humains essentiels et des immobilisations corporelles nécessaires à l’exercice de son activité. Ils ajoutent que la société JFR procède à des interventions financières auprès de ses filiales sur la base de conventions de trésorerie ainsi qu’en se portant caution pour certaines de ses filiales, et que les compte-rendus du comité de direction témoignent d’une participation effective à l’animation du groupe et à la détermination de la politique stratégique.

Ils font valoir que les titres de la société JFR doivent être regardés comme des biens professionnels dans la mesure où ils perçoivent chacun et ensemble plus de la moitié leurs revenus professionnels au sein de sociétés appartenant au groupe JFR et que, contrairement, à ce que soutient l’administration fiscale, il importe peu que Monsieur [Y] ne perçoive pas de rémunération de la société JFR et que Madame [Y] n’exerce pas de fonctions de direction au sein de cette société dès lors qu’elle en exerçait, sur la période considérée, au sein de la société ARELATE.

Les époux [Y] estiment, qu’il convient d’appliquer a minima le régime d’exonération des biens professionnels aux titres détenus dans la société JFR, à proportion de la valeur des titres de la société ARELATE dans l’actif de la société JFR. Ils affirment que la société JFR contrôle et détient la société ARELATE, laquelle anime différentes filiales de la partie bouchère de l’activité du groupe JFR, et qu’il s’agit d’une activité éligible à la qualification de bien professionnel exonéré au sens de l’article 885 O bis du code général des impôts.

Ils précisent que la société ARELATE joue un rôle essentiel de contrôle, de gestion et d’animation de ses filiales, notamment par la conclusion de conventions d’animation rémunérées dans lesquelles elle assure des services de direction et de représentation des sociétés BOUCHER SERVICES, F2O et SOFIDA, notamment en négociant avec des tiers (banques, fournisseurs) et en accomplissant divers services de gestion de ressources humaines, comptabilité, fiscalité, services juridiques et administratifs, financiers et informatiques.

Ils ajoutent que de nombreux éléments matériels permettent de démontrer l’implication de Madame [Y], dirigeante d’ARELATE rémunérée au titre de ses fonctions, dans la gestion des filiales du groupe.

Ils précisent qu’il existe une identité de dirigeants au sein du groupe, via la société ARELATE ou par l’intermédiaire de Madame [Y] qui remplit des fonctions de direction dans d’autres filiales, ce qui constitue un critère déterminant pour caractériser le rôle d’animation.

Ils concluent que les documents produits permettent d’établir l’implication de Madame [Y], notamment en tant que dirigeante de la société BOUCHER SERVICES, dans la gestion et l’activité quotidienne des filiales, mais également dans la réalisation d’opérations intéressant l’ensemble du groupe puisqu’elle s’est impliquée dans des négociations ayant abouti à une restructuration de l’activité du groupe.

Ils font valoir que la valeur des actions de la société JFR doit être approchée en s’appuyant sur ses comptes consolidés en lieu et place de ses seuls comptes individuels.

Les époux [Y] contestent enfin la méthode de valorisation de la société JFR retenue par l’administration fiscale. Ils soutiennent que la valeur mathématique unitaire de la société JFR doit être ramenée à 47 euros en tenant compte du fait que la société LA VIE EST BELLE n’exerçait plus d’activité depuis 2006, ce qui devait conduire à une valorisation nulle au bilan de la société JFR, et que la société JFR détenait sur celle-ci une créance d’un montant de 1.245.006 euros devant être déduite du montant de ses actifs.

Ils ajoutent que, pour l’application de la méthode de productivité, il y a lieu de retenir une valeur unitaire de 44 euros calculée en excluant le résultat financier, lequel ne peut être considéré comme reproductible au regard du résultat financier exceptionnel de l’année 2008 par comparaison à ceux dégagés en 2007 et 2009. Ils estiment qu’il peut être dérogé à l’application de la prime de risque historique de 5% et que cette dernière doit être affectée d’une surcote de moindre liquidité d’au moins 20%. Ils précisent que la valeur unitaire par application de la méthode du goodwill doit être arrêtée à 46 euros, corroborant les deux valeurs précédentes, dans la mesure où la société JFR est une société holding familiale qui ne gère que ses propres participations, sans que puisse être valorisés une réputation, une équipe, un nom, une marque ou un réseau de distribution.

Ils expliquent enfin qu’il convient de retenir une valeur vénale de la société JFR de 6 960 000 euros par application d’une moyenne de la valeur mathématique et de la valeur de productivité, divisée par 2, au motif qu’il existe un niveau de risque très important.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 13 avril 2023, le directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et de [Localité 3] conclut à la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de condamner les époux [Y] à lui payer la somme de 2.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

L’administration fiscale fait valoir que les époux [Y] ne peuvent se prévaloir de l’application de l’article 885 O bis du CGI, qui implique pour leur propriétaire d’exercer une fonction de direction rémunérée. Elle expose que Monsieur [Y] exerce les fonctions de président du conseil d’administration mais ne perçoit à ce titre aucune rémunération, ni d’autre rémunération de filiales du groupe. Elle ajoute que Madame [Y] n’exerce aucune fonction de direction et ne perçoit aucune rémunération de la société JFR sur la période litigieuse, la circonstance qu’elle soit devenue directeur général de cette société à compter du 29 décembre 2012 étant sans incidence.

Elle estime que la société JFR ne peut être considérée comme une holding animatrice au motif qu’il s’agit d’une structure familiale uniquement composée des époux [Y], n’employant aucun salarié, et que les modifications intervenues au cours de l’année 2013 s’agissant du rôle de la société JFR au sein du groupe ne peuvent être prises en compte au titre de la période litigieuse.

Elle considère que la conclusion de conventions de gestion de trésorerie ne permet pas de caractériser une intervention effective dans l’animation d’une filiale au regard de la jurisprudence applicable.

Elle précise qu’aucune convention d’animation n’a été établie pour la période antérieur au ler janvier 2013 et que les comptes rendus de comités de direction produits par les époux [Y] ne font état d’aucun acte propre à l’animation du groupe ou à la détermination de sa politique stratégique mais se contentent d’une analyse synthétique trimestrielle des résultats des sociétés filiales et d’un point sur la gestion des dossiers contentieux, sociaux et des ressources humaines ou des interventions de Madame [Y] dans les filiales.

S’agissant du caractère professionnel de la participation détenue indirectement dans la société ARELATE, l’administration fiscale fait valoir que les conventions de prestations de services communiquées par les époux [Y] ne prévoient pas que les organes dirigeants des sociétés filiales doivent respecter la politique générale du groupe définie par la société holding et qu’il est prévu l’hypothèse de la non utilisation par la société bénéficiaire des conseils et recommandations. Elle ajoute que les factures transmises ne font que démontrer la délivrance de prestations de services et que les autres pièces ne permettent pas d’établir que les filiales respectent la politique générale du groupe.

Selon elle, l’identité de dirigeants ne constitue pas une circonstance propre à caractériser le rôle d’animation de la holding sur une filiale.

Concernant la valorisation des titres de la société JFR, l’administration fiscale fait valoir que la détermination de la valeur mathématique exclut qu’il soit retenu les moins-values latentes des titres de la société LAVIE EST BELLE au motif que les époux [Y] n’apportent aucun élément sur le projet de restructuration qui n’aurait pas abouti ou sur la probabilité de perte sur ces titres.

S’agissant de la valeur de productivité, elle considère que la société JFR est une société holding exerçant une activité financière de manière prépondérante et que tenir compte du seul résultat d’exploitation, à l’exclusion du résultat financier, reviendrait à nier l’objet social et le cycle de financement de la société JFR.

En ce qui concerne le recours à la prime de risque historique, l’administration fiscale considère que son utilisation n’est pas contestée par la jurisprudence pour les titres non cotés, qu’une longue période de calcul permet de neutraliser les évolutions ponctuelles et que le recours à une prime prospective est volatile. Sur l’application de la méthode du goodwill, elle indique que cette méthode a uniquement été utilisée afin de conforter le résultat obtenu avec la formule combinant la valeur mathématique et la valeur de productivité.

Elle réfute le nouvel argumentaire développé à hauteur d’appel par les époux [Y] qui demandent l’utilisation des comptes consolidés de la société, dans la mesure où ce derniers n’apportent aucune précision ni sur la consolidation ni ne justifie l’intérêt d’utiliser les comptes consolidés au cas particulier.

Elle indique que la valeur mathématique doit être privilégiée en présence d’une société holding en application de la jurisprudence.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 11 avril 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, les époux [Y] ayant conclu le 7 avril 2023 en développant un moyen relatif aux comptes consolidés et la clôture ayant été rendue le 11 avril 2023, il convient d’en ordonner la révocation afin d’accueillir les écritures notifiées électroniquement le 13 avril 2023 par l’administration fiscale, afin de respecter le principe de la contradiction et de clôturer à nouveau l’affaire.

*Sur le caractère professionnel de la participation dans la société JFR

Aux termes de l’article 885 N du code général des impôts (CGI), les biens nécessaires à l’exercice, à titre principal, tant par leur propriétaire que par le conjoint de celui-ci, d’une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale sont considérés comme des biens professionnels.

Sont présumées constituer une seule profession les différentes activités professionnelles exercées par une même personne et qui sont soit similaires, soit connexes et complémentaires.

Sont considérées comme des biens professionnels les parts ou actions détenues par une personne mentionnée au premier alinéa dans une ou plusieurs sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés alors que chaque participation, prise isolément, satisfait aux conditions prévues à l’article 885 O bis pour avoir la qualité de biens professionnels.

Selon l’article 885 O bis du même code, les parts et actions de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option, sont également considérées comme des biens professionnels si leur propriétaire remplit les conditions suivantes :

1° Etre, soit gérant nommé conformément aux statuts d’une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions, soit associé en nom d’une société de personnes, soit président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d’une société par actions.

Les fonctions mentionnées au premier alinéa du présent 1° doivent être effectivement exercées et donner lieu à une rémunération normale, dans les catégories imposables à l’impôt sur le revenu des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux et revenus des gérants et associés mentionnés à l’article 62, au regard des rémunérations du même type versées au titre de fonctions analogues dans l’entreprise ou dans des entreprises similaires établies en France. Cette rémunération doit représenter plus de la moitié des revenus à raison desquels l’intéressé est soumis à l’impôt sur le revenu dans les mêmes catégories, à l’exclusion des revenus non professionnels ;

2° Posséder 25 % au moins des droits de vote attachés aux titres émis par la société, directement ou par l’intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et soeurs. Les titres détenus dans les mêmes conditions dans une société possédant une participation dans la société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions sont pris en compte dans la proportion de cette participation ; la valeur de ces titres qui sont la propriété personnelle du redevable est exonérée à concurrence de la valeur réelle de l’actif brut de la société qui correspond à la participation dans la société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions.

Sont considérées comme des biens professionnels les parts ou actions détenues par une même personne dans plusieurs sociétés lorsque chaque participation, prise isolément, satisfait aux conditions prévues par le présent article pour avoir la qualité de biens professionnels. Toutefois, la condition de rémunération prévue à la seconde phrase du second alinéa du 1° est respectée si la somme des rémunérations perçues au titre des fonctions énumérées au premier alinéa du même 1° dans les sociétés dont le redevable possède des parts ou actions représente plus de la moitié des revenus mentionnés à la même phrase.

Lorsque les sociétés mentionnées au deuxième alinéa ont des activités soit similaires, soit connexes et complémentaires, la condition de rémunération normale s’apprécie au regard des fonctions exercées dans l’ensemble des sociétés dont les parts ou actions constituent un bien professionnel.

Le respect de la condition de possession de 25 % au moins des droits de vote attachés aux titres émis par la société prévue au premier alinéa n’est pas exigé après une augmentation de capital si, à compter de la date de cette dernière, le redevable remplit les trois conditions suivantes :

a) Il a respecté cette condition au cours des cinq années ayant précédé l’augmentation de capital

b) Il possède 12,5 % au moins des droits de vote attachés aux titres émis par la société, directement ou par l’intermédiaire de son conjoint, de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et s’urs ;

c) Il est partie à un pacte conclu avec d’autres associés ou actionnaires représentant au total 25 % au moins des droits de vote et exerçant un pouvoir d’orientation dans la société. ;

Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, la condition de possession de 25 % au moins des droits de vote attachés aux titres émis par la société n’est pas exigée des gérants et associés visés à l’article 62.

Sont également considérées comme des biens professionnels les parts ou actions détenues directement par le gérant nommé conformément aux statuts d’une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions, le président, le directeur général, le président du conseil de surveillance ou le membre du directoire d’une société par actions, qui remplit les conditions prévues au 1° ci-dessus, lorsque leur valeur excède 50 % de la valeur brute des biens imposables, y compris les parts et actions précitées.

Sont également considérées comme des biens professionnels, dans la limite de 150 000 €, les parts ou actions acquises par un salarié lors de la constitution d’une société créée pour le rachat de tout ou partie du capital d’une entreprise dans les conditions mentionnées aux articles 220 quater ou 220 quater A tant que le salarié exerce son activité professionnelle principale dans la société rachetée et que la société créée bénéficie du crédit d’impôt prévu à ces articles.

En application de l’article 885N du code général des impôts (CGI), les biens nécessaires à l’exercice, à titre principal, tant par le propriétaire que par le conjoint de celui-ci, d’une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale sont considérés comme des bien professionnels.

Ainsi, la doctrine de l’administration fiscale prévoit que les parts ou actions de sociétés holding animatrices peuvent être exonérées d’ISF au titre des biens professionnels si le redevable y exerce l’une des fonctions de direction énumérées à l’article 885 O bis 1° du CGI et détient 25 % au moins du capital ou si sa participation représente plus de 50 % du patrimoine brut taxable.

Le paragraphe V de l’article 885-0 V bis du CGI définit la société holding animatrice comme une société qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, participe activement à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales et rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.

En l’espèce, les époux [Y] contestent l’assiette de l’imposition retenue au ler janvier des années 2010, 2011 et 2012 faisant tout d’abord valoir que la société JFR exerce un rôle d’animation effective du groupe de sociétés auquel elle appartient et que les parts qu’ils détiennent dans cette société doivent être regardées comme un bien professionnel exonéré en application de l’article 885 O bis du code général des impôts et de la doctrine fiscale applicable. Ils mettent en avant le fait que pendant la période en cause (2009 à 2012), Monsieur [Y] était le président de la société JFR, Madame [Y] présidente de la société ARELATE et qu’ainsi l’animation du groupe était partagée entre JFR (sur les différentes activités) et ARELATE (sur l’activité bouchère).

Il est constant que Monsieur [Y] ne percevait aucune rémunération au titre de sa fonction de direction au sein de la société JFR, que cette société n’employait aucun salarié sur la période litigieuse au sein d’un groupe comptant plusieurs centaines de salariés.

Dès lors, il appartient aux contribuables que sont les époux [Y] de prouver, au moyen d’éléments concrets, autres que la détention du capital et la communauté de dirigeants, que la société JFR exerce au sein du groupe qu’elle forme avec ses filiales un rôle d’animation effective.

L’animation peut se caractériser par les éléments suivants’: rôle essentiel du dirigeant de la holding auprès des filiales du groupe, prestations de services rendues aux filiales consistants à étudier et à conseiller les investissements assurant la croissance externe du groupe ou les réorientations stratégiques, la politique générale (politique commerciale, économique, stratégique’) du groupe définie seule exclusivement par la holding.

Il ressort des pièces produites que la société SAS JFR a pour objet «’ Toutes prestations de conseil et d’assistance aux entreprises, et plus généralement toutes prestations de services en matière administrative, financière, juridique, contrôle de gestion, comptable, études de marché, direction générale et autres.

L’exploitation de tous fonds de commerce d’hôtels, d’hôtels meublés, de chambres d’hôtes, de

pensions de famille, de restaurant’».

L’activité du groupe s’organise autour de 3 pôles’:

-le désossage, la transformation et l’industrie de la viande sous toutes ses formes, ainsi que le négoce et la commercialisation des produits élaborés. Ces activités étaient organisées pour l’exercice 2012 autour de 6 structures suivantes dont la SAS ARELATE, détenue à 95,64% par la société JFR au 31 décembre 2012, assistant ses filiales,

-la détention d’un patrimoine immobilier,

-la gestion du domaine «’Le Faucon’» comprenant un château hôtel, deux restaurants, un centre équestre et des terres agricoles.

En vertu des articles du CGI précités, les parts ou actions des sociétés holdings animatrices peuvent être exonérées si le redevable y exerce l’une des fonctions de direction énumérées par la loi et détient 25 % au moins du capital (ou si la participation représente plus de 50 % du patrimoine taxable) Constituent des biens professionnels au sens du texte légal, tel qu’interprété par la doctrine administrative favorable au contribuable, les actions d’une société entretenant avec une autre des relations de société mère à société filiale dans des conditions selon lesquelles la mère est appelée à contrôler, gérer et animer la filiale et ne se borne pas à gérer son portefeuille-titres.

Il est acquis que l’animation peut se caractériser par les éléments suivants :

– rôle essentiel du dirigeant de la holding auprès des filiales du groupe

– prestations de services rendues aux filiales consistant à étudier et à conseiller les investissements assurant la croissance externe du groupe ou les réorientations stratégiques,

– la politique générale (politiques commerciale, économique, stratégique…) du groupe définie seule et exclusivement par la holding.

La participation de la holding à la conduite de la politique du groupe et au contrôle des filiales doit être appréciée au regard de lensemble des documents internes et autres indices disponibles. Lorsqu’il est attesté par ces documents, le rôle du dirigeant peut suffire à caractériser le caractère animateur de la holding, sans qu’il soit besoin que celle-ci fournisse effectivement des services à ses filiales ni dispose de personnels dédiés à cet effet.

C’est ainsi que la Cour de cassation a consacré la possibilité qu’un groupe comporte plusieurs sociétés animatrices notamment en présence d’une «’super-holding’» constituant la société holding d’un des associés et d’autre part d’une holding animatrice d’un groupe industriel. C’est pourquoi, en l’espèce, l’appréciation du caractère animateur de la SAS JFR doit être examiné indépendamment de celui de la société ARELATE sans que la qualification de l’une ne justifie la disqualification de l’autre.

Dans une jurisprudence de principe sur la notion de société holding animatrice de groupe, le Conseil d’État a retenu la qualité de holding animatrice d’une société, malgré la conclusion tardive de la convention d’animation entre celle-ci et sa filiale, en prenant en compte plusieurs éléments concrets, notamment :

-le rôle essentiel des dirigeants de la holding qui sont également ceux de la filiale,

-la présence des personnalités quali’ées dans le secteur d’activité des filiales qui sont membres du conseil d’administration de la société holding,

-les procès-verbaux de conseils d’administration de la société holding constatant plusieurs actions concrètes de celle-ci dans la politique de la ‘liale et ses-sous filiales, telles que la recherche de nouveaux partenaires ou la détermination de projets de recherche et de développement, qui vont au-delà de l’exercice des attributions qu’elle tire de sa seule qualité d’actionnaire.

Sur les moyens de la SAS JFR, les époux [Y] établissent que la société dispose de moyens humains non contestables en la personne de Monsieur et Madame [Y] ainsi que d’immobilisations corporelles nécessaires à la poursuite de l’activité de la structure. A ce titre, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal en indiquant que la société JFR n’emploie aucun salarié sur la période litigieuse au sein d’un groupe comptant plusieurs centaines de salariés, il y a lieu de rappeler que la Cour de cassation a indiqué que le bénéfice de la qualification de biens professionnels ne peut être subordonné à l’existence, au sein de la société holding, de structures importantes pour réaliser l’animation du groupe et à la fourniture par cette société de services spécifiques rendus de manière habituelle.

Aussi, l’animation qui consiste en le fait de conduire la politique générale du groupe et s’assurer de sa mise en ‘uvre effective n’exige pas un nombre d’employés minimum dédié à cette activité. Il appartient donc aux deux dirigeants du groupe qui ont fondé et développé l’activité pour en faire «un groupe comptant plusieurs centaines de salariés’» de démontrer qu’ils animent cette société holding.

Au soutien de leur demande d’exonération, les époux [Y] produisent’:

-des conventions de trésorerie conclues entre la société JFR et ses filiales’ et notamment une convention de gestion de trésorerie en date du 1er janvier 2007 entre JFR, ARELATE, BOUCHER SERVICES et F2O ainsi qu’un avenant du 1er juin 2011 pour l’adhésion à cette convention de SOFIDA, ATLANTIC DESOSS et OUEST PRESTATIONS’,

-les procès-verbaux des décisions collectives des associés des 21 mai 2011 et 14 décembre 2012 mentionnant expressément que la société JFR a autorisé puis renouvelé le cautionnement solidaire de la société ARELATE dans le cadre de l’acquisition du groupe SOFIDA,

-des comptes-rendus de direction de la SAS JFR pour les années 2009 à 2012 dont il résulte notamment’:

la définition des règles et participation aux séances d’ «arrêtés des comptes ” du Groupe tous les trimestres, l’intervention dans l’étude et la finalisation des contrats d’assurance, la définition et la mise en place de la politique du Groupe, par une implication totale dans toutes les décisions importantes, la définition de la politique salariale au sein du Groupe et la participation aux réunions de négociation, le pilotage de la politique fiscale et juridique du Groupe, en liaison avec les cabinets ou conseils compétents et utiles en la matière, la recherche de partenaires ou de cibles permettant au Groupe de s’assurer un développement pérenne par la prise de contrôle, participation et, le cas échéant la création de nouvelles activités (Cession du marché MADRANGE à un partenaire et création d’une filiale ABS en 2010, stratégie intérim 2010 et 2011, rachat du Groupe SOFIDA 2010 et 2011, la participation active à toutes les AG de toutes les structures du Groupe SAS JFR.

A la différence du tribunal qui a indiqué que «’ Les époux [Y] prétendent, sans toutefois l’établir, que la société JFR a conclu des conventions de gestion de trésorerie avec l’ensemble des filiales ou s’est portée caution pour certaines d’entre elles’» la cour constate que les époux [Y] prouvent que la SAS JFR est intervenue activement dans la politique financière de ses filiales, les conventions précitées constituant un premier indice caractérisant l’effectivité de l’animation.

De plus, il est également versé au dossier sur les années 2009 à 2012 des documents sociaux tels que les procès- verbaux d’assemblée générale ordinaire, des rapports de gestions sur JFR et sur le groupe intégré ainsi que des rapports de commissaire aux comptes.

Ces documents sociaux constituent d’autres indices démontrant un contrôle de la société JFR sur ses filiales pour lui permettre de conduire la politique du groupe. Ainsi, les comptes-rendus du comité de direction de la SAS JFR produits sur la période 2009 à 2012 mettent en évidence des actions concrètes qui démontrent également que la société JFR anime effectivement son groupe en abordant de nombreuses questions politiques et stratégiques telles que’:

– Le chantier stratégique MADRANGE

– La Marge opérationnelle du groupe

– Les questions URSAFF, CCN, MAX 2

– La question du comité d’entreprise

– Les livraisons clients

– La formation

– Le sous-groupe FAUCON

– La question des responsables techniques,

– Les démarches prévisionnelles du groupe

– La réorganisation du Groupe, la Direction opérationnelle,

– Le suivi des travaux

– Les objectifs du groupe,

– Les dossiers SOFIDA, MADRANGE

– La question du financement au sein du groupe,

– La question de la formation au sein du groupe

– La comptabilité, la stratégie d’intégration,

L’analyse des marges,

La classification

La croissance externe,

La gestion des ressources humaines du groupe.

Il y a lieu également de relever que la SAS JFR justifie qu’un transfert progressif de la SAS ARELATE à la SAS JFR de l’activité d’animation du groupe a été envisagée dès 2006 à travers la conclusion d’une convention de prestation du 3 mars 2006 entre la SAS JFR et BOUCHER SERVICES faisant l’objet de plusieurs avenants et ensuite d’une convention de prestation en date du 7 janvier 2009 et que les conventions d’animation conclues entre la SAS ARELATE et ses filiales ont été transférées à la SAS JFR en 2013. Toutefois, contrairement à l’analyse de l’administration fiscale, estimant que ce transfert tardif de la convention d’animation fait obstacle à la qualification de rôle d’animation de la SAS JFR sur la période de 2010 à 2012, la cour estime que la SAS JFR s’analyse en une «’super-holding’», la Cour de cassation ayant consacré la possibilité qu’un groupe comporte plusieurs sociétés animatrices notamment en présence d’une «’super holding’» constituant la société holding d’un des associés et d’autre part d’une holding animatrice d’un groupe industriel.

Dès lors, au vu des éléments ci-dessus développés, la cour décide que la SAS JFR prouve que pour les années 2010 à 2012, cette société «’super-holding’» a exercé un rôle d’animation effective, et ce malgré la conclusion tardive de la convention d’animation entre celle-ci et ses filiales, au regard essentiellement des éléments suivants’:

– le rôle essentiel des époux [Y], Monsieur dirigeant de la SAS JFR et Madame exerçant une fonction de direction au sein de la société ARELATE cette dernière étant sous le contrôle de la société JFR,

– la présence de personnes qualifiées dans le secteur d’activité des filiales qui sont membres du conseil d’administration de la société holding ainsi que les interventions financières de la SAS JFR auprès de ses filiales (conventions de trésorerie)

– les compte-rendus du comité de direction témoignant d’une participation effective à l’animation du groupe et à la détermination de la politique stratégique.

La qualité de holding animatrice de la SAS JFR étant établie et les époux [Y] détenant l’intégralité des titres de la SAS JFR, qui détient elle-même 95,64 % de la société ARELATE, il convient d’en déduire que la SAS JFR constitue un bien professionnel exonéré d’imposition.

Dans ces conditions, il convient de prononcer la décharge de l’imposition d’un montant de 393.725 euros mise en recouvrement suivant avis du 16 septembre 2020 et par conséquent, d’infirmer le jugement déféré, en toutes ses dispositions.

*Sur les autres demandes

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, l’administration fiscale succombant, elle sera tenue aux dépens de premières instance et d’appel.

Les circonstances de l’espèce commandent de condamner la direction régionale des finances publiques d’Ile de France à payer aux époux [Y] la somme de 3.000 euros à titre d’indemnité à titre d’indemnité pour frais irrépétibles et de la débouter de sa demande en paiement sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Ordonne la révocation de l’ordonnance de clôture pour accueillir les écritures de l’administration fiscale notifiées électroniquement le 13 avril 2023 et clôture à nouveau l’affaire.

Infirme le jugement rendu le 29 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières, en toutes ses dispositions.

Et statuant à nouveau,

Juge que les parts détenues par Monsieur [V] [Y] et Madame [O] [M] épouse [Y] au sein de la SAS JFR constituent un bien professionnel exonéré d’imposition.

Prononce la décharge de l’imposition d’un montant de 393.725 euros mise en recouvrement suivant avis du 16 septembre 2020.

Condamne la direction régionale des finances publiques d’Ile de France à payer à Monsieur [V] [Y] et Madame [O] [M] épouse [Y] la somme de 3.000 euros à titre d’indemnité à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

La déboute de sa demande en paiement sur ce même fondement.

Condamne la direction régionale des finances publiques d’Ile de France aux dépens de première instance et d’appel et fait application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le conseiller faisant fonction de présidente de chambre

 


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