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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 2
ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2023
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/10935 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF6GU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Avril 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 20/05695
APPELANT
COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE DE LA SOCIÉTÉ MONTE PASCHI BANQUE SA pris en la personne de son Secrétaire Monsieur [I] [B]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Géry WAXIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0395
INTIMÉE
S.A. MONTE PASCHI BANQUE SA
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Nicolas CALLIES, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN701 susbtitué par Me Charlotte GUIRLET, avocate au barreau de HAUITS-DE-SEINE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 7 septembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Paule ALZEARI, Présidente de chambre
M. Eric LEGRIS, Président
Mme Christine LAGARDE, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme [N] [F] dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffière lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
– signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Alicia CAILLIAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Monte Paschi Banque est une filiale française de la banque italienne BANCA MONTE DEI PASCHI DI SIENA.
Le groupe traverse depuis plusieurs années une situation financière difficile et a été particulièrement exposé au titre de la dette souveraine italienne de l’ordre de 32 milliards d’euros.
Afin de se conformer aux exigences de l’autorité bancaire européenne, la banque italienne a été contrainte de solliciter des aides publiques de près de 4 milliards d’euros mais également de procéder, en 2014, à une augmentation de capital de 5 milliards d’euros et, plus généralement, de prendre les mesures nécessaires pour obtenir le soutien des autorités bancaires nationales et européennes.
En dépit de l’ensemble de ces mesures, fin juillet 2016, la BANCA MONTE DEI PASCHI DI SIENA a été contrainte d’accélérer les mesures prises pour sauver le groupe de la faillite.
Un nouveau plan de restructuration au niveau de la société mère a été adopté pour les années 2017 à 2021. Ce plan reflète les engagements pris par l’État italien pour permettre la recapitalisation de la maison-mère par l’État italien à hauteur de 70 %.
Conformément à la réglementation européenne en matière d’aides d’État accordées aux banques, aucune recapitalisation ne peut être autorisée par la Commission Européenne sans autorisation préalable d’un plan de restructuration afin d’éviter toute distorsion de concurrence entre banques et états membres.
Ainsi, conformément à la décision de la commission européenne du 4 juillet 2017, l’État italien a été contraint de prendre l’engagement de céder la filiale française la société Monte Paschi Banque dans un certain délai, avant juillet 2018 (engagement n°14 point a) et, en cas d’échec de la cession, de réduire progressivement les activités de la filiale au travers des mesures suivantes :
‘ réduction progressive du volume des crédits,
‘ interdiction de développer de nouveaux produits et de nouveaux marchés (engagement n°14 point b).
C’est sous la réserve du respect de ces engagements que la commission européenne a autorisé la recapitalisation de la banque par l’État italien avec obligation faite également à l’État italien de sortir du capital de la maison-mère avant 2021.
Le 19 juillet 2018, la direction de la société Monte Paschi Banque a été informée par la maison-mère qu’en l’absence de vente de la filiale dans le délai prévu, il convenait de préparer la feuille de route envisagée pour respecter l’engagement n° 14 consistant à réduire progressivement l’activité.
La direction en a informé la Délégation Unique du Personnel lors de la réunion ordinaire du 25 juillet 2018.
Lors de la réunion extraordinaire du 3 août 2018 portant notamment sur ‘le projet de cession de la société Monte Paschi Banque et ses conséquences’, il a été remis à la Délégation Unique du Personnel un document intitulé ‘La société Monte Paschi Banque Plan de réduction progressive d’activité envisagé’ sur la période 2018- 2025 , qui reprend les limitations d’activité imposées à la société Monte Paschi Banque par l’engagement n°14 soit :
‘ l’absence de développement de nouveaux produits et l’impossibilité de rentrer sur de nouveaux marchés,
‘ un plan de réduction progressive du portefeuille des crédits.
Ce plan prévoyait également, au regard de la réduction de l’activité, la fermeture indicative d’agences (passage de 14 agences en 2018 à une seule agence en 2025) et la réduction des effectifs par une incitation aux départs volontaires et au départ à la retraite (évolution prévue des effectifs de 222 en 2018 à 30 en 2025).
Le 21 novembre 2018, lors de la réunion de la Délégation Unique du Personnel portant notamment sur l’information et le suivi du plan de réduction progressive d’activité présenté le 3 août 2018, la direction a expliqué qu’en l’absence d’observation de la commission européenne sur le plan envisagé, il allait être mis en ‘uvre dans la filiale française.
Lors de la réunion extraordinaire de la Délégation Unique du Personnel du 13 mars 2019, il était remis aux élus un document intitulé ‘Information- consultation plan de réduction progressive d’activité envisagé’ qui présentait les mesures incitatives au départ en retraite et soulignait qu’aucun départ contraint pour motif économique n’était envisagé en 2019.
Le document rappelait les incertitudes relatives au plan de réduction d’activité au regard de l’engagement de l’État italien de sortir du capital avant 2021 et le fait que si des départs contraints devaient être décidés à l’avenir, ils seraient précédés de l’établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi.
Les membres de la Délégation Unique du Personnel ont sollicité auprès de la banque la mise en ‘uvre de dispositifs concertés et de procédures d’information- consultation sur le plan et ses conséquences en termes d’emploi et d’accompagnement.
La Directte a également été alertée par la Délégation Unique du Personnel d’un possible ‘détournement de procédure’commis par la société en omettant de présenter un plan de sauvegarde de l’emploi.
En réponse, la banque indiquait qu’aucune obligation de mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi ne lui incombait mais que tel serait le cas, si des licenciements pour motif économique devaient être un jour envisagés.
Lors de chaque réunion mensuelle du CSE, un point sur le plan de réduction progressive d’activité envisagée a été mis à l’ordre du jour.
Estimant les réponses insuffisantes, le Comité social économique de la société Monte Paschi Banque a, par acte du huissier du 19 juin 2020, assigné la société Monte Paschi Banque afin, à titre principal, de suspendre la mise en ‘uvre du plan de réduction progressive d’activité sous astreinte, mettre en place un plan de prévention des risques professionnels et un plan d’adaptation des salariés à leurs postes de travail et de maintien de leur capacité à occuper un emploi sous astreinte et, à titre subsidiaire, condamner la société Monte Paschi Banque à mettre en place un PSE sous astreinte.
Par jugement en date du 12 avril 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :
‘ Déclaré la fin de non-recevoir irrecevable ;
‘ Débouté le comité social économique de la société Monte Paschi Banque de l’intégralité de ses demandes ;
‘ Débouté les parties pour le surplus et autres demandes ;
‘ Condamné le comité social économique de la société Monte Paschi Banque aux dépens.
Selon déclaration du 2 juin 2022, le comité social économique de la société Monte Paschi Banque a interjeté appel à l’encontre de cette décision.
Par dernières conclusions déposées le 22 février 2023, le Comité Social et Économique de la société Monte Paschi Banque demande à la cour de :
‘Vu les articles L.4121-1, L.6321-1 et L.1233-61 et suivants du Code du travail,
Déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté par le Comité Social et Economique de la société MONTE PASCHI BANQUE à l’encontre du jugement rendu par le Tribunal judiciaire de PARIS le 12 avril 2022,
Y faisant droit,
Infirmer le jugement du Tribunal judiciaire de PARIS en date du 12 avril 2022, en ce qu’il a débouté le Comité Social et Economique de la société MONTE PASCHI BANQUE de l’intégralité de ses demandes aux fins de : suspendre la mise en oeuvre du plan de réduction progressive d’activité de la société MONTE PASCHI BANQUE sous astreinte de 200 € par jour de retard ; condamner la société MONTE PASCHI BANQUE à mettre en place un plan de prévention des risques professionnels dans le mois de la signification du jugement à intervenir sous astreinte de 200 € par jour de retard ; condamner la société MONTE PASCHI BANQUE à mettre en place un plan d’adaptation des salariés à leur poste de travail et de maintien de leur capacité à occuper un emploi dans le mois de la signification du jugement à intervenir sous astreinte de 200 € par jour de retard ; subsidiairement, à défaut de décision de suspension du plan de réduction progressive d’activité, condamner la société MONTE PASCHI BANQUE à mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi dans le mois de la signification du jugement à intervenir sous astreinte de 200 € par jour de retard ; condamner la société MONTE PASCHI BANQUE à verser au Comité Social et Economique de la société MONTE PASCHI BANQUE la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ; condamner la société MONTE PASCHI BANQUE aux dépens,
Et statuant à nouveau,
Suspendre la mise en oeuvre du plan de réduction progressive d’activité de la société MONTE PASCHI BANQUE, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
Condamner la société MONTE PASCHI BANQUE à mettre en place un plan de prévention des risques professionnels dans le mois de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 € par jour de retard,
Condamner la société MONTE PASCHI BANQUE à mettre en place un plan d’adaptation des salariés à leur poste de travail et de maintien de leur capacité à occuper un emploi dans le mois de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 € par jour de retard,
Subsidiairement, à défaut de décision de suspension du plan de réduction progressive d’activité, condamner la société MONTE PASCHI BANQUE à mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi dans le mois de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 € par jour de retard,
Condamner La société Monte Paschi Banque à verser au Comité Social et Économique de La société Monte Paschi Banque la somme de 5000 euros titre de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamner La société Monte Paschi Banque aux dépens.’
Selon dernières écritures du 25 octobre 2022, la société Monte Paschi Banque demande à la cour de :
Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 12 avril 2022 en ce qu’il a débouté le Comité Social et Économique de la société MONTE PASCHI BANQUE de l’intégralité de ses demandes, ainsi qu’aux dépens
Et en tout état de cause
– Rejeter l’ensemble des demandes, fins et prétentions du Comité Social et Économique de la société MONTE PASCHI BANQUE ;
– Condamner le Comité Social et Économique de la société MONTE PASCHI BANQUE au versement de la somme de 2.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est en date du 3 mars 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS,
1° Sur la demande principale de suspension du plan de réduction d’activité
Le CSE appelant fonde sa prétention sur le contenu du plan, sa mise en ‘uvre et son caractère effectif.
Il estime que la Société ne respecte pas ses obligations légales.
Il invoque les dispositions de l’article L. 4121-1 du code du travail aux termes duquel il appartient à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs au travers de mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, de la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
Il soutient que le plan de réduction d’activité compromet la santé et la sécurité des salariés en poste au regard notamment :
‘ d’un fonctionnement dégradé de l’activité de l’entreprise,
‘ d’un climat de travail anxiogène et d’une déstabilisation des équipes qui se trouvent dans l’incertitude de leur devenir professionnel,
‘ d’une situation de souffrance au travail liée à un état de stress, un sentiment d’insuffisance sociale et de perte de valeur,
‘ d’une remise en cause des capacités du professionnalisme du personnel,
‘ d’une modification des attributions de nombreux salariés,
‘ d’une surcharge de travail importante pour le personnel encore en place.
Il fait valoir que ces risques sont d’autant plus avérés au regard des conclusions d’une seconde expertise du cabinet Technologia, effectuée en avril 2021 en application de l’article L. 2315-81 du code du travail, qui conclut à l’existence de risques psychosociaux importants au sein de la Société.
Il ajoute que la suspension du plan est d’autant plus fondée que la direction de l’entreprise n’a parallèlement mis en ‘uvre aucune mesure d’accompagnement social et d’un plan global de prévention et de formation, de nature à réduire les risques engendrés par les modalités de mise en ‘uvre du plan de réduction d’activité et ce, en violation des dispositions de l’article L. 4121-1 du code du travail.
De même, il fait grief à la Société de ne pas avoir respecté son obligation d’assurer l’adaptation des salariés à leurs postes de travail telle que formulée par l’article L. 6321-1 du code du travail.
En réponse, la société Monte Paschi Banque fait valoir que le plan envisagé de réduction d’activité ne constitue nullement une réorganisation qui serait susceptible d’être suspendue.
En effet, elle précise que les seuls engagements de limitation de l’activité ne sauraient être suspendus en l’absence d’une réorganisation impactant les salariés.
Elle met en exergue qu’aucune agence n’a été fermée en raison du plan alors qu’aucun salarié n’a été licencié au motif de la limitation de l’activité.
Elle ajoute qu’à supposer que le plan de réduction progressive d’activité soit considéré comme une réorganisation pouvant être suspendue, aucune atteinte à la santé et à la sécurité des salariés ne justifie le prononcé d’une telle suspension.
Elle soutient que le CSE échoue à démontrer l’existence d’un fonctionnement dégradé mettant en difficulté les salariés.
Enfin, elle estime avoir pris les mesures nécessaires pour protéger la santé de ses salariés, notamment en matière de risques psychosociaux.
S’agissant de la demande de mise en place d’un plan de prévention des risques professionnels, elle précise que le document unique d’évaluation des risques professionnels a été récemment mis à jour et présenté au CSE sans faire l’objet du moindre commentaire.
Sur la demande mise en place d’un plan d’adaptation des salariés à leurs postes de travail et de maintien de leur capacité à occuper un emploi, elle estime qu’un plan de développement des compétences n’est pas obligatoire puisqu’il est établi, le cas échéant, par l’employeur.
Sur ce,
Il doit être rappelé que le plan de réduction d’activité a été élaboré à la demande des autorités européennes au regard de l’engagement n°14 à la suite de l’échec de la cession de la banque.
Ce plan détermine les orientations que la banque doit s’efforcer de respecter en matière d’activité, en s’abstenant notamment de la développer, pour se concentrer sur la clientèle existante.
Au regard des engagements pris par la société mère et par suite, sa filiale française, les engagements de limitation d’activité, s’ils sont effectivement mis en place, ne sauraient être suspendus que dans l’hypothèse d’une réorganisation ayant un impact direct et certain sur les salariés.
À cet égard, il doit être considéré qu’au regard de l’engagement européen, l’évolution des effectifs ou du nombre des agences en France n’est pas spécifiquement prévu et ne revêt donc aucun caractère contraignant.
Ainsi, la banque justifie effectivement que ces évolutions envisagées constituent, en réalité, des projections au regard des engagements pris par la société mère en termes de volume des affaires.
Ainsi, il est justifié et non contesté qu’aucune agence n’a été fermée en raison du plan depuis son annonce et, contrairement aux projections faites en 2018.
À titre explicatif, si le plan avait été appliqué, entre 2018 et 2021, 8 agences auraient dû être fermées et 2 agences auraient dû être fermées en 2022 pour qu’il ne reste plus que 2 agences en 2023.
À ce jour, 12 agences sont toujours ouvertes soit, un nombre quasiment identique au nombre d’agences en place lors de l’annonce du plan de réduction d’activité.
À l’opposé, il n’est nullement allégué de mesures contraignantes ayant pu affecter les salariés en application du plan de réduction. Il n’est pas justifié de licenciements au motif de la limitation de l’activité, de mobilité imposée aux salariés ou de modifications des contrats de travail.
La Société expose sans être contredite avoir seulement dû faire face à des démissions et des départs à la retraite, outre des départs dans le cadre de rupture conventionnelle à l’initiative des salariés.
Il est à noter que la société comptait 146 salariés en octobre 2022 alors que les chiffres indiqués dans le document présenté aux autorités faisaient état d’un effectif théorique de 100 salariés à la fin de l’année 2022.
Ces éléments ne permettent nullement de considérer que le respect de l’engagement n°14 par la Société a induit une réorganisation impactant les salariés et nécessitant, de ce fait, une suspension du plan.
Surtout, si tant est que la réalité d’une réorganisation soit établie, il appartient au CSE, en application des dispositions de l’article 1353 du Code civil, de démontrer, au soutien de sa demande de suspension du projet de réduction d’activité, l’existence d’une menace pesant sur la santé et la sécurité des salariés résultant de sa mise en ‘uvre.
Plus spécialement, il appartient au CSE de démontrer l’existence de risques professionnels et de risques psychosociaux qui n’auraient pas fait l’objet d’une évaluation dans le cadre de l’obligation de sécurité de l’employeur telle qu’elle résulte de l’application de l’article L. 4121-1 du code du travail.
À cet égard, il convient d’observer que les allégations du CSE quant aux difficultés rencontrées pas les salariés n’ont fait l’objet d’aucune alerte spécifique à tout le moins de la part des instances représentatives du personnel.
À l’opposé, l’inspectrice du travail, saisie par courrier de la DUP et après son contrôle réalisé le 4 novembre 2019, n’a constaté aucun risque psychosocial avéré et a simplement rappelé à la Société ses obligations en termes de prévention et d’évaluation des risques professionnels.
D’autre part, il ne peut être utilement affirmé que les nombreuses démissions seraient en relation avec la dégradation des conditions de travail.
En effet, les pièces produites ne mettent pas en évidence une augmentation significative des démissions depuis 2018 alors que le nombre moyen de démissions entre 2013 et 2017 était de 11,5 soit, plus important que depuis l’année 2018.
Il est justifié que le taux de départ en 2020, année particulièrement difficile et significative à ce titre, était de 4 %.
Il en résulte une absence de lien de cause à effet entre le nombre de départs et la présentation du plan en 2018.
S’agissant du résultat d’un questionnaire diligenté par le cabinet d’expertise Technologia au mois d’avril 2021, il doit être considéré que lors de sa réunion du 25 novembre 2020, le CSE a désigné un expert afin ‘d’étudier les conséquences psychosociologiques de la situation actuelle sur le personnel de MPB’ et de connaître ‘l’état d’esprit des employés’.
Le premier juge a exactement relevé que le CSE ne produisait nullement la délibération ayant mandaté cet expert ce qui ne permettait pas à la juridiction de vérifier la mission qui lui a été assignée.
Il considère également pertinemment que puisque le CSE fait valoir que cet expert a été sollicité sur le fondement de l’article L. 2315-81 du code du travail, il ne peut être que constaté que cette expertise n’a pas été diligentée sur le fondement de risques graves pour la santé des salariés.
Quant au résultat de ce rapport, il doit être relevé qu’en dépit d’un taux de participation de 62 % l’expert précise qu’il faudra « veiller à ne pas interpréter trop rapidement les réponses de l’ensemble des répondants comme étant celles de l’ensemble des salariés ».
Les réponses au questionnaire révèlent un indicateur de qualité de vie au travail de 47/100 soit, d’un niveau très bas. Il est également observé des situations dégradées en ce qui concerne les thématiques de la vision d’avenir et de la conjoncture, la reconnaissance, les valeurs portées et le management. Un niveau moyen est souligné s’agissant des relations de travail, de l’autonomie et dans une moindre mesure des exigences du travail.
À l’opposé, une situation d’un niveau correct a été observée concernant les exigences émotionnelles et un bon niveau s’agissant de l’environnement de travail.
Ce questionnaire est révélateur, à l’évidence, de l’impact sur les salariés des incertitudes pesant sur l’avenir de la filiale française de la maison-mère italienne au regard de la crise financière traversée par le groupe.
Cependant, et à l’opposé, ce questionnaire ne permet pas d’établir un lien direct entre la mise en place d’une réduction de l’activité et la réalité de risques psychosociaux pour les salariés.
À cet égard, le CSE ne verse aux débats aucune pièce complémentaire permettant d’étayer ses affirmations.
Le premier juge constate, pertinemment, qu’à la réception de ce questionnaire en avril 2021 le CSE n’a pas estimé utile de saisir l’inspection du travail ni, n’a décidé de recourir à une expertise pour risques graves psychosociaux.
À l’opposé, la banque établit avoir pris les mesures nécessaires envers ses salariés notamment, en matière de risques psychosociaux.
Ainsi lors de chaque réunion ordinaire, elle fait un point sur la situation économique et plus largement sur la situation ²du groupe.
Dès qu’elle a eu connaissance de la nécessité de se conformer à l’engagement n° 14, les instances représentatives du personnel en ont été informées.
Elle a fait procéder à une tournée des agences afin de présenter à chacun le nouveau positionnement de la banque en matière de stratégie commerciale.
Elle a initié à la fin de l’année 2019 une démarche de prévention des risques psychosociaux et a , dans ce cadre, échangé avec les médecins du travail. Elle a informé les salariés de l’existence de psychologues spécialisés en prévention des risques psychosociaux afin de leur permettre de bénéficier d’entretiens s’ils estiment nécessaire.
Surtout le document unique d’évaluation des risques a fait l’objet d’une refonte totale et, à cette occasion, une analyse précise des risques professionnels a été réalisée, agence par agence.
Le document unique d’évaluation des risques a été présenté au CSE lors de la réunion du 26 mai 2020.
Aucune observation n’a été formulée et le premier juge a exactement relevé que le CSE ‘n’a quant à la demande de mise en place d’un plan d’adaptation des salariés à leurs postes de travail et de maintien de leur capacité à occuper un emploi formulé aucune observation particulière à ce titre, ni solliciter des mesures spécifiques de prévention liées au plan de réduction d’activité’.
Sur l’application de l’article L. 4121-1 du code du travail qui dispose que :
« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. »
Force est de considérer qu’en l’état des développements précédents s’agissant des dispositions prises par l’employeur mais également de la mise à jour du document unique d’évaluation des risques, le CSE n’établit nullement la nécessité d’une mise en place d’un plan de prévention des risques professionnels.
Quant à la demande de mise en place d’un plan d’adaptation des salariés à leurs postes de travail et de maintien de leur capacité à occuper un emploi, il convient de rappeler les dispositions de l’article L. 6321-1 du code du travail qui dispose ainsi :
« L’employeur assure l’adaptation des salariés à leurs postes de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.
Les actions de formation mises en ‘uvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de développement des compétences mentionné au 1° de l’article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d’obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l’acquisition d’un bloc de compétences ».
Force est de constater que cette demande n’est nullement en lien avec les risques psychosociaux tels qu’invoqués par le CSE.
Au demeurant, la banque a rappelé, lors de la présentation aux membres du CSE des orientations stratégiques de la société en novembre 2020, qu’elle s’est toujours attachée à apporter un soin particulier à la formation des collaborateurs tout en précisant que les efforts allaient perdurer en ce sens.
Elle justifie avoir mis en place non seulement des formations obligatoires mais également des formations internes et externes afin d’accroître la polyvalence et développer l’employabilité des salariés.
De même, elle établit que les campagnes d’entretien d’évaluation sont couplées, chaque année, avec les entretiens professionnels.
D’autre part, le nombre d’heures de formation a été en forte hausse en 2019 (2036 heures) et n’a pas faibli en 2020.
En l’état de ces éléments le jugement est donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande principale, le CSE échouant à démontrer l’existence de risques psychosociaux induits par la mise en ‘uvre du plan de réduction d’activité, tout comme l’inadéquation des salariés à leurs postes de travail.
2° Sur la demande subsidiaire de mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi
L’appelant estime que la banque doit être condamnée à mettre en place ce plan compte tenu du nombre de départs constatés à ce jour et de ceux programmés par le plan.
Il estime qu’un plan de sauvegarde de l’emploi est imposé par les dispositions de l’article L. 1233-61 du code du travail.
La société intimée fait valoir qu’aucun projet de suppression de poste suffisamment abouti et pouvant justifier la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi n’a été élaboré.
Elle maintient qu’il n’existe aucun départ contraint pour motif économique et estime que la demande du CSE est particulièrement incompréhensible compte tenue du contexte.
Elle fait valoir qu’elle a même été contrainte de refuser plusieurs demandes de départ de salariés dans le cadre de rupture conventionnelle.
Sur ce,
Aux termes de l’article L. 1233-26 du code du travail, « lorsqu’une entreprise ou un établissement employant habituellement au moins cinquante salariés a procédé pendant trois mois consécutifs à des licenciements économiques de plus de dix salariés au total, sans atteindre dix salariés dans une même période de trente jours, tout nouveau licenciement économique envisagé au cours des trois mois suivants est soumis aux dispositions du présent chapitre. »
Selon l’article L. 1233-27 du code du travail, « lorsqu’une entreprise ou un établissement employant habituellement au moins cinquante salariés a procédé au cours d’une année civile à des licenciements pour motif économique de plus de dix-huit salariés au total, sans avoir été tenu de présenter de plan de sauvegarde de l’emploi en application de l’article L. 1233-26 ou de l’article L. 1233-28, tout nouveau licenciement économique envisagé au cours des trois premiers mois de l’année civile suivante est soumis aux dispositions du présent chapitre. »
En premier lieu, il doit être rappelé qu’il n’existe aucun projet visant à supprimer des postes de salariés.
Lors de la consultation du CSE sur les orientations stratégiques de la Société au mois de novembre 2020, les orientations s’agissant de l’activité ont été parfaitement claires : poursuivre la gestion et le développement de la clientèle existante en proposant des services et activités susceptibles de générer des commissions. Il n’a nullement été fait état d’une décroissance des effectifs alors qu’au contraire l’objectif a été de garder le niveau d’emploi actuel.
Surtout, la réalité de plusieurs départs contraints pour motif économique n’est nullement établie.
La Société a seulement présenté un dispositif en mars 2019 afin de permettre aux salariés le souhaitant de faire valoir leurs droits à la retraite en leur permettant de bénéficier d’une indemnité.
Les démissions et ruptures conventionnelles intervenues sur la période considérée ne permettent pas de caractériser la réalité d’un départ non volontaire et pour motif économique et de considérer , de façon indubitable, que les seuils prescrits par les dispositions précitées sont atteints.
À cet égard, la banque fait utilement valoir qu’en tout état de cause, seul le conseil de prud’hommes est compétente pour qualifier, le cas échéant, une rupture en un licenciement économique et juger que les démissions ont été équivoques car revêtant un motif économique.
Surabondamment, il doit être précisé qu’une seule rupture conventionnelle est intervenue en 2020 ce qui est largement inférieur aux seuils prescrits par l’article L. 1233-27 du code du travail.
Au surplus, il résulte du procès-verbal de séance ordinaire de la Délégation unique du personnel du 21 novembre 2018 que la Société a refusé plusieurs demandes de départ de salariés dans le cadre d’une rupture conventionnelle.
Il a été indiqué au CSE que l’entreprise devait conserver les effectifs suffisants pour pouvoir fonctionner malgré les limitations de l’activité.
Le jugement est donc également confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi.
Le Comité Social et Économique de la société Monte Paschi Banque, qui succombe sur les mérites de son appel, doit être condamné aux dépens et débouté en sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
À l’opposé, il sera fait application de cet article au profit de la société Monte Paschi Banque.
PAR CES MOTIFS,
Contradictoire, dernier ressort, publiquement
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a :
‘ Débouté le Comité Social et Économique de la société Monte Paschi Banque de l’intégralité de ses demandes,
‘ Débouté les parties pour le surplus et autres demandes,
‘ Condamné le Comité Social et Économique de la société Monte Paschi Banque aux dépens,
Y ajoutant,
Condamne le Comité Social et Économique de la société Monte Paschi Banque aux dépens d’appel et le déboute en sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne le Comité Social et Économique de la société Monte Paschi Banque à payer à la société Monte Paschi Banque la somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La Greffière, La Présidente,