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Les époux [T] et [M] [V], assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), ont souscrit le 14 juin 2010 à une augmentation de capital de la SAS à capital variable Finaréa Gold ayant pour objet social la gestion et l’animation des participations prises dans des entreprises.
Sur la base d’une attestation émise par cette société, le 1er juillet 2010, selon laquelle l’objet de la société Finaréa Gold était, à titre principal, la gestion et l’animation de participations prises dans des sociétés éli
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MINUTE N° 89/2023
Copie exécutoire à
– Me Thierry CAHN
– Me Julie HOHMATTER
Le 24/02/2023
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 24 FÉVRIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03073 – N° Portalis DBVW-V-B7E-HNJY
Décision déférée à la cour : 29 Septembre 2020 par le tribunal judiciaire de COLMAR
APPELANT :
Monsieur LE DIRECTEUR REGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES d’Ile de France et du Département de [Localité 3]
ayant son siège [Adresse 2]
représenté par Me Thierry CAHN, avocat à la cour.
INTIMÉS :
Madame [T] [V]
Monsieur [M] [V]
demeurant ensemble [Adresse 1]
représentés par Me Julie HOHMATTER, avocat à la cour.
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 16 Septembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre
Madame Myriam DENORT, Conseiller
Mme Nathalie HERY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN.
ARRET contradictoire
– prononcé publiquement après prorogation du 25 novembre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Les époux [T] et [M] [V], assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), ont souscrit le 14 juin 2010 à une augmentation de capital de la SAS à capital variable Finaréa Gold ayant pour objet social la gestion et l’animation des participations prises dans des entreprises.
Sur la base d’une attestation émise par cette société, le 1er juillet 2010, selon laquelle l’objet de la société Finaréa Gold était, à titre principal, la gestion et l’animation de participations prises dans des sociétés éligibles au dispositif issu de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, dite loi TEPA, les époux [V] ont mentionné cet investissement sur leur déclaration au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune de l’année 2010, et ont obtenu le bénéfice de la réduction d’impôt prévue par l’article 885-0 V bis du code général des impôts au titre de la souscription directe au capital de petites et moyennes entreprises (PME) ouvrant droit à une réduction de cet impôt à hauteur de 75% des versements.
Le 12 décembre 2012, l’administration fiscale a remis en cause cette réduction d’ISF et émis une proposition de rectification, qu’elle a maintenue 11 avril 2013 en dépit des observations des contribuables. Un avis de mise en recouvrement a été établi le 9 août 2013 pour un montant total de 8 812 euros (dont 7 868 euros de droits et 944 euros intérêts de retard).
Les époux [V] ont présenté une réclamation contentieuse le 24 décembre 2015, qui a été rejetée par une décision du 24 juin 2016.
Ils ont alors saisi le tribunal de grande instance de Colmar, par assignation du 2 septembre 2016, aux fins d’obtenir la décharge de l’imposition contestée.
Par jugement du 29 septembre 2020, le tribunal judiciaire a, notamment, :
– débouté les époux [V] de leur demande de communication de pièces et de l’ensemble de leurs demandes de nullité de la procédure fiscale,
– prononcé la décharge totale des impositions, droits, intérêts et pénalités mises à la charge des époux [V] au titre du rehaussement décidé le 12 décembre 2012 et mis en recouvrement le 9 août 2013, condamné l’État représenté par la Direction régionale des finances publiques, elle-même représentée par le directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de [Localité 3] à payer aux époux [V] la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal après avoir d’une part rejeté la demande de communication des rescrits Truffle et Partech aux motifs que ni la société Finaréa Gold, ni les époux [V] n’avaient mis en oeuvre la procédure de rescrit, et que ces pièces concernaient des tiers et ne correspondaient pas à une prise de position de portée générale de l’administration, et d’autre part écarté tous les moyens de nullité de la procédure fiscale soulevés a retenu au fond que :
– la doctrine administrative avait progressivement assimilé les sociétés holdings dites ‘animatrices’ aux sociétés opérationnelles ayant une activité éligible aux dispositifs fiscaux de faveur,
– cette notion avait été formalisée dans l’article 885-0 V bis du code général des impôts, dans sa version issue de la loi de finances pour 2011, laquelle n’était toutefois pas applicable à l’investissement réalisé le 1er juillet 2010 par les époux [V],
– aucune disposition législative ne subordonnait le bénéfice de la réduction d’ISF à une réelle prise de participation majoritaire et donc de contrôle des PME à aider,
– la loi applicable n’exigeait pas davantage que la holding animatrice dans laquelle le contribuable à l’ISF avait réalisé un investissement direct soit d’ores et déjà active et structurée à la date des premiers apports de fonds par les actionnaires de sorte qu’une société potentiellement animatrice ou démarrant son activité d’animation était éligible au dispositif de réduction précité.
Le tribunal a ensuite :
– constaté que la société Finaréa Gold avait été constituée le 7 avril 2009, qu’elle avait pour objet principal la gestion et l’animation sous toutes formes et par tous moyens appropriés des participations prises dans des entreprises,
– relevé de l’analyse des statuts et des conventions liant la société Finaréa Gold et la société Artalep dont elle détenait 34,80 % du capital que la première, au jour de la souscription de l’investissement des époux [V], s’était dotée des moyens lui permettant d’animer de manière effective la seconde à laquelle elle avait consenti une avance en compte-courant,
– déduit du tout que la société Finaréa Gold pouvait valablement être appréhendée comme une holding démarrant alors son activité d’animation et, ce faisant, susceptible d’offrir à ses souscripteurs le bénéfice du dispositif de réduction prévu par l’article 885-0 V bis du code général des impôts, les dispositions fiscales ultérieures n’étant pas opposables aux époux [V].
Le directeur régional de services fiscaux a interjeté appel de ce jugement, par déclaration du 22 octobre 2020, en ce qu’il a prononcé la décharge totale des impositions, droits, intérêts et pénalités imputés aux époux [V] au titre du rehaussement décidé le 12 décembre 2012 et mis en recouvrement le 9 août 2013, condamné l’État représenté par la Direction régionale des finances publiques, elle-même représentée par le directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de [Localité 3] à payer aux époux [V] la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et en ce qu’il n’a pas fait droit aux conclusions de l’administration fiscale tendant à la confirmation de la décision de rejet du 24 juin 2016, ainsi qu’au rejet de toutes demandes et de condamnation des époux [V] aux dépens.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 5 avril 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 1er février 2022, le directeur régional des finances publiques d’Île de France et du département de [Localité 3], demande à la cour, au visa de l’article 885-0 V bis du code général des impôts et de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté le contribuable de sa demande de communication des rescrits et de nullité de la procédure, de réformer le jugement pour le surplus, de reconnaître le rappel fondé en droit et en fait, et en conséquence, de :
– confirmer la décision administrative de rejet du 24 juin 2016 ;
– condamner le contribuable aux entiers dépens d’appel, dont distraction pour ces derniers au profit de l’avocat de la direction régionale des finances publiques aux offres de droit ;
– condamner le contribuable à verser à l’État la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’appelant fait valoir que :
– il ressort de l’article 16 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dont est issu l’article 885-0 V bis du code général des impôts et de la décision de la Commission européenne n°C (2008) 1055 du 11 mars 2008 autorisant ce dispositif, que seuls sont éligibles à l’avantage fiscal instauré par ce texte les investissements réalisés dans des sociétés opérationnelles – directement ou indirectement par une société interposée – ;
– seule la doctrine administrative a admis que le dispositif de l’article 885-0 V bis du code général des impôts pouvait être étendu aux investissements réalisés dans des sociétés holding qui, sans être interposées au sens de l’article précité, assuraient effectivement un rôle d’animation de groupe,
– la doctrine administrative considère que sont des sociétés holding animatrices les sociétés qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales, et rendent, le cas échéant, et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers (cf. DB 7 S 3323 n° 16 et suivants), à la différence des sociétés holding ‘passives’ qui sont exclues du bénéfice de la réduction d’impôt en tant que simples gestionnaires d’un portefeuille mobilier,
– s’agissant d’une exception au principe légal d’exclusion des sociétés holding posé par l’article 885-0 V bis I-1 b du code général des impôts, c’est au contribuable qui l’invoque de prouver le rôle d’animation effective de la société holding au moyen d’éléments concrets tenant notamment à la définition par cette société d’une politique de groupe,
– en cas d’investissement indirect via une société holding, la condition relative à la phase de développement de la société ne s’applique qu’à la société cible (BOI 7 S-3-08 § 81), le dispositif validé par la Commission européenne visant en effet à favoriser le financement des PME en cours de création mais aussi d’expansion.
L’appelant en déduit que la société holding doit, par le biais de ses participations dans les filiales, concourir à une véritable activité industrielle ou commerciale en mobilisant des moyens spécifiques, ce rôle d’animation devant être effectif et relever d’éléments concrets, au jour du fait générateur de l’impôt, le champ d’application de cette mesure n’étant pas limité aux seules sociétés en phase initiale de développement sans être toutefois déjà animatrices.
L’administration considère que la société Finaréa Gold ne répondait pas à ces conditions, à la date de l’investissement des époux [V], en ce que d’une part, il n’était pas certain que leur versement ait été investi dans le capital d’une société opérationnelle au regard de l’importance des liquidités détenues par cette société au 30 juin 2010, d’autre part la société Finaréa Gold ne pouvait être considérée comme une société opérationnelle, au sens de la loi, qui vise exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l’exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier définies à l’article 885 O quater du code général des impôts, la notion de holding dite « interposée » supposant qu’elle détienne au moins 90% de son actif brut comptable en titres de sociétés opérationnelles, ce qui n’était pas le cas à la date de l’investissement, et enfin que la preuve de ce qu’elle exerçait une animation effective à la date du fait générateur de l’impôt n’est pas rapportée.
Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 15 avril 2022, les époux [V] demandent à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
– débouter la Direction générale des finances publiques de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
En tout état de cause :
– déclarer irrégulière la procédure fiscale préalable à la présente procédure contentieuse ;
– en conséquence, annuler ladite procédure fiscale et prononcer la décharge des rehaussements ;
– rejeter comme étant infondée la décision de rehaussement puis de mise en recouvrement prise à leur encontre, et en conséquence prononcer la décharge des rehaussements ;
le cas échéant,
– ordonner la communication par la Direction générale des finances publiques, sous astreinte provisoire, pendant deux mois, de 1 000 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de la décision à intervenir, des rescrits Truffle et Partech dans leur version originale ou expurgée des éléments prétendument confidentiels ;
– ordonner que, passé ce délai de deux mois, la partie qui y a intérêt pourra saisir le juge de céans d’une demande de liquidation de l’astreinte provisoire et fixation de l’astreinte définitive ;
– en cas de difficulté d’interprétation du droit de l’Union européenne, poser à la Cour de justice de l’Union européenne des questions préjudicielles, dont ils précisent la teneur,
– condamner la Direction générale des finances publiques au paiement de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, avec toutes conséquences de droit et de dépens.
Ils font valoir que l’administration fiscale a délivré des rescrits aux concurrents de la société Finaréa, les sociétés Truffle et Partech, dont la teneur exacte n’a pas été communiquée, alors que ces sociétés avaient mobilisé le même schéma de souscription au capital de PME via des holdings animatrices.
Ils reprennent les moyens développés en première instance quant à l’irrégularité de la procédure fiscale tirés d’une insuffisance d’information préalable et du non-respect de l’obligation de motivation de la réponse aux observations du contribuable.
Au fond, ils font valoir qu’une société est dite ‘holding animatrice’ lorsqu’elle participe activement à la détermination de la politique du groupe et au contrôle des filiales, et rend, le cas échéant, et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, et soutiennent qu’il n’est pas exigé que la holding définisse seule et conduise la stratégie de la PME, à laquelle elle doit participer activement, la société holding pouvant être minoritaire, si elle a un pouvoir d’influence significatif, l’animation ne pouvant être confondue avec la gestion opérationnelle des filiales.
Ils soutiennent que la société Finaréa Gold remplissait les conditions pour être qualifiée de holding animatrice en phase d’expansion, à la date de leur investissement, le 14 juin 2010, puisqu’elle était entrée au capital d’une première PME, dénommée Artalep le 3 juillet 2009 et s’était dotée, dès sa création, d’outils lui permettant d’avoir un rôle d’animatrice, tels qu’un modèle de statuts type, un pacte d’associé type imposé aux PME prévoyant notamment que le processus de prise de décision au sein de la filiale soit tel qu’aucune décision importante ne puisse être prise sans l’accord de la holding, un contrat d’animation…, outre le fait qu’aucune décision importante au sein de la filiale ne pouvait être prise sans l’accord de la société Finaréa Gold, ni aucune décision stratégique sans un financement spécifique approuvé par la société Finaréa Gold.
Ils prétendent que la seule activité de la société Finaréa consiste à animer son groupe, et relèvent qu’elle a fait l’objet d’un contrôle fiscal approfondi, à l’issue duquel l’ensemble des charges qualifiées dans ses comptes d’« animation », car exposées dans le cadre de cette activité de holding animatrice, ont été validées par l’administration.
Ils ajoutent que le rehaussement serait contraire au droit de l’Union européenne, le dispositif de réduction ISF-PME ayant donné lieu à notification préalable à la Commission européenne s’agissant d’un dispositif constituant une aide de l’Etat. Or la Commission n’a validé le dispositif qu’à la condition que les sociétés éligibles n’en soient qu’aux stades liminaires de leur développement, ce qui incluait l’amorçage et le démarrage outre l’expansion, de sorte que les souscripteurs des holdings Finaréa, comme les sociétés Finaréa elles-mêmes, ont toujours déduit de cette exigence européenne la règle selon laquelle seule la holding dans les phases initiales de son développement, et donc notamment en phase de démarrage, pouvait proposer à ses souscripteurs d’investir à son capital en bénéficiant de la réduction d’impôt prévue pour les holdings animatrices.
Au regard du dernier état de la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point, ils considèrent qu’une question préjudicielle pourrait être posée à la Cour de justice de l’Union européenne, outre des questions liées au traitement différencié par voie de rescrits non publiés.
Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.
A titre liminaire, la cour ne peut que constater que les époux [V] demandent la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, et qu’elle n’est donc pas saisie d’un appel incident portant sur les chefs du jugement ayant rejeté leurs demandes de communication de pièces et d’annulation de la procédure fiscale, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner les demandes formées par les intimés à ce titre.
Au fond, l’article 885-0 V bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 applicable au litige, permet au redevable d’imputer sur l’impôt de solidarité sur la fortune 75 % des versements effectués au titre de souscriptions au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés répondant aux conditions qu’il édicte, dans la limite de 50 000 euros.
En application de l’alinéa 2 de ce texte, la société bénéficiaire des versements mentionnée au premier alinéa doit satisfaire notamment aux conditions suivantes:
a) Etre une petite et moyenne entreprise au sens de l’annexe I au règlement (CE) n° 800/ 2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d’exemption par catégorie) ;
b) Exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l’exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier définie à l’article 885 O quater, notamment celles des organismes de placement en valeurs mobilières, et des activités de gestion ou de location d’immeubles. (…) ;
f) Etre en phase d’amorçage, de démarrage ou d’expansion au sens des lignes directrices concernant les aides d’Etat visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les petites et moyennes entreprises (2006 / C 194 / 02) ;
Il n’est pas contesté que la société Finaréa Gold dont l’objet est la gestion et l’animation de participations prises dans des entreprises n’a aucune activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale lui permettant d’être qualifiée d’opérationnelle, au sens des dispositions précitées, et ne peut pas davantage être considérée comme une société holding « interposée », ce qui suppose qu’elle détienne au moins 90% de son actif brut comptable en titres de sociétés opérationnelles, ce qui n’était pas le cas à la date de l’investissement.
L’éligibilité de leur investissement au bénéfice de la réduction fiscale prévue par l’article 885-0 V bis du code général des impôts est en effet revendiquée par les époux [V] à raison de l’activité de holding animatrice de groupe de la société Finaréa Gold.
En effet, la doctrine administrative publiée BOI 7 S60-08 assimile aux sociétés opérationnelles les sociétés holding animatrices, lesquelles sont définies comme des sociétés qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales, et rendent, le cas échéant, et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.
Il appartient aux époux [V] qui invoquent cette exception à l’exclusion légale des sociétés holding gérant leur propre patrimoine mobilier s’agissant de l’éligibilité au bénéfice du dispositif fiscal précité de rapporter, à partir d’éléments concrets, la preuve qu’au jour de leur investissement la société Finaréa Gold avait effectivement un rôle d’animation de son groupe, l’importance de sa participation au capital de ses filiales étant sans emport à cet égard dès lors qu’elle a un rôle significatif dans la définition et la conduite de la politique générale du groupe.
En l’occurrence, comme l’a rappelé le tribunal, la société Finaréa Gold a été constituée le 7 avril 2009 à partir de la scission de la société Finaréa Demeter, et à la date de la souscription des époux [V] à son augmentation de capital, soit le 14 juin 2010, elle détenait une participation à hauteur de 34,80 % dans le capital de la société Artalep dans lequel elle était entrée le 3 juillet 2009, aux côtés des deux entrepreneurs fondateurs. Cette participation a été portée à 49,83 % en janvier 2011 après incorporation au capital de deux avances en comptes courants à hauteur de 100 000 euros et 110 000 euros respectivement en juin et octobre 2010.
Si les statuts de la société Artalep et le pacte d’associé conclu le 3 juillet 2009 entre cette dernière et la société Finaréa Gold confèrent à celle-ci le droit de faire désigner un membre du conseil de direction qui dispose d’un droit de veto pour les décisions comportant un engagement financier important, ainsi que la possibilité de désigner un observateur pour assister avec voix consultative aux réunions du conseil de direction, il n’est toutefois pas démontré, en l’absence de production de procès-verbaux de réunions du conseil de direction de la société Artalep, que la société Finaréa Gold a effectivement usé de ces prérogatives pour exercer un contrôle effectif sur la politique commerciale ou peser sur la détermination des orientations stratégiques de sa filiale. La production de procès-verbaux de réunions concernant une autre filiale de la société Finaréa Gold, la société Clinicprosport, acquise par celle-ci le 11 mars 2011, est inopérante à cet égard.
Par ailleurs, comme le relève l’administration, l’existence d’une convention d’animation conclue entre la société Finaréa Gold et sa filiale n’est pas en elle-même suffisante pour retenir la qualification de holding d’animatrice de groupe, dans la mesure où une telle convention peut, dans certains cas, s’analyser en une simple convention d’assistance.
En l’occurrence, la convention d’animation conclue le 3 juillet 2009 entre la société Finaréa Gold et la société Artalep prévoit que la première fournit à la seconde une mission de conseil en stratégie et une mission de mise en place et de réalisation d’un contrôle de gestion. La première de ces missions comporte la définition conjointe et la matérialisation par un document normalisé du plan d’action annuel fixant la stratégie de l’entreprise, ainsi qu’un listage conjoint des actions détaillées à mener en fixant le calendrier de leur réalisation et les impacts en terme de traduction financière. Pour la réalisation de cette mission, il est prévu la tenue de réunions de cadrage avec la direction des sociétés bénéficiaires afin de définir avec chaque société bénéficiaire les indicateurs de suivi des actions et la liste des informations nécessaires, lesquels pourront évoluer à la demande du prestataire – la société Finaréa Gold – avec l’accord de la société bénéficiaire. La mission de contrôle de gestion repose sur la réalisation d’un reporting mensuel et trimestriel sur des indicateurs d’activités et agrégats financiers précis, dont la liste est définie avec chaque société bénéficiaire, cette liste pouvant comme précédemment évoluer à la demande du prestataire avec l’accord de la société bénéficiaire.
Il s’évince de l’ensemble de ces dispositions que les prestations fournies par la société Finaréa Gold sont essentiellement des prestations de conseil et d’assistance, la stratégie de l’entreprise étant élaborée conjointement avec la filiale et la mise en oeuvre du contrôle de gestion supposant un accord de la filiale quant à la définition des indicateurs et aux remontées d’informations, ce qui restreint sensiblement la possibilité pour la société holding d’influer et d’orienter la politique commerciale ou les décisions stratégiques de sa filiale. Il n’est en outre pas davantage démontré la mise en oeuvre effective du contrôle de gestion prévu dans le cadre de cette convention.
La circonstance que dans le cadre du contrôle fiscal opéré en 2012 portant sur les exercices 2010-2011, l’administration ait validé les charges mises en compte par la société Finaréa Gold au titre de l’animation n’implique pas pour autant reconnaissance de sa part, à la date du 14 juin 2010, de la qualité de holding animatrice de cette société.
Enfin, le point de savoir si la condition tenant au stade de développement doit être remplie par la société holding ou par la société cible est indifférent à la solution du présent litige, puisqu’en l’espèce la société Finaréa Gold était en activité depuis plus de quatorze mois lorsque les époux [V] ont souscrit à l’augmentation de son capital, et elle détenait la société Artalep depuis une année, délai suffisant pour mettre en oeuvre de manière effective une activité d’animation.
La preuve n’étant pas rapportée que la société Finaréa Gold pouvait, à la date du 14 juin 2010, être considérée comme étant une société holding animatrice, la souscription effectuée à cette date par les époux [V] n’était donc pas éligible à la réduction d’ISF prévue par l’article 885-0 V bis du code général des impôts.
Il y a donc lieu d’infirmer le jugement entrepris et de valider la décision de rejet de la réclamation contentieuse du 24 juin 2016, sans qu’il y ait lieu à question préjudicielle, la solution du litige n’impliquant pas une interprétation du droit de l’Union européenne.
Le jugement étant infirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et frais exclus des dépens.
Les époux [V] qui succombent supporteront la charge des dépens de première instance et d’appel et ne peuvent prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. En considération des circonstances de la cause, il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de l’appelant les frais exclus des dépens qu’il a exposés tant en première instance qu’en cause d’appel.
Il n’y pas lieu d’ordonner la distraction des dépens, l’article 699 du code de procédure civile n’étant pas applicable dans les trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME, dans les limites de l’appel, le jugement du tribunal judiciaire de Colmar en date du 29 septembre 2020 en ce qu’il a prononcé la décharge totale des impositions, droits, intérêts et pénalités mises à la charge des époux [V] au titre du rehaussement décidé le 12 décembre 2012 et mis en recouvrement le 9 août 2013, condamné l’État représenté par la Direction régionale des finances publiques, elle-même représentée par le Directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de [Localité 3] à payer aux époux [V] la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant au jugement,
CONFIRME la décision du 24 juin 2016 de rejet de la réclamation contentieuse des époux [T] et [M] [V] ;
Les DEBOUTE de leur demande de décharge des rehaussements ;
DIT n’y avoir lieu à questions préjudicielles ;
REJETTE les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE les époux [T] et [M] [V] aux entiers dépens de première instance et d’appel ;
DIT n’y avoir lieu à distraction des dépens.
Le greffier, La présidente,