Augmentation de Capital : Cour administrative d’appel de Nantes, 1ère Chambre, 17 mars 2023, 21NT02479

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Augmentation de Capital : Cour administrative d’appel de Nantes, 1ère Chambre, 17 mars 2023, 21NT02479
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ur nette de 372 870 euros, lequel portait le capital de la société de 7 500 euros à 380 370 euros. Le procès-verbal de l’assemblée générale du 21 juillet 2014 adoptant la résolution portant cette augmentation de capital a précisé que l’apporteur et la société exerçaient conjointement l’option pour le régime spécial des plus-values et des profits sur stocks prévu par l’article 151 octies du code général des impôts. Parallèlement, M. E C a constitué un dossier de demande d’aide à l’installation des jeunes agriculteurs qu’il a déposé à la direction départementale des territoires et de la
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C a demandé au tribunal administratif de Rennes la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 2014.

Par un jugement n°1903737 du 30 juin 2021 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 septembre 2021 et un mémoire enregistré le 24 février 2023, qui n’a pas été communiqué, M. et Mme C, représentés par Me de Langlade, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) d’accorder la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

– la procédure d’imposition est irrégulière, en méconnaissance de l’article L. 47 du livre des procédures fiscales, dès lors que M. C n’a pas été avisé de la vérification de comptabilité de l’EARL C dont procèdent les impositions supplémentaires mises à sa charge ; n’étant plus associé de cette société, ses droits à la défense n’ont pas pu être respectés ; ils se prévalent de l’instruction publiée au BOI-CF-PGR-20-10, §1 ;

– l’option formulée pour l’application des dispositions de l’article 151 octies du code général des impôts ne caractérise pas un abus de droit ; il ne peut pas être reproché à M. C d’avoir apporté son entreprise individuelle en société en optant pour le régime prévu par l’article 151 octies du code général des impôts, alors que l’objet de ce texte est de favoriser la mise en société ; ce régime a uniquement pour effet de reporter l’imposition des plus-values et non de l’éluder ; l’acte n’est ni fictif ni à motif purement fiscal ;

– c’est la réintégration des plus-values sur biens amortissables qui a permis d’éluder l’impôt sur les plus-values et qui doit être regardée comme constitutive d’un abus de droit ; c’est la décision de l’acquéreur de réintégrer les plus-values sur un exercice pour lequel il bénéficiait d’un abattement de 100 % qui a permis d’éluder l’impôt auquel il aurait dû être tenu s’il les avait réintégrées dans les conditions prévues par l’article 151 octies ;

– ils entendent se prévaloir, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales de la doctrine administrative référencée BOI-IS-FUS-10-20-40-20 n° 120 ;

– l’application de la majoration de 80% prévue au b. de l’article 1729 du code général des impôts n’est pas fondée en l’absence d’abus de droit.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 mars 2022 le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu’aucun des moyens soulevés par M. et Mme C n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Penhoat,

– et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit

:

1. M. B C a exercé une activité agricole d’élevage porcin, à titre individuel, jusqu’au 31 mai 2014. Le 1er juin 2014, il a créé l’exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) C dont il détenait la totalité du capital et à laquelle il a apporté en nature, le 21 juillet 2014, son exploitation agricole, portant ainsi son capital de 7 500 euros à 380 370 euros. A cette occasion, M. F C et l’EARL C ont exercé conjointement l’option pour le régime spécial des plus-values et des profits sur stocks défini à l’article 151 octies du code général des impôts. Le 1er décembre 2014, M. C a cédé la totalité des parts sociales de l’EARL C à son fils, M. E C, agriculteur éligible aux aides à l’installation. M. C a démissionné de ses fonctions de gérant de l’EARL et a fait valoir ses droits à la retraite. Au cours de l’année 2017, l’EARL C a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2014, 2015 et 2016, à l’issue de laquelle l’administration a adressé, le 14 décembre 2017, à M. B C et son épouse une proposition de rectification remettant en cause l’application des dispositions de l’article 151 octies du code général des impôts au motif que la constitution de l’EARL C avait constitué un abus de droit au sens de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales. Les contribuables ont contesté cette remise en cause dans leurs observations auxquelles l’administration a répondu en réaffirmant sa position. Après mise en recouvrement des impositions supplémentaires en résultant, M. et Mme C ont déposé une réclamation préalable qui a été rejetée le 5 juin 2019. Ils ont contesté, devant le tribunal administratif de Rennes, la régularité de la procédure d’imposition et le bien-fondé des impositions litigieuses. Par un jugement du 30 juin 2021, le tribunal a rejeté leur demande. M. et Mme C font appel de ce jugement.

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

En ce qui concerne l’application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l’article L. 47 du livre des procédures fiscales : ” Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d’une personne physique au regard de l’impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l’envoi ou la remise d’un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. / L’avis informe le contribuable que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié peut être consultée sur le site internet de l’administration fiscale ou lui être remise sur simple demande. / L’avis envoyé ou remis au contribuable avant l’engagement d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle peut comporter une demande des relevés de compte. / En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l’exploitation ou de l’existence et de l’état des documents comptables, l’avis de vérification de comptabilité et la charte des droits et obligations du contribuable vérifié sont remis au contribuable au début des opérations de constatations matérielles. L’examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu’à l’issue d’un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil. “.

3. Il est constant que M. B C n’était plus, au moment de la vérification de comptabilité de l’EARL C, le représentant légal de celle-ci. Dès lors, il ne peut utilement faire valoir qu’il aurait dû être informé de ce contrôle qui a concerné un autre contribuable, alors même que l’administration a tiré, au niveau des requérants, et après un contrôle sur pièces, les conséquences des constatations effectuées lors du contrôle de l’EARL C. En outre, la proposition de rectification du 14 décembre 2017 mentionne l’origine et la teneur des documents sur lesquels s’est fondée l’administration de sorte que les requérants ont été mis, sur le fondement de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales, en mesure d’en demander la communication, ce qu’ils n’ont pas fait. Par suite, le moyen tiré d’une méconnaissance de l’article L. 47 du livre des procédures fiscales ne peut qu’être écarté. Les requérants ne peuvent davantage valablement faire valoir que l’administration aurait ainsi méconnu les droits de la défense, dès lors qu’il est constant qu’ils ont bénéficié de l’ensemble des garanties attachées à la procédure de rectification contradictoire et à la procédure de répression des abus de droit.

En ce qui concerne l’interprétation administrative de la loi fiscale :

4. Si les requérants se prévalent de l’instruction publiée au BOI-CF-PGR-20-10, §1, elle ne concerne en tout état de cause que les contribuables faisant l’objet d’une vérification de comptabilité, alors que les requérants ont fait l’objet d’un contrôle sur pièces.

Sur le bien-fondé des impositions :

5. Aux termes de l’article 151 octies du code général des impôts : ” I. Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées par une personne physique à l’occasion de l’apport à une société soumise à un régime réel d’imposition d’une entreprise individuelle ou d’une branche complète d’activité peuvent bénéficier des dispositions suivantes : / a. l’imposition des plus-values afférentes aux immobilisations non amortissables fait l’objet d’un report jusqu’à la date de la cession, du rachat ou de l’annulation des droits sociaux reçus en rémunération de l’apport de l’entreprise ou jusqu’à la cession de ces immobilisations par la société si elle est antérieure. Toutefois, en cas de transmission à titre gratuit à une personne physique des droits sociaux rémunérant l’apport ou de la nue-propriété de ces droits, le report d’imposition est maintenu si le bénéficiaire de la transmission prend l’engagement d’acquitter l’impôt sur la plus-value à la date où l’un des événements prévus à la phrase précédente se réalise () / b. l’imposition des plus-values afférentes aux autres immobilisations est effectuée au nom de la société bénéficiaire de l’apport selon les modalités prévues au d du 3 de l’article 210 A pour les fusions de sociétés. () II. Le régime défini au I s’applique : / a. sur simple option exercée dans l’acte constatant la constitution de la société, lorsque l’apport de l’entreprise est effectué à une société en nom collectif, une société en commandite simple, une société à responsabilité limitée dans laquelle la gérance est majoritaire ou à une société civile exerçant une activité professionnelle ; () / L’option est exercée dans l’acte d’apport conjointement par l’apporteur et la société ; elle entraîne l’obligation de respecter les règles prévues au présent article. / Si la société cesse de remplir les conditions permettant de bénéficier sur simple option du régime prévu au I, le report d’imposition des plus-values d’apport peut, sur agrément préalable, être maintenu. A défaut, ces plus-values deviennent immédiatement taxables. / L’apporteur doit joindre à la déclaration prévue à l’article 170 au titre de l’année en cours à la date de l’apport et des années suivantes un état conforme au modèle fourni par l’administration faisant apparaître les renseignements nécessaires au suivi des plus-values dont l’imposition est reportée conformément aux premier et troisième alinéas du a du I. Un décret précise le contenu de cet état (). “.

6. Aux termes de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l’année d’imposition en litige : ” Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l’avis du comité de l’abus de droit fiscal. L’administration peut également soumettre le litige à l’avis du comité. / Si l’administration ne s’est pas conformée à l’avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. / Les avis rendus font l’objet d’un rapport annuel qui est rendu public. “. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l’administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable dès lors qu’elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou bien, à défaut, recherchent le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs et n’ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, s’il n’avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles. L’administration fiscale apporte cette preuve par la production de tous éléments suffisamment précis attestant du caractère fictif des actes en cause ou de l’intention du contribuable d’éluder ou d’atténuer ses charges fiscales normales. Dans l’hypothèse où l’administration s’acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable, s’il s’y croit fondé, d’apporter la preuve de la réalité des actes contestés ou de ce que l’opération litigieuse est justifiée par un motif autre que celui d’éluder ou d’atténuer ses charges fiscales normales.

7. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’administration peut faire usage des pouvoirs qu’elle tient des dispositions précitées lorsqu’elle entend remettre en cause les conséquences fiscales d’une opération se traduisant par le report d’imposition d’une plus-value.

8. Le 31 mai 2014, M. B C a procédé à la cessation de son activité d’élevage porcin sous la forme d’une entreprise individuelle puis, immédiatement et à la suite, soit le 1er juin 2014, a créé l’EARL C à laquelle il a fait un apport de 7 500 euros en numéraire. Le 21 juillet 2014, il a réalisé un apport complémentaire en nature pour une valeur nette de 372 870 euros, lequel portait le capital de la société de 7 500 euros à 380 370 euros. Le procès-verbal de l’assemblée générale du 21 juillet 2014 adoptant la résolution portant cette augmentation de capital a précisé que l’apporteur et la société exerçaient conjointement l’option pour le régime spécial des plus-values et des profits sur stocks prévu par l’article 151 octies du code général des impôts. Parallèlement, M. E C a constitué un dossier de demande d’aide à l’installation des jeunes agriculteurs qu’il a déposé à la direction départementale des territoires et de la mer le 21 octobre 2014. Le 25 novembre 2014, le préfet du Finistère a délivré l’arrêté relatif à l’attribution des aides à l’installation des jeunes agriculteurs au profit de M. E C, lequel s’est engagé en contrepartie à mettre effectivement en œuvre son projet d’installation. Par un acte du 1er décembre 2014, M. B C a cédé, pour une valeur globale de 380 370 euros, l’intégralité des parts qu’il détenait dans le capital de l’EARL C à son fils, dont l’installation effective est intervenue le 1er décembre 2014.

9. À l’occasion de l’apport auquel il a procédé le 1er décembre 2014, M. B C a réalisé une plus-value d’un montant de 123 817 euros répartie entre un montant de 26 837 euros relatifs aux constructions et un montant de 96 980 euros relatif aux installations techniques, matériels et outillages ainsi qu’une moins-value à long terme sur biens non amortissables de 1467 euros. Ces plus et moins-values, qui participent à la réalisation du dernier résultat comptable de l’entreprise individuelle de M. B C, clos le 31 mai 2014, ont fait l’objet d’une déduction extracomptable au tableau 2151 de la liasse fiscale établie par M. B C en application de l’option exercée pour le régime prévu à l’article 151 octies du code général des impôts, après prise en compte des réintégrations extra-comptables des reliquats de déduction pour investissements de 14 249 euros et de la moins-value à long terme de 1467 euros. Il en résulte que, minoré de la plus-value ainsi réalisée, le bénéfice agricole de M. B C établi au titre de l’année 2014 a été limité à la somme de 32 466 euros. Dans le cadre de l’option exercée par le cédant et la société, conduisant à placer l’opération d’apport du 21 juillet 2014 sous le régime de faveur prévu à l’article 151 octies du code général des impôts, l’EARL C a réintégré au tableau 2151 de la liasse correspondant à cet exercice l’intégralité du montant de la plus-value de 123 817 euros réalisée à cette occasion. Parallèlement, et en application des dispositions prévues à l’article 73 B du code général des impôts, l’EARL a pratiqué l’abattement accordé aux jeunes agriculteurs attributaires des aides à l’installation. La quotité de l’abattement étant portée à 100 % au titre de l’exercice au cours duquel la décision d’octroi de l’aide a été notifiée à l’exploitant, le bénéfice agricole ainsi dégagé au titre de cet exercice clos le 31 décembre 2014 a ainsi bénéficié d’une exonération totale d’imposition.

10. Par ailleurs, M. B C, qui était âgé de 62 ans lors du retour de son fils E dans l’exploitation en tant que salarié, s’inscrivait dans une logique de cessation d’activité à très court terme sans volonté de s’engager dans un projet de développement nécessitant l’apport d’actionnaires et de capitaux extérieurs mais de cession rapide de son activité à son fils, qui a indiqué dans un document du 5 mai 2014 relatif à son projet de professionnalisation personnel, qu’il envisageait de s’installer à compter du 1er décembre 2014. Le repreneur de l’affaire était donc connu avant la création de l’EARL C et le requérant a d’ailleurs admis au cours du contrôle que l’absence de protocole d’accord était justifiée par le contexte familial dans lequel la cession devait intervenir. Si les requérants, pour justifier la création de l’EARL, soutiennent que la constitution d’une société a facilité la cession d’exploitation en permettant au repreneur d’obtenir plus facilement un financement de sa banque, ils ne l’établissent pas par l’attestation produite à l’appui de cet argument, établie le 2 février 2018 par le responsable clientèle de l’agence du crédit mutuel de Bretagne d’Ergué-Gaberic, qui fait surtout ressortir que la réticence initiale de la banque était motivée par la baisse de rentabilité de l’exploitation résultant de l’augmentation du cheptel et l’embauche d’un salarié qui étaient prévues dans le projet initial qui lui avait été soumis dès le mois de mai 2014 ni par la production d’un rapport financier indicatif de cette même banque établi le 24 mai 2019. Ainsi, comme le soutient à juste titre l’administration, l’intérêt pour M. E C de reprendre l’activité de son père sous une forme de société créée par l’ancien exploitant n’est pas établi.

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 10 et en particulier de la chronologie mentionnée au point 8 que l’exonération de fait dont a bénéficié M. B C repose sur l’interposition de la société qu’il a créée, laquelle a permis à l’opération d’apport engagée moins de deux mois après la création de cette dernière d’entrer dans les prescriptions de l’article 151 octies du code général des impôts et, par suite, compte tenu de l’articulation de ce régime de faveur avec celui dont bénéficient les jeunes agriculteurs, de le placer en situation d’éluder finalement l’impôt sur la plus-value qu’il aurait eu à acquitter s’il avait directement cédé son exploitation individuelle à son fils, que celui-ci l’ait reprise sous forme d’entreprise individuelle ou sous forme sociétaire. La circonstance que l’ensemble des plus-values sur éléments amortissables a été réintégré au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2014 sur décision du nouvel associé unique de l’EARL C, M. E C, qui bénéficiait alors d’un abattement de 100% par application de l’article 73 B du code général des impôts, ne permet pas de neutraliser l’abus de droit commis par M. B C, cet abus de droit étant constitué par le simple fait que l’opération a été, contrairement aux objectifs poursuivis par le législateur, artificiellement placée dans un cadre juridique constitué dans le seul objectif de rendre cette dernière compatible avec le régime de faveur défini à l’article 151 octies du code général des impôts, alors que M. B C a perçu à l’occasion de la cession de l’EARL une somme de 160 370 euros tout en consentant à son fils l’abandon du solde, soit 220 000 euros, par acte de donation-partage du 16 mai 2015. Cette opération caractérise ainsi un montage artificiel, dénué de toute substance et élaboré sans autre finalité que de reporter puis d’éluder l’impôt sur la plus-value, en dissimulant en réalité, du fait de l’interposition de la société puis de l’apport en nature opéré à la suite, la mutation à titre onéreux de l’entreprise individuelle de M. B C. Les requérants ne sauraient utilement soutenir qu’ils auraient pu être exonérés de la plus-value par application des dispositions des articles 151 septies A et 238 quindecies du code général des impôts, alors que ces dispositions excluent de l’exonération les plus-values relatives aux biens immobiliers. Par conséquent, l’administration apporte la preuve, qui lui incombe, de l’existence d’un abus de droit et du bien-fondé de l’application des dispositions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales.

12. Enfin, M. et Mme C ne peuvent utilement se prévaloir, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l’instruction 4b-5-83 du 8 août 1983 selon laquelle le développement et la transmission d’une entreprise individuelle peut rendre nécessaire la transformation de cette entreprise en société notamment pour faire appel à des capitaux extérieurs, qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale ni de la doctrine administrative référencée BOI-IS-FUS-10-20-40-20 n° 120 publiée en 2022 soit postérieurement aux impositions litigieuses.

Sur les pénalités :

13. Compte tenu de l’abus de droit constitué dans les conditions rappelées aux points 8 à 12, le service justifie l’application aux requérants de la majoration de 80 % prévue au b) de l’article 1729 du code général des impôts en cas d’abus de droit.

14. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Rennes, par le jugement attaqué, a rejeté leur demande de décharge. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B C et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l’audience du 2 mars 2023, à laquelle siégeaient :

– Mme Perrot, présidente de chambre,

– M. Geffray président-assesseur,

– M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2023.

Le rapporteur

A. PenhoatLa présidente

I. Perrot

La greffière

S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

No 21NT02479


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