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L’obligation de conseil de l’agence de publicité inclut les diligences juridiques vis à vis de son client et notamment l’obligation de vérifier, outre la disponibilité d’une marque ou d’un nom de domaine, le conseil sur le risque de contentieux.
Dans cette affaire, alors que l’agence de communication se devait de conseiller utilement son client sur les conséquences potentielles du choix d’un nom emportant confusion avec un nom déjà existant d’une autre structure, la société Apache Communication a fait preuve d’un manque de prudence et de diligence en proposant un nom tel que celui d’Actibaie alors même que celui-ci était déjà utilisé par une société ayant une activité identique à celles de membres de son client et a manqué à son obligation de conseil en n’attirant pas l’attention de son client sur le risque existant dans ce type de situation.
Le syndicat professionnel Actibaie avait un objectif clairement défini qui consistait à moderniser sa communication, cette modernisation impliquant a priori le changement de son nom qui était ‘SNFPSA’, changement d’ailleurs conseillé par la société Apache Communication.
Le contrat qu’il a signé avec cette agence de communication en date du 20 octobre 2016, par lequel il confiait à cette dernière une mission d’accompagnement stratégique et de mise en oeuvre de la communication, prévoyait parmi les prestations devant être fournies, au paragraphe 2.3 ‘élaboration d’une stratégie de création’,
« la conception de l’identité de l’annonceur, des éléments de langage et de la charte publicitaire dans le respect du positionnement défini préalablement avec l’annonceur ».
L’exécution de cette prestation a consisté pour la société Apache Communication à proposer en janvier 2017 au syndicat deux axes de travail la refonte du logo actuel ou créer une ‘nouvelle identité, un nouveau nom’ proposant celui d’Actibaies, la présentation faisant référence à ‘des couleurs permettant de garder le lien avec la FFB et de ne pas confondre avec des entités existantes dans le secteur du bâtiment’, puis de nouveau en mars 2017, en proposant de nouveau le nom d’actibaies.
Certes, la chargée de mission du syndicat, Mme [Y], après le choix du conseil d’administration du seul nom proposé par l’agence avec plusieurs propositions d’écritures, avait indiqué par courriel du 31 mars 2017 à la société Apache Communication avoir ‘tapé ‘actibaie’ et actibaies’ sur internet et avoir constaté qu’il existait déjà un ‘actibaie.fr (domaine de la chaussure) et un ‘actibaie concept’ (fenêtres lorenove), demandant un retour.
Ce retour de la société Apache Communication avait eu lieu par courriel du 3 avril 2017 indiquant simplement que ‘concernant l’url et en reprenant nos recherches initiales, les domaines actibaies.fr et actibaies. Com sont bien disponibles et nous les avons réservés’.
A aucun moment, la société Apache Communication ne s’est inquiétée d’éventuelles conséquences avec ces noms de domaines particulièrement proches, de nature à entraîner une confusion ou une contestation de leurs utilisateurs, ni n’a attiré l’attention de son cocontractant sur cette possible difficulté, se contentant de mettre en avant le fait que les noms de domaines proposés par elle et retenus par le cocontractant étaient libres (au niveau du domaine), alors même qu’elle ne pouvait pas se méprendre sur le fait que son interlocutrice n’avait pas identifié cette difficulté, celle-ci écrivant dans un courriel du 3 avril qu’elle souhaitait obtenir ‘l’étude des mots-clefs/référencement sur internet du nom ‘actibaies’ (conséquences le fait qu’il ait déjà Lorenove qui s’appelle actibaie concept, beaucoup de chaussures)’ manifestant uniquement sa crainte d’un manque de visibilité du syndicat et non une difficulté de type contestation avec les primo utilisateurs de ce mot actibaie.
La société Apache Communication se retranche derrière l’absence de prestation de nature juridique dans son contrat. Effectivement, il n’est pas contesté qu’elle n’avait pas de prestation particulière de ce chef, mais elle avait, comme elle le reconnaît, la conception de l’identité commerciale du syndicat. Et contrairement à ce qu’elle soutient, la dénomination sociale qu’elle devait proposer devait non seulement correspondre aux objectifs définis dans sa mission mais devait être réellement utilisable par le client sans que celui-ci ait à se confronter à d’autres éventuels primo utilisateurs.
Elle savait parfaitement aussi que le nom qu’elle allait proposer, s’il était retenu, serait déposé en tant que marque à l’INPI, peu important que cette démarche ait été effectuée par le syndicat, la question étant de l’utilité de sa proposition de nom à un client qui avait confiance en elle dans son domaine de compétence spécifique.
La mention dans le compte rendu de la réunion de mars 2017 : ‘juridiquement : groupement professionnel, stratégie digitale : actibaies.fr, l’appellation SNFPSA est supprimée’ ne signifie pas à l’évidence, comme la société Apache Communication le soutient par ailleurs, que le syndicat prenait en charge le volet de recherche juridique du changement de logo, mais tout simplement, comme le fait valoir à juste titre ce dernier, que celui-ci avait la qualification juridique de groupement professionnel.
En conséquence, alors que l’agence de communication se devait de conseiller utilement son client sur les conséquences potentielles du choix d’un nom emportant confusion avec un nom déjà existant d’une autre structure, la société Apache Communication a fait preuve d’un manque de prudence et de diligence en proposant un nom tel que celui d’Actibaie alors même que celui-ci était déjà utilisé par une société ayant une activité identique à celles de membres de son client et a manqué à son obligation de conseil en n’attirant pas l’attention de son client sur le risque existant dans ce type de situation.
Par ailleurs, il ne saurait être reproché aucune faute au syndicat qui s’est attaché les services d’une société spécialisée en communication avant d’entreprendre des modifications notamment de son nom et déposer ce dernier à l’INPI.
Pour rappel, l’article 1112-1 du code civil énonce : « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants».
Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, ‘Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure’
HP/SL
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile – Première section
Arrêt du Mardi 24 Octobre 2023
N° RG 21/01016 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GWLW
Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce d’ANNECY en date du 24 Mars 2021
Appelante
ACTIBAIE, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par Me Corinne BEAUSEIGNEUR, avocat plaidant au barreau de PARIS
Intimées
S.A.S. APACHE CONSEIL, dont le siège social est situé [Adresse 3] / FRANCE
Représentée par la SELARL VALLERAND MELIN AVOCATS, avocat au barreau d’ANNECY
Compagnie d’assurance GROUPAMA D’OC, dont le siège social est situé [Adresse 2]
Représentée par la SELARL PERSPECTIVES MEROTTO FAVRE, avocats au barreau d’ANNECY
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Date de l’ordonnance de clôture : 05 Juin 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 20 juin 2023
Date de mise à disposition : 24 octobre 2023
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Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l’assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
– Mme Hélène PIRAT, Présidente,
– Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,
– Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
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Faits et procédure
Suivant contrat du 20 octobre 2016, le syndic professionnel Actibaie, anciennement dénommé Snfpsa, confiait à la société Apache conseil (Sa) une mission d’accompagnement stratégique et de mise en ‘uvre de sa communication et de ses groupements métiers, auprès de cibles BtoB et grand public, sur le marché français. A cette occasion, la société Apache conseil mettait à la disposition du syndic professionnel Actibaie une équipe spécialement chargée de l’étude, des recommandations stratégiques, de la réalisation et du contrôle de ses campagnes publicitaires, outre divers services, notamment marketing, digital et média.
Par acte d’huissier du 24 octobre 2018, le syndic professionnel Actibaie assignait la société Apache Conseil devant le tribunal de commerce d’Annecy, notamment aux fins de d’engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil en raison de manquements à ses obligations contractuelles.
Par acte d’huissier du 14 mars 2019, la société Apache Conseil assignait la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles d’Oc ‘ Groupama d’Oc, son assureur responsabilité professionnelle, afin de l’appeler en cause.
Par jugement du 24 mars 2021, le tribunal de commerce d’Annecy :
– Déboutait le syndicat professionnel Actibaie de toutes ses demandes ;
– Condamnait le syndicat professionnel Actibaie à payer à la société Apache conseil la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamnait le syndicat professionnel Actibaie aux entiers dépens de l’instance,
estimant que le devoir de conseil de la société Apache conseil portait uniquement sur une mission d’accompagnement stratégique et de mise en ‘uvre de la communication du Snfpsa et non une mission juridique relative au droit des marques.
Par déclaration au greffe du 11 mai 2021, le syndicat professionnel Actibaie interjetait appel du jugement en toutes ses dispositions.
Prétentions des parties
Par dernières écritures en date du 22 mai 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, le syndicat professionnel Actibaie sollicitait l’infirmation du jugement et demandait à la cour de :
– Débouter la société Apache conseil de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– Infirmer le jugement rendu le 24 mars 2021 par le tribunal de commerce d’Annecy :
– Débouter la société Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles d’Oc ‘ Groupama d’Oc de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
En conséquence,
– Condamner la société Apache conseil au versement de la somme de 56 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier subi par le syndic professionnel Actibaie, anciennement dénommé Snfpsa ;
– Condamner la société Apache conseil à verser au syndic professionnel Actibaie la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la société Apache conseil aux dépens d’instance avec pour ceux d’appel application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Mme Audrey Bollonjeon, avocat.
Au soutien de ses prétentions, le syndicat professionnel Actibaie faisait valoir notamment que :
La société Apache conseil était débitrice d’une obligation d’information au titre de l’article 1112-1 du code civil et se devait d’informer le syndicat professionnel Actibaie de toute information dont l’importance était déterminante pour son consentement ;
La société Apache conseil avait pour mission principale de trouver un nouveau nom au Snfpsa, et avait donc implicitement l’obligation de trouver un nom licite et exploitable sans risques ;
Le seul fait que le syndicat professionnel Actibaie avait déposé la marque à l’INPI ne le rendait pas co-responsable de son préjudice.
Par dernières écritures en date du 25 mai 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Apache conseil sollicitait de la cour de :
– Débouter le syndicat professionnel Actibaie de toutes ses demandes à l’encontre de la société Apache conseil ;
En conséquence, et à titre principal,
– Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Annecy en ce qu’il déboutait le syndicat professionnel Actibaie de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la société Apache conseil ;
– Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Annecy en ce qu’il déboutait le syndicat professionnel Actibaie de sa demande de versement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la 1ère instance, outre les entiers dépens ;
A titre subsidiaire,
– Déclarer que la société Apache conseil ne pouvait être tenue de réparer l’intégralité du prétendu préjudice que le syndicat Actibaie estime subir, celui-ci devant également en supporter la charge ;
– Condamner la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles d’Oc – Groupama d’Oc en sa qualité d’assurance responsabilité civile professionnelle à relever et garantir la société Apache conseil de toutes éventuelles condamnations qui pouvait intervenir à son encontre et ainsi prendre en charge financièrement toutes éventuelles condamnations ;
– Rendre commun et opposable à la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles d’Oc – Groupama d’Oc l’arrêt à intervenir ;
Y ajoutant,
– Débouter le syndicat professionnel Actibaie de sa demande de condamnation à l’encontre de la société Apache conseil au titre de l’article 700 du code de procédure civile, d’avoir à lui verser la somme de 5 000 euros, outre les entiers dépens de l’instance ;
– Condamner le syndicat professionnel Actibaie au titre de l’instance d’appel, à verser à la société Apache conseil, la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
Au soutien de ses prétentions, la société Apache conseil faisait valoir notamment que :
Il n’était prévu aucun accompagnement juridique de la part de la société Apache conseil et donc aucune obligation de conseil à ce titre si bien que les prestations à sa charge étaient exclusives de toute démarche juridique sur la libre disponibilité du nom retenu, le syndicat professionnel Actibaie en ayant conservé la charge ;
Il n’existait aucun défaut d’information ou de conseil ni manquement contractuel de la part de la société Apache conseil de nature à mettre en cause sa responsabilité contractuelle ;
Le préjudice n’était nullement justifié
Subsidiairement, en cas d’infirmation, le syndicat professionnel Actibaie avait choisi son nom en toute connaissance de cause et dès lors, il avait également participé à la réalisation de son préjudice.
Par dernières écritures en date du 13 janvier 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles d’Oc – Groupama d’Oc sollicitait de la cour de :
– Dire et juger que le syndicat professionnel Actibaie en sa qualité d’appelant principal :
– Ne présentait aucune demande à l’encontre de la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles d’Oc – Groupama d’Oc qu’il avait pourtant attrait en cause d’appel,
– Ne revendiquait aucune infirmation des dispositions du jugement de 1e instance intéressant la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles d’Oc – Groupama d’Oc ;
– Dire et juger le syndicat professionnel Actibaie à l’origine exclusive du préjudice dont il demandait l’indemnisation à hauteur de 56 000 euros et dont la société Apache conseil demandait à titre subsidiaire à être relevée et garantie par la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles d’Oc – Groupama d’Oc ;
En conséquence,
– Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Annecy du 24 mars 2021 ;
– Rejeter en raison de la nature même du préjudice tiers dont il était demandé la prise en charge, la demande de relevé et garantie présentée à titre subsidiaire par la société Apache conseil à l’encontre de la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles d’Oc – Groupama d’Oc ;
– Condamner le syndicat professionnel Actibaie au titre de l’instance d’appel, à verser une indemnité d’article 700 du code de procédure civile de 2 500 euros à la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles d’Oc – Groupama d’Oc, outre les entiers dépens de l’Instance, dont distraction au profit de la société Perspectives Merotto-Favre, avocats.
Au soutien de ses prétentions, la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles d’Oc – Groupama d’Oc faisait valoir notamment que :
Le syndicat professionnel Actibaie avait attrait en cause d’appel la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles d’Oc – Groupama d’Oc sans pour autant présenter ensuite à son encontre la moindre demande justifiant sa présence à l’instance ;
Le syndicat était à l’origine ;
Le préjudice indemnisable du syndicat professionnel Actibaie était de 56 000 euros et résultait d’un protocole transactionnel signé entre la société Actibaie concept et le syndicat professionnel Actibaie, inopposable à elle-même et à son assurée.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 5 juin 2023 clôturait l’instruction de la procédure.
L’affaire était plaidée à l’audience du 20 juin 2023.
MOTIFS ET DÉCISION
I – Sur la demande principale du syndicat Actibaie
‘ Sur la responsabilité de la société Apache Communication
L’article 1112-1 du code civil énonce : « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants».
Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, ‘Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure’.
Le syndicat professionnel Actibaie avait un objectif clairement défini qui consistait à moderniser sa communication, cette modernisation impliquant a priori le changement de son nom qui était ‘SNFPSA’, changement d’ailleurs conseillé par la société Apache Communication. Le contrat qu’il a signé avec cette agence de communication en date du 20 octobre 2016, par lequel il confiait à cette dernière une mission d’accompagnement stratégique et de mise en oeuvre de la communication, prévoyait parmi les prestations devant être fournies, au paragraphe 2.3 ‘élaboration d’une stratégie de création’, « la conception de l’identité de l’annonceur, des éléments de langage et de la charte publicitaire dans le respect du positionnement défini préalablement avec l’annonceur ». L’exécution de cette prestation a consisté pour la société Apache Communication à proposer en janvier 2017 au syndicat deux axes de travail la refonte du logo actuel ou créer une ‘nouvelle identité, un nouveau nom’ proposant celui d’Actibaies, la présentation faisant référence à ‘des couleurs permettant de garder le lien avec la FFB et de ne pas confondre avec des entités existantes dans le secteur du bâtiment'(pièce 3 appelant), puis de nouveau en mars 2017, en proposant de nouveau le nom d’actibaies.
Certes, la chargée de mission du syndicat, Mme [Y], après le choix du conseil d’administration du seul nom proposé par l’agence avec plusieurs propositions d’écritures, avait indiqué par courriel du 31 mars 2017 à la société Apache Communication avoir ‘tapé ‘actibaie’ et actibaies’ sur internet et avoir constaté qu’il existait déjà un ‘actibaie.fr (domaine de la chaussure) et un ‘actibaie concept’ (fenêtres lorenove), demandant un retour. Ce retour de la société Apache Communication avait eu lieu par courriel du 3 avril 2017 indiquant simplement que ‘concernant l’url et en reprenant nos recherches initiales, les domaines actibaies.fr et actibaies. Com sont bien disponibles et nous les avons réservés’. A aucun moment, la société Apache Communication ne s’est inquiétée d’éventuelles conséquences avec ces noms de domaines particulièrement proches, de nature à entraîner une confusion ou une contestation de leurs utilisateurs, ni n’a attiré l’attention de son cocontractant sur cette possible difficulté, se contentant de mettre en avant le fait que les noms de domaines proposés par elle et retenus par le cocontractant étaient libres (au niveau du domaine), alors même qu’elle ne pouvait pas se méprendre sur le fait que son interlocutrice n’avait pas identifié cette difficulté, celle-ci écrivant dans un courriel du 3 avril qu’elle souhaitait obtenir ‘l’étude des mots-clefs/référencement sur internet du nom ‘actibaies’ (conséquences le fait qu’il ait déjà Lorenove qui s’appelle actibaie concept, beaucoup de chaussures)’ manifestant uniquement sa crainte d’un manque de visibilité du syndicat et non une difficulté de type contestation avec les primo utilisateurs de ce mot actibaie.
La société Apache Communication se retranche derrière l’absence de prestation de nature juridique dans son contrat. Effectivement, il n’est pas contesté qu’elle n’avait pas de prestation particulière de ce chef, mais elle avait, comme elle le reconnaît, la conception de l’identité commerciale du syndicat. Et contrairement à ce qu’elle soutient, la dénomination sociale qu’elle devait proposer devait non seulement correspondre aux objectifs définis dans sa mission mais devait être réellement utilisable par le client sans que celui-ci ait à se confronter à d’autres éventuels primo utilisateurs. Elle savait parfaitement aussi que le nom qu’elle allait proposer, s’il était retenu, serait déposé en tant que marque à l’INPI, peu important que cette démarche ait été effectuée par le syndicat, la question étant de l’utilité de sa proposition de nom à un client qui avait confiance en elle dans son domaine de compétence spécifique.
La mention dans le compte rendu de la réunion de mars 2017 (pièce 6 intimé) : ‘juridiquement : groupement professionnel, stratégie digitale : actibaies.fr, l’appellation SNFPSA est supprimée’ ne signifie pas à l’évidence, comme la société Apache Communication le soutient par ailleurs, que le syndicat prenait en charge le volet de recherche juridique du changement de logo, mais tout simplement, comme le fait valoir à juste titre ce dernier, que celui-ci avait la qualification juridique de groupement professionnel.
En conséquence, alors que l’agence de communication se devait de conseiller utilement son client sur les conséquences potentielles du choix d’un nom emportant confusion avec un nom déjà existant d’une autre structure, la société Apache Communication a fait preuve d’un manque de prudence et de diligence en proposant un nom tel que celui d’Actibaie alors même que celui-ci était déjà utilisé par une société ayant une activité identique à celles de membres de son client et a manqué à son obligation de conseil en n’attirant pas l’attention de son client sur le risque existant dans ce type de situation.
Par ailleurs, il ne saurait être reproché aucune faute au syndicat qui s’est attaché les services d’une société spécialisée en communication avant d’entreprendre des modifications notamment de son nom et déposer ce dernier à l’INPI.
‘ Sur l’existence d’un préjudice et le lien de causalité
Le syndicat Actibaie a été contacté le 4 mai 2008 (mise en demeure) par l’avocat de la société Actibaie Concept, société existant depuis 2008 qui a pour activité la fourniture et la pose de menuiseries et de tous systèmes de fermeture intérieurs et extérieurs, laquelle s’est plainte de la similitude des dénominations sociales utilisées dans le même domaine, dans la même région et donc susceptibles selon elle d’entraîner une confusion et de constituer un acte de concurrence déloyale. En effet, les clients potentiels d’Actibaie concept, en faisant une recherche internet et en accédant par confusion au site du syndicat Actibaie, accédaient par le biais du syndicat aux membres concurrents directs d’Actibaie Concept.
Suite aux discussions engagées entre le syndicat Actibaie et cette société, une transaction a été signée le 12 septembre 2019 aux termes de laquelle le syndicat a fait certaines concessions et a versé à la société Actibaie Concept à titre de dédommagement pour l’utilisation du nom et de la marque Actibaie, la somme de 50 000 euros, outre les frais d’avocat (6 000 euros).
Certes, cette transaction n’est pas opposable à la société Apache Communication ni à son assureur et la somme que le syndicat Actibaie a réglée résulte directement des discussions entre les parties. Cependant, elle constitue la preuve des difficultés rencontrées par le syndicat Actibaie et de l’existence d’un préjudice financier certain, suite à l’adoption du nom que la société Apache lui avait proposé, alors que ce nom n’était pas manifestement disponible sans riques, sachant que c’était en outre le seul nom qui avait été proposé (peu important que la proposition contienne ‘un s’ et que le nom retenu ne comporte pas ce ‘s’), sans recherches d’antériorité sérieuses ou en tout état de cause sans attirer l’attention du syndicat sur le risque de confusion.
Au regard des éléments versés au débat, le préjudice financier subi par le syndicat Actibaie doit être évalué à la somme de 25 000 euros, le montant de la somme versée au cours de la transaction ayant été manifestement arbitré pour aboutir à une solution amiable rapide.
En conséquence, la société Apache Conseil sera condamnée à payer au syndicat Actibaie la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice financier subi.
II – Sur le recours en garantie de la société Apache Conseil
La société Apache Conseil était régulièrement assurée pour son activité auprès de la société d’assurance Groupama en vertu du contrat intitulé Plan d’assurance des entreprises responsabilité civile professionnelle n°40497238-0006. La société Groupama ne conteste pas sa garantie.
En conséquence, la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles d’Oc ‘ Groupama d’Oc sera condamnée à relever et garantir son assurée, la société Apache Conseil, de toutes les condamnations prononcées à son encontre, y compris les condamnations accessoires.
III – Sur les demandes accessoires
Les mesures accessoires du jugement de première instance seront également infirmées.
Succombant, la société Apache Conseil sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, distraits pour ceux d’appel au profit de Me Audrey Bollonjeon, avocate associée de la Selurl Bollonjeon. Elle sera déboutée de sa demande d’indemnité procédurale, tout comme son assureur.
L’équité commande de faire droit à la demande d’indemnité procédurale du syndicat Actibaie à hauteur de 4 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Condamne la société Apache Conseil à payer au Syndicat Actibaie la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice financier,
Condamne la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles d’Oc ‘ Groupama d’Oc à relever et garantir la société Apache Conseil de toutes les condamnations prononcées à son encontre,
Condamne la société Apache Conseil aux dépens de première instance et d’appel, distraits pour ceux d’appel au profit de Me Audrey Bollonjeon, avocate associée de la Selurl Bollonjeon,
Condamne la société Apache Conseil à payer au Syndicat Actibaie la somme de 4 000 euros au titre de l’indemnité procédurale.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,