Affichage publicitaire : 3 décembre 2009 Cour d’appel de Lyon RG n° 08/07491

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Affichage publicitaire : 3 décembre 2009 Cour d’appel de Lyon RG n° 08/07491
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3 décembre 2009
Cour d’appel de Lyon
RG n°
08/07491

R.G : 08/07491

décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond du

22 septembre 2008

RG N°2008j692

Société MYLAN – SAS

C/

Société ELCOTIN SARL

COUR D’APPEL DE LYON

PREMIERE CHAMBRE CIVILE A

ARRET DU 03 DECEMBRE 2009

APPELANTE :

Société MYLAN – SAS

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour

assistée de la SCP LAMY & Associés, avocats au barreau de LYON

INTIMEE :

Société ELCOTIN SARL, prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour

assistée de la société ORION, Avocats et conseils, au barreau de STRASBOURG

L’instruction a été clôturée le 13 Octobre 2009

L’audience de plaidoiries a eu lieu le 28 Octobre 2009

L’affaire a été mise en délibéré au 3 décembre 2009

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :

Président : Madame MARTIN

Conseiller : Madame BIOT

Conseiller : Madame DEVALETTE

Greffier : Mme JANKOV pendant les débats uniquement

A l’audience Bernadette MARTIN a fait le rapport conformément à l’article 785 du CPC.

ARRET : contradictoire

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

signé par Madame MARTIN, présidente et par Madame MAROT, greffier en chef auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES

La société ELCOTIN, constituée par M. [E] pharmacien à [Localité 5], a conçu un dispositif de publicité sur lieu de vente destiné aux pharmacies, sous la marque déposée de VISIOPRESENTOIR, qu’elle a proposé à la société MERCK GENERIQUES, actuellement dénommée MYLAN, fabricant de médicaments génériques.

De juillet à novembre 2007 ont eu lieu entre les deux sociétés des négociations tournant autour d’un projet de location à la société MYLAN du visioprésentoir que la société ELCOTIN mettait au point.

Puis au mois de novembre 2007, la société ELCOTIN proposait à la société MYLAN d’opter, aux lieu et place d’une location sur une durée de 36 mois de 15.000 visioprésentoirs, pour une vente avec prestation de maintenance sur une durée identique de 36 mois.

Les discussions se poursuivaient entre les parties, notamment en ce qui concerne le prix que la société MYLAN souhaitait voir fixer à 160 euros HT par visioprésentoir. Le 29 novembre 2007, la société ELCOTIN proposait de réduire le prix de vente de 288 à 235 euros HT et, le 6 décembre 2007, elle faisait une ultime proposition à 185 euros HT, avec proposition accessoire de maintenance, en fixant un délai de 24 heures à la société MYLAN pour accepter l’offre.

La société MYLAN ne répondait pas favorablement, et le 7 décembre 2007, à la suite d’un entretien téléphonique avec Mme [U], acheteur, la société ELCOTIN adressait à la société MYLAN un courriel se terminant de la manière suivante: ‘Compte tenu des conséquences importantes qu’entraîne votre décision de rompre brutalement nos relations, je demande à mes conseils d’analyser la situation.’

Par lettre recommandée du 13 décembre 2007, la société MYLAN répondait qu’il était vain et illégitime d’alléguer que sa position trouvait son origine dans un changement législatif alors qu’elle était fondée d’une part sur la nouvelle nature de la proposition faite (vente) et d’autre part sur un désaccord sur le prix.

Le 24 décembre 2007, la société ELCOTIN, qui était relancée par ses propres fournisseurs, indiquait accepter un prix unitaire de vente à 160 euros HT hors maintenance.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 janvier 2008, la société MYLAN signifiait à la société ELCOTIN que compte tenu de la dégradation des échanges entre les deux sociétés elle ne pouvait accepter une réouverture unilatérale de pourparlers par cette dernière et elle demandait le remboursement de l’acompte de 75.000 euros versé en contestant avoir à aucun moment confirmé un engagement quelconque d’achat de 15.000 visioprésentoirs.

Par acte du 12 mars 2008, la société ELCOTIN a fait assigner la société MYLAN devant le tribunal de commerce de Lyon afin d’obtenir sa condamnation à lui payer diverses sommes soit à titre de dommages intérêts soit au titre des sommes dues à divers fournisseurs.

Par jugement du 22 septembre 2008, le tribunal a:

-jugé fautive la rupture des pourparlers pré-contractuels entre les parties, matérialisée par le courrier du 24 janvier 2008 de la société MYLAN,

-débouté la société ELCOTIN de sa demande en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l’article L 442-6 du code de commerce,

-condamné la société MYLAN à payer à la société ELCOTIN la somme de 69.560,91 euros au titre des sommes dues à la société BUATHIER et la somme de 242.674,38 euros au titre des sommes dues à la société ALSAPAN en deniers ou quittance,

-débouté la société ELCOTIN de sa demande d’indemnisation du gain manqué de l’opération économique projetée,

-condamné la société MYLAN au paiement de la somme de 30.000 euros à titre de réparation du préjudice moral,

-dit que l’acompte versé de 75.000 euros s’imputera sur les condamnations prononcées,

-rejeté les autres demandes,

-ordonné l’exécution provisoire à hauteur de 267.235 euros à charge pour la société ELCOTIN de fournir à la société MYLAN la caution d’un établissement financier,

-condamné la société MYLAN au paiement d’une somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société MYLAN a relevé appel.

Aux termes de ses dernières conclusions, elle demande à la cour de réformer le jugement et de débouter la société ELCOTIN de l’ensemble de ses prétentions.

Elle soutient qu’il n’a été convenu aucun accord de principe entre les parties pas plus qu’il n’a existé entre elles de contrat, ce qu’a reconnu justement le tribunal, de sorte qu’elle n’a commis aucune faute engageant sa responsabilité contractuelle.

Sur le plan de la responsabilité délictuelle, elle ne conteste pas qu’il existait entre les parties des pourparlers avancés et admet comme l’a retenu le tribunal que le bouleversement dans les négociations (proposition d’un contrat de vente à la place d’une location) ne suffisait pas pour mettre un terme aux discussions entre les parties. Elle estime toutefois que le raisonnement du tribunal est vicié par une mauvaise analyse chronologique des pièces, que le tribunal n’a absolument pas pris en compte sa lettre du 13 décembre 2007 par laquelle elle indiquait expressément à la société ELCOTIN que les conditions posées par celle-ci étaient inacceptables et que par conséquent les discussions entre les parties étaient rompues du fait de la société ELCOTIN, que ce n’est que postérieurement, par courriel du 24 décembre 2007, que la société ELCOTIN proposera un prix de 160 euros hors maintenance. Elle en déduit que, contrairement à l’analyse du tribunal, les pourparlers ont bien été rompus par la société ELCOTIN le 7 décembre 2007 date d’expiration de l’ultimatum qu’elle avait elle-même fixé ce dont la société MYLAN a pris acte le 13 décembre 2007. Elle ajoute que dans ce contexte le courrier de son adversaire du 24 décembre 2007 intervenait tardivement et que son propre courrier du 24 janvier 2008 apparaît comme un simple rappel de la situation à la société ELCOTIN et non comme un courrier de rupture des pourparlers.

A titre reconventionnel, elle demande que la société ELCOTIN soit condamnée à lui restituer l’acompte de 75.000 euros qu’elle a versé le 5 octobre 2007 et à lui payer une somme de 50.000 euros pour procédure abusive ainsi qu’une somme de 25.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

°°°°°°°°°°°°°

La société ELCOTIN, intimée et appelante à titre incident, sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il n’a pas retenu l’existence d’un contrat et elle prie la cour de dire que les sociétés ELCOTIN et MYLAN étaient liées par contrat de vente de 15.000 visioprésentoirs au prix unitaire de 160 euros HT.

Elle fait valoir que la circonstance que l’opération envisagée soit passée d’une location-vente à une vente à crédit n’a pas modifié l’économie du contrat puisque la société MYLAN payait chaque mois le même montant, que les courriels échangés les 11 et 14 septembre 2007 démontrent indiscutablement l’existence d’un accord définitif sur la chose et le prix, le prix final sur lequel les parties ont marqué leur accord étant celui de 160 euros HT par visioprésentoir pour un total de 15.000 unités, ce prix de 160 euros étant celui demandé par Mme [U] lors de l’entretien du 29 novembre 2007 ; elle soutient que le contrat a connu un commencement d’exécution par le paiement par la société MYLAN d’une facture d’acompte et par la diffusion auprès des officines de pharmacie, après l’envoi de la nouvelle version du contrat de vente, d’avenants au contrat cadre du 8 novembre 2006 -relatif à la mise en place d’une campagne d’information sur les médicaments non remboursés- faisant clairement état de la mise à disposition des visioprésentoirs et expresse référence à la marque ‘VISIOPRESENTOIR’.

A titre subsidiaire, elle demande la confirmation du jugement sur la rupture fautive des pourparlers précontratuels.

Elle ajoute que la société MYLAN a violé les dispositions de l’article L 442-6 du code de commerce pour avoir abusé de la relation de dépendance dans laquelle elle tenait la société ELCOTIN pour obtenir une réduction de prix, que le comportement de la société MYLAN entre aussi dans les prévisions du 4ème de l’article L 442-6 puisqu’elle a obtenu une réduction de prix sous la menace d’une rupture brutale, rupture finalement intervenue pour des considérations totalement étrangères à la qualité des produits en cause.

Dans tous les cas, la société ELCOTIN sollicite la condamnation de la société MYLAN à lui payer:

-une somme de 30.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l’article L 442-6 du code de commerce,

-une somme de 1.300.000 euros au titre du gain manqué et de la perte subie,

-une somme de 30.000 euros en réparation du préjudice moral,

-une somme de 300.000 euros au titre de l’usage abusif et illicite de la marque VISIOPRESENTOIR,

-une somme de 75.000 euros HT, soit 89.700 euros TTC, au titre des études (somme d’ores et déjà réglée par la société MYLAN à titre d’acompte).

Elle demande encore la publication de l’arrêt dans deux journaux professionnels à son choix aux frais de la société MYLAN, la nomination d’un huissier de justice à l’effet de constater aux frais de la société MYLAN la destruction des contrats portant la marque VISIOPRESENTOIR ainsi que la condamnation de la société MYLAN sous astreinte à adresser à l’ensemble des officines de pharmacie destinataires de l’avenant au contrat cadre Communication un avenant rectificatif.

En tant que de besoin, elle sollicite l’organisation d’une expertise judiciaire et l’allocation d’une provision de 500.000 euros à valoir sur son indemnisation.

Enfin, en tout état de cause, elle demande que lui soit allouée la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur les demandes de la société ELCOTIN

Attendu qu’il résulte des pièces versées aux débats que la société ELCOTIN est entrée en contact avec la société MYLAN au sujet de la location et de la maintenance de visioprésentoirs (meuble en bois composé de plusieurs étagères et surmonté d’un cadre photo numérique) et que des discussions relatives à la mise en oeuvre de ce projet se sont déroulées entre les deux sociétés de juillet à novembre 2007; que dans le cadre de ces pourparlers, la société ELCOTIN a le 11 septembre 2007 proposé un projet d’accord et la société MYLAN le 14 septembre 2007 des modifications, étant observé qu’à cette époque la société ELCOTIN ne pouvait encore présenter de prototype ; que le 5 octobre 2007 la société ELCOTIN a fait parvenir à la société MYLAN une facture de 75.000 euros HT pour ‘étude-mise en place projet visioprésentoirs’ que la société MYLAN a réglée ; que tout au cours de cette période la société MYLAN a sollicité de nombreux éléments de réponse ou informations sur les caractéristiques du projet et sa mise en oeuvre ;

Attendu que le 22 octobre 2007 le conseil de la société ELCOTIN a adressé à la société MYLAN un projet de contrat de location et maintenance des visioprésentoirs portant sur 15.000 unités pour une durée de 36 mois ; qu’il y était indiqué notamment que la société ELCOTIN -désignée comme la prestataire- avait conclu un accord de financement par crédit-bail des visioprésentoirs et que la prestataire déléguait à l’organisme de crédit la société MYLAN, locataire, dans les conditions des articles 1275 et suivants du code civil; que le 24 octobre 2007 la société MYLAN ne disposait toujours pas du prototype, que celui-ci était livré début novembre et que le 7 novembre 2007 la société MYLAN demandait de prévoir un certain nombre de modifications ;

Attendu que le 19 novembre 2007 la société ELCOTIN a adressé à la société MYLAN un projet de contrat de vente et maintenance des visioprésentoirs en attirant son attention sur l’importance qu’il y avait à signer rapidement le contrat pour finaliser ses engagements envers les fournisseurs et le montage financier avec son partenaire bancaire ; qu’il résulte d’un courriel de M. [J] (société MYLAN) du 26 novembre 2007 que M. [E] souhaitait non plus une location mais une vente car sa banque ne le soutenait pas pour une location ; que M. [J] indiquait à la société ELCOTIN que cela changeait radicalement la négociation car un achat d’actif était très différent d’un achat de prestations;

Attendu que les documents échangés entre les parties à compter de cette date montrent que les pourparlers ont continué mais qu’il existait une sérieuse divergence sur le prix de vente ; que le contrat initial proposé par la société ELCOTIN prévoyait, en effet, un prix de 288 euros HT par visioprésentoir, outre 93 euros au titre de la maintenance, soit pour 15.000 visioprésentoirs une somme totale de 5.715.000 euros HT ; que le 29 novembre 2007, alors que la société MYLAN souhaitait un prix unitaire de 160 euros, maintenance incluse, le conseil de la société ELCOTIN a proposé un prix de 235 euros HT, outre 3 euros HT par mois et par visioprésentoir au titre de la maintenance, ce conseil précisant à la société MYLAN: ‘si votre société devait maintenir une position aussi éloignée de la proposition initiale (288 euros HT) tout accord deviendra sans doute malheureusement impossible, malgré tous les efforts faits par ma cliente’ ; que le 6 décembre 2007, M. [E] a fait une ultime proposition à 185 euros HT (la minoration de 50 euros correspondant à une baisse de 15 euros par suppression des produits délivrés à titre gratuit dont l’acquisition serait désormais à la charge de la société MYLAN et à une baisse de 35 euros par suppression de l’exclusivité initialement consentie), M. [E] terminant sa proposition par ce qu’il convient d’appeler un ultimatum puisqu’il indiquait à la société MYLAN que cette offre était valable uniquement si son accord lui parvenait sous 24 heures, soit avant le vendredi 7 décembre à 15 heures, et qu’il s’agissait de son ultime proposition ;

Attendu que la société MYLAN n’a pas accepté l’offre et après un entretien téléphonique entre Mme [U] ( société MYLAN) et M. [E], ce dernier a établi un courriel par lequel il s’insurgeait contre le comportement indélicat de la société MYLAN laquelle, écrivait-il, avait sollicité son produit pour divers objectifs et non pas exclusivement à titre de justification des marges arrière (appelées à disparaître prochainement) et achevait son propos en ces termes ‘Compte tenu des conséquences importantes qu’entraîne votre décision de rompre brutalement nos relations, je demande à mes conseil d’analyser la situation’ ;

Attendu que par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 décembre 2007, la société MYLAN, après avoir rappelé à la société ELCOTIN que le 26 novembre 2007, avant finalisation d’un accord, cette dernière avait fait part de sa décision d’abandonner le projet de location et de sa volonté de procéder désormais à la vente des visioprésentoirs, ce qui avait conduit à l’ouverture de nouvelles négociations relatives à un projet de contrat de vente, a fait valoir que la novation du projet l’avait obligée à étudier la question sous un angle nouveau en raison des conséquences majeures en résultant pour elle et à proposer un prix d’acquisition de 160 euros par unité, maintenance comprise, proposition qu’avait déclinée la société ELCOTIN tant le 29 novembre que le 6 décembre 2007 ; que dans ce même courrier la société MYLAN, observant qu’elle-même avait maintenu sa position et que la société ELCOTIN avait refusé d’y répondre favorablement, en a déduit que la société ELCOTIN avait mis fin aux pourparlers engagés relativement au projet de contrat de vente, concluant: ‘Il est donc vain et illégitime d’alléguer que la position de notre société trouve son origine dans un changement législatif alors même qu’elle est de manière claire et expresse fondée d’une part sur la nouvelle nature de la proposition de votre société (vente) et d’autre part sur un désaccord sur le prix’ ;

Attendu qu’enfin, par courriel du 24 décembre 2007 la société ELCOTIN a fait savoir à la société MYLAN qu’elle contestait les termes de la lettre du 13 décembre 2007 et qu’elle n’avait d’autre choix que d’accepter le prix de 160 euros HT par visioprésentoir en précisant que ce prix n’incluait pas le contrat de maintenance de trois ans, mais par courrier recommandé du 24 janvier 2008 la société MYLAN lui a signifié ne pouvoir accepter une réouverture unilatérale de pourparlers portant sur le même objet compte tenu de la dégradation des échanges entre les deux sociétés ;

Attendu qu’il n’est pas discuté que c’est à l’initiative de la société ELCOTIN et pour des raisons qui lui sont propres que le projet de contrat de location et de maintenance a été abandonné pour y substituer un projet de contrat de vente et de maintenance ;

Attendu que la société MYLAN fait valoir à juste titre que le passage d’un contrat de location à un contrat de vente constituait pour elle un changement radical tant sur le plan fiscal (constatation d’amortissements déductibles devant prendre en compte la durée d’usage du matériel) que sur le plan comptable (actif rentrant dans l’assiette de la taxe professionnelle) ; que la société ELCOTIN soutient à tort que l’économie du contrat était inchangée au motif que la société MYLAN payait chaque mois le même montant, tant dans le cadre d’une location vente que dans le cadre d’une vente à crédit ; qu’en effet, si à l’origine des discussions relatives au contrat de location et de maintenance il a été envisagé que la société MYLAN conserve les visioprésentoirs à l’expiration du contrat de location, cette possibilité a ensuite été abandonnée ainsi que le montre le projet de contrat de location que lui a adressé le conseil de la société ELCOTIN le 22 octobre 2007, lequel ne prévoyait pas la possibilité pour la société MYLAN de racheter les produits à l’expiration de la durée de la location ;

Attendu que, dans ces conditions, les discussion relatives au contrat de location et de maintenance ayant été arrêtées du fait des difficultés de financement rencontrées par la société ELCOTIN, il était légitime que s’engagent des négociations sur la chose et le prix dans la perspective de la conclusion d’un contrat de vente et de maintenance ;

Attendu qu’il appartient à la société ELCOTIN qui prétend à l’existence d’un accord portant sur 15.000 visioprésentoirs pour un prix unitaire de 160 euros HT ‘selon le dernier accord intervenu’ d’en rapporter la preuve, ce qu’elle ne fait pas ainsi que l’ont constaté à bon droit les premiers juges ; qu’il ne résulte pas des pièces produites l’existence d’un accord sur la chose et le prix puisque selon l’appelante le prix de 160 euros HT devait inclure la maintenance et que selon la société ELCOTIN il s’agissait d’un prix de ‘commercialisation’ stricto sensu ; que, d’autre part, la société ELCOTIN ne peut prétendre démontrer l’acceptation par la société MYLAN du contrat de vente à crédit par le fait que cette dernière a diffusé auprès des officines de pharmacie, après l’envoi de la nouvelle version du contrat prévoyant la vente aux lieu et place de la location, un avenant au contrat-cadre communication faisant état de la mise à disposition de l’outil visioprésentoir, alors que selon les pièces produites cet envoi avait été décidé par la société MYLAN plusieurs semaines avant d’avoir été informée de l’échec du projet de location (le bon à tirer concernant cet envoi ayant été adressé à la société ESI dès le 15 novembre 2007) et qu’il lui était pratiquement impossible, compte tenu de la proximité des dates, de stopper l’envoi de cet avenant en grand nombre lorsqu’elle a appris l’échec des négociations relatives à la location et le début de celles concernant la vente des visioprésentoirs ;

Attendu que la société ELCOTIN ne peut fonder ses demandes sur l’existence d’un accord de principe dont elle n’établit pas l’existence ; qu’elle ne peut invoquer l’existence d’un ‘état contractuel’ en l’absence d’accord de principe et d’accord sur le prix ainsi qu’il a été indiqué ci-dessus ;

Attendu qu’il convient donc de retenir qu’il n’y avait pas de contrat liant les parties mais simplement des pourparlers dont il y a lieu de rechercher s’ils ont été rompus brutalement et abusivement par la société MYLAN ;

Attendu que lorsque la société ELCOTIN a fait part à la société MYLAN de son intention de procéder à la vente du visioprésentoir plutôt qu’à sa location en lui proposant un prix unitaire de 288 euros HT hors maintenance, la société MYLAN a cherché à savoir quel était le coût de revient d’un tel produit ; qu’en fonction des renseignements qu’elle a recueillis elle proposé un prix de 160 euros HT maintenance incluse ; que la société ELCOTIN a proposé ensuite un prix de 235 euros HT hors maintenance puis a fait le 6 décembre 2007 une dernière proposition à 185 euros HT hors maintenance en intimant à la société MYLAN d’avoir à accepter cette proposition sous 24 heures ; que la société MYLAN n’a pas accepté cette proposition si bien qu’aux termes même du courriel de la société ELCOTIN du 6 décembre 2007 les pourparlers se sont trouvés rompus du fait de la société ELCOTIN, ce qu’a constaté la société MYLAN dans sa lettre recommandée du 13 décembre 2007 ;

Que, certes, prenant probablement conscience des conséquences désastreuses de sa prise de position du 6 décembre 2007, la société ELCOTIN a tenté d’obtenir la réouverture des pourparlers en proposant le 24 décembre 2007 d’accepter le prix de 160 euros HT hors maintenance mais que cette proposition était vaine dès lors que, d’une part, elle a été faite après rupture des pourparlers du fait de la société ELCOTIN et que, d’autre part, elle ne correspondait pas au souhait de la société MYLAN qui incluait dans ce prix le coût de la maintenance ;

Attendu qu’aussi longs qu’aient été les pourparlers, il n’apparaît pas qu’il puisse être reproché à la société MYLAN de les avoir menés avec mauvaise foi ; qu’il sera relevé que le projet initial de la société ELCOTIN n’était nullement un projet abouti, que le cadre des négociations a été sensiblement modifié du seul fait de la société ELCOTIN laquelle a néammoins été immédiatement informée par son interlocuteur que l’opération de vente était radicalement différente de celle de location; que M. [E], qui était entouré de conseils et n’ignorait pas les frais déjà engagés a néammoins posé un ultimatum à la société MYLAN et que c’est sans commettre d’abus que celle-ci ne l’a pas accepté (étant observé que, selon la société ELCOTIN elle-même, le coût de revient d’un visioprésentoir s’établit à la somme de 108,69 euros HT) ;

Attendu que le jugement doit être, en conséquence, réformé en ce qu’il a retenu que la société MYLAN a rompu de façon fautive les pourparlers pré-contractuels et doit indemniser la société ELCOTIN pour le préjudice en résultant ;

Attendu que le jugement sera confirmé s’agissant des demandes de la société ELCOTIN fondées sur la violation de l’article L 442-6 du code de commerce ;

Que d’abord l’article L 442-6 1.2 b) du code de commerce prévoit qu’engage la responsabilité de son auteur le fait d’abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées ;

Que les conditions d’application de cet article ne sont pas réunies ; que si la société ELCOTIN, malgré l’absence de tout accord conclu avec la société MYLAN, a pris le risque de passer des commandes auprès de fournisseurs, il n’est pas établi qu’elle se soit trouvée dans une situation de dépendance à l’égard de la société MYLAN ; qu’en outre la société ELCOTIN ne justifie nullement en quoi le prix proposé par la société MYLAN serait ‘injustifié’ au sens de l’article L 442-6 1.2 b) précité ;

Qu’ensuite l’article L 442-6 4° du code de commerce dispose qu’engage la responsabilité de son auteur le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir sous la menace d’une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des prix , des délais de paiement, des modalités de vente ou des conditions de coopération commerciales manifestement dérogatoires aux conditions générales de vente ;

Que cet article est sans application en l’espèce dès lors qu’il n’existe aucune relation commerciale entre les parties mais de simples pourparlers et que c’est la société ELCOTIN qui a menacé de mettre un terme aux pourparlers si la société MYLAN n’acceptait pas dans les 24 heures le prix de 185 euros HT hors maintenance, la société MYLAN n’ayant à aucun moment imposé un prix qui serait dérogatoire ‘aux conditions générales de vente’;

Attendu qu’aucune des demandes de la société ELCOTIN n’étant fondée, le jugement doit être réformé en ce qu’il a condamné la société MYLAN à payer à celle-ci les sommes de 69.560,91 euros et 242.674,38 euros ainsi que la somme de 30.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Qu’il sera confirmé en ce qu’il a rejeté les autres demandes de la société ELCOTIN et, en particulier, sa demande en paiement de la somme de 300.000 euros pour usage illicite de la marque VISIOPRESENTOIR ; qu’en effet, aux termes de l’article 713-2 du code de la propriété intellectuelle invoqué par la société ELCOTIN, sont interdits la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque ainsi que l’usage d’une marque reproduite pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement ; qu’en l’espèce si la société MYLAN a utilisé le terme visioprésentoir (dans l’avenant au contrat cadre communication) c’est pour désigner le produit VISIOPRESENTOIR lui-même et non ‘un produit ou service identique’ ; qu’en outre la société ELCOTIN ne justifie pas en quoi le fait d’avoir annoncé à des pharmaciens clients que leurs panneaux publicitaires ‘pourront être remplacés ou complétés par l’outil VISIOPRESENTOIR..’ constitue un usage abusif de la marque ;

II. Sur les demandes reconventionnelles de la société MYLAN

Attendu que la société MYLAN a réglé le 5 octobre 2007 une facture de 75.000 euros HT de la société ELCOTIN intitulée ‘Etude-mise en place VISIOPRESENTOIRS’ représentant partie des frais avancés par la société ELCOTIN ; qu’elle a donc accepté volontairement dans le cadre de la mise en oeuvre du projet visioprésentoir de prendre en charge à hauteur de la somme facturée les frais d’étude et de mise en place du visioprésentoir ; qu’il n’a pas été stipulé qu’il s’agissait d’avance ou d’acompte ; que les pourparlers n’ayant pas débouché sur la signature d’un contrat entre les parties, la société MYLAN n’est pas fondée à solliciter la restitution de cette somme même si l’on peut penser qu’en cas de réussite du projet elle aurait été déduite des prestations dues à la société ELCOTIN ;

Attendu qu’il n’est pas établi que l’exercice du droit d’ester en justice par la société ELCOTIN a dégénéré en abus ; que la demande de dommages intérêts de la société MYLAN pour procédure abusive doit être rejetée ;

Attendu qu’il serait cependant inéquitable de lui laisser la charge de l’intégralité de ses frais irrépétibles ; qu’il convient de lui allouer une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, LA COUR

Confirme le jugement en ce qu’il a retenu l’absence de tout contrat signé entre les parties et analysé la rupture comme une rupture de pourparlers pré-contractuels,

Le confirme encore en ses dispositions ayant rejeté partie des demandes de la société ELCOTIN,

Réformant pour le surplus et statuant à nouveau,

Déboute la société ELCOTIN de l’intégralité de ses prétentions et demandes,

Statuant sur la demande reconventionnelle de la société MYLAN,

Rejette sa demande en restitution de la somme de 75.000 euros HT,

Rejette sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive,

Condamne la société ELCOTIN à payer à la société MYLAN la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société ELCOTIN aux dépens de première instance et d’appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP BAUFUME SOURBE avoués.

LE GREFFIER EN CHEFLE PRÉSIDENT

 


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