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M. [H] [P] [C] [D] [W] réclame un rappel de salaire pour les années 2015 à 2018, arguant que l’employeur n’a pas respecté les taux horaires définis par la convention collective du transport. L’employeur, de son côté, soutient que les minima conventionnels sur lesquels se base le salarié ne sont pas applicables à son entreprise. La cour retient que l’employeur a toujours versé une rémunération supérieure au salaire minimum de base correspondant au coefficient mentionné dans le contrat de travail du salarié.
M. [H] [P] [C] [D] [W] réclame un rappel de salaire pour des heures supplémentaires non rémunérées. L’employeur conteste ces demandes et affirme avoir payé toutes les heures supplémentaires effectuées par le salarié. La cour retient qu’un écart de 9 heures 47 n’a pas été payé au salarié pour la période de janvier 2017 à novembre 2018, et lui alloue une somme de 120,38 euros bruts.
M. [H] [P] [C] [D] [W] réclame des indemnités pour des repos compensateurs non pris. L’employeur reconnaît lui devoir un certain nombre de jours de repos compensateurs et verse une somme au salarié en conséquence. La cour réforme le jugement sur le montant de cette indemnité.
M. [H] [P] [C] [D] [W] réclame une indemnité pour travail dissimulé, mais la cour estime qu’il n’est pas démontré que l’employeur a intentionnellement dissimulé des heures de travail. Le jugement est infirmé sur ce point.
M. [H] [P] [C] [D] [W] réclame des dommages-intérêts pour préjudice moral, mais la cour constate que les griefs du salarié ne sont pas suffisamment étayés. Le jugement est confirmé sur ce point.
La cour ordonne à l’employeur de délivrer un bulletin de salaire prenant en compte les rappels de salaire octroyés. Aucune astreinte n’est nécessaire. L’article 700 du code de procédure civile n’est pas appliqué. La SA MRTI supportera les dépens d’appel.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 10
ARRET DU 15 JUIN 2023
(n° , 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00875 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDAZA
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Décembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° F 19/00682
APPELANTE
SA MRTI agissant poursuites et diligences de son Directeur Général y domicilié en cette qualité
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Bobigny sous le numéro 397 468 281ZI de la Poudrette –
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
INTIME
Monsieur [H] [P] [C] [D] [W]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Doriane LALANDE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant
Monsieur Nicolas TRUC, Président de Chambre
Madame Gwenaëlle LEDOIGT, Présidente de Chambre, rédacteur
Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Gwenaëlle LEDOIGT Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Sonia BERKANE
ARRET :
– Contradictoire
– mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Madame LEDOIGT Gwenaëlle, Présidente de chambre pour le président empêché et par Madame Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
M. [H] [P] [C] [D] [W] a été engagé par la société MRTI, qui a pour activité la location de camions avec chauffeur, suivant contrat de ravail à durée déterminée à compter du 22 juin 2015, en qualité de chauffeur poids lourds courte distance. A compter du 23 septembre 2015, la relation contractuelle s’est poursuivie sous la forme d’un contrat à durée indéterminée.
Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective des transports routiers et des activités auxiliaires du transport, le salarié percevait une rémunération mensuelle brute de 3 138,61 euros (moyenne sur les 12 derniers mois).
Le 2 novembre 2018, le salarié a démissionné.
Le 7 mars 2019, M. [H] [P] [C] [D] [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny pour qu’il prenne acte qu’il enjoint à la SA MRTI de produire des relevés chronotachygraphe du camion immatriculé [Immatriculation 5] de janvier à février 2016 et pour le camion immatriculé [Immatriculation 6], de février à décembre 2016, ainsi que pour solliciter des rappels de salaires de base et au titre des heures supplémentaires, une indemnisation des repos compensateurs, une indemnité pour travail dissimulé et des dommages-intérêts pour préjudice moral.
Le 8 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Bobigny, dans sa section Commerce, a statué comme suit :
– condamne la SA MRTI à verser à M. [H] [P] [C] [D] [W] les sommes suivantes :
* 2 672,37 euros au titre de rappel de salaire de 2015 à 2018
* 24 657,06 euros au titre des heures supplémentaires non rémunérées ou sur une mauvaise base
* 2 259, 80 euros au titre du repos compensateur
* 3 534,10 euros au titre du repos compensateur sur travail de nuit
* 18 831,66 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé
Rappelle que les créances de nature salariale porteront intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 13 mars 2019 et les créances à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement
– condamne la SA MRTI à verser à M. [H] [P] [C] [D] [W] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– ordonne à la SA MRTI de remettre à M. [H] [P] [C] [D] [W] les documents de fin de contrat conformes au présent jugement
– déboute M. [H] [P] [C] [D] [W] du surplus de ses demandes
– déboute la SA MRTI de sa demande reconventionnelle
– condamne la SA MRTI aux entiers dépens.
Par déclaration du 6 janvier 2021, la SA MRTI a relevé appel du jugement de première instance.
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 8 septembre 2021, aux termes desquelles la SA MRTI demande à la cour d’appel de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société MRTI au paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaires au titre des minima conventionnels, heures supplémentaires, indemnité compensatoire pour travail de nuit, indemnité compensatoire obligatoire et travail dissimulé ainsi qu’au paiement de l’article 700 du code de procédure civile
– constater que la société MRTI est débitrice de la somme de 142,41 euros bruts au titre des salaires sur minima conventionnels et la condamner au remboursement de cette somme
– constater que la société MRTI est débitrice de la somme de 278,64 euros bruts au titre de la compensation obligatoire en repos et la condamner au remboursement de cette somme
– constater que la société MRTI est débitrice de la somme de 269,51 euros bruts au titre des repos compensateurs de nuit et la condamner au remboursement de cette somme
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [C] de sa demande d’indemnisation au titre d’un préjudice moral
– par conséquent, débouter Monsieur [C] de l’ensemble de ses demandes
– à titre infiniment subsidiaire, si la cour considérait que des heures supplémentaires restaient à devoir à Monsieur [C], constater que la société MRTI reste à lui devoir la somme de 120,38 euros bruts et la condamner au paiement de cette somme
– condamner Monsieur [C] au paiement d’une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– le condamner aux dépens.
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 30 juin 2021, aux termes desquelles M. [H] [P] [C] [D] [W] demande à la cour d’appel de :
– confirmer le jugement du 8 décembre 2020 en ce qu’il a condamné la SA MRTI à lui payer :
“- 2 672,37 euros à titre de rappel de salaire de 2015 à 2018
– 24 657,06 euros au titre des heures supplémentaires non rémunérées ou sur une mauvaise base
– 2 259,80 euros au titre du repos compensateur
– 2 534,10 euros au titre du repos compensateur sur travail de nuit
– 18 831,66 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé
– 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile”
– infirmer le jugement du 8 décembre 2020 en ce qu’il a débouté Monsieur [H] [C] [D] [W] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral
Par conséquent,
– prendre acte de ce que Monsieur [H] [C] [D] [W] enjoint la SA MRTI à produire les relevés chronographes pour l’année 2016 sur le camion immatriculé [Immatriculation 5] de janvier à février et [Immatriculation 6] de février à décembre
– condamner la SA MRTI à verser à Monsieur [H] [C] [D] [W] les sommes suivantes :
* 2 672,37 euros à titre de rappel de salaire de 2015 à 2018 en raison de l’absence de prise en compte par l’employeur du salaire de base conventionnellement prévu
* 24 657,06 euros au titre des heures supplémentaires dues et non payées ou calculées sur un mauvais salaire de base
* 2 259,80 euros au titre du repos compensateur dû en raison de l’exécution des heures supplémentaires (30 jours)
* 3 534,10 euros au titre du repos compensateur dû en raison du travail de nuit entre janvier 2017 et octobre 2018
* 18 831,66 euros au titre d’une indemnité pour travail dissimulé (6 mois de salaire)
* 10 000 euros au titre de son préjudice moral,
* 2 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamner la SA MRTI à remettre à Monsieur [H] [C] [D] [W] ses documents de fin de contrat et fiches de paie entre octobre 2015 et décembre 2018 corrigés sous astreinte pas 50 euros par jours de retard à compter du jugement à intervenir
– condamner la SA MRTI aux entiers dépens,
– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir .
Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 22 février 2023.
MOTIFS DE LA DECISION :
1/ Sur les demandes de rappels de salaire de base contractuel de 2015 à 2018
M. [H] [P] [C] [D] [W] soutient que l’employeur n’a pas respecté les taux horaires définis par la convention collective du transport et des activités auxiliaires de transport. Ainsi, alors que :
– pour l’année 2015, le salaire de base était de 1 533,02 euros pour les salariés effectuant 35 heures de travail hebdomadaire et ayant moins de deux ans d’ancienneté, il a perçu une rémunération de base de 1 445,42 euros
– pour l’année 2016, le salaire de base était de 1 542,22 euros pour les salariés effectuant 35 heures de travail hebdomadaire et ayant moins de deux ans d’ancienneté, il a perçu une rémunération de base de 1 475,75 euros
– pour l’année 2017, le salaire de base était de 1 579,35 euros pour les salariés effectuant 35 heures de travail hebdomadaire et ayant au moins un an d’ancienneté, il a perçu une rémunération de base de 1 489,40 euros à partir de mai 2017
– pour l’année 2015, le salaire de base était de 1 598,30 euros pour les salariés effectuant 35 heures de travail hebdomadaire et ayant au moins un an d’ancienneté, il a perçu une rémunération de base de 1 598,30 euros.
Il sollicite, en conséquence, un rappel total de salaire de 2 672,37 euros pour les années 2015 à 2018.
L’employeur répond que le salarié fonde ses demandes sur les minima contractuels prévus dans les avenants 105 du 10 mars 2015, 106 du 4 avril 2016, 108 du 18 avril 2017 et 109 du 15 décembre 2017, qui régissent les conditions de rémunération dans les “entreprises de transport routiers de voyageurs”. Or, il rappelle que la société MRTI n’exécutait que des missions de transport de marchandises. En conséquence, seul l’avenant du 21 mars 2013 et les accords du 7 avril 2017 du 6 mars 2018 relatifs aux rémunérations conventionnelles des chauffeurs de transport de marchandises étaient applicables.
Considérant que les fonctions exercées par le salarié relevaient du coefficient 128 du groupe 6 et non du coefficient 138, comme l’a retenu le salarié en se fondant sur une erreur matérielle figurant dans son contrat de travail et mentionnant le coefficient 138, l’employeur considère qu’il a toujours respecté les minima conventionnels, sauf pour la période de mai à décembre 2017 où il a omis de procéder à leur réévaluation, correspondant au deuxième anniversaire de l’entrée de l’intimé à son service. Il considère, donc, que le salarié intimé n’est créancier que d’une somme de 85 euros à son égard. À titre subsidiaire, si la cour devait considérer que le coefficient 138 était applicable, la société appelante a calculé que M. [H] [P] [C] [D] [W] ne pourrait réclamer une somme supérieure à 342,36 euros bruts puisque, hormis pour la période d’octobre à novembre 2015 et de juin à octobre 2017, le taux horaire du salarié a toujours été supérieur à celui prévu pour les ouvriers relevant du coefficient 138.
La cour retient que les avenants 105 du 10 mars 2015, 106 du 4 avril 2016, 108 du 18 avril 2017 et 109 du 15 décembre 2017 sur lesquels M. [H] [P] [C] [D] [W] fonde ses demandes de rappel de minima conventionnels concernent les “entreprises de transport routiers de voyageurs” et qu’ils ne sont pas applicables à la société appelante, qui est spécialisée dans le transport de marchandises. En revanche, il n’y a pas lieu de considérer que la mention du coefficient 138, qui figure non seulement dans le contrat de travail du salarié mais aussi sur l’ensemble de ses bulletins de salaire procède d’une erreur de l’employeur et ce d’autant, que celui-ci a toujours versé au salarié une rémunération supérieure au salaire minimum de base correspondant à ce coefficient, à l’exception des périodes d’octobre à novembre 2015 et de juin à octobre 2017. Il sera donc alloué au salarié intimé une somme de 427,36 euros (85 + 342,36)
2/ Sur les demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
2-1 Sur le rappel de salaire en raison de l’application d’un mauvais taux horaire
Le salarié fait valoir que l’application par l’employeur d’un taux horaire inférieur à celui dont il aurait dû bénéficier a eu une incidence sur le calcul du montant de ses heures supplémentaires et il revendique un rappel de salaire total de 1 430,57 euros à ce titre.
Eu égard aux précédents développements, l’incidence de la revalorisation des minima conventionnels sur le calcul des heures supplémentaires, pour les périodes d’octobre à novembre 2015 et de juin à octobre 2017, sera chiffrée à 68,78 euros (57,41 euros au titre de de juin à octobre 2017 et 11,37 euros au titre des mois d’octobre et novembre 2015).
2-2 Sur les heures supplémentaire non rémunérées
Selon l’article L. 3174-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci.
M. [H] [P] [C] [D] [W] affirme, qu’entre janvier 2017 et octobre 2018, il a effectué des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées par l’employeur.
Au soutien de ses allégations, il verse aux débats :
– ses copie d’agendas 2017 et 2018 (pièces 12,13)
– ses relevés chronotachygraphes pour le mois de novembre 2018 (pièce 14)
– ses relevés d’heures (pièces 12 à 15).
M. [H] [P] [C] [D] [W] prétend qu’il a, également, effectué des heures supplémentaires en 2016 mais dont il ne peut justifier puisque l’employeur a refusé de communiquer les relevés chronotachygraphes des camions qu’il a conduits, durant cette année, en dépit de l’injonction qui lui avait faite.
Au total, le salarié intimé réclame une somme de 23 253,49 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.
L’employeur rappelle que l’article 7 du contrat de travail du salarié stipulait qu’il s’engageait “à effectuer des heures supplémentaires à la demande expresse de la société MRTI dans le respect des normes minimales de temps de service en vigueur”. Il ajoute que la lecture des bulletins de salaire de M. [H] [P] [C] [D] [W] démontre qu’il ne donnait son accord que pour exécuter 17 heures supplémentaires bonifiées et 18 heures supplémentaires majorées, qui ont systématiquement été payées au salarié. La société appelante observe que les relevés d’heures communiquées par le salarié n’ont pas été établis quotidiennement, avec les heures d’embauche et de débauche, de pause et de repas et qu’ils ne permettent donc pas de déterminer le temps effectivement travaillé. Il en va de même des agendas produits par le salarié.
Afin de déterminer le temps de travail effectif accompli par M. [H] [P] [C] [D] [W] durant les années litigieuses l’employeur verse aux débats les relevés chronotachygraphes du salarié (pièce 7), dont l’analyse permet de constater que les heures revendiquées par le salarié sont en inadéquation avec ses heures de conduite.
Ainsi, sur la période de janvier 2017 à novembre 2018, il appert que seul un écart de 9 heures 47 n’a pas été payé au salarié, puisqu’il s’agit d’un temps de travail qui a été accompli, sans autorisation expresse de l’employeur au-delà des 35 heures supplémentaires rémunérées chaque mois par la société appelante.
En cet état, la cour retient que le salarié ne conteste pas la pertinence de l’exploitation des relevés chronotachygraphes pour déterminer son temps de travail effectif puisqu’il a demandé aux premiers juges de prendre acte de ce qu’il a enjoint la SA MRTI à produire les relevés chronotachygraphes pour l’année 2016 de manière à fonder une demande au titre des heures supplémentaires pour cette année. Or, il ressort de la lecture des pièces versées aux débats par l’employeur que seules 9 heures 47 de travail n’ont pas été rémunérées au salarié pour la période de janvier 2017 à novembre 2018. Si la société appelante soutient qu’elle n’a pas autorisé à M. [H] [P] [C] [D] [W] à effectuer ces heures au-delà du forfait de 35 heures supplémentaires autorisées chaque mois, il sera considéré qu’au regard de la charge de travail confiée au salarié celui-ci n’a pu mener ses missions sans réaliser ces heures supplémentaires et il lui sera alloué une somme de 120,38 euros bruts, à titre de rappel de salaire pour les 9 heures 47 supplémentaires non rémunérées par l’employeur.
Le jugement déféré sera donc réformé de ce chef.
3/ Sur les indemnités au titre du repos compensateur
3-1 Au titre des heures supplémentaires réalisées
Le salarié intimé explique que l’article R. 3312-48 du code des transports a mis en place un système de “compensation obligatoire en repos trimestrielle” en fonction des heures supplémentaires effectuées sur le trimestre, à raison d’une journée à partir de la 41ème heure jusqu’à la 79ème heure supplémentaire, une journée et demie à partir de la 80ème heure et jusqu’à la 108ème heure supplémentaire et de deux journée et demie au-delà de la 108ème heure supplémentaire.
M. [H] [P] [C] [D] [W] a calculé, qu’entre 2017 et 2018, il aurait dû bénéficier de 17,5 jours, soit 18 jours de repos compensateurs, ce qui n’a pas été le cas. Dans ces conditions, il sollicite une somme de 2 259,80 euros au titre des repos compensateurs dont il a été privé.
Mais, l’exploitation des relevés chronotachygraphe produits par l’employeur met en évidence, qu’à l’issue de la relation contractuelle, M. [H] [P] [C] [D] [W] a accumulé quatre jours au titre de la compensation obligatoire en repos trimestrielle, que l’employeur reconnaît lui devoir pour un montant de 278,64 euros. Il sera donc alloué au salarié un rappel de salaire pour ce montant et le jugement entrepris sera réformé de ce chef.
3-2 Sur le repos compensateur de nuit
M. [H] [P] [C] [D] [W] précise que l’article 3.2 de l’accord du 14 novembre 2001 relatif au travail de nuit et rattaché à la convention collective applicable à l’entreprise, prévoit que : ” Les personnels ouvriers, employés et techniciens/agents de maîtrise des entreprises de transport routier de marchandises, des activités auxiliaires du transport et des entreprises de transport de déménagement qui accomplissent au cours d’un mois et conformément aux instructions de leur employeur au moins 50 heures de travail effectif durant la période nocturne au sens de l’article 1er
ci-dessus bénéficient, en complément de la compensation pécuniaire visée à l’article 3.1
ci-dessus, d’un repos ” compensateur ” – dans les conditions et modalités de prise précisées au niveau de l’entreprise – d’une durée égale à 5 % du temps de travail qu’ils accomplissent au cours de ladite période nocturne.
Dans les entreprises dotées d’un ou plusieurs délégués syndicaux, les conditions et modalités de prise de ce repos “compensateur” sont définies par accord d’entreprise ou d’établissement.
Dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, les conditions et modalités de prise de ce repos “compensateur” sont définies par accord avec le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel ».
Selon cet accord, le travail de nuit est définit comme « la période comprise entre 21 heures et 6 heures ».
Le salarié intimé ajoute, qu’il prenait, habituellement, ses fonctions entre 12h00 et 13h00 et qu’il finissait ses journées entre 22h00 et 2h00. Il estime, donc, qu’il effectuait en moyenne 3 heures de travail quotidien en période nocturne, soit 75 heures par mois et qu’il aurait dû bénéficier de quatre heures de repos compensateur par mois, soit 188 heures par an. En conséquence, il revendique une somme totale de 3 534,10 euros au titre du repos compensateur dû en raison du travail de nuit effectué entre janvier 2017 et octobre 2018.
La société appelante constate que la seule lecture des bulletins de paie de l’intimé atteste qu’elle s’est acquittée chaque mois, en moyenne, de pas moins de cinq heures au titre du repos compensateur de nuit au cours de l’année 2017 et 1,5 heures au cours de l’année 2018. L’analyse des relevés chronotachygraphe met en évidence que non seulement la société MRTI a octroyé les repos compensateurs de nuit auquel le salarié avait droit mais que le salarié a, également, bénéficié, chaque mois, de sommes supplémentaires à ce titre au cours de l’année 2017. Les vérifications entreprises au titre de l’année 2018 laissent apparaître un écart de 26,50 heures dû à M. [H] [P] [C] [D] [W] par rapport aux heures qui ont été rémunérées, en raison d’un problème de paramétrage du logiciel de paie. L’employeur reconnaît, en conséquence, qu’il est débiteur d’une somme de 269,51 euros au titre du repos compensateur de nuit vis-à-vis du salarié.
L’analyse des relevés chronotachygraphes produits par l’employeur pour les années 2017 et 2018 et celle des bulletins de paie versés aux débats par le salarié, permet de constater que ce dernier est créancier d’une somme de 269,51 euros au titre de l’indemnité pour le repos compensateur de nuit, qui lui sera, en conséquence, octroyée.
Le jugement entrepris sera donc réformé sur le montant de cette indemnité.
4/ Sur le travail dissimulé
M. [H] [P] [C] [D] [W] prétend qu’en mentionnant sur ses bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui qu’il a réellement effectué la société MRTI a commis une dissimulation d’emploi et il revendique une somme de 18 831,66 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé.
Mais, outre que le nombre d’heures supplémentaires non réglé par l’employeur est très résiduel, il n’est pas démontré que l’employeur aurait, de façon intentionnelle, fait figurer sur les bulletins de salaire un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué, cette intention ne pouvant résulter de la seule existence d’heures supplémentaires non rémunérées.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a fait droit à la demande du salarié.
5/ Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral
M. [H] [P] [C] [D] [W] rappelle qu’il est de nationalité portugaise, qu’il ne maîtrise pas la langue française et que, jusqu’en juin 2015, il travaillait comme chauffeur routier pour une entreprise espagnole. À cette date, il a été débauché par le gérant de la société MRTI, qui était également de nationalité portugaise et qui lui a promis de le loger contre un loyer modique au sein de l’entreprise en l’assurant qu’il lui verserait un salaire plus élevé que celui qu’il percevait en Espagne. Le salarié intimé a accepté de signer un contrat de travail avec la société MRTI mais il prétend qu’il s’est rapidement rendu compte que le gérant l’avait trompé puisqu’il a d’abord été logé dans le camion dans lequel il travaillait, avant de se voir proposer une chambre de quelques mètres carrés contre un loyer de 350 euros, directement débité de son salaire. Par ailleurs, ne sachant pas parler français et n’évoluant qu’avec des salariés dans sa situation, il prétend avoir été surexploité par l’employeur qui n’a pas hésité à lui faire réaliser des heures supplémentaires sans le rémunérer en contrepartie. Craignant de perdre son emploi et son logement, il ne s’est jamais plaint de cette situation jusqu’en octobre 2018, date à laquelle il a préféré démissionner, épuisé par les conditions de travail qui lui était imposées. Pour autant, l’employeur a continué à lui faire exécuter des transports en novembre et décembre 2018, alors que son délai de préavis était terminé (pièce 14). En réparation du préjudice moral subi du fait des agissements de l’employeur, le salarié intimé réclame une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Cependant, la cour observe que les propres relevés chronotachyraphes produits par
M. [H] [P] [C] [D] [W] (pièce 14) mettent en évidence qu’il a cessé toute mission à compter du 16 novembre 2018, tel qu’il est mentionné sur son dernier bulletin de salaire, soit 14 jours après la remise de son courrier de démission. Il n’est pas davantage justifié des autres griefs imputés à l’employeur et notamment des conditions indignes de logement qui lui auraient été imposées ou de la surexploitation qu’il aurait subi. C’est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté le salarié de sa demande de ce chef.
6/ Sur les autres demandes
Il sera ordonné à la SA MRTI de délivrer à M. [H] [P] [C] [D] [W], dans le mois suivant la notification de la présente décision, un bulletin de salaire prenant en compte les rappels de salaire octroyés, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.
L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d’appel.
La SA MRTI supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :
– débouté M. [H] [P] [C] [D] [W] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral
– débouté la SA MRTI de sa demande reconventionnelle
– condamné la SA MRTI à payer à M. [H] [P] [C] [D] [W] une somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles de première instance
– condamné la SA MRTI aux dépens d’appel,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SA MRTI à payer à M. [H] [P] [C] [D] [W] les sommes suivantes :
– 427,36 euros à titre de rappel de salaire sur minima conventionnels pour les périodes d’octobre à novembre 2015 et de juin à octobre 2017
– 68,78 euros à titre de rappel de salaire au titre de l’incidence sur le calcul des heures supplémentaires de l’application des minima conventionnels
– 120,38 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
– 278,64 euros au titre de la compensation obligatoire en repos
– 269,51 euros au titre des repos compensateurs de nuit,
Ordonne à la SA MRTI de délivrer à M. [H] [P] [C] [D] [W], dans le mois suivant la notification de la présente décision, un bulletin de salaire prenant en compte les rappels de salaire octroyés,
Déboute M. [H] [P] [C] [D] [W] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé et du surplus de ses demandes,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Condamne la SA MRTI aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE P/LE PRESIDENT