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Le Monde a publié un supplément “Vins Bacchanales” illustré d’un visuel représentant une œuvre de Jacqueline Dauriac (couloir de cave éclairé de couleurs vives) sur lequel était apposé une bouteille du champagne Vranken-Pommery. Faisant valoir qu’il s’agissait là d’une publicité en faveur de boissons alcoolisées non conforme aux dispositions des articles L. 3323-2 et s. du code de la santé publique (CSP) et qu’elle ne pouvait davantage s’inscrire dans le cadre de la communication réservée aux opérations de mécénat, l’ANPAA a poursuivi Le Monde et la société Vranken-Pommery.
Dans un premier temps, le tribunal a requalifié l’opération en retenant que la publication litigieuse revêtait le caractère d’une publicité et non d’une opération de mécénat au sens de l’article L. 3323-6 du CSP puisque l’oeuvre de Jacqueline Dauriac n’apparaissait que pour promouvoir une cuvée de champagne.
Pour rappel, il n’existe pas de définition juridique du mécénat en raison de la diversité des opérations qu’il peut couvrir. La loi du 23 juillet 1987 relative au développement du mécénat, qui est essentiellement une loi d’encouragement fiscal pour les donateurs, n’a pas apporté de précision quant à la définition juridique de ces deux notions. On peut toutefois se reporter à la terminologie utilisée par l’arrêté du 6 janvier 1989 ” relatif à la terminologie économique et financière ” (JO du 31 janvier 1989), qui définit le mécénat comme étant le « soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une oeuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général ». Le parrainage est défini comme le « soutien matériel apporté à une manifestation, à une personne, à un produit ou à une organisation en vue d’en retirer un bénéfice direct ».
Les opérations de mécénat en faveur de l’alcool sont strictement encadrées par l’article L. 3323-6 du CSP : les fabricants de boissons alcooliques qui initient une opération de mécénat peuvent faire connaître leur participation par la voie exclusive de mentions écrites dans les documents diffusés à l’occasion de cette opération ou libellées sur des supports disposés à titre commémoratif à l’occasion d’opérations d’enrichissement ou de restauration du patrimoine naturel ou culturel. Or, les mentions inscrites sur le visuel ne précisaient pas l’identité de la personne qui participait à l’opération, se contentant de citer la marque commerciale Pommery et le site de son exposition au Domaine Pommery-Reims. Le visuel comportait en outre une référence directe à une bouteille de la marque, dont l’image a été reproduite, assorti du qualificatif « Masterpiece of Pommery » / « Chef d’oeuvre de Pommery ». L’annonceur avait également inscrit au pied du visuel le message sanitaire prévu par l’article L. 3323-4 du CSP comme exigé par la loi pour les supports publicitaires autorisés. Le visuel en cause a été analysé comme une opération de parrainage au sens de l’article L. 3323-2 du CSP (« Toute opération de parrainage est interdite lorsqu’elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques ».).
Dans un second temps, il a été jugé que l’utilisation de ce visuel artistique faisant référence au terroir de production, ne pouvait être considérée comme incitative à une consommation excessive et festive d’alcool, pas plus que les mentions publiées, qui avaient pour objet de situer et définir l’oeuvre de Jacqueline Dauriac créée pour la 10ème édition de l’exposition « Experience » au domaine de Pommery et de souligner la spécificité d’une cuvée de prestige haut de gamme afin de la distinguer aux yeux des consommateurs d’autres cuvées dites classiques, et non d’inciter à la consommation d’alcool. Sur ce volet, la publicité a donc été déclarée licite au sens de L. 3323-4 du code de la santé publique.
Le visuel publié par Le Monde a été jugé conforme au CSP. Selon l’article L. 3323-4 du CSP, la publicité autorisée pour les boissons alcooliques est limitée à l’indication du degré volumique d’alcool, de l’origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l’adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d’élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit. Cette publicité peut comporter des références relatives aux terroirs de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d’origine telles que définies à l’article L. 115-1 du code de la consommation ou aux indications géographiques telles que définies dans les conventions et traités internationaux régulièrement ratifiés. Elle peut également comporter des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit. Le conditionnement ne peut être reproduit que s’il est conforme aux dispositions précédentes. Toute publicité en faveur de boissons alcooliques, à l’exception des circulaires commerciales destinées aux personnes agissant à titre professionnel ou faisant l’objet d’envois nominatifs ainsi que les affichettes, tarifs, menus ou objets à l’intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé, doit être assortie d’un message de caractère sanitaire précisant que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé.
Le visuel de l’oeuvre contenu dans la parution litigieuse représente un couloir de cave qui évoque l’origine et le mode d’élaboration du produit, ainsi que son terroir. Il est en effet établi que les carrières de craie ou crayères dans lesquelles sont creusées les caves champenoises jouent un rôle majeur dans la maturation du vin qui y est produit. La loi n’interdit pas une indication imagée des éléments qu’elle énonce, ni que l’indication ou la référence autorisée emprunte une expression artistique. Le visuel constitue la représentation fidèle des crayères mises en valeur par la création de l’artiste, sans aucune indication qui dépasse les limites autorisées par la loi.
La bouteille de champagne également représentée dans la parution comporte pour seules indications sa dénomination de Champagne Pommery et le nom du fabriquant Pommery, de sorte que le conditionnement reproduit est à son tour conforme aux exigences du CSP. La mention Masterpiece by Pommery qui l’accompagne, et sa traduction Chef d’oeuvre de Pommery, ne dépassent pas elles-mêmes les limites fixées, s’agissant d’une référence aux qualités gustatives du produit qui peut être qualifiée d’objective puisqu’il résulte de plusieurs articles de la presse spécialisée que la cuvée issue des trois plus beaux grands crus est un vin exceptionnel, tenant son rang de première cuvée, porte étendard du groupe, et réalisant une union vraiment parfaite, dans une gamme sans faille.
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