Action directe du transporteur

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Action directe du transporteur
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Action directe du transporteur

Contexte de l’affaire

La SARL Merlier-Lequette a engagé une action directe à l’encontre de la SCEA De [Localité 1] pour le paiement des prestations de transport de marchandises. La question principale est de savoir si la SCEA De [Localité 1] peut être considérée comme l’expéditeur des marchandises transportées.

Arguments de la SARL Merlier-Lequette

La SARL Merlier-Lequette soutient que la SCEA De [Localité 1] est bien l’expéditrice des marchandises, en se basant sur les lettres de voiture, les factures et les échanges de courriels et de sms entre les parties.

Arguments de la SCEA De [Localité 1]

La SCEA De [Localité 1] conteste sa qualité d’expéditrice des marchandises transportées, arguant que c’est la société Sibell qui a conclu le contrat de transport avec la SARL Merlier-Lequette.

Dispositions légales applicables

Les articles du code de commerce et de procédure civile concernant les actions directes du transporteur à l’encontre de l’expéditeur et du destinataire sont invoqués dans le cadre de cette affaire.

Décision du tribunal

Le tribunal a confirmé le jugement de première instance, déboutant la SARL Merlier-Lequette de sa demande de paiement des factures impayées.

Demandes accessoires

La SARL Merlier-Lequette est condamnée aux dépens et au paiement de l’indemnité de procédure à la SCEA De [Localité 1]. Les frais irrépétibles d’appel sont également évalués à 2.000 €.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRET

SARL MERLIER LEQUETTE

C/

S.C.E.A. DE [Localité 1]

DB

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 07 JUILLET 2022

N° RG 20/06106 – N° Portalis DBV4-V-B7E-H6CX

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SOISSONS EN DATE DU 13 OCTOBRE 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

SARL MERLIER LEQUETTE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d’AMIENS, vestiaire : 101

Ayant pour avocat plaidant, Me Gabriel DENECKER, avocat au barreau de LILLE

ET :

INTIMEE

S.C.E.A. DE [Localité 1], agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me PHILLEPERON substituant Me Grégory LEFEBVRE de la SELARL VAUBAN, avocats au barreau de COMPIEGNE

DEBATS :

A l’audience publique du 01 Mars 2022 devant Mme Dominique BERTOUX, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 12 Mai 2022.

GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme [W] [O] en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le délibéré a été prorogé au 07 juillet 2022.

Le 07 juillet 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

La société Sibell, exerçant une activité de fabrication, conditionnement, distribution et négoce de tous produits alimentaires ou dérivés, tels que l’élaboration de chips nature et aromatisées, divers biscuits apéritifs, pop-corn, snacks salés et sucrés, a mandaté la SARL Merlier-Lequette pour trois transports de pommes de terre les 6 et 12 novembre 2018, avec un chargement à [Localité 1] (02), au siège du producteur, la SCEA De [Localité 1], et une livraison à [Localité 4] (13).

La SARL Merlier-Lequette a :

– émis à ce titre deux factures de transport pour un montant total de 5.517,60 € TTC;

– et mis en demeure la société Sibell d’avoir à les lui régler.

Suivant jugement rendu le 27 février 2019 par le tribunal de commerce de Marseille, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l’égard de la société Sibell.

La SARL Merlier-Lequette, qui indique avoir déclaré sa créance dans le cadre de cette procédure collective, a mis en demeure la SCEA De [Localité 1] de lui régler la somme de 7.328,40 €, correspondant à trois factures impayées, au visa de l’article L.132-8 du code de commerce, par lettre recommandée du 1er mars 2019, avant de la faire assigner en paiement, par acte d’huissier du 4 novembre 2019.

Par jugement en date du 13 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Soissons a :

– déclaré valide l’acte introductif d’instance du 4 novembre 2019;

– débouté la SARL Merlier-Lequette de toutes ses prétentions à l’encontre de la SCEA De [Localité 1];

– condamné la SARL Merlier-Lequette aux dépens, ainsi qu’à payer à la SCEA De [Localité 1] une indemnité de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La SARL Merlier-Lequette a interjeté appel de cette décision par déclaration du 17 décembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 18 octobre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, l’appelante demande à la cour de :

– dire bien appelé et mal jugé;

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée au paiement de la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles, outre les entiers frais et dépens de première instance;

En conséquence,

– condamner la SCEA De [Localité 1] à lui payer la somme principale de 5.517,60 € TTC, augmentée des intérêts sur la base du taux d’intérêt de la BCE à son opération de refinancement la plus proche de la date du jugement, majoré de 10 points de pourcentage, à compter du 1er mars 2019, date de la mise en demeure;

– condamner la SCEA De [Localité 1] à lui payer la somme de 80 € à titre d’indemnité forfaitaire de recouvrement (L.441-10 du code de commerce);

– condamner la SCEA De [Localité 1] à lui payer la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et dilatoire et pour manque de loyauté;

– condamner la SCEA De [Localité 1] à lui payer la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens, ainsi que tous frais en application de l’article 10 du tarif des huissiers modifié par décret du 08 mars 2010.

Aux termes de ses conclusions d’intimée remises le 14 juin 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SCEA De [Localité 1] demande à la cour de:

– dire et juger la SARL Merlier-Lequette recevable mais mal fondée en son appel;

– débouter la SARL Merlier-Lequette de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* débouté la SARL Merlier-Lequette de toutes ses prétentions émises à l’encontre de la SCEA De [Localité 1];

* condamné la SARL Merlier-Lequette à lui verser une indemnité de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens;

Y ajoutant :

– débouter ma SARL Merlier-Lequette de toutes ses demandes de condamnation en paiement;

– rejeter la demande de la SARL Merlier-Lequette au titre de la résistance abusive;

– condamner la SARL Merlier-Lequette à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Me Grégory Lefebvre, membre de la SELARL Vauban, en application de l’article 699 du code de procédure civile, pour ceux des dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu de provision.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 février 2022, l’affaire ayant été fixée pour plaider à l’audience du 1er mars 2022.

SUR CE

Au soutien de son appel, la SARL Merlier Lequette fait valoir que la lettre de voiture forme un contrat relatif au transport de marchandises, lequel engage l’expéditeur et le destinataire à garantir le paiement des prestations de transport, de sorte que l’action directe du transporteur à l’encontre des deux n’est pas conditionnée par la démonstration de leur qualité de commanditaire desdites prestations; que les lettres de voiture produites et signées par la SCEA De [Localité 1] la visent en qualité d’expéditrice, étant précisé que la signature de la lettre de voiture présume de cette qualité, laquelle est confortée par le fait que les marchandises transportées ont été produites par elle et retirées dans ses locaux; que ses échanges de courriels et de sms avec l’intimée, également versés aux débats, font état de communications, consignes, d’ordres et accords sur les dates et heures de chargement.

La SARL Merlier-Lequette ajoute que si le prix du transport n’apparaît pas directement sur la lettre de voiture, les deux factures versées aux débats en précisent le montant, ainsi que le type, le jour du transport, le poids, le coût facturé à la tonne et les références de l’expéditeur des marchandises, savoir la SCEA De [Localité 1], si bien que la combinaison de ces documents démontre le statut d’expéditeur de cette dernière et précisant le prix des transports effectués, suffit à fonder l’action directe dont dispose la société Merlier-Lequette.

La SCEA De [Localité 1] réplique qu’elle n’est pas partie au contrat de transport dont se prévaut la SARL Merlier-Lequette; que la société Sibell cumule les qualités d’expéditeur et de destinataire des pommes de terre transportées en vertu d’un contrat conclu entre elle et l’appelante uniquement; que l’apposition du tampon de la SCEA De [Localité 1] sur des lettres de voiture dans une case intitulée ‘chargement expéditeur – remettant’ ne démontre pas sa qualité d’expéditeur, d’autant que les échanges entre le transporteur et la société Sibell établissent que cette dernière était le donneur d’ordre des prestations facturées.

La SCEA De [Localité 1] insiste sur le fait que l’enlèvement des marchandises dans ses locaux n’emporte pas qu’elle les a expédiées à la société Sibell, à défaut de contrat de transport conclu avec l’appelante; qu’elle n’a pas commandé les prestations de transport impayées; que les lettres de voiture, en tant que documents préimprimés de voyage faisant foi du contrat de transport, ne suffisent pas à établir sa qualité d’expéditrice; que les deux factures litigieuses ont été établies au nom de la société Sibell, à la fois expéditrice et destinataire des marchandises en vertu du contrat de transport la liant à la SARL Merlier-Lequette; que l’appelante s’abstient de produire son offre de transport, ainsi que les conditions générales des prestations litigieuses, alors qu’elles ont forcément été adressées à l’expéditrice des marchandises, en l’occurrence la société Sibell; que malgré une sommation de communiquer, la SARL Merlier-Lequette refuse de verser aux débats les bons de commande ou les lettres de commande de transports litigieux, son offre de paiement sur laquelles ont mentionnés, outre son prix, les noms de l’expéditeur et du destinataire, les lieux de chargement et de déchargement, ses conditions générales de transport et la preuve que la SCEA De [Localité 1] en a été destinataire; qu’il n’st pas démontré que celle-ci a accepté le prix des transports litigieux.

Selon l’article 9 du code de procédure civile : ‘Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention’.

Selon l’article L.132-8 du code de commerce : ‘La lettre de voiture forme un contrat entre l’expéditeur, le voiturier et le destinataire ou entre l’expéditeur, le destinataire, le commissionnaire et le voiturier. Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations à l’encontre de l’expéditeur et du destinataire, lesquels sont garants du paiement du prix du transport. Toute clause contraire est réputée non écrite’.

Il est admis que le transporteur doit rapporter la preuve de la qualité d’expéditeur ou de destinataire de celui qu’il a assigné en garantie de paiement du prix du transport [cass. com. 13 février 2007, n° 05-18.590], étant précisé que la qualité de remettant ne correspond pas forcément à celle d’expéditeur, ainsi que du prix convenu entre l’expéditeur, le transporteur et le destinataire en vertu du contrat de transport, dont il se prévaut [cass. com. 10 janvier 2006, n° 04-12.120]; que la lettre de voiture ne fait foi que jusqu’à preuve contraire de l’existence et des conditions du contrat de transport [28 octobre 2008, n° 07-20.786].

En l’espèce, il est versé aux débats :

– les deux factures (n° 1811014 et n° 1811044) des 9 et 16 novembre 2018, adressées par la SARL Merlier-Lequette à la société Sibell, sur lesquelles la SCEA De [Localité 1] n’est mentionnée qu’en tant que site de chargement;

– les trois lettres de voiture correspondantes à ces deux factures, lesquelles mentionnent la SCEA De [Localité 1], dans l’encadré ‘Expéditeur (chargement – loading)’, et la société Sibell Aubagne, dans l’encadré ‘Destinataire (déchargement – unloading)’;

– un courriel du 9 novembre 2018, ainsi qu’un planning d’enlèvements de pommes de terre, adressés à l’appelante par la société Sibell, lequels précisent que le chargement des marchandises s’effectuera chez la SCEA De [Localité 1] les 12 et 13 novembre 2018 au moyen de trois camions.

Si les lettres de voiture préimprimées et signées par l’intimée présument de sa qualité d’expéditeur des marchandises en cause, la preuve contraire, à savoir qu’elle n’est intervenue qu’en qualité de remettant dans le cadre des prestations de transport litigieuses, est suffisamment rapportée en l’espèce, dès lors que :

– que les lettres de voiture ne mentionnent pas le prix des prestations de transport correspondantes;

– que ces prestations ont été facturées à la société Sibell;

– que les factures litigieuses se réfèrent à l’appelante en tant que site de chargement uniquement;

– que les échanges de lettres et de courriels entre l’appelante et la société Sibell ne font pas apparaître la SCEA De [Localité 1] en qualité d’expéditeur.

La SARL Merlier-Lequette ne produisant aucun document accepté par la SCEA De Tailefontaine et portant le prix des prestations litigieuses, il convient de la débouter de sa demande principale de règlement de factures impayées et de ses demandes subséquentes d’indemnité de recouvrement et de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

– Sur les demandes accessoires

La SARL Merlier-Lequette, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’au paiement de l’indemnité de procédure allouée à la SCEA De [Localité 1] par le tribunal qui sera confirmée.

Selon l’article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale ‘Lorsque les huissiers de justice recouvrent ou encaissent, après avoir reçu mandat ou pouvoir à cet effet conformément aux articles R. 141-1 du code des procédures civiles d’exécution et 18 du décret du 29 février 1956 portant application de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice, des sommes dues par un débiteur, il leur est alloué, en sus éventuellement du droit visé à l’article 8, un droit proportionnel dégressif à la charge du créancier. Ce droit, qui ne peut être inférieur à 10 taux de base ni supérieur à 1 000 taux de base et est exclusif de toute perception d’honoraires libres, est calculé sur les sommes encaissées ou recouvrées au titre de la créance en principal ou du montant de la condamnation, à l’exclusion des dépens.

Il est fixé selon les tranches suivantes :

Jusqu’au 31 décembre 2001 :

12 % jusqu’à 800 F ;

11 % de 801 à 4 000 F ;

10,5 % de 4 001 à 10 000 F ;

4 % au-delà de 10 000 F.

A compter du 1er janvier 2002 :

12 % jusqu’à 125 euros ;

11 % au-delà de 125 et jusqu’à 610 euros ;

10,5 % au-delà de 610 et jusqu’à 1 525 euros ;

4 % au-delà de 1 525 euros.’

En application de ces dispositions, il n’y a pas lieu d’inclure dans les dépens le remboursement des honoraires proportionnels à la charge de la société créancière.

Enfin, il paraît inéquitable de laisser à la charge de la SCEA De [Localité 1] ses frais irrépétibles d’appel non compris dans les dépens, qu’il convient d’évaluer à la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

– CONFIRME le jugement entrepris ;

– CONDAMNE la SARL Merlier-Lequette à payer à la SCEA De [Localité 1] la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

– CONDAMNE la SARL Merlier-Lequette aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Grégory Lefebvre, membre de la SELARL Vauban, société d’avocats, qui le demande.

– DIT n’y avoir lieu à inclure dans les dépens le remboursement des honoraires proportionnels à la charge de la société créancière en application de l’article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale.

Le Greffier,La Présidente,

 


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