Achats de tableaux déficitaires : la responsabilité du gérant

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Achats de tableaux déficitaires : la responsabilité du gérant
Ce point juridique est utile ?

– Les actions en responsabilité contre les gérants de Sarl se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou de sa révélation, sauf en cas de crime qui se prescrit par dix ans.

– Il est recommandé de vérifier si les acquisitions d’œuvres d’art et les prêts associés ont été dissimulés ou révélés dans les délais prescrits pour éviter la prescription des demandes.

– Assurez-vous de contester les acquisitions contestées et de justifier les actifs de la société pour éviter la prescription des demandes de mise en cause de la responsabilité personnelle.

Résumé de l’affaire

L’affaire concerne la société Cygeli Investissement, dont le capital est divisé entre la société Conjonction Financement, Mme [D] et M. [N]. Le fils de Mme [D], M. [U], en était le gérant. Suite à des investissements douteux réalisés par M. [U], la société a subi un préjudice financier. M. [N] et Mme [D] ont donc assigné la société Cygeli et M. [U] en justice. Le tribunal de commerce de Lorient a condamné M. [U] à payer des dommages et intérêts à la société Cygeli pour ses fautes de gestion. M. [U] a interjeté appel du jugement. Les parties ont présenté leurs dernières conclusions et l’ordonnance de clôture a été rendue. M. [U] demande la prescription des demandes à son encontre, tandis que M. [N], Mme [D] et la société Cygeli demandent confirmation du jugement initial et une indemnisation plus importante. Les parties attendent désormais la décision de la cour.

Les points essentiels

Discussion

Les appels principal et incident interjetés ne visent pas tous les chefs du dispositif du jugement.

En outre, M. [U] n’a pas repris dans le dispositif de ses conclusions devant la cour d’appel de demande afférente à la mise en cause de la responsabilité personnelle de Mme [N].

La cour ne statuera que dans les limites de sa saisine.

Sur la mise en cause de M. [U] à titre personnel

Il résulte de l’assignation délivrée le 29 juin 2020 que M. [U] a été assigné comme étant pris en sa qualité d’ancien gérant de la société Cygéli mais également à titre personnel. Les demandes formées contre lui à titre personnel sont donc recevables.

Sur la prescription

M. [U] fait valoir que les demandes formées contre lui seraient prescrites.

Les actions en responsabilité dirigées contre les gérants de Sarl se prescrivent par trois ans selon l’article L223-23 du code de commerce.

La dissimulation implique un comportement intentionnel.

En l’espèce, il n’y a pas eu de dissimulation des acquisitions d’œuvres d’art et des conditions de ces acquisitions.

A défaut de dissimulation établie et en tout état de cause d’une absence de révélation après le 29 juin 2017 alors que l’assignation a été délivrée le 29 juin 2020, les demandes formées au titre des fautes alléguées relatives à l’investissement dans les tableaux litigieux au prêt sont prescrites.

Sur la créance de la société Cygeli contre M. [U]

La dette personnelle de M. [U] à l’encontre de la société Cygeli telle que retenue par le tribunal pour 23.106,23 euros résulte des comptes clos au 31 décembre 2015.

Il s’agit d’une dette de M. [U] et non pas de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice. Elle n’est pas soumise à la prescription examinée supra. M. [U] ne justifie pas devant la cour avoir payé cette dette. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les frais et dépens

Il y a lieu de condamner M. et Mme [N] aux dépens d’appel et de rejeter les demandes formées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour et les demandes formées en première instance par M. [N], pris en sa qualité d’associé de la société Cygeli, Mme [N], prise en sa qualité de liquidatrice amiable de la société Cygeli, et à titre personnel en sa qualité d’associée de la société Cygeli ainsi que la société Cygeli prise en la personne de sa liquidatrice amiable, Mme [N].

Les montants alloués dans cette affaire: – M. [U] est condamné à payer à la société Cygeli la somme de 62.500 euros à titre de dommages et intérêts
– M. [U] est condamné à payer à la société Cygeli la somme de 11.130,67 euros au titre de dommages et intérêts
– M. [U] est condamné à payer à la société Cygeli la somme de 23.500 euros à titre de dommages et intérêts
– M. [U] est condamné à payer à M. [N], Mme [N], et la société Cygeli la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– M. [N], Mme [D] épouse [N] et la société Cygéli Investissement sont condamnés aux dépens de première instance et d’appel

Réglementation applicable

– Article L223-23 du code de commerce

Article L. 223-23 du code de commerce : Les actions en responsabilité prévues aux articles L. 223-19 et L. 223-22 se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou, s’il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l’action se prescrit par dix ans

– Article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de condamner M. et Mme [N] aux dépens d’appel et de rejeter les demandes formées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour et les demandes formées en première instance par M. [N], pris en sa qualité d’associé de la société Cygeli, Mme [N], prise en sa qualité de liquidatrice amiable de la société Cygeli, et à titre personnel en sa qualité d’associée de la société Cygeli ainsi que la société Cygeli prise en la personne de sa liquidatrice amiable, Mme [N].

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me François THOMAS-BELLIARD
– Me Alain COROLLER-BEQUET

Mots clefs associés & définitions

– Appels principal et incident
– Dispositif du jugement
– Responsabilité personnelle
– Prescription
– Actions en responsabilité
– Dissimulation
– Acquisitions d’œuvres d’art
– Rapport de gestion
– Titres de participation
– Dette personnelle
– Appels principal et incident : recours juridique permettant à une partie de contester une décision rendue par un tribunal
– Dispositif du jugement : ensemble des décisions prises par un tribunal dans une affaire donnée
– Responsabilité personnelle : obligation pour une personne de répondre de ses actes et de réparer les dommages qu’elle a causés
– Prescription : délai au-delà duquel une action en justice n’est plus recevable
– Actions en responsabilité : recours juridique permettant à une personne de demander réparation pour un préjudice subi
– Dissimulation : fait de cacher volontairement des informations ou des biens
– Acquisitions d’œuvres d’art : achats de pièces artistiques ou culturelles
– Rapport de gestion : document présentant la situation financière et l’activité d’une entreprise
– Titres de participation : actions détenues par une entreprise dans une autre entreprise
– Dette personnelle : obligation financière contractée par une personne physique

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

14 mai 2024
Cour d’appel de Rennes
RG n°
22/07382
3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N° 200

N° RG 22/07382 – N° Portalis DBVL-V-B7G-TLWG

M. [B] [U]

C/

Mme [T] [D] épouse [N]

M. [Z] [N]

S.A.R.L. CYGELI INVESTISSEMENT

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me THOMAS BELLIARD

Me COROLLER BECQUET

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à : TC de [Localité 11]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 MAI 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, rapporteur

Assesseur : Madame Fabienne CLÉMENT, Présidente,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 Mars 2024

ARRÊT :

Contradictoire prononcé publiquement le 14 Mai 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [B] [U]

pris en sa qualité d’ancien gérant de la SARL CYGELI INVESTISSEMENT

né le [Date naissance 6] 1976 à [Localité 12]

[Adresse 7]

Représenté par Me François THOMAS-BELLIARD de la SELARL CABINET LTB, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Madame [T] [D] épouse [N]

prise en sa qualité de liquidatrice amiable de la société CYGELI INVESTISSEMENT, et à titre personnel en sa qualité d’associé de la société CYGELI INVESTISSEMENT

née le [Date naissance 5] 1953 à [Localité 10]

[Adresse 2]

[Localité 1] ESPAGNE

Représentée par Me Alain COROLLER-BEQUET de la SELAS ALEMA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

Monsieur [Z] [N]

pris en sa qualité d’associé de la société CYGÉLI INVESTISSEMENT

né le [Date naissance 4] 1952 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 1] ESPAGNE

Représenté par Me Alain COROLLER-BEQUET de la SELAS ALEMA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

S.A.R.L. CYGELI INVESTISSEMENT

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LORIENT sous le numéro 540 078 763, prise en la personne de son liquidateur amiable, Madame [T] [N]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Alain COROLLER-BEQUET de la SELAS ALEMA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

FAITS ET PROCÉDURE :

Le capital de la société Cygeli Investissement (la société Cygeli) est divisé en 1.000 parts de un euro réparties de la manière suivante :

– 324 parts au profit de la société Conjonction Financement anciennement dénommée PCL,

– 338 parts au profit de Mme [D] épouse [N],

– 338 parts au profit de M. [N], son époux.

M. [U], qui est le fils unique de Mme [N], en était le gérant.

Le 25 mars 2016, M. [U] a été invité à présenter un rapport de gestion et à communiquer toutes informations sur les prises de participation qu’il avait réalisées au nom de la société Cygeli en fournissant tous justificatifs de la valeur réelle des actifs inscrits du bilan.

M. [U] a répondu le 19 avril 2016 en indiquant notamment :

– Que les prises de participation, dans différentes sociétés n’ont pas entraîné de décaissement de la société Cygeli, car elles résultent de ses apports,

– Que la société Cygeli, sous son mandat, a acquis différentes ‘uvres du peintre [G] [I].

Le 22 novembre 2016, M. [N] et Mme [D] épouse [N] ont assigné la société Cygéli Investissement et M. [U], pris en sa qualité de gérant de la société Cygéli Investissement, devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lorient aux fins de désignation d’un mandataire avec pour mission de réunir une assemblée générale.

Cette procédure a fait l’objet d’une radiation par ordonnance du 8 juin 2017.

Lors de l’assemblée générale du 21 juillet 2017, il a été décidé de dissoudre la société Cygeli à effet du même jour, et de désigner, en qualité de co-liquidateurs M. [U] et Mme [N]. M. [U] a mis fin à son mandat le 23 novembre 2020.

Le procès-verbal de l’assemblée générale du 21 juillet 2017 indique également que M. [U] n’a ni rendu compte de sa gestion, ni communiqué les justificatifs qui lui avaient été demandés établissant l’existence des tableaux du peintre [G] [I] portés à l’actif du bilan, ainsi que leur mise en vente.

Après investigations, il est apparu que M. [U] a acquis des tableaux pour un montant de 174.000 euros en espérant réaliser une plus-value.

Les tableaux ont été revendus aux enchères le 16 juin 2019 à l’hôtel des ventes de Saint- Cloud, au prix de 51.700 euros, soit une moins-value de 112.300 euros.

Durant son mandat, M. [U] a également fait l’acquisition d’un portefeuille d’assurance ainsi que de 42 parts du capital social de la société PR21 Conseil.

Le 29 juin 2020, estimant que la société Cygeli avait subi un préjudice financier imputable aux fautes de gestion de M. [U] en sa qualité de gérant résultant de ces investissements, M. [N], pris en sa qualité d’associé de la société Cygeli ainsi que Mme [N], prise en sa qualité de liquidatrice amiable de la société Cygeli et à titre personnel en sa qualité d’associée de la société Cygeli, ont assigné la société Conjonction Financement, anciennement dénommée PCL, gérée par M. [U], et M. [U], en sa qualité d’ancien gérant de la société Cygeli et à titre personnel, en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 26 octobre 2022, le tribunal de commerce de Lorient a :

– Déclaré recevable l’action en responsabilité a l’encontre de M. [U] pris en sa qualité d’ancien gérant de la société Cygeli exercée par M. [Z] [N], pris en sa qualité d’associé de la société Cygeli, Mme [T] [N], prise en sa qualité de liquidatrice amiable de la société Cygeli, et à titre personnel en sa qualité d’associée de la société Cygeli ainsi que par la société Cygeli prise en la personne de sa liquidatrice amiable, Mme [T] [N],

– Dit que M. [U], pris en sa qualité de gérant de la société Cygeli, a commis une faute en consentant un prêt à la société Pol Art le 14 janvier 2015,

– Condamné en conséquence M. [U], pris en sa qualité de gérant de la société Cygeli, à payer à la société Cygeli la somme de 62.500 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 29 juin 2020,

– Dit que M. [U], pris en sa qualité de gérant de la société Cygeli, a commis une faute en faisant l’acquisition d’un portefeuille clients dans le domaine de l’assurance le 15 septembre 2013,

– Condamné en conséquence M. [U] payer à la société Cygeli la somme de 11.130,67 au titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 29 juin 2020,

– Dit que M. [U], pris en sa qualité de gérant de la société Cygeli, a commis une faute en faisant, le 15 septembre 2013, l’acquisition des parts de la société PR21 Conseil au prix de 23.500 euros,

– Condamné en conséquence M. [U] à payer à la société Cygeli la somme de 23.500 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 29 juin 2020,

– Débouté M. [N], pris en sa qualité d’associé de la société Cygeli, Mme [N], prise en sa qualité de liquidatrice amiable de la société Cygeli, et à titre personnel en sa qualité d’associée de la société Cygeli ainsi que par la société Cygeli prise en la personne de sa liquidatrice amiable, Mme [N], de leur demande de communication sous astreinte des relevés de compte de la société Cygeli,

– Condamné M. [U], à titre personnel, à payer à la société Cygeli, la somme de 23.106,23 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 29 juin 2020,

– Condamné la société Conjonction Financement anciennement dénommée PCL, à payer à la société Cygeli, la somme de 15.226,64 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 29 juin 2020,

– Dit que Mme [N] n’a commis aucune faute, en sa qualité de liquidatrice amiable de la société Cygeli, et qu’aucune condamnation ne sera donc prononcée à son encontre,

– Ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

– Condamné M. [U] à payer à M. [N], pris en sa qualité d’associé de la société Cygeli, Mme [N], prise en sa qualité de liquidatrice amiable de la société Cygeli, et à titre personnel en sa qualité d’associée de la société Cygeli ainsi que la société Cygeli prise en la personne de sa liquidatrice amiable, Mme [N], la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Débouté M. [U] et la société Conjonction Financement, anciennement dénommée PCL, de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné M. [U] à payer à la société Ajire, représentant la société Cygeli pour la demande de dommages et intérêts présentée à l’encontre de Mme [N], la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Dit n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire du présent jugement,

– Condamné solidairement M. [U] et la société Conjonction Financement aux entiers dépens de l’instance, dont les frais de greffe liquidés,

-Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tout cas mal fondées, les en a déboutées.

M. [U] a interjeté appel le 20 décembre 2022.

Les dernières conclusions de M. [U] sont en date du 17 juillet 2023. Les dernières conclusions de M. [N], Mme [D] et la société Gygéli sont en date du 12 septembre 2023.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2024.

Il apparaît que les conclusions des parties et le jugement font, à plusieurs reprises, référence à la notion de « en sa qualité de ». Ainsi, à plusieurs reprises, M. [U] est désigné comme étant pris en sa qualité de gérant de la société Cygeli et Mme [N] comme prise en sa qualité de liquidatrice amiable de la société Cygeli.

Juridiquement, à chaque fois que de telles formulations sont utilisées, c’est la société Cygeli, prise en la personne de son représentant légal, qui est désignée et non pas M. [U] ou Mme [N] à titre personnel.

Le 18 mars 2024, les parties ont été invitées, pour le 3 avril 2024 au plus tard, à produire l’assignation du 29 juin 2020 et à faire valoir toutes observations sur les conséquences à tirer de l’utilisation de ces formulations dans la désignation des parties.

Les parties ont produit la pièce demandée et fait valoir leurs observations.

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

M. [U] demande à la cour de :

À titre principal :

– Infirmer à tout le moins réformer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande tenant à la prescription de l’ensemble des demandes, fins et conclusions présentées par la société Cygeli,

Et jugeant à nouveau :

– Déclarer prescrit l’ensemble des demandes, fin et conclusions présentées à l’encontre de M. [U] en sa qualité de gérant,

Subsidiairement :

– Réformer le jugement en ce qu’il a condamné M. [U] au paiement de dommages et intérêts à la société Cygeli,

Et jugeant à nouveau :

– Débouter la société Cygeli, Mme [N] et M. [N] de l’ensemble des demandes, fin et conclusions présentées contre M. [U],

En tout état de cause :

– Rejeter l’appel incident des intimés et débouter la société Cygeli, Mme [N] et M. [N] de l’ensemble des demandes, fin et conclusions présentées contre M. [U],

– Réformer le jugement en ce qu’il a condamné M. [U] au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 et aux entiers dépens de l’instance,

Et jugeant à nouveau :

– Débouter la société Cygeli, Mme [N] et M. [N] de l’ensemble de leurs demandes, fin et conclusions à ce titre et les condamner in solidum au paiement d’une somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles au bénéfice de M. [U], outre les entiers dépens de première instance comme d’appel.

M. et Mme [N] et la société Cygéli demandent à la cour de :

– Confirmer le jugement qui a jugé recevable l’action dont il était saisi et a jugé que M. [U] a engagé sa responsabilité,

– Rejeter ainsi, l’exception d’irrecevabilité présentée par M. [U] et déclarer l’action de M. et Mme [N], et de la société Cygeli, représentée par sa liquidatrice amiable, Mme [N],

– Réformer le jugement sur le préjudice subi par la société Cygeli,

– Condamner M. [U], en qualité d’ancien gérant de la société Cygeli, à payer à la société Cygeli, à titre de dommages et intérêts, la somme de 146.930 euros, majorée des intérêts au taux légal à dater de l’assignation,

– Dire que ces intérêts seront capitalisés, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

– Confirmer le jugement qui a condamné M. [U] aux dépens de l’instance, ainsi qu’au paiement de la somme de 7.000 euros au titre l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau :

– Condamner M. [U] aux dépens de l’appel, et à 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Les appels principal et incident interjetés ne visent pas tous les chefs du dispositif du jugement.

En outre, M. [U] n’a pas repris dans le dispositif de ses conclusions devant la cour d’appel de demande afférente à la mise en cause de la responsabilité personnelle de Mme [N].

La cour ne statuera que dans les limites de sa saisine.

Sur la mise en cause de M. [U] à titre personnel :

Il résulte de l’assignation délivrée le 29 juin 2020 que M. [U] a été assigné comme étant pris en sa qualité d’ancien gérant de la société Cygéli mais également à titre personnel. Les demandes formées contre lui à titre personnel sont donc recevables.

Sur la prescription :

M. [U] fait valoir que les demandes formées contre lui seraient prescrites.

Les actions en responsabilité dirigées contre les gérants de Sarl se prescrivent par trois ans :

Article L223-23 du code de commerce :

Les actions en responsabilité prévues aux articles L. 223-19 et L. 223-22 se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou, s’il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l’action se prescrit par dix ans

La dissimulation implique un comportement intentionnel.

En l’espèce, un premier lot de tableau a été acquis en 2012. M. et Mme [N] en avaient connaissance dès cette époque ainsi que du prix de ces acquisitions. Il apparaît ainsi que ni l’acquisition ni les conditions de cette acquisition n’ont été dissimulées.

Un second lot de tableaux a été acquis.

M. et Mme [N] font valoir qu’ils auraient été tenus dans l’ignorance de cette acquisition qui n’aurait pas figuré dans les comptes de la société.

Lors de son audition devant les services de police, Mme [N] a déclaré que M. [U] leur avait indiqué qu’investir dans des oeuvres d’art était intéressant car il n’y avait pas de taxe sur les plus-values. Avec M. [N], elle lui a donné son accord. M. [U] leur a alors parlé d’un artiste, [G] [I] et leur a dit dans un premier temps avoir acheté trois tableaux, un grand avec une tête d’enfant et deux vanités. Puis, au cours de l’année 2012, il a acheté huit autres tableaux de ce peintre et leur a expliqué qu’il avait deux tableaux chez lui et que les autres étaient stockés chez un intermédiaire et qu’il fallait quelques années pour les revendre. Mme [N] a ajouté qu’après ces achats, M. [U] a continué d’investir le reste de l’argent et qu’en 2014 elle a décidé d’aller vivre en Espagne.

Par lettre du 28 juillet 2016, M. [U] a fait état des huit tableaux de l’artiste [G] [I] pour un prix de vente minimum de 120.000 euros, d’un tableau acheté 80.000 euros et de deux tableaux pour 12.000 euros l’unité. Il apparaît ainsi qu’il n’a dissimulé ni l’existence des tableaux ni leur prix estimé.

Il résulte du rapport de gestion de la gérance à l’assemblée générale ordinaire du 28 juin 2015 que ces acquisitions figuraient pour les trois tableaux du premier lot pour une évaluation totale de 84.000 euros et pour l’acquisition du second lot au titre d’un compte à terme pour 100.000 euros en garantie d’une opération d”uvre d’art, vente prévue du 31 décembre 2015. Il résulte de ce rapport que la possibilité d’acquérir ces tableaux était présentée comme liée à un dépôt financier. L’existence de ce prêt n’était donc pas non plus dissimulée mais était apparente à la lecture de ce rapport de gestion.

Par lettre du 13 septembre 2016, le conseil de M. et Mme [N] a demandé un justificatif du dépôt des ‘uvres appartenant à la société et des mandats donnés aux fins de vente ainsi que de justifier de la valeur des ‘uvres.

Le 22 novembre 2016, M. et Mme [N] ont assigné la société Gygéli et M. [U] en désignation d’un mandataire avec pour mission de réunir une assemblée générale pour statuer sur l’ordre du jour abordant notamment la présentation d’un rapport de gestion, l’examen des comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2015 et la présentation des justificatifs sur les conditions de détention et de conservation des actifs de la société. Dans cette assignation, M. et Mme [N] indiquaient notamment que la présentation de photocopies des tableaux ne constituait pas une preuve de leur existence et encore moins de leur valeur.

Il apparaît ainsi que l’acquisition du second lot d”uvres d’art et le recours a un prêt n’ont pas été dissimulés et que Mme [N], ainsi que M. [N], en avait connaissance avant leur départ en Espagne en 2014.

A défaut de dissimulation établie et en tout état de cause d’une absence de révélation après le 29 juin 2017 alors que l’assignation a été délivrée le 29 juin 2020, les demandes formées au titre des fautes alléguées relatives à l’investissement dans les tableaux litigieux au prêt sont prescrites.

Le procès-verbal des délibérations de l’assemblée générale du 28 juin 2013, signé notamment de M. et Mme [N], mentionne l’autorisation donnée au gérant à prendre une participation dans la société PR21 Conseil pour 47% du capital, et l’achat du portefeuille client assurance et placement détenu par la société PCL Investissement.

Ces ventes ont été réalisées par acte du 15 septembre 2013.

Le rapport de gestion de la gérance à l’assemblée générale ordinaire du 28 juin 2015 mentionne les titres de participation dans la société PR21 Conseil et le fonds commercial portefeuille clients en question ainsi que leurs évaluations.

L’assignation en référé du 22 novembre 2016 faisait valoir qu’il n’était pas justifié des actifs de la société relatifs à la contre valeur des titre de participation qu’elle aurait achetés.

Il apparaît ainsi que ces acquisitions n’ont pas été dissimulées et que M. et Mme [N] en étaient informés et en outre qu’ils en contestaient la réalité et l’opportunité avant le 29 juin 2017. Leur mise en cause de la responsabilité de M. [U] à ce titre est prescrite.

Le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point.

Sur la créance de la société Cygeli contre M. [U] :

La dette personnelle de M. [U] à l’encontre de la société Cygeli telle que retenue par le tribunal pour 23.106,23 euros résulte des comptes clos au 31 décembre 2015

Il s’agit d’une dette de M. [U] et non pas de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice. Elle n’est pas soumise à la prescription examinée supra. M. [U] ne justifie pas devant la cour avoir payé cette dette. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de condamner M. et Mme [N] aux dépens d’appel et de rejeter les demandes formées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour et les demandes formées en première instance par M. [N], pris en sa qualité d’associé de la société Cygeli, Mme [N], prise en sa qualité de liquidatrice amiable de la société Cygeli, et à titre personnel en sa qualité d’associée de la société Cygeli ainsi que la société Cygeli prise en la personne de sa liquidatrice amiable, Mme [N].

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant dans les limites de sa saisine :

– Infirme le jugement en ce qu’il a :

– Déclaré recevable l’action en responsabilité à l’encontre de M. [U] pris en sa qualité d’ancien gérant de la société Cygeli exercée par M. [Z] [N], pris en sa qualité d’associé de la société Cygeli, Mme [T] [N], prise en sa qualité de liquidatrice amiable de la société Cygeli, et à titre personnel en sa qualité d’associée de la société Cygeli ainsi que par la société Cygeli prise en la personne de sa liquidatrice amiable, Mme [T] [N],

– Dit que M. [U], pris en sa qualité de gérant de la société Cygeli, a commis une faute en consentant un prêt à la société Pol Art le 14 janvier 2015,

– Condamné en conséquence M. [U], pris en sa qualité de gérant de la société Cygeli, à payer à la société Cygeli la somme de 62.500 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 29 juin 2020,

– Dit que M. [U], pris en sa qualité de gérant de la société Cygeli, a commis une faute en faisant l’acquisition d’un portefeuille clients dans le domaine de l’assurance le 15 septembre 2013,

– Condamné en conséquence M. [U] payer à la société Cygeli la somme de 11.130,67 au titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal a compter de l’assignation du 29 juin 2020,

– Dit que M. [U], pris en sa qualité de gérant de la société Cygeli, a commis une faute en faisant, le 15 septembre 2013, l’acquisition des parts de la société PR21 Conseil au prix de 23.500 euros,

– Condamné en conséquence M. [U] à payer à la société Cygeli la somme de 23.500 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 29 juin 2020,

– Condamné M. [U] à payer à M. [N], pris en sa qualité d’associé de la société Cygeli, Mme [N], prise en sa qualité de liquidatrice amiable de la société Cygeli, et à titre personnel en sa qualité d’associée de la société Cygeli ainsi que la société Cygeli prise en la personne de sa liquidatrice amiable, Mme [N], la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tout cas mal fondées, les en a déboutées,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

– Déclare irrecevables les demandes de paiement de dommages-intérêts formées par M. [N], Mme [D] épouse [N] et la société Cygéli Investissement contre M. [U],

– Rejette les autres demandes des parties,

– Condamne M. [N], Mme [D] épouse [N] et la société Cygéli Investissement aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier, Le Président,


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