Accident de tournage : la responsabilité du producteur

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Accident de tournage : la responsabilité du producteur
Ce point juridique est utile ?

Producteur : attention à bien évaluer le risque auquel vous exposez les acteurs, il est conseillé de suivre les consignes de sécurité délivrées par les loueurs / professionnels du matériel mis à disposition.

Accident dans le cadre d’un tournage en mer

Si les  conditions météorologiques pour un tournage en mer sont bonnes et que le vent est assez faible et la mer plutôt calme, il ne peut être reproché au producteur d’avoir prévu ledit tournage. Toutefois, quel que soit le professionnalisme du conducteur d’un Zodiac, un tel bateau, de surcroît pendant le tournage d’une scène de poursuite d’un autre bateau, ne peut qu’aller vite et exposer ses passagers (acteurs), peu expérimentés, à des coups de raquette et donc à des risques de chute.

Consigne non conforme à la sécurité

En demandant à l’actrice de se lever pour qu’on puisse la voir et de ne pas rester accroupie conformément aux consignes de sécurité, la société de tournage ne pouvait ignorait, alors que la comédienne ne pouvait à la fois se tenir et porter une arme, qu’elle exposait celle-ci, manifestement en situation de faiblesse, à un risque de chute même par temps calme.

Risque prévisible

La comédienne, victime de la chute, rapportait bien la preuve que le risque de chute dans le bateau était un risque prévisible et que la société de production aurait dû avoir conscience du danger auquel elle l’exposait lors de ce tournage. Le risque de chute inhérent à ce type d’embarcation ne pouvait être ignoré par l’employeur, dès lors que « le coup de raquette est un phénomène particulièrement connu et tout à fait habituel dans le domaine maritime »,

Adapter les mesures de sécurité

A noter que la société de production avait prévu des gilets de sauvetage, une équipe de plongeurs et un bateau de sécurité pour assurer la sécurité des techniciens et comédiens sur le tournage en mer, des cascadeurs chargés de doubler les acteurs pour les scènes potentiellement dangereuses et la location du zodiac piloté par un professionnel habitué aux tournages en mer. Ces mesures n’ont pas été considérées comme adaptées au risque de chute à bord du bateau et se sont avérées inutiles. Le pilote du Zodiac donnait les consignes de sécurité nécessaires quant à la façon de se tenir et de se déplacer sur le bateau, en restant accroupis et en tenant la main courante.

Doublage par un cascadeur

La dangerosité de la scène de tournage avait été sous-évaluée et l’actrice aurait dû être effectivement doublée par un cascadeur ou mieux attachée dans le bateau au moment de l’accident. Le simple fait d’avoir prévu un cascadeur est indifférent dès lors qu’il n’a pas été demandé à cette personne d’intervenir.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 13 Septembre 2019

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 18/02177 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5BDP

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Décembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 16/03373

APPELANTE

Madame Z Y-O épouse X

née le […] à […]

Chez Me Laurent AZOULAI

[…]

[…]

comparante en personne, assistée de Me Laurent AZOULAI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1642 substitué par Me Pauline VIGNERON, avocat au barreau de PARIS,

toque : B 0989

INTIMÉES

SASU X TÉLÉVISION

[…]

[…]

représentée par Me Arnaud GUYONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044 substitué par Me Isabelle GIMONET, avocat au barreau de PARIS, toque : C2338

ASSURANCE MALADIE DE PARIS

Direction du contentieux et de la lutte contre la fraude

Pole contentieux général

[…]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

Société CIRCLES GROUP prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

[…]

LUXEMBOURG

représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : D0049 substitué par Me Corinne VALLERY MASSON, avocat au barreau de PARIS, toque : B0460

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[…]

[…]

avisé – non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Avril 2019, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre, et

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère

Lionel LAFON, Conseiller

Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats

ARRÊT :

— contradictoire

— délibéré du 5 juillet 2019 prorogé au 13 septembre 2019, prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Mme Typhaine RIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel régulièrement interjeté par Mme Z Y d’un jugement rendu le 19 décembre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS dans un litige l’opposant à la société X, la société CIRCLES GROUP, son assureur, en présence de la caisse primaire d’assurance maladie de Paris.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.

Il suffira de rappeler que Mme Y, comédienne, a été victime le 2 juillet 2014 à 15h15 d’une chute sur un bateau de marque Zodiac, lors d’un tournage d’une série télévisée, qu’elle a subi une fracture tri-malléollaire de la cheville gauche déclarée le même jour par déclaration d’accident du travail, prise en charge au titre de la législation professionnelle le 11 décembre 2015 après envoi en novembre 2015 du certificat médical. La date de consolidation a été fixée le 1er août 2014, sans séquelles, et n’a pas été contestée.

Mme Y a demandé à la caisse primaire d’assurance maladie la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société X le 24 février 2016.

En l’absence de conciliation, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS le 28 juin 2016 de la même demande.

Par jugement du 19 décembre 2017, ce tribunal n’a pas reconnu la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de l’accident du travail, débouté Mme Y de ses demandes, déclaré le jugement commun à la caisse primaire d’assurance maladie de PARIS, et à la société CIRCL GROUP, assureur, et débouté les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, retenant que Mme Y ne rapportait pas la preuve de la faute inexcusable de son employeur.

C’est le jugement attaqué par Mme Y qui fait soutenir et déposer par son conseil des conclusions écrites invitant la cour à la dire et juger recevable et bien fondée en ses demandes, à infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, à dire et juger que la société X a commis une faute inexcusable qui a directement causé l’accident du 2 juillet 2014 dont elle a été victime, condamner la société X à lui verser les sommes suivantes :

—  80.000€ au titre du préjudice subi du fait des souffrances physiques et morales consécutives à l’accident ;

—  30.000€ au titre du préjudice subi du fait du déficit fonctionnel temporaire ;

—  50.000€ au titre du préjudice esthétique ;

—  20.000€ au titre du préjudice d’agrément ;

—  500.000€ au titre du préjudice résultant de la perte de gain professionnel et de l’incidence professionnelle de l’accident,

A titre subsidiaire, désigner un expert médical ayant pour mission de chiffrer le préjudice subi consécutif à l’accident de travail du 2 juillet 2014, au vu des dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

Et en tout état de cause, condamner solidairement la société X et la société CIRCLES GROUP, son assureur, à lui payer la somme de 15.000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

A l’appui de son appel, Mme Y fait valoir que le 28 mars 2014, elle a conclu un contrat de travail à durée déterminée avec la société X, pour le tournage de huit épisodes de la série télévisée « No Limit » ; que le 2 juillet 2014, la société X a organisé un tournage en mer, à bord d’un bateau à moteur semi-rigide de type Zodiac ; que pour les besoins de la scène, elle devait se tenir debout à l’avant du bateau, en portant une mitraillette, arme particulièrement lourde et volumineuse ; que les conditions météorologiques n’étaient pas optimales (vent de vitesse comprise entre 10 et 25 km/h), la société X a souhaité maintenir le tournage en pleine mer, sur un bateau lancé à grande vitesse ; qu’au cours du tournage de cette scène, elle a été projetée en hauteur et est violemment retombée sur le sol sur son pied et sa jambe gauche ; que cette chute lui a causé une fracture tri-malléolaire de la cheville gauche ainsi qu’une blessure à la nuque résultant de l’impact ; que les circonstances de l’accident révèlent que la société X, qui ne pouvait pourtant ignorer les risques que représentait le tournage d’une scène sur une embarcation de petite taille, peu stable naviguant à grande vitesse en pleine mer, aurait dû installer des équipements de sécurité spécifiques permettant de prévenir la survenance d’un tel accident, et ce d’autant plus, lorsque certains acteurs devaient se tenir en position debout, avec une arme dans la main ; qu’elle a finalement subi trois opérations chirurgicales en moins d’un an et a enduré des souffrances physiques quotidiennes pendant toute cette période qu’elle a tenté de pallier par de nombreux soins et traitements coûteux : kinésithérapie, physiothérapie, massages, drainages, électrothérapie et proprioception ; que ces immobilisations à répétition ont évidemment eu des répercutions négatives sur sa carrière professionnelle ; que la société X ne pouvait ignorer le risque inhérent au tournage d’une scène en pleine mer sur une embarcation légère et qu’elle n’a pas mis en place les mesures de sécurité suffisantes; qu’elle-même verse aux débats deux attestations émanant d’acteurs présents sur le bateau au moment de l’accident, qui témoignent que :

— elle était debout à l’avant du bateau, et non à l’arrière comme l’affirme en toute mauvaise foi la société X dans ses conclusions de première instance ;

— le bateau allait « trop » vite contrairement à ce que tente de démontrer M. G C dans son attestation versée aux débats par la société X en première instance ;

— qu’elle tenait une arme et il était particulièrement difficile pour elle de se tenir à la main courante ;

Que M. H F précise que le « cameraman a demandé à Z de se lever pour qu’on la voit à l’image » ;

Que la société X ne peut décemment affirmer que dans une telle situation, la salariée ne courrait pas de risque, d’autant plus qu’elle savait pertinemment qu’elle n’avait pas l’habitude de tourner ce genre de scène d’action sur un bateau ; que le danger du tournage d’une telle scène est caractérisé, peu important les conditions climatiques, la force du vent ou encore la hauteur des vagues ; que le risque de chute inhérent à ce type d’embarcation ne pouvait être ignoré par l’employeur, dès lors que « le coup de raquette est un phénomène particulièrement connu et tout à fait habituel dans le domaine maritime », même sur une mer calme, dès qu’une embarcation légère prend de la vitesse ; que c’est à tort que le tribunal des affaires de sécurité sociale prétend que « la présence de gilets de sauvetage et de plongeurs autour de l’embarcation était de nature à prévenir le risque essentiel d’un tournage sur un bateau en pleine mer à savoir la chute dans la mer, étant relevé qu’une chute à l’intérieur de l’embarcation demeurait un risque difficilement prévisible » ; que la présence de plongeurs et d’un bateau de sécurité n’étaient pas de nature à prévenir les risques sur le bateau où elle se tenait, mais uniquement à assurer la sécurité dans l’eau ; que compte tenu du risque inhérent de « coup de raquette » et le danger qu’un tel phénomène représentait pour les salariés présents à bord, l’employeur pour se conformer à son obligation de sécurité, aurait nécessairement dû prendre en compte aussi bien le risque de chute dans la mer, que le risque de chute à l’intérieur du bateau et en conséquence, mettre en place les mesures suivantes : donner comme directive stricte à l’ensemble de ses salariés présents à bord de rester assis, notamment lorsque le bateau est en mouvement. Comme le souligne Monsieur H F dans son attestation, cette simple directive n’a jamais été donnée et bien au contraire, le cameraman a expressément demandé à Z Y de se lever « pour qu’on puisse mieux la voir à l’image » ; s’assurer en amont que les salariés présents à bord pouvaient se tenir à un élément stable du bateau, à tout moment et notamment lorsqu’il était en mouvement. Or, une fois encore, Mme Z Y, tenant dans ses bras une arme volumineuse, n’a pas été en mesure de se rattraper au bateau ; mettre à disposition de ses salariés, et notamment ceux amenés à se tenir en position debout, un équipement de protection adapté, afin de réduire le risque de chute et les conséquences physiques en résultant, tels que des genouillères, des chevillières ou encore des chaussures de sécurité permettant de s’accrocher au sol du bateau lorsqu’il est en mouvement ; dispenser à chacun des salariés amenés à tourner en mer, une formation préalable solide par des professionnels qualifiés, afin de leur permettre de prendre conscience du risque important de chute lié au caractère aléatoire de la mer et au phénomène de « coup de raquette » ; proposer aux salariés les plus exposés et notamment à elle de se faire doubler par un cascadeur, mieux à même d’anticiper la chute et d’en parer les dégâts ;

Que la société X a été incapable de prendre la mesure du risque auquel elle exposait ses salariés, refusant à dessein de les protéger en les faisant doubler par des cascadeurs avertis et qu’un brief rapide fait par le pilote du bateau, tiers à la société X, ne permet en aucun cas d’éviter ou de prévenir les risques inhérents à ce type d’embarcation, d’autant plus à une vitesse élevée ; que la faute inexcusable de la société X lui a causé différents préjudices qu’il convient de réparer.

La société X fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions écrites invitant la cour à confirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS en date du 19 décembre 2017 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté la société X de sa demande de paiement au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; à constater, par conséquent, que la société X n’a commis aucune faute inexcusable dans la survenance de l’accident dont a été victime Madame Z Y ; à débouter l’appelante de toutes ses demandes, fins et prétentions. A titre subsidiaire, à juger que les demandes de Mme Z Y au titre de ses préjudices sont manifestement excessives, que Mme Y ne démontre pas l’existence d’une perte de gain professionnel ni « l’incidence professionnelle de l’accident » et à la débouter de l’intégralité de sa demande y afférente, à juger qu’elle ne démontre pas l’existence d’un préjudice d’agrément et la débouter de l’intégralité de sa demande y afférente, à juger qu’elle ne démontre pas l’existence d’un préjudice lié au déficit fonctionnel temporaire et la débouter de l’intégralité de sa demande y afférente, à fixer le préjudice subi du fait des souffrances physiques et morales à la somme de 5.000€, le préjudice esthétique temporaire du 4 juillet 2014 au 15 août 2015 à la somme de 2.000€, le préjudice esthétique permanent à la somme de 1.500€. A titre infiniment subsidiaire, à désigner un expert, chirurgie orthopédiste, lui donnant mission, au vu des dispositions de l’article L. 452-3 du code de sécurité sociale, de convoquer les parties, se faire communiquer l’intégralité du dossier médical de Madame Z Y depuis le 2 juillet 2014, examiner Madame Z Y, détailler les blessures provoquées par l’accident du 2 juillet 2014,décrire précisément les séquelles consécutives à l’accident du 2 juillet 2014 et indiquer les actes et gestes devenus limités ou impossibles, fixer la date de consolidation, indiquer la durée de l’incapacité totale de travail, indiquer la durée de l’incapacité partielle de travail et évaluer le taux de cette incapacité, évaluer les souffrances physique et morale consécutives à l’accident, en quantifier l’importance sur une échelle de 1 à 7, évaluer le préjudice esthétique consécutif à l’accident en quantifier l’importance sur une échelle de 1 à 7, évaluer le préjudice d’agrément consécutif à l’accident, fournir tous éléments permettant d’apprécier l’existence d’une perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle, adresser aux parties une note de synthèse et recueillir leurs observations dans un délai de 2 mois, déposer son rapport définitif au greffe de la Cour d’Appel de PARIS dans les six mois de sa saisine et en transmettre une copie à chacune des parties.

En tout état de cause, à condamner Mme Y à lui payer la somme de 20.000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L’employeur de Mme Y fait valoir que la comédienne était munie d’un gilet de sauvetage et était située à l’avant du zodiac avec un autre acteur, M. H F, que les comédiens à bord de l’embarcation n’étaient pas debout mais accroupis et se tenaient à une main-courante, conformément aux consignes de sécurité qui leur avaient été données, que Mme Y est l’unique personne à avoir chuté dans ce zodiac sur lequel plusieurs comédiens et une équipe de tournage étaient présents ; que ce n’est qu’en novembre 2015, soit un an et demi après l’accident, que Mme Y a transmis à la caisse un certificat médical aux fins de faire constater la nature professionnelle de l’accident, comme elle était tenue de le faire, qu’elle soutient que son retard serait lié aux grandes difficultés qu’elle rencontrait pour obtenir la documentation administrative de la part d’X alors qu’elle seule pouvait transmettre le certificat médical sollicité ; qu”il s’agissait du second accident professionnel de Mme Y sur ce tournage puisque celle-ci s’était blessée le 5 juin 2014 (« lésion visage, lèvre », « ecchymose, dents cassées ») également en chutant de la voiture qui la déposait sur le tournage ; que si l’attestation de M. A n’est aujourd’hui plus visée dans le corps des conclusions de Mme Y, elle est toujours versée aux débats et qu’il est donc nécessaire de démontrer qu’elle n’a absolument aucune force probante et doit de nouveau être écartée, qu’elle est rédigée en langue anglaise, alors que la langue maternelle de

A est le français, que l’attestant n’était pas présent sur le lieu du tournage et encore moins au moment de l’accident ; que si Mme Y persiste à soutenir qu’elle se trouvait à l’avant du bateau, debout, avec une mitraillette dans ses deux mains, les deux nouvelles attestations qu’elle produit quatre ans après les faits ne le démontrent pas ; qu’il suffit pour s’en convaincre de visionner la vidéo de l’épisode 5 de la saison 3 de la série « No Limit » ; que Mme Y se trouvait essentiellement à l’arrière du bateau, debout, accrochée à une transversale du zodiac, que lorsqu’elle est passée à l’avant du bateau, elle n’avait pas de mitraillette dans les mains et qu’une fois à l’avant, elle est restée accroupie; que les deux attestations de M. I E et de M. H F, qui était à l’époque en litige contre X devant le tribunal de grande instance de PARIS, ne remplissent pas les exigences de l’article 202 du code de procédure civile et que ces deux attestations, de 5 lignes chacune, sont toutes deux établies selon le même modèle et doivent donc être prises avec la plus grande circonspection, qu’elles ne démontrent absolument rien, ne confirmant à aucun moment que Mme Z Y se tenait debout, à l’avant du bateau, mitraillette en main ; qu’elles indiquent qu’ « il était impossible pour Z de se lever et de porter en même temps un fusil dans les mains », ce qui laisse donc entendre que Mme Y était accroupie et qu’elle ne pouvait pas être debout, une arme dans les mains ; qu’elles n’établissent pas les circonstances de l’accident; que le « rapport » versé au débat par Mme Y fait état d’un vent SE de 10-15 Kts (10 à 15 Km/h) et les personnes présentes le jour du tournage affirment que la vitesse réelle du vent n’excédait pas 20 km/h ; que la société n’a donc pas exposé Mme Y, ni les acteurs présents ce jour-là, à des conditions météorologiques et de navigation dangereuses; que M. B, gérant de la société PROVENCE COTE D’AZUR qui a mis à disposition le zodiac pour le tournage, atteste que les conditions de navigation étaient bonnes, que des essais en mer avaient été réalisés avant le tournage et qu’aucune difficulté n’avait été relevée ; que la société PROVENCE COTE D’ AZUR, qui a mis le zodiac à disposition, est une société spécialisée dans l’affrètement de bateaux uniquement pour des activités professionnelles ; qu’il résulte aussi de l’attestation de M. C, pilote du Zodiac, que les conditions météorologiques et de navigation étaient bonnes, que des mesures de sécurité ont été prises, que le zodiac utilisé était « un bateau très sûr et très stable, régulièrement utilisé pour le transport de passagers », et que contrairement à ce que prétend la demanderesse aucun danger n’était présent ou n’aurait dû être anticipé par l’employeur. Rien ne justifiait que le 2 juillet 2014 le tournage soit reporté, que

Mme Y est la seule à avoir chuté dans ce zodiac sur lequel plusieurs comédiens et une équipe

de tournage étaient présents ; que si le vent et les vagues avaient été importants et la vitesse du zodiac excessive, Mme Y n’aurait pas été la seule à tomber à bord du zodiac ; que des consignes de sécurité avaient été précisément données à

Mme Y ; enfin que la société X s’était assurée de la présence :

‘ d’une équipe de plongeurs et d’un bateau de sécurité pour assurer la sécurité des techniciens et comédiens sur le tournage en mer ;

‘ de cascadeurs chargés de doubler les acteurs pour les scènes potentiellement dangereuses étaient aussi présents sur les lieux du tournage ; en particulier, les séquences prévues le jour de l’accident ont été tournées sous la responsabilité de J K représentant de la société de cascadeurs FIGLARZ ACTION. Les scènes en mer ne présentaient pas de danger particulier puisqu’il s’agissait d’une arrivée en zodiac avant d’aborder le navire OCEA.

‘ de la location du bateau et du pilote professionnel habituée aux tournages en mer auprès de la société PROVENCE COTE D’AZUR, professionnel avisé ;

Que M. G C accordait une attention particulière à ce que chaque acteur se tienne accroché à la main courante en position accroupie, notamment en ce qui concerne les personnes situées à l’avant du bateau telle que l’était Mme Y au moment de l’accident, qu’avant de démarrer, et tout au long de la navigation, G C a donc bien pris le soin de vérifier si les acteurs se tenaient bien à la main courante ;

Que la société X n’a clairement pas placé Mme Y dans une position « dangereuse » à bord du zodiac durant la scène, contrairement aux affirmations de la demanderesse, que les causes de la chute de Madame Y étant indéterminées, il est raisonnable de penser que celle-ci a chuté car elle n’a pas respecté les règles de prudence qui avaient été données avant les scènes de tournage et notamment de se tenir à la main courante en restant accroupie, que le contrat de travail de Mme Y selon lequel elle devait « se conformer aux instructions du Producteur et à celles de ses préposés en ce qui concerne le lieu, l’horaire, et les conditions de travail ».

Que M. D, gérant de la société AREZZO FILMS et producteur exécutif de la série No limit, a adressé spontanément à la société X le 9 juin 2015 un email faisant état d’éléments démontrant la discipline « légère » de Mme Y pendant la période de tournage : ‘Il serait peut-être utile de garder en mémoire la fragilité physique et psychologique de Z Y. A la suite de son accident. des langues se sont déliées et on a appris qu’un des médicaments qu’elle prenait aurait un effet direct sur la résistance osseuse.

Elle est arrivée plusieurs fois en retard le matin au HMC [Habillage-Maquillage- Coiffure] se répandant sur ses nuits blanches à priori animées… Elle est même arrivée un matin avec une brûlure de cigarette que le maquillage a dû masquer pour le tournage. Un autre jour, en arrivant sur le plateau, elle est aussi tombée en sortant de la voiture elle s’est cassée une dent (voir Pièce 5-1)… Il y a sur la FdeS [Feuille de service] et le rapport de production une coach pour Z Y car elle était incapable d’apprendre ses textes donc nous avons dû engager une coach…’

Enfin, que si, par extraordinaire, la faute inexcusable de la société X était reconnue, la cour ne pourra que réduire à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de Mme Y.

La société CIRCLES GROUP, assureur de la société X, fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions écrites invitant la cour à confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à dire et juger que

Mme Z Y ne rapporte pas la preuve d’une faute inexcusable commise par la société X dans la survenance de l’accident dont elle a été victime le 2 juillet 2014, à la débouter de son appel et de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions;

A titre subsidiaire, à constater que Mme Z Y ne rapporte pas la preuve des préjudices dont elle se réclame et à réduire à de plus justes proportions ses demandes en retenant les propositions de la société X ;

A titre très subsidiaire, à désigner un expert, chirurgien orthopédiste, lui donnant mission, au vu des dispositions de l’article L. 452-3 du code de sécurité sociale, de :

‘ convoquer les parties,

‘ se faire communiquer l’intégralité du dossier médical de Mme Z Y,

‘ examiner Mme Z Y,

‘ détailler les blessures provoquées par l’accident du 2 juillet 2014,

‘ décrire précisément les séquelles consécutives à l’accident du 2 juillet 2014 et indiquer les actes et gestes devenus limités ou impossibles,

‘ indiquer la durée de l’incapacité totale de travail,

‘ indiquer la durée de l’incapacité partielle de travail et évaluer le taux de cette incapacité,

‘ évaluer les souffrances physique et morale consécutives à l’accident, en quantifier l’importance sur une échelle de 1 à 7,

‘ évaluer le préjudice esthétique consécutif à l’accident en quantifier l’importance sur une échelle de 1 à 7,

‘ évaluer le préjudice d’agrément consécutif à l’accident,

‘ fournir tous éléments permettant d’apprécier l’existence d’une perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle,

‘ adresser aux parties une note de synthèse et recueillir leurs observations dans un délai de 2 mois,

‘ déposer son rapport définitif dans les six mois de sa saisine et en transmettre une copie à chacune des parties.

En tout état de cause, à dire et juger que la société CIRCLES GROUP SA ne saurait être condamnée à relever et garantir la société X au-delà de la somme de 300.000€, la somme de 500,00€ restant à la charge de la société EUROPARCORP au titre de la franchise ; à condamner Mme Z Y à verser à la société CIRCLES GROUP SA la somme de 10.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.

L’intimé reprend en substance les moyens de la société X.

La caisse primaire d’assurance maladie de PARIS fait soutenir oralement par la voix de son conseil des conclusions par lesquelles elle s’en rapporte sur le bien-fondé de la faute inexcusable, rappelle que la date de consolidation n’est plus contestée, elle demande que la mission de l’expert soit limitée aux seuls postes de préjudices indemnisables, que les montants sollicités soient ramenés à de plus justes proportions, et rappelle que la caisse fera l’avance des sommes éventuellement allouées, dont elle récupérera le montant sur l’employeur, en ce compris les frais de l’expertise nécessaire à l’évaluation des préjudices.

Il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.

SUR CE,

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail et les maladies professionnelles, et le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il suffit que le manquement de l’employeur en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de celui-ci soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage. Ainsi, seule la faute intentionnelle ou la cause étrangère peuvent faire obstacle à la faute inexcusable de l’employeur.

Il incombe cependant au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve de ce que celui-ci avait ou devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, et de ce qu’il n’avait pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il résulte par ailleurs des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail dans leur version applicable aux faits que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur doit mettre en oeuvre les mesures de prévention de nature à éviter les risques. Ainsi il a une obligation d’évaluation des risques causés par l’activité de ses salariés dans le but de les limiter.

En l’espèce, il incombe donc à Mme Z Y de rapporter la preuve de la faute inexcusable de son employeur. Son imprudence éventuelle, alléguée par les parties intimées, n’est pas un obstacle à cette reconnaissance.

Mme Y soutient que la société X ne pouvait pas ne pas avoir conscience du danger auquel il l’exposait le jour de l’accident en raison des conditions météorologiques qui rendaient la navigation dangereuse alors qu’elle tournait une scène à bord d’un Zodiac ; qu’ainsi, il lui était demandé de se tenir à l’avant du bateau tenant une lourde mitraillette de sorte qu’elle ne pouvait se tenir et qu’une haute vague dans une mer agitée l’avait fait chuter occasionnant sa blessure.

Elle produit pour corroborer ses dires une attestation de M. A, qui doit cependant, ainsi que l’a fait le tribunal, être écartée. M. A, qui n’était pas présent sur les lieux et lors des faits, n’est pas en effet un témoin direct. Son rapport n’est de plus pas daté et est rédigé en langue anglaise sans traduction.

Mme Y produit d’autre part pour la première fois, devant la cour, deux attestations de M. I E et de M. H F, qui se trouvaient avec elle sur le bateau.

E écrit le 30 mai 2018 : ‘J’étais aux côtés de Z Y le jour de l’accident sur le tournage No Limit. Le pilote allait beaucoup trop vite, il était impossible pour moi de me tenir à l’avant du bateau. Il y avait beaucoup trop de houle. J’ai vu Z presque voler à l’avant du bateau, d’où l’accident.’

F atteste le 6 avril 2018, sous forme dactylographiée, que ‘J’étais présent sur le bateau durant le tournage NO LIMIT X de la scène en bateau où Z Y a été accidentée.

Le conducteur allait beaucoup trop vite et il était impossible pour Z de se tenir et de porter en même temps un fusil dans les mains. Je me rappelle même que le cameraman a demandé à Z de se lever pour qu’on la voit à l’image.’

La cour ne peut que relever le caractère tardif de ces documents et s’étonner que l’attestation de M. F soit dactylographiée et que les signatures entre la carte nationale d’identité de celui-ci et celle figurant sur l’attestation soient si différentes.

Cependant, ces témoignages, qu’il convient de retenir, s’accordent sur la vitesse jugée excessive du bateau et sur le fait que Z Y a du se lever à la demande du cameraman et qu’elle a été projetée à l’avant du bateau.

La société X produit de son côté deux attestations :

B atteste que : ‘La société X m’avait indiqué vouloir tourner des scènes en mer durant deux jours fin juin début juillet 2014. J’ai donc précisé à la société que la période visée le 1 et 2 juillet 20/4 étaient les jours où les conditions météorologiques et de navigation étaient optimales la mer étant de force 2 et le clapot n’étant pas cassant.

Le 2 juillet 2014, jour de l’accident de Madame Y les conditions météorologiques ne mettaient pas en danger les acteurs et les équipes de tournage présentes à bord du semi-rigide et du navire OCEA (bateau mère). L’équipe de tournage a pratiqué des essais avant le tournage sur le semi-rigide. Ces essais n’avaient relevé aucune difficulté particulière. »

D’autre part, M. C, pilote du Zodiac, déclare :

« J’ai été appelé par la société X Télévisons pour piloter un bateau à moteur pneumatique semi rigide de type de zodiac en vue du tournage de scènes en mer pour la série télévisée NO LIMIT. J’étais également figurant.

J’ai piloté ce zodiac le 2 juillet 2014 au large de LA CIOTAT. Au moment de la chute de Madame Y, vers 15h-15h30, je me dirigeais vers un thonier qu’un des comédiens devait aborder dans le cadre du scénario.

Le zodiac utilisé était un bateau très sûr et très stable (7.5 de long par 2.5 de large), régulièrement utilisé pour du transport de passagers. Aucune formation spécifique hormis le respect des instructions de sécurité de hase n’est nécessaire pour embarquer et naviguer en sécurité sur ce type de bateau.

Avant le départ en mer, comme chaque jour depuis le début du tournage. les instructions de sécurité ont été données à l’équipe de tournage et notamment aux acteurs qui étaient à bord et avaient déjà l’habitude de se positionner sur le bateau par la répétition des scènes en mer au quotidien.

En particulier, a été expliqué la façon de se tenir lorsque le zodiac était en marche c’est-à-dire accroché à la main courante et en position accroupie notamment pour les personnes qui étaient à l’avant du bateau comme Z Y. Le coup de raquette dont elle a été victime étant un classique du genre à bord de ce type d’embarcation, j’accorde une attention toute particulière à cette consigne lors de chaque départ en mer. Les personnes à bord étaient toutes équipées d’un gilet de sauvetage et les acteurs portaient également des gilets par balle pour les besoins du scénario.

Juste avant de démarrer et de partir. j’ai fait un contrôle de vérification de norme de sécurité notamment pour voir si les acteurs se tenaient bien à la main courante.

A noter que pour la raison invoquée plus haut, ce contrôle de ma part est permanent tout au long de la navigation, l’ensemble des passagers étant dans mon champ de vision depuis le poste de pilotage.

J’ai d’ailleurs arrêté le bateau instantanément après la chute interrompant de fait la séquence de tournage.

Il est difficile de déterminer avec précision la vitesse du bateau lorsque l’accident est survenu, mais celle-ci était adaptée aux conditions de mer.

[…]

De mon point de vue de pilote expérimenté, en aucun cas l’accident n’est dû à la vitesse du zodiac ou aux conditions de navigation qui étaient bonnes. Les acteurs étaient informés des mesures de sécurité et de vigilance à respecter. Madame Y est tout simplement mal retombée sur sa cheville pendant que le zodiac naviguait.

[…]

Au moment de l’embarquement et de l’accident, les conditions météorologiques et de navigation étaient tout à fait appropriées pour tourner en mer. Le temps était ensoleillé. il n’y avait pas de nuage, le vent était assez faible (entre 15 et 20 km/h), la mer était plutôt calme malgré un train de houle résiduel assez espacé que nous abordions de face, des conditions tout à fait navigables mais réclamant néanmoins une attention soutenue. Aucun danger raisonnablement prévisible n’existait si ce n’est le manque d’attention et de vigilance des passagers au mouvement du bateau…

Ce jour là, après l’accident de la comédienne, le tournage a pu normalement continuer.

J’atteste également qu’avant l’accident des prises ont pu être réalisées le même jour dans les mêmes conditions, notamment avec Mme Y à bord qui avait été formée aux mesures de sécurité dans les mêmes conditions, sans aucune difficulté.’

Ainsi, il résulte de ces attestations que les conditions météorologiques étaient bonnes, que le vent était assez faible et la mer plutôt calme, de sorte qu’il ne peut être reproché à la société X d’avoir prévu un tournage en mer.

Cependant, quelque soit le professionnalisme du conducteur du Zodiac, un tel bateau, de surcroît pendant le tournage d’une scène de poursuite d’un autre bateau, ne peut qu’aller vite et exposer ses passagers, peu expérimentés, à des coups de raquette et donc à des risques de chute. En demandant à Mme Y de se lever pour qu’on puisse la voir et de ne pas rester accroupie conformément aux consignes de sécurité, la société de tournage ne pouvait ignorait, alors qu’il résulte de l’attestation de M. F que la comédienne ne pouvait à la fois se tenir et porter une arme, qu’elle exposait celle-ci, manifestement en situation de faiblesse si l’on en croit l’attestation de M. D, gérant de la société AREZZO FILMS et producteur exécutif de la série No limit, à un risque de chute même par temps calme.

Le visionnage des scènes tournées ne peuvent qu’attester des conditions de travail avant l’accident et n’apportent aucun élément pertinent à l’appui de l’une ou l’autre thèse.

Ainsi, la cour estime que Mme Y rapporte la preuve que le risque de chute dans le bateau était

un risque prévisible et que la société X aurait du avoir conscience du danger auquel elle l’exposait lors de ce tournage.

Sur les mesures nécessaires pour préserver la salariée du danger, il n’est pas contesté que la société avait prévu des gilets de sauvetage, une équipe de plongeurs et un bateau de sécurité pour assurer la sécurité des techniciens et comédiens sur le tournage en mer, des cascadeurs chargés de doubler les acteurs pour les scènes potentiellement dangereuses et la location du zodiac piloté par un professionnel habitué aux tournages en mer. Ces mesures cependant n’étaient pas adaptées au risque de chute à bord du bateau et se sont avérées inutiles.

Il n’est pas non plus contesté que le pilote du Zodiac donnait les consignes de sécurité nécessaires quant à la façon de se tenir et de se déplacer sur le bateau, en restant accroupis et en tenant la main courante. Mais il convient de rappeler qu’il a été demandé à

Mme Y de se lever et que celle-ci ne pouvait à la fois se tenir et porter une arme.

Il n’en reste pas moins que la dangerosité de la scène de tournage au cours de laquelle Mme Y s’est blessée a été sous évaluée et que celle-ci aurait due être effectivement doublée par un cascadeur ou mieux attachée dans le bateau au moment de l’accident. Le simple fait d’avoir prévu un cascadeur en la personne d’Astou Vedel est indifférent dés lors qu’il n’a pas été demandé à cette personne d’intervenir.

La preuve que les mesures nécessaires pour préserver les acteurs du danger du tournage ont été insuffisantes est donc rapportée.

La faute inexcusable de la société X est établie. Il y a donc lieu d’infirmer la décision des premiers juges et d’ordonner une expertise afin d’évaluer les préjudices réparables en application de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, étant rappelé que la perte de gains professionnels n’est pas indemnisable à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare l’appel recevable et fondé ;

Infirme le jugement déféré ;

Et statuant à nouveau,

Dit que l’accident du travail de Mme Z Y en date du 2 juillet 2014 est du à la faute inexcusable de la société X ;

Ordonne une expertise médicale judiciaire et désigne le :

Docteur M N

[…]

Tél : 01.46.51.02.04

Email : M. [email protected]

Donne mission à l’expert de :

— se faire communiquer par toute personne, établissement hospitalier ou organisme social et prendre connaissance de tous documents nécessaires, et notamment du dossier médical de Mme Z Y,

— entendre tout sachant et, en tant que de besoin, les médecins ayant suivi la situation médicale de Mme Y,

— de convoquer les parties par lettre recommandée avec accusé de réception,

— d’examiner si nécessaire Mme Z Y,

— d’entendre les parties,

— Dit qu’il appartient au praticien-conseil du service médical de la caisse primaire d’assurance maladie de PARIS de transmettre à l’expert sans délai tous les éléments médicaux, le dossier administratif et tous documents utiles à son expertise, et notamment tous les éléments médicaux ayant conduit à la prise en charge de l’accident ;

— Dit qu’il appartient à Mme Y de transmettre sans délai à l’expert ses coordonnées (téléphone, adresse de messagerie, adresse postale) et tous documents utiles à l’expertise et à l’évaluation de ses préjudices ;

— Rappelle que le demandeur devra répondre aux convocations de l’expert et qu’à défaut de se présenter sans motif légitime et sans en avoir informé l’expert, l’expert est autorisé à dresser un procès verbal de carence et à déposer son rapport après deux convocations restées infructueuses ;

— Dit que l’expert devra :

— décrire les lésions strictement occasionnées par l’accident du 2 juillet 2014,

— fixer les déficits fonctionnels temporaires en résultant, total et partiels,

— fixer les souffrances endurées, en ne différenciant pas dans le quantum les souffrances physiques et morales,

— fixer le préjudice esthétique,

— fixer le préjudice d’agrément compris comme l’incapacité d’exercer certaines activités régulières pratiquées avant l’accident,

— fournir tous éléments permettant d’apprécier l’existence d’une perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle,

— fournir tous éléments utiles à la solution du litige.

Dit que l’expert constatera le cas échéant que sa mission est devenue sans objet en raison de la conciliation des parties et, en ce cas, en fera part au magistrat chargé du contrôle de l’ expertise ;

Dit que l’expert pourra en tant que de besoin être remplacé par simple ordonnance du président de la chambre 6-13 ;

Ordonne la consignation par la caisse primaire d’assurance maladie de PARIS auprès du Régisseur de la cour dans les 60 jours de la notification du présent arrêt de la somme de 1.000€ à valoir sur la rémunération de l’expert ;

Dit que l’expert devra de ses constatations et conclusions rédiger un rapport qu’il adressera au greffe social de la cour (chambre 6-13) ainsi qu’aux parties dans les 4 mois de sa saisine ;

Rappelle qu’aux termes de l’article R 144-6 du code de la sécurité sociale, les frais liés à une nouvelle expertise sont mis à la charge de la partie ou des parties qui succombent à moins que la cour, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie ;

Rappelle que la caisse avancera l’ensemble des sommes allouées à la victime, y compris au titre de la provision et de la consignation des frais d’expertise, et en récupérera le montant auprès de la société X,

Sursoit à statuer sur toutes les autres demandes ;

Renvoie l’affaire à l’audience de la chambre 6- 13 en date du :

lundi 27 janvier 2020 à 9h00,

Salle 1 H 09, Esc H, 1er étage.

Dit que la notification de la présente décision vaudra convocation des parties à cette audience.

La Greffière, La Présidente,


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