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Un même propos diffamatoire peut être poursuivi sous une double qualification (diffamation et incitation à la haine) : le délit de diffamation aggravée vise à protéger l’honneur et la considération d’une personne ou d’un groupe de personnes, tandis que le délit de provocation à la haine, à la discrimination et à la violence a pour objet de préserver une valeur sociale et la paix civile, de sorte que les deux délits, qui ne sont pas incompatibles entre eux, visent la protection d’intérêts distincts.
L’auteur d’un livre a été condamné pour provocation à la discrimination, la haine ou la violence envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une religion. La couverture dudit ouvrage portait le titre « Les milliards d’lsraël », suivi du sous-titre « Escrocs juifs et financiers internationaux ».
L’ouvrage en cause reprenait certains codes de l’antisémitisme : portrait encadré d’un homme brun en costume fumant un cigare tenant, dans sa main gauche aux doigts recroquevillés, un sac estampillé du symbole monétaire du dollar, tandis qu’il tend sa main droite qui sort du cadre juste au-dessus d’une banderole supportant l’inscription suivante « Comment prendre l’argent dans la poche des goys ».
Pour écarter l’exception de nullité de la citation tirée de ce que le même propos était poursuivi sous une double qualification (diffamation et incitation à la haine), la juridiction a considéré que le délit de diffamation aggravée vise à protéger l’honneur et la considération d’une personne ou d’un groupe de personnes, tandis que le délit de provocation à la haine, à la discrimination et à la violence a pour objet de préserver une valeur sociale et la paix civile, de sorte que les deux délits, qui ne sont pas incompatibles entre eux, visent la protection d’intérêts distincts. Ces deux infractions ne comportant pas d’éléments constitutifs inconciliables entre eux, il n’a pu résulter de cette qualification cumulative aucune incertitude dans l’esprit du prévenu quant à l’étendue de la poursuite.
La couverture incriminée, qui associe notamment les mots “juifs” et “escrocs”, mais qui doit se comprendre dans sa totalité, ne vise pas seulement des “escrocs juifs”, mais, par la généralisation qui résulte de la composition de la page, vise l’ensemble des Juifs auxquels elle impute de s’enrichir de manière illégale au détriment des personnes non-juives, ce qui constitue un fait susceptible de preuve et attentatoire à l’honneur puisque pénalement répréhensible. Ce propos, figurant en couverture d’un ouvrage censé l’illustrer, renfermait l’imputation de faits contraires à l’honneur ou à la considération, suffisamment précis, qui visait un groupe de personnes pris en raison de leur seule appartenance à une religion déterminée, et excédait les limites admissibles de la liberté d’expression.