Licence d’exploitation de revue : attention à la rupture brutale

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Licence d’exploitation de revue : attention à la rupture brutale
Ce point juridique est utile ?

[well type=””][icon type=”fa fa-cube” color=”#dd3333″] Réflexe juridique  

Il est possible d’obtenir en référé la poursuite de relations contractuelles en dépit d’une résiliation, dès lors que le préavis de rupture visé par l’article L442-6 I 5° du code de commerce, n’est pas suffisant. Par  ailleurs, sur le terrain de la compétence juridictionnelle, la concession du droit d’exploiter un droit de propriété intellectuel (exemple : une revue)  n’est pas un service au sens du règlement Bruxelles I bis.  [/well]

 

Licence exclusive d’exploitation de revue

La société Artclair Editions qui publie en France, la revue Le Journal des Arts a obtenu gain de cause en référé contre la société de droit italien Umberto Allemandi qui publie la revue II Giornale dell’Arte. Un contrat conclu entre les parties il y a près de 25 ans a concédé à la société Artclair Editions l’exclusivité de l’exploitation en langue française du concept et du contenu éditorial des revues II Giornale dell’Arte et The Art Newspaper, moyennant paiement d’une redevance de 3% du chiffre d’affaires HT résultant des ventes du Journal des Arts. Le contrat était également assorti d’un partenariat publicitaire conférant à la société l’exclusivité de démarchage en France, Belgique et Suisse des publicités à paraître dans le journal.

Référé en résiliation brutale

L’entité française s’est vue opposée la résiliation du contrat en toutes ses dispositions, sous préavis de six mois. Cette résiliation a été considérée en référé comme abusive car manifestement brutale.

Au sens de l’article L442-6 I 5° du code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers,  de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce et aux accords interprofessionnels.

Ces dispositions du code de commerce ne s’opposent pas à la saisine du juge des référés, qui selon l’article L442-6 IV peut ordonner, au besoin sous astreinte, la cessation des pratiques abusives ou tout autre mesure provisoire, sauf à respecter les conditions d’application des dispositions des articles 872 et 873 du code de procédure civile qui fonde sa compétence.

Préavis manifestement insuffisant

Au terme de la résiliation, la société Artclair Editions ne pouvait plus publier ‘le Journal des Arts’ ni, en conséquence, percevoir les revenus en résultant. Elle lui a été notifiée avec un délai de préavis de six mois, manifestement insuffisant pour lui permettre de réorganiser son activité eu égard à la durée de près de 22 ans du contrat, à la spécificité du partenariat éditorial qu’il instaure telle qu’elle résulte de ce qui précède et à l’état de dépendance économique vis à vis de ce dernier dans laquelle cette société se trouvait lors de la résiliation.

En l’espèce, la société diffusait son Journal des Arts lors de la résiliation à 10.000 exemplaires et disposait de 400 annonceurs, elle justifiait avec l’évidence requise en référé qu’elle réalisait  un chiffre d’affaires moyen au titre de ce contrat de l’ordre 60% de son chiffre d’affaires global.

Il résulte par ailleurs de l’article L442-6 I 5° précité que la brutalité de la rupture ne préjuge pas de son imputabilité sauf à établir, avec l’évidence requise en référé, l’inexécution par la société Artclair Editions de ses obligations. A ce titre, l’existence d’un contentieux relatif au paiement des commissions dues par chacune des parties, ne rend pas en soi la rupture du contrat prévisible et ne dispense pas du respect d’un délai de préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce. La rupture litigieuse de relations commerciales établies depuis près de 22 ans était donc à l’évidence brutale. La rupture a été qualifiée de trouble manifestement illicite auquel il convenait de mettre un terme en ordonnant aux sociétés de poursuivre leur relation contractuelle dans les termes du contrat pendant une période de préavis fixée à 24 mois à compter de la date de sa résiliation.

Compétence du juge français

Autre point intéressant de cette décision, le juge français s’est déclaré compétent.  Le contrat organisait la fourniture d’une concession d’exploitation de licence qui permettait au cessionnaire d’éditer le Journal des Arts depuis son siège parisien. Si cette concession paraissait exclure la qualification de prestation de services au sens de l’article 7 1) b) du règlement Bruxelles I bis, elle était néanmoins la prestation caractéristique du contrat. Les  modalités d’exécution du contrat démontraient aussi les liens très étroits qu’il présentait avec la France, et plus particulièrement Paris, où s’exécutait la prestation caractéristique : le contrat était rédigé en français, langue d’échange des parties, il organisait l’exploitation en France d’un journal en français, il prévoyait une clause d’arbitrage qui désignait la CCI (les parties y ont renoncé).

Pour rappel, l’article 7 1) et 2) du règlement de Bruxelles 1 bis prévoit qu’une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre: 1) a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande.  Sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est : i) pour la vente de marchandises, le lieu d’un Etat membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, ii) pour la fourniture de services, le lieu d’un Etat membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis; iii) le point i) s’applique si le point ii) ne s’applique pas.  Le for spécial de l’article 7 1) b), vaut, sauf convention contraire, quel que soit l’objet de la demande (CJUE Kareda, 15 juin 2017, C-249-16).

Selon la jurisprudence issue des arrêts Falco (CJCE, 23 avril 2009, C-533/07) et Corman-Collins (CJUE 19 décembre 2013, C-9/12) si la notion de fourniture de services implique que la partie qui les fournit effectue une activité déterminée, à l’exclusion de simples abstentions, en contrepartie d’une rémunération, entendue non pas au sens strict du versement d’une somme d’argent mais comme un ensemble d’avantages pouvant représenter une valeur économique, la concession du droit d’exploiter un droit de propriété intellectuel n’est pas un service au sens du règlement Bruxelles I bis. Le for de l’article 7.1 a) s’applique à défaut de contrat de vente de marchandises (non invoqué en l’espèce), ou de prestation de service.

Tel qu’interprété par la jurisprudence résultant des arrêts Tessili et de Bloss (CJCE 6 octobre 1976, aff 12/76 et 14/76), cette disposition prévoit un for spécial de la contestation particulière en litige, celui du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande, en considération de l’existence, dans certaines hypothèses bien déterminées, d’un lien de rattachement particulièrement étroit entre une contestation et la juridiction qui peut être appelée à en connaître, en vue de l’organisation utile du procès. Le tribunal saisi peut ainsi se déclarer compétent sur toutes les demandes lorsque l’accessoire suit le principal (Shenavai CJCE , 15 janvier 1987, aff 266/85). Il doit identifier l’obligation à prendre en considération, puis, en vertu de la règle de conflit du for, la loi applicable à ce rapport juridique et définir, en vertu de cette loi, le lieu de son exécution.

Eu égard à la date du contrat, cette règle de conflit est la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, en particulier ses articles 2 à 4 selon lesquels, à défaut, comme en l’espèce, de choix de loi par les parties, le contrat est régi par la loi du pays, quel qu’il soit, avec lequel il présente les liens les plus étroits. Cette convention crée en outre une présomption en ce sens en faveur du pays du siège social, au moment du contrat, de la société débitrice de la prestation caractéristique du contrat.

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