Heineken : légalité des bâches publicitaires XXL

·

·

Heineken : légalité des bâches publicitaires XXL
Ce point juridique est utile ?

ANPAA c/ Heineken

On se souvient qu’à l’occasion de la réhabilitation de ses façades, la Monnaie de Paris a autorisé la société Athem, spécialisée dans le domaine de l’affichage publicitaire grand format, à occuper temporairement l’espace constitué par les bâches d’échafaudage installées en façade de l’immeuble de l’Hôtel des Monnaies. La société Athem est intervenue pour le compte de la société Heineken pour déposer une demande d’autorisation de diffusion de ses visuels auprès de la DRAC.

L’ANPAA a fait assigner la société Heineken aux fins de voir juger que la publicité en cause était une publicité non conforme à l’article L.3323-2 du Code de la santé publique (CSP) qui pose que la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques dont la fabrication et la vente ne sont pas interdites sont autorisées exclusivement … « 3° sous forme d’affiches et d’enseignes ; sous forme d’affichettes et d’objets à l’intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé, dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat ».

Nombre limitatif de supports publicitaires

Les bâches publicitaires en cause ont toutes été considérées comme illégales, tout comme les slogans « Heineken Open Your World » et visuel apposés.

L’article L. 3323-2 du CSP énumère limitativement les supports sur lesquels sont autorisées la publicité en faveur des boissons alcooliques, et vise spécifiquement les affiches ou enseignes. La notice technique relative à la réglementation nationale des publicités, des enseignes et des préenseignes précise expressément en son point 13.1 que les bâches de chantier apposées sur les monuments historiques ne sont pas soumises à ce régime mais sont réglementées par l’article L.621-29-8 du Code du Patrimoine.

Selon cet article, par dérogation à l’article L. 581-2 du code de l’environnement, dans le cadre de l’instruction des demandes d’autorisation de travaux sur les immeubles classés ou des demandes d’accord de travaux sur les immeubles inscrits, l’autorité administrative chargée des monuments historiques peut autoriser l’installation de bâches d’échafaudage comportant un espace dédié à l’affichage. Les recettes perçues par le propriétaire du monument pour cet affichage sont affectées par le maître d’ouvrage au financement des travaux.

Des supports bien distincts

Les publicités litigieuses étaient donc imprimées sur une toile, et ainsi leur support est bien une bâche d’échafaudage, et non une affiche. Or une bâche d’échafaudage et une affiche outre leurs différences liées à leurs dimensions, sont également distinctes en raison de la matière du support utilisé (le papier pour les affiches, toile pour les bâches), ainsi que de la réglementation applicable. Une bâche d’échafaudage et une affiche constituent donc deux supports différents.

Dispositif légal d’interprétation stricte

Concernant la publicité des boissons alcooliques, le législateur a mis en place un régime dérogatoire qui précise que le principe général est celui de l’interdiction de la publicité et, à titre dérogatoire certains médias et supports prévus par la loi peuvent être ainsi utilisés. Dès lors, l’article L 3323-2 du CSP, énumère de façon tant limitative qu’exhaustive les supports sur lesquels sont autorisés les publicités en faveur des boissons alcooliques, et ne permet aucunement la publicité par voie d’affichage dans son ensemble quel que soit le support utilisé pour la publicité, seules les publicités sous formes d’affiches, d’enseignes et affichettes étant autorisées.

Les bâches de chantiers ne sont donc pas une catégorie de support d’affiches publicitaires définie par le code de l’environnement, lequel vise également, en tant que support d’affichage publicitaire : les abris destinés au public (article R. 581-43), les kiosques à journaux et autres kiosques à usage commercial (article R. 581-44), les colonnes porte-affiches (article R. 581-45); les mâts porte-affiches (article R. 581-46). Une bâche de chantier se substitue à l’affiche et constitue une forme différente de support à la publicité. Les abris destinés au public, les kiosques à journaux, colonnes, constituent non pas un support à la publicité mais un support sur lequel est apposée l’affiche publicitaire.

Il faut donc ainsi distinguer entre le support de la publicité qui est limitativement énuméré à l’article L. 3323-2 du CSP et qui ne peut être que l’affiche (ou l’enseigne, l’affichette et les objets à l’intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé) et les supports de ladite affiche qui eux ne sont pas visés par l’article L. 3323- 3 du CSP.

Achat d’espace publicitaire et non parrainage

Concernant le site d’affichage, la Monnaie de Paris a demandé à la société Athem de commercialiser un emplacement auprès des annonceurs afin de leur vendre l’espace publicitaire recouvrant pour partie des échafaudages. Pour une période d’un mois et demi, l’annonceur a ainsi payé à la société Athem une somme de près de 170 000 €, montant important. Les juges ont donc qualifié l’opération d’affichage XXL d’achat d’espace publicitaire et non de parrainage.

L’article L. 3323-2 du CSP interdit toute opération de parrainage lorsqu’elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques. Le parrainage consiste en un soutien matériel ou financier du parrain apporté à un événement ou à une personne connue, qui en contrepartie s’engage à faire apparaître publiquement le nom ou la marque du parrain à un moment donné.

Aux termes de l’article L.621-29-8 du Code du Patrimoine, par dérogation à l’article L. 581-2 du code de l’environnement, dans le cadre de l’instruction des demandes d’autorisation de travaux sur les immeubles classés ou des demandes d’accord de travaux sur les immeubles inscrits, l’autorité administrative chargée des monuments historiques peut autoriser l’installation de bâches d’échafaudage comportant un espace dédié à l’affichage. Les recettes perçues par le propriétaire du monument pour cet affichage sont affectées par le maître d’ouvrage au financement des travaux.

Le fait que les sommes versées soient affectées à la restauration du monument était sans incidence sur ce point, s’agissant uniquement d’une ventilation des sommes au profit de la rénovation des monuments historiques et non d’un soutien financier d’Heineken apporté à ladite restauration. Au surplus, à aucun moment la Monnaie de Paris ne s’est engagée à faire apparaître la marque Heineken en échange d’un soutien financier, ou à indiquer que les travaux étaient financés en partie par cette dernière.

En revanche Heineken a acheté un espace publicitaire sur les bâches afin de pouvoir y apposer sa publicité. En conséquence, la diffusion de ces publicités ne constituait pas une opération de parrainage illicite au titre de l’article L. 3323-2 du CSP.

Sanction du slogan Open Your World

Le slogan « Open Your World » a été jugé illégal, indépendamment de l’avis positif formulé par l’ARPP et qui ne lie pas les juges. Ce slogan ne constitue pas une information objective relative aux qualités gustatives du produit, dont le goût est identique dans le monde entier ou à son mode de consommation, mais une incitation à consommer de l’alcool afin d’ouvrir son monde, voir à s’ouvrir au monde grâce à l’effet supposé desinhibiteur de la consommation d’une Heineken. Ainsi ce slogan, en ce qu’il associe la consommation d’une boisson alcoolisée à la convivialité et à l’extension de son réseau social, excède par son caractère incitatif, les limitations autorisées par les dispositions de l’article L 3323-4 du CSP. De même, le fait que la société Heineken a déposé auprès de l’OMPI la marque « Heineken open your world » assortie d’une étoile rouge, n’a pas davantage pour effet de rendre de facto licite le slogan utilisé au regard de l’article L 3323.4 du CSP. En effet, les mentions qui ne sont pas expressément autorisées par l’article L 3323-4 sont interdites.

Visuels festifs censurés

Les visuels en cause ont également été déclarés incitatifs à la consommation d’alcool. L’article L.3323-4 du CSP dispose que la publicité autorisée pour les boissons alcooliques est limitée à l’indication du degré volumique d’alcool, de l’origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l’adresse du fabricant, des agents et des dépositaires, ainsi que du mode d’élaboration des modalités de vente et du mode de consommation du produit. Cette publicité peut comporter des références relatives au terroir de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d’origine telles que définies à l’article L.115-1 du Code de la Consommation, ou aux indications géographiques, telles que définies dans les conventions des traités internationaux, régulièrement ratifiés. Elle peut également comporter des références objectives, relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit.

Le nouvel article L. 3323-3-1 introduit aussi une distinction entre la publicité et l’information sur l’alcool en ces termes : « Ne sont pas considérés comme une publicité ou une propagande, au sens du présent chapitre, les contenus, images, représentations, descriptions, commentaires ou références relatifs à une région de production, à une toponymie, à une référence ou à une indication géographique, à un terroir, à un itinéraire, à une zone de production, au savoir-faire, à l’histoire ou au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique disposant d’une identification de la qualité ou de l’origine, ou protégée au titre de l’article L. 665-6 du code rural et de la pêche maritime ».

En l’espèce, le visuel représentait un verre de bière Heineken, entouré d’une lumière éclatante à prédominance jaune, qui jaillit et relie le verre de bière jusqu’à la ville d’Amsterdam, en reprenant les courbes et le design du pont Enneus Heerma. Ce visuel, même s’il reprend une version stylisé du pont d’Amsterdam, ville d’origine de la marque Heineken, par l’utilisation de couleurs chatoyantes et d’une lumière et la vie nocturne d’Amsterdam, constitue une incitation excessive à la consommation d’alcool, en évoquant le caractère festif lié à la consommation de boissons alcoolisées. En d’autres termes, le critère d’objectivité imposé par les dispositions de l’article L 3323-4 du CSP n’a pas été respecté.

[toggles class=”yourcustomclass”]

[toggle title=”Télécharger la Décision” class=”in”]Télécharger [/toggle]

[toggle title=”Poser une Question”]Posez une Question Juridique sur cette thématique, la rédaction ou un abonné vous apportera une réponse en moins de 48h.[/toggle]

[toggle title=”Surveillance & Analyse de Marque” class=”in”]Surveillez et analysez la réputation d’une Marque (la vôtre ou celle d’un concurrent), d’une Personne publique (homme politique, acteur, sportif …) sur tous les réseaux sociaux (Twitter, Facebook …). Testez gratuitement notre plateforme de Surveillance de Marque et de Réputation numérique.[/toggle]

[toggle title=”Paramétrer une Alerte”]Paramétrez une alerte de Jurisprudence sur ce thème pour être informé par email lorsqu’une décision est rendue sur ce thème[/toggle]

[toggle title=”Commander un Casier judiciaire”]Commandez le Casier judiciaire d’une société ou sur l’une des personnes morales citées dans cette affaire.[/toggle]

[toggle title=”Vous êtes Avocat ?”]Vous êtes Avocat ? Référencez vos décisions, votre profil et publiez vos communiqués Corporate sur Lexsider.com. Vos futures relations d’affaires vous y attendent.[/toggle]

[/toggles]


Chat Icon