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Les statuts d’une association ne sont pas accessibles sur internet et doivent faire l’objet d’une demande de communication auprès du greffe des associations de la préfecture compétente.
La demande de communication des statuts est susceptible d’être satisfaite dans des délais variables ne pouvant dépasser un mois mais susceptibles de dépasser trois jours. De plus, les frais de reproduction des documents sont à la charge de celui qui formule la demande. Dans la mesure où le directeur de publication doit se prononcer dans un délai légal de trois jours, il appartient à l’Association demanderesse de lui fournir tous les éléments adéquats pour lui permettre de vérifier les pouvoirs de son représentant sans qu’il n’ait besoin de formuler une demande de communication de des statuts de la demanderesse. En la cause, la demanderesse s’en est abstenue. Dès lors, le refus, caractérisé par omission silencieuse, du défendeur doit être considéré comme légitime, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens (droit de réponse non recevable). |
Résumé de l’affaire :
Contexte de l’affaireLe 20 novembre 2023, un reportage intitulé « L’énigme des témoins de Jéhovah » a été publié sur le site www.[05].com. En réponse à ce reportage, la FÉDÉRATION CHRÉTIENNE DES TÉMOINS DE JÉHOVAH DE FRANCE (FCTJ) a demandé, par lettre recommandée du 5 février 2024, l’insertion d’un droit de réponse. Refus de publicationLa demande de droit de réponse a été reçue par M. [M] [V], directeur de publication, le 8 février 2024, mais il n’a pas répondu, ce qui a été interprété comme un refus de publication. En conséquence, la FCTJ a assigné M. [M] [V] en référé devant le Tribunal judiciaire de Versailles le 19 avril 2024, demandant la publication de sa réponse et une astreinte de 150 euros par jour en cas de non-publication. Audience et absence d’accord amiableL’audience initiale a eu lieu le 18 juin 2024, suivie d’une tentative de règlement amiable le 5 juillet 2024. Faute d’accord, l’affaire a été renvoyée à l’audience de référés du 24 septembre 2024. Arguments de la FCTJLa FCTJ a soutenu que son droit de réponse remplissait toutes les conditions légales et que le refus de publication constituait un trouble manifestement illicite. Elle a affirmé que le reportage contenait des allégations fausses et nuisibles à sa réputation, et a justifié sa demande en se basant sur ses statuts et la jurisprudence. Arguments du défendeurM. [M] [V] a contesté la légitimité de la demande de droit de réponse, arguant que celle-ci contenait des irrégularités de forme et de fond. Il a soulevé des motifs tels que le défaut de justification des pouvoirs du représentant légal de la FCTJ et l’absence de corrélation entre la réponse et les passages contestés. Décision du tribunalLe tribunal a rejeté la demande de la FCTJ, considérant que le refus de publication était légitime en raison de l’absence de vérification des pouvoirs du représentant légal. La FCTJ a été condamnée à verser 3500 euros à M. [M] [V] au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux dépens. ConclusionLa décision a été rendue le 22 octobre 2024, confirmant le rejet de la demande de droit de réponse et la légitimité du refus de publication par le directeur de la publication. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU
22 OCTOBRE 2024
N° RG 24/00654 – N° Portalis DB22-W-B7I-SAD7
Code NAC : 79Z
AFFAIRE : Association Fédération Chrétienne des Témoins de Jéhovah de Fr ance C/ [M] [V]
DEMANDERESSE
LA FÉDÉRATION CHRÉTIENNE DES TÉMOINS DE JÉHOVAH DE FRANCE,
Association cultuelle régie par la loi du 9 décembre 1905, ayant son siège social [Adresse 1], représentée par Monsieur [C] [D], en qualité de président
représentée par Me Victoire GUILLUY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 446, Me Jaël NGOS, avocat au barreau de PARIS,
DEFENDEUR
Monsieur [M] [V]
pris en sa qualité de Directeur de la publication du site www.[05].com, demeurant en cette qualité [Adresse 2],
représenté par Me Laurent MERLET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire :, Me Pauline REY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 555
Débats tenus à l’audience du : 24 Septembre 2024
Nous, Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente au Tribunal Judiciaire de Versailles, assistée de Virginie DUMINY, Greffier,
Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du 24 Septembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 22 Octobre 2024, date à laquelle l’ordonnance suivante a été rendue :
Le 20 novembre 2023, un reportage intitulé « L’énigme des témoins de Jéhovah » a été mis en ligne sur le site internet www.[05].com.
Par lettre recommandée avec accusé réception du 5 février 2024, la FÉDÉRATION CHRÉTIENNE DES TÉMOINS DE JÉHOVAH DE FRANCE (FCTJ) a sollicité auprès de M. [M] [V], en sa qualité de directeur de la publication du site, l’insertion d’un droit de réponse.
Le courrier a été réceptionné le 8 février 2024 et M. [M] [V] n’y a pas répondu.
Son silence vaut refus de publication de la réponse.
Par acte de Commissaire de Justice en date du 19 avril 2024, la FÉDÉRATION CHRÉTIENNE DES TÉMOINS DE JÉHOVAH DE FRANCE (FCTJ) a assigné M. [M] [V], en sa qualité de directeur de la publication dudit site web, en référé devant le Tribunal judiciaire de Versailles aux fins de voir, sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile, les articles 13 et 53 de la loi du 29 juillet 1881, de l’article 6 IV de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, du décret n°2007-1527 en application de l’article 6 IV, des article 8, 9, 10(2) et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme :
ordonner à M. [M] [V], directeur de la publication du site internet www.[05].com, de publier la réponse qui lui a été adressée par lettre recommandée avec accusé réception du 5 février 2024, ainsi libellée :
« Droit de réponse de la FÉDÉRATION CHRÉTIENNE DES TÉMOINS DE JÉHOVAH DE FRANCE au reportage « L’énigme des témoins de Jéhovah »
Contrairement à ce qui a été dit dans le reportage, les Témoins de Jéhovah sont une communauté ouverte dont les croyances et les pratiques sont totalement légales. La Cour Européenne des Droits de l’Homme a affirmé à de nombreuses reprises que les Témoins de Jéhovah sont une « religion connue » et a pris plus de 70 décisions qui réfutent les fausses accusations comme celles mentionnées dans le reportage.
Selon un certain nombre d’expertises universitaires à l’échelle internationale, les Témoins de Jéhovah sont « pleinement intégrés dans la société » et « contribuent de bien des manières à la croissance, à la cohésion et à la prospérité de la société ».
Pour les Témoins de Jéhovah, les hommes et les femmes sont égaux.
Ils accordent une grande valeur à la vie et recherchent les meilleurs soins médicaux possibles pour eux-mêmes et leurs enfants. Comme tout patient, ils choisissent des traitements médicaux en fonction de leur conscience.
Les parents Témoins de Jéhovah pourvoient avec sérieux aux besoins de leurs enfants et font tout pour que leurs enfants se sentent heureux, aimés et en sécurité.
Les Témoins de Jéhovah déplorent le crime que constituent les abus sexuels sur mineur. Ils se conforment entièrement aux lois exigeant un signalement et reconnaissent que les autorités sont responsables du traitement de tels crimes. »
assortir cette injonction d’une astreinte de 150 euros par jour si la réponse n’était pas publiée dans les vingt-quatre heures suivant signification de l’ordonnance,
condamner M. [M] [V], es qualité de directeur de publication du site internet www.[05].com, à verser à la FÉDÉRATION CHRÉTIENNE DES TÉMOINS DE JÉHOVAH une somme de de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
A l’audience du 18 juin 2024, l’affaire a été orientée à une audience de règlement amiable, qui s’est tenue le 5 juillet 2024. En l’absence d’accord amiable, l’affaire a été réorientée à l’audience de référés du 24 septembre 2024.
Aux termes de ses conclusions, la FCTJ maintient l’ensemble de ses demandes.
Elle soutient que le droit de réponse sollicité remplissait toutes les conditions requises par les textes et que le refus de l’insérer est illégitime et constitue un trouble manifestement illicite.
Elle excipe tant du synopsis du documentaire que de son contenu que la FCTJ est bien la personne identifiable et désignée par le documentaire et qu’elle est donc titulaire à ce titre d’un droit de réponse.
A ce titre, elle expose qu’il ressort de ses statuts qu’elle est l’entité chargée de contribuer à l’exercice du culte des Témoins de Jéhovah en France, et que son but est de protéger et de défendre les fidèles Témoins de Jéhovah des atteintes à leurs sentiments et à leurs convictions religieuses et de faire valoir tant l’intérêt individuel que la défense collective de ses membres en justice, et qu’elle fédère l’ensemble des associations locales.
Elle conteste l’analyse par le défendeur de la jurisprudence qui oblige un tiers présentant un droit de réponse au nom d’un mandant à justifier d’un pouvoir écrit et spécial en soutenant que cette jurisprudence ne s’applique que lorsque celui qui présente la réponse n’en est pas l’auteur au sens de la loi ou des statuts.
Elle précise que dans la mesure où la FCTJ n’a pas confié la rédaction du droit de réponse à un mandataire tiers, elle n’a pas à justifier d’un mandat spécial, et poursuit en indiquant que contrairement à ce que soutient le défendeur, lors de l’envoi de la demande de réponse, elle a bien justifié de ce M. [C] [D] agissait en sa qualité de représentant légal de la FCTJ et qu’il était bien habilité à agir conformément à l’article 14 de ses statuts. Elle précise qu’une copie d’un extrait des statuts de la fédération, un extrait de procès-verbal de la réunion du conseil d’administration de la FCTJ du 19 septembre 2023 nommant M. [D] et sa pièce d’identité étaient annexés à la demande de réponse, de sorte que le défendeur soutient de mauvaise foi n’avoir pas pu disposer d’éléments pour vérifier l’habilitation de la personne signataire du courrier de demande de droit de réponse.
Elle expose par ailleurs que son droit de réponse concerne bien un service de communication en ligne puisque le documentaire est mis à disposition du public sur un site internet à savoir www.[05].com depuis le 20 novembre 2023.
Enfin, elle affirme que sa demande respecte les formes prescrites et est bien fondée.
Concernant les exigences de forme de la demande, elle indique la demande de droit de réponse a bien été adressée au directeur de la publication le 5 février 2024, soit dans le délai de trois mois suivant la date de publication du documentaire. Elle ajoute que sa demande indiquait les conditions d’accès et les références du message et qu’elle est bien formulée par écrit et ne dépasse pas la longueur du message qui l’a provoquée, le documentaire ayant été transcrit par texte. De plus, elle indique que sa demande respecte les exigences procédurales de la loi de 2004 et de l’article 53 de la loi de 1881.
Concernant les exigences de fond de la réponse, elle indique que cette réponse contenait à la fois la mention des passages contestés, qui apparaissaient en caractère gras, et la teneur de la réponse sollicitée, et soutient par ailleurs que seul le juge peut décider si la teneur du la réponse sollicitée est contraire aux lois et aux bonnes mœurs, à l’intérêt légitime des tiers et à l’honneur du journaliste. Elle poursuit en expliquant qu’en l’espèce le contenu de la réponse sollicitée respectait ces exigences de fond de sorte que le directeur de publication aurait dû la publier.
S’agissant du trouble manifestement illicite, elle explique que selon la Cour européenne des droits de l’homme, le droit de rectification est essentiel pour que les personnes puissent « se protéger contre certaines allégations ou opinions diffusés par les médias qui pourraient porter atteinte à leur vie privée, à leur honneur ou à leur dignité », et que dès lors, un refus illégitime à l’exercice du droit de réponse est considéré de façon constante par la jurisprudence comme un trouble manifestement illicite. Elle rappelle que la Cour européenne des droits de l’homme condamne la désinformation et les stéréotypes généralisés à l’encontre de minorités religieuses et aurait déjà jugé que les témoins de Jéhovah constitueraient une minorité religieuse « vulnérable à la victimisation ».
Elle soutient à ce titre qu’en l’espèce, les propos tenus dans le documentaire seraient extrêmement négatifs puisque le mouvement y serait notamment comparé à une secte et qu’il y serait affirmé que le mouvement ne dénonce pas certains faits pénalement réprimés comme des abus sexuels. Ces allégations seraient donc, selon elle, de nature à favoriser les préjugés sur le mouvement, et dès lors le refus illégitime du droit de réponse constituerait un trouble manifestement illicite.
Pour contester les motifs du défendeur, elle affirme qu’il ne revient pas au directeur de publication de décider si la réponse est complète ou non et que la jurisprudence n’exige pas une réponse à toutes les imputations de la publication contestée. Elle indique que dès lors la réponse ne saurait être refusée au motif que les passages retenus sont tronqués et qu’il n’est pas répondu à certains autres passages du documentaire. Elle précise que la réponse avait été envoyée avec un courrier explicatif permettant d’identifier le rapport entre chaque catégorie d’allégations et la réponse apportée. Elle relève qu’il appartient uniquement au directeur de la publication de vérifier que la réponse sollicitée est corrélée aux passages contestés, ce qui était le cas en l’espèce. Elle ajoute que la réponse ne fait pas la promotion du mouvement religieux et qu’elle ne fait nulle part mention des croyances et pratiques des Témoins de Jéhovah. Elle précise à ce titre que le mouvement religieux aurait été reconnu comme « religion connue » par la Cour européenne des droits de l’homme.
Finalement, elle soutient que la réponse proposée ne porterait pas atteinte à l’honneur du journaliste en raison du ton employé en comparaison aux propos tenus dans le documentaire, qu’elle estime insultants et préjudiciables pour la communauté des Témoins de Jéhovah. Elle indique que la jurisprudence considère que le ton de la réponse ne saurait dépasser celui de la mise en cause et souligne que la réponse ne contient pas d’allégations de propos diffamatoires tenus par le journaliste, qui n’est pas mentionné et que dès lors la réponse n’engendre aucune atteinte à l’honneur de ce-dernier.
Aux termes de ses conclusions, le défendeur sollicite de voir :
– constater la légitimité du refus d’insertion de la réponse du 5 février 2024 de la demanderesse compte tenu de ses irrégularités de forme et de fond,
en conséquence, dire n’y avoir lieu à référé,
– débouter la demanderesse de toutes ses demandes,
– condamner la demanderesse à verser au défendeur la somme de 8000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il rappelle qu’en juin 2023, la chaîne de télévision RMC Story a diffusé un documentaire de [E] [O] intitulé « L’énigme des Témoins de Jéhovah », et indique que la demanderesse a refusé de participer à ce documentaire et qu’elle a initié cinq actions judiciaires en insertion forcée de droit de réponse et diffamation devant les tribunaux de [Localité 4], [Localité 3] et [Localité 6].
Il soulève trois motifs pour justifier de la légitimité du refus d’insertion du droit de réponse du 5 février 2024 : le défaut de justification des pouvoirs du « représentant légal » de l’association au jour de l’envoi de la réponse du 5 janvier 2024, l’absence de corrélation entre la réponse et les passages contestés et l’atteinte à l’honneur du journaliste.
A l’appui du premier motif, il affirme que le droit de réponse est un droit personnel et que si ce droit est exercé par un mandataire, celui-ci doit justifier d’un mandat spécial au moment de l’envoi de la demande d’insertion de réponse. Il poursuit en expliquant que ce sont les statuts de l’association qui doivent prévoir l’organe habilité à les représenter en justice, et relève qu’en l’espèce la demande d’insertion a été envoyée par M. [C] [D] sans moyen pour le défendeur de vérifier son habilitation puisque les trois documents annexés à la demande d’insertion ne permettaient pas de le faire.
A l’appui du deuxième motif, il soutient qu’il est de jurisprudence constante que le droit de réponse institué au profit d’une personne mise en cause tend à permettre à celle-ci de faire connaître ses explications sur les circonstances de sa mise en cause et qu’en conséquence le droit de réponse doit être strictement limité à ce qui est nécessaire à la protection de la réputation et des droits d’autrui. Il explique que dès lors le refus d’insertion est fondé si le contenu et le ton de la réponse ne sont pas en adéquation avec les passages contestés et que le droit de réponse ne doit pas constituer une tribune ou un texte contenant des généralités ne répondant pas avec précision aux mises en cause, citant à titre d’exemple que « constituaient des généralités vantant les mérites de l’association partie civile » des extraits de réponses tels que : « Les Témoins de Jéhovah ont toujours condamné vigoureusement les atteintes de toutes sortes sur un mineur. Un examen de leurs publications religieuses, largement diffusées, révèle qu’ils favorisent la prévention dans ce domaine depuis des décennies » ; [Les Témoins de Jéhovah] « ont pour éthique de dénoncer de tels faits et de protéger les enfants qui en sont victimes » ; « Pour ce qui est de l’épanouissement des jeunes Témoins de Jéhovah, une étude de la SOFRES a clairement établi qu’ils sont parfaitement intégrés socialement et qu’ils participent avec plaisir à diverses activités culturelles, sportives et associatives ».
Il ajoute que la réponse étant considérée comme indivisible par la jurisprudence, ni le directeur de publication, ni le juge ne peuvent opérer de retranchement ou modification.
Il remarque qu’en l’espèce la réponse ne répond pas directement ni précisément aux passages contestés et parfois tronqués et se borne à des affirmations générales dénuées de liens avec les faits précis dont il est question dans les passages contestés. De plus, il indique que la réponse ajoute des informations qui relèveraient d’une tribune.
A l’appui du troisième motif, il fait valoir que selon la jurisprudence le refus d’une réponse est légitime si elle porte atteinte à l’honneur et à la considération du journaliste, et qu’il a déjà été jugé que tel était le cas lorsque sont qualifiées de mensongères et diffamatoires les allégations ou affirmations contenues dans l’article incriminé, et/ou lorsque la réponse laisse entendre que le rédacteur de l’article est un menteur ou un imposteur et/ou lorsque le journaliste est accusé d’affirmations imaginées ou non vérifiées et d’infractions aux règles déontologiques de sa profession. Il affirme que ces jurisprudences rendues en matière de presse sont transposables à l’espèce, en relevant que la réponse qui affirme que la Cour européenne des droits de l’homme aurait pris « plus de 70 décisions qui réfutent les fausses accusations mentionnées dans le reportage », porte dès lors atteinte à l’honneur du journaliste.
La décision a été mise en délibéré au 22 octobre 2024.
Sur la demande de publication du droit de réponse sous astreinte
Aux termes de l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le Président du Tribunal judiciaire peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite est caractérisé par toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Il appartient à la partie qui s’en prévaut d’en faire la démonstration avec l’évidence requise devant le juge des référés, étant rappelé que la notion de trouble manifestement illicite requiert que l’illicéité supposée des troubles dénoncés soit caractérisée avec l’évidence requise devant le juge des référés.
Si la condition de l’absence de contestation sérieuse du droit invoqué n’est pas requise par l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile. Pour autant, une contestation réellement sérieuse sur l’existence même du trouble et sur son caractère manifestement illicite doit conduire le juge des référés à refuser de prescrire la mesure sollicitée.
L’article 6 IV de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique dispose : « IV. -Toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne dispose d’un droit de réponse, sans préjudice des demandes de correction ou de suppression du message qu’elle peut adresser au service.
La demande d’exercice du droit de réponse est adressée au directeur de la publication ou, lorsque la personne éditant à titre non professionnel a conservé l’anonymat, à la personne mentionnée au 2 du I qui la transmet sans délai au directeur de la publication. Elle est présentée au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la mise à disposition du public du message justifiant cette demande.
Le directeur de la publication est tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le service de communication au public en ligne sous peine d’une amende de 3 750 Euros, sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels l’article pourrait donner lieu.
Les conditions d’insertion de la réponse sont celles prévues par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 précitée. La réponse sera toujours gratuite.
Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application du présent IV. »
L’article 1 du décret n°2007-1527 du 24 octobre 2007 relatif au droit de réponse applicable aux services de communication au public en ligne et pris pour l’application du IV de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dispose :
« La demande d’exercice du droit de réponse mentionné au IV de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 susvisée est adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen garantissant l’identité du demandeur et apportant la preuve de la réception de la demande.
La procédure prévue par le présent décret ne peut être engagée lorsque les utilisateurs sont en mesure, du fait de la nature du service de communication au public en ligne, de formuler directement les observations qu’appelle de leur part un message qui les met en cause. »
L’article 2 du décret n°2007-1527 du 24 octobre 2007 indique : « La demande indique les références du message, ses conditions d’accès sur le service de communication au public en ligne et, s’il est mentionné, le nom de son auteur. Elle précise s’il s’agit d’un écrit, de sons ou d’images. Elle contient la mention des passages contestés et la teneur de la réponse sollicitée. »
L’article 3 du décret n°2007-1527 du 24 octobre 2007 prévoit : « La réponse sollicitée prend la forme d’un écrit quelle que soit la nature du message auquel elle se rapporte. Elle est limitée à la longueur du message qui l’a provoquée ou, lorsque celui-ci ne se présente pas sous une forme alphanumérique, à celle de sa transcription sous forme d’un texte. La réponse ne peut pas être supérieure à 200 lignes. »
L’article 4 du décret n°2007-1527 du 24 octobre 2007 dispose : « La réponse est mise à la disposition du public par le directeur de publication dans des conditions similaires à celles du message en cause et présentée comme résultant de l’exercice du droit de réponse. Elle est soit publiée à la suite du message en cause, soit accessible à partir de celui-ci. Lorsque le message n’est plus mis à la disposition du public, la réponse est accompagnée d’une référence à celui-ci et d’un rappel de la date et de la durée de sa mise à disposition du public.
La réponse demeure accessible durant la même période que celle pendant laquelle l’article ou le message qui la fonde est mis à disposition du public par l’éditeur de service de communication au public en ligne. La durée pendant laquelle la réponse est accessible ne peut être inférieure à un jour.
Lorsque le message est mis à la disposition du public par le biais d’un courrier électronique périodique non quotidien, le directeur de la publication est tenu d’insérer la réponse dans la parution qui suit la réception de la demande.
Le directeur de publication fait connaître au demandeur la suite qu’il entend donner à sa demande dans le délai prévu au troisième alinéa du paragraphe IV de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 susvisée ainsi que, le cas échéant, les modalités selon lesquelles il y est donné suite. »
L’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose : « Le directeur de la publication sera tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception, les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le journal ou écrit périodique quotidien sous peine de 3 750 euros d’amende sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels l’article pourrait donner lieu.
En ce qui concerne les journaux ou écrits périodiques non quotidiens, le directeur de la publication, sous les mêmes sanctions, sera tenu d’insérer la réponse dans le numéro qui suivra le surlendemain de la réception.
Cette insertion devra être faite à la même place et en mêmes caractères que l’article qui l’aura provoquée, et sans aucune intercalation.
Non compris l’adresse, les salutations, les réquisitions d’usage et la signature qui ne seront jamais comptées dans la réponse, celle-ci sera limitée à la longueur de l’article qui l’aura provoquée. Toutefois, elle pourra atteindre cinquante lignes, alors même que cet article serait d’une longueur moindre, et elle ne pourra dépasser deux cents lignes, alors même que cet article serait d’une longueur supérieure. Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux répliques, lorsque le journaliste aura accompagné la réponse de nouveaux commentaires.
La réponse sera toujours gratuite. Le demandeur en insertion ne pourra excéder les limites fixées au paragraphe précédent en offrant de payer le surplus. »
Il résulte des textes précités que pour se conformer aux exigences légales la réponse doit :
– être adressée au directeur de publication notamment par LRAR dans un délai de trois mois à compter de la mise à disposition au public du message contesté ;
– contenir la mention des références du message, ses conditions d’accès sur le service de communication au public en ligne, le nom de son auteur, la nature du message à savoir un écrit, des sons ou des images ; et la mention des passages contestés ainsi que la teneur de la réponse sollicitée ;
– ne pas faire plus de 200 lignes et être en tout état de cause inférieure ou égale à la longueur du message qui l’a provoquée ;
– dans sa teneur ne pas porter atteinte à la loi, à l’ordre public, et aux bonnes mœurs ;
– dans sa teneur ne pas porter atteinte aux droits des tiers ;
– dans sa teneur ne pas porter atteinte à l’honneur ou à la considération des journalistes ;
– dans sa teneur ne pas être dénuée de corrélation avec les messages l’ayant provoqué.
Dès lors que la réponse respecte ces exigences, il pèse sur le directeur de publication une obligation légale de résultat de la publier telle quelle sans bénéficier d’aucune marge de manœuvre. En effet, il est établi un principe d’indivisibilité de la réponse conforme aux exigences des textes, qui interdit au directeur de publication de tronquer la réponse ou de l’entrecouper avec des commentaires.
Par ailleurs, dans le cadre d’une société démocratique encourageant le débat d’idées, le droit de réponse est considéré comme le contrepoids nécessaire à l’activité journalistique. C’est pourquoi, il est constant que le refus de publier une réponse conforme aux exigences posées par les textes est illégitime et constitue à ce titre un trouble manifestement illicite. En cas de demande d’insertion forcée d’une réponse, il appartient au juge de se prononcer uniquement sur le caractère illégitime ou non du refus de publier.
A ce stade, il convient de préciser que le droit de réponse est un droit personnel général et absolu destiné à la protection de la personnalité et qu’à ce titre le demandeur au droit de réponse doit être celui désigné dans le message contesté. Aucune demande pour compte de tiers ne saurait être formulée sans justifier d’un mandat spécial. Le représentant d’une personne morale ne saurait être considéré comme tiers à la personne morale lorsqu’il agit au nom et pour le compte de ladite personne morale.
Toutefois, dans le cas d’une personne morale, la demande doit être formulée par son représentant légal et le directeur de la publication, auquel la publication du droit de réponse est sollicitée, doit être mis en mesure de vérifier les pouvoirs de ce dernier. A défaut le refus de la demande de réponse est légitime.
En l’espèce, il ressort de façon constante des éléments versés aux débats que la demande de réponse adressée par lettre recommandée avec accusé réception le 5 février 2024 signée par M. [C] [D] contenait trois annexes à savoir un extrait des statuts de la FCTJ, un extrait du procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du 19 septembre 2023 constatant la nomination de M. [C] [D] en tant que président de l’association, et la pièce d’identité de ce dernier.
Cependant, il résulte des statuts de la FCTJ versés aux débats que l’étendue des pouvoirs du président de l’association n’est précisée qu’à l’article 14 desdits statuts. Or, l’extrait des statuts annexée à la demande de réponse ne contient que les articles 1 à 4 des statuts lesquels ne donnent aucune information sur les pouvoirs du président de l’association.
Il convient de préciser que les statuts d’une association ne sont pas accessibles sur internet et doivent faire l’objet d’une demande de communication auprès du greffe des associations de la préfecture compétente. La demande de communication des statuts est susceptible d’être satisfaite dans des délais variables ne pouvant dépasser un mois mais susceptibles de dépasser trois jours. De plus, les frais de reproduction des documents sont à la charge de celui qui formule la demande.
Dans la mesure où le directeur de publication doit se prononcer dans un délai légal de trois jours, il appartenait à la demanderesse de lui fournir tous les éléments adéquats pour lui permettre de vérifier les pouvoirs de son représentant sans qu’il n’ait besoin de formuler une demande de communication de des statuts de la demanderesse. En l’état des éléments versés aux débats, la demanderesse s’en est abstenue.
Dès lors, le refus, caractérisé par omission silencieuse, du défendeur doit être considéré comme légitime, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens.
Par conséquent en l’absence de trouble manifestement illicite, la demande sera rejetée.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il y a lieu de condamner la demanderesse, partie succombante, à payer au demandeur la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La demanderesse sera condamnée aux dépens.
Nous, Gaële FRANCOIS-HARY, Première Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de Versailles, statuant en qualité de Juge des référés, par ordonnance contradictoire et en premier ressort, mise à disposition au greffe après débats en audience publique:
Rejetons la demande de la FÉDÉRATION CHRÉTIENNE DES TÉMOINS DE JÉHOVAH DE FRANCE de publier la réponse adressée par lettre recommandée avec accusé réception du 5 février 2024 à M. [M] [V], es qualité de directeur de la publication du site internet www.[05].com,
Condamnons la FÉDÉRATION CHRÉTIENNE DES TÉMOINS DE JÉHOVAH DE FRANCE à payer à M. [M] [V], es qualité de directeur de la publication du site internet www.[05].com, la somme de 3500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamnons la FÉDÉRATION CHRÉTIENNE DES TÉMOINS DE JÉHOVAH DE FRANCE aux dépens.
Prononcé par mise à disposition au greffe le VINGT DEUX OCTOBRE DEUX MIL VINGT QUATRE par Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente, assistée de Virginie DUMINY, Greffier, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.
Le Greffier La Première Vice-Présidente
Virginie DUMINY Gaële FRANÇOIS-HARY