Ce point juridique est utile ?
Le Décret n° 2024-969 du 30 octobre 2024 a modifié les dispositions propres au certificat de nationalité dans le code de procédure civile.
Le décret tire les conséquences de la décision du Conseil d’Etat nos 466700-466052-466116 du 17 janvier 2024 annulant partiellement le décret n° 2022-899 du 17 juin 2022 relatif au certificat de nationalité française. Il prévoit une solution de substitution afin de permettre au demandeur d’un certificat de nationalité française de recevoir les informations et documents qui lui seront communiqués par le greffe autrement que par voie électronique dans l’hypothèse où le demandeur ne dispose pas d’un accès aux outils numériques ou rencontre des difficultés dans leur maniement. Il rend obligatoire l’information par le directeur des services de greffe judiciaires du demandeur de la prorogation du délai d’instruction de sa demande.
Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 17/01/2024, 466052, Inédit au recueil Lebon
Conseil d’État – 6ème – 5ème chambres réunies
N° 466052
ECLI:FR:CECHR:2024:466052.20240117
Inédit au recueil Lebon
Lecture du mercredi 17 janvier 2024
Rapporteur
M. David Gaudillère
Rapporteur public
Mme Maïlys Lange
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les procédures suivantes :
1) Sous le n° 466052, par une requête, enregistrée le 25 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (GISTI) demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-899 du 17 juin 2022 relatif au certificat de nationalité française ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
2) Sous le n° 466116, par une requête, enregistrée le 26 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le Conseil national des barreaux (CNB) demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-899 du 17 juin 2022 relatif au certificat de nationalité française ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
…………………………………………………………………………
3) Sous le n° 466700, par une requête, enregistrée le 16 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE) et le Syndicat des avocats de France demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-899 du 17 juin 2022 relatif au certificat de nationalité française ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
…………………………………………………………………………
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 34 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de procédure civile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-293 L du 15 avril 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. David Gaudillère, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat du Conseil national des barreaux et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers et autre ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées le 18 décembre 2023, présentées par le garde des sceaux, ministre de la justice ;
Considérant ce qui suit :
- Par trois requêtes qu’il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, le Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (GISTI), le Conseil national des barreaux (CNB), ainsi que l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE) et le Syndicat des avocats de France demandent l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 17 juin 2022 relatif au certificat de nationalité française.
Sur la consultation du Conseil d’Etat :
- Il ressort des pièces du dossier, notamment de la copie de la minute de la délibération de la section de l’intérieur du Conseil d’Etat, produite par le garde des sceaux, ministre de la justice, que le texte du décret attaqué ne contient pas de disposition qui différerait à la fois du texte soumis au Conseil d’Etat et du texte adopté par lui. Le moyen tiré de ce que l’ordonnance attaquée aurait été prise sans consultation régulière du Conseil d’Etat ne peut, par suite, qu’être écarté.
Sur les moyens relatifs à la procédure d’examen des demandes de certificat de nationalité française :
- En premier lieu, le nouvel article 1045-1 du code de procédure civile, introduit par le décret attaqué, prévoit que la demande de certificat de nationalité doit être accompagnée de l’indication d’une adresse électronique à laquelle sont valablement adressés au demandeur les communications du greffe et le récépissé constatant la réception de toutes les pièces nécessaires à l’instruction de la demande. Il prévoit également qu’en cas de refus de délivrance du certificat demandé, ce refus est notifié par courrier électronique, à l’adresse de courrier électronique déclarée dans la demande.
- S’il était loisible au pouvoir réglementaire de prévoir la communication par l’administration d’informations et de documents par voie électronique, il lui incombait de prévoir les dispositions nécessaires pour que les personnes qui ne disposent pas d’un accès aux outils numériques ou qui rencontrent des difficultés dans leur maniement puissent bénéficier d’une solution de substitution afin de mener à bien la procédure d’examen de leurs demandes de certificat de nationalité française et de pouvoir recevoir, dans ce cadre, les envois de l’administration.
- Dès lors, en exigeant d’un demandeur de certificat de nationalité qu’il indique une adresse électronique pour la réception des informations et documents qui lui seront communiqués par le greffe du tribunal judiciaire ou de la chambre de proximité, sans prévoir, à titre de solution de substitution, la possibilité, pour le demandeur qui établit qu’il n’est pas en mesure d’accéder à une messagerie électronique pour la réception de ces informations et documents, d’indiquer une adresse postale, le décret attaqué fait obstacle à l’accès normal des usagers au service public et porte atteinte à l’exercice effectif de leurs droits par les personnes concernées. Par suite, les requérants sont fondés à demander son annulation sur ce point.
- En deuxième lieu, le même article 1045-1 du code de procédure civile, introduit par le décret attaqué, prévoit que la demande de certificat de nationalité est adressée au moyen d’un formulaire dont le contenu est fixé par arrêté, qu’elle doit être accompagnée de pièces dont la liste est également fixée par arrêté et, enfin, que le directeur des services de greffe judiciaires, qui a qualité pour se prononcer sur la demande en vertu des dispositions de l’article 31 du code civil, peut solliciter du demandeur la production de tous documents complémentaires.
- D’une part, il résulte des termes mêmes du décret attaqué, notamment du deuxième alinéa du nouvel article 1045-1 du code de procédure civile, que le directeur des services de greffe judiciaires, qui est tenu de délivrer au demandeur un récépissé attestant de la complétude de son dossier, ne peut demander de pièces complémentaires qu’en tant que celles-ci sont ” nécessaires à l’instruction de la demande “. En outre, le premier alinéa de ce même article prévoit, ainsi qu’il a été dit, que la liste des pièces à produire par les demandeurs est déterminée par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué permettrait des demandes arbitraires de l’administration et méconnaîtrait, ainsi, le principe de sécurité juridique doit être écarté, ainsi que, en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance de l’objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la norme.
- D’autre part, compte tenu notamment de la faculté ainsi prévue de faire compléter la demande par tout document nécessaire, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu’en ayant prévu un formulaire unique de demande, lequel, comme le relève en défense le garde des sceaux, ministre de la justice, a pour objet de simplifier les démarches des demandeurs et d’harmoniser leur traitement par l’administration, le décret attaqué serait, au motif que le droit de la nationalité présente une grande complexité, entaché d’erreur manifeste d’appréciation.
- En troisième lieu, aux termes du troisième alinéa de l’article 1045-1 du code de procédure civile, introduit par le décret attaqué : ” Le récépissé mentionne qu’une décision sera rendue dans un délai de six mois. Pour les besoins de l’instruction, le directeur des services de greffe judiciaires peut proroger ce délai au maximum deux fois pour la même durée. L’absence de décision à l’issue de ces délais vaut rejet de la demande “. Aux termes du deuxième alinéa de l’article 1045-2 du même code, introduit par le décret attaqué : ” L’action est introduite, à peine de forclusion, dans un délai de six mois à compter de la notification du refus ou de l’expiration des délais prévus au troisième alinéa de l’article 1045-1 “.
- D’une part, il ne résulte d’aucun texte ni d’aucun principe que le récépissé constatant la réception de toutes les pièces nécessaires à l’instruction de la demande devrait comporter la mention des voies et délais de recours contre un éventuel refus de certificat de nationalité. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait, pour ce motif, le principe de sécurité juridique ou le droit à un recours juridictionnel effectif doit être écarté.
- D’autre part, il résulte des dispositions citées au point 9 que le directeur des services de greffe judiciaire peut, à l’expiration d’un délai de six mois à compter de l’envoi du récépissé constatant la réception de toutes les pièces nécessaires à l’instruction de la demande, proroger le délai d’instruction de la demande pour une nouvelle période de six mois renouvelable. Toutefois, il n’est prévu par aucune disposition du décret attaqué que cette décision de prorogation du délai d’instruction fasse l’objet d’une information de l’intéressé. Il en résulte que le demandeur d’un certificat de nationalité n’est pas mis à même de déterminer, au terme du délai de six mois indiqué par le récépissé, si l’absence d’information de l’administration à son égard doit être regardée comme un refus implicite de sa demande, lequel fait alors courir le délai de recours contentieux de six mois, ou comme une prorogation implicite du délai d’instruction de celle-ci. Dès lors, le décret attaqué, en ce qu’il ne prévoit pas qu’à l’expiration du délai de six mois à compter de l’envoi du récépissé constatant la complétude du dossier de demande, le demandeur d’un certificat de nationalité est, le cas échéant, informé de la prorogation de l’instruction de sa demande pour une durée de six mois, ni au terme de ce délai, informé, le cas échéant, d’une seconde prorogation pour une durée de six mois, méconnaît le principe de sécurité juridique ainsi que l’objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la norme. Par suite, il doit être annulé sur ce point.
Sur les moyens relatifs à la contestation des refus de délivrance de certificat de nationalité :
En ce qui concerne la compétence du pouvoir réglementaire :
- L’article 1er du décret attaqué, en remplaçant, à l’article 31-3 du code civil, les mots ” le ministre de la justice ” par les mots ” le tribunal judiciaire “, substitue à un recours hiérarchique devant le ministre de la justice un recours juridictionnel, dont l’article 2 du même décret organise la procédure, en introduisant un nouvel article 1045-2 dans le code de procédure civile.
- D’une part, aux termes de l’article 34 de la Constitution : ” La loi fixe les règles concernant (…) la nationalité (…) “. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 15 avril 2021 visée ci-dessus, a jugé que les mots ” le ministre de la justice “, dès lors qu’ils se bornaient à désigner une autorité pouvant être saisie du refus de délivrance d’un certificat de nationalité et ne mettaient en cause ni les règles concernant la nationalité, ni aucun des autres principes ou règles placés par la Constitution dans le domaine de la loi, avaient un caractère réglementaire.
- D’autre part, et en tout état de cause, les décisions par lesquelles le ministre de la justice statuait, sur le fondement de l’article 31-3 du code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du décret attaqué, sur les recours dirigés contre les refus de délivrance de certificat de nationalité n’étaient pas susceptibles de recours devant le juge administratif. Il s’ensuit que l’article 1er du décret attaqué n’a eu ni pour objet ni pour effet de substituer un recours juridictionnel devant le juge judiciaire à un recours juridictionnel devant le juge administratif.
- Par suite, le moyen tiré de ce qu’en prévoyant que le refus de délivrance d’un certificat de nationalité est désormais susceptible de faire l’objet, non plus d’un recours hiérarchique devant le ministre de la justice, mais d’un recours juridictionnel devant le tribunal judiciaire, le décret attaqué aurait empiété sur la compétence réservée au législateur par l’article 34 de la Constitution, ne peut qu’être écarté.
En ce qui concerne la notification des refus par voie électronique :
- L’article 1045-2 du code de procédure civile, introduit par le décret attaqué, dispose que l’action en contestation de refus de délivrance d’un certificat de nationalité doit, à peine de forclusion, être introduite dans un délai de six mois à compter de la notification de ce refus, celle-ci étant, ainsi qu’il a été dit au point 3, effectuée par envoi d’un message électronique à l’adresse indiquée par le demandeur.
- En l’absence de texte en disposant autrement, la date à laquelle le demandeur est réputé avoir reçu la notification d’un refus de certificat de nationalité est celle à laquelle il la consulte à son adresse électronique, date qu’il incombe, le cas échéant, à l’administration d’établir en cas de contestation. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions du décret contesté seraient susceptibles de faire courir un délai de forclusion à partir d’une date qui ne serait pas celle de la réception effective du refus de certificat de nationalité et qu’elles porteraient, ainsi, atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, doit être écarté.
En ce qui concerne le rejet par ordonnance des recours contre les refus de délivrance de certificat de nationalité :
- Aux termes du quatrième alinéa de l’article 1045-2 du code de procédure civile, introduit par le décret attaqué : ” Avant l’audience d’orientation, le président de la chambre saisie ou à laquelle l’affaire a été distribuée peut rejeter par ordonnance motivée les requêtes manifestement irrecevables ou manifestement infondées. L’ordonnance est susceptible d’appel dans les quinze jours à compter de sa notification “. La circonstance que le pouvoir réglementaire a prévu un délai de recours de quinze jours pour contester les ordonnances rejetant comme manifestement irrecevables ou infondées les requêtes dirigées contre un refus de délivrance de certificat de nationalité n’est pas, par elle-même, susceptible de porter atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif contre de telles ordonnances.
En ce qui concerne les autres moyens relatifs à la contestation des refus de certificat de nationalité :
- En premier lieu, la circonstance qu’un refus de certificat de nationalité n’est pas motivé ou est insuffisamment motivé n’est pas, par elle-même, susceptible de porter atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif contre une telle décision. Par suite, le moyen tiré de ce que, faute d’avoir prévu la motivation des refus de certificat, le décret attaqué porterait atteinte au droit d’accès au juge et au droit à un recours juridictionnel effectif doit être écarté.
- En deuxième lieu, aux termes de l’article 31-3 du code civil dans sa rédaction résultant du décret attaqué : ” Lorsque le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire refuse de délivrer un certificat de nationalité, l’intéressé peut saisir le tribunal judiciaire qui décide s’il y a lieu de procéder à cette délivrance “. Le deuxième alinéa de l’article 1045-2 du code civil, dans sa rédaction résultant du décret attaqué, prévoit notamment que l’action en contestation du refus de délivrance d’un certificat de nationalité française est ” introduite, à peine de forclusion dans un délai de six mois à compter de la notification du refus ou de l’expiration des délais prévus au troisième alinéa de l’article 1045-1 “. Si les requérants font valoir que dans le cadre de la procédure distincte prévue par l’article 29-3 du même code, le droit d’agir du ministère public pour faire juger qu’une personne a, ou n’a pas, la qualité de Français, n’est enfermé dans aucun délai, il ne résulte pas de cette différence que le décret attaqué aurait méconnu le principe de l’égalité des armes, énoncé par l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, les deux procédures en cause étant, en tout état de cause, distinctes et n’ayant pas le même objet.
- En troisième lieu, l’article 1045-2 du code de procédure civile, introduit par le décret attaqué, dispose que, pour contester devant le tribunal judiciaire un refus de certificat de nationalité, le demandeur doit constituer avocat. Eu égard notamment aux dispositions du troisième alinéa de l’article 3 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, qui permet d’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle, quelle que soit leur nationalité, leur lieu de résidence ou la régularité de leur séjour en France, les personnes dont la situation ” apparaît particulièrement digne d’intérêt au regard de l’objet du litige ou des charges prévisibles du procès “, le moyen tiré de ce qu’en prévoyant cette constitution d’avocat, d’ailleurs analogue à celle requise pour l’action déclaratoire que le même demandeur est susceptible d’introduire en application de l’article 29-3 du code civil, le décret attaqué aurait méconnu le droit à un recours juridictionnel effectif, doit être écarté.
- En quatrième lieu, l’article 1045-2 du code de procédure civile, introduit par le décret attaqué, dispose que la requête présentée devant le tribunal judiciaire doit, à peine d’irrecevabilité, être notamment accompagnée des mêmes pièces que celles qui avaient été déposées, au soutien de la demande de certificat, au greffe de ce tribunal ou de la chambre de proximité.
- D’une part, cette obligation, qui vise à ce que le tribunal judiciaire puisse disposer, au stade de l’examen d’un recours contentieux contre un refus de délivrance de certificat, des mêmes éléments que ceux qui, au stade de l’examen de la demande de certificat, ont été soumis au greffe du tribunal ou de la chambre de proximité, ne saurait être regardée comme imposant aux requérants un formalisme tel qu’il ferait obstacle à leur accès au juge. D’autre part, dans le cas où certains documents originaux ont été produits au stade de la demande de certificat, ceux-ci peuvent, comme l’indique la notice explicative diffusée par le ministère de la justice, être restitués sur simple demande du requérant ou de son avocat. Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions attaquées du décret, en imposant au justiciable une formalité impossible, porteraient atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif doit être écarté.
- En cinquième lieu, l’article 1045-2 du code de procédure civile, introduit par le décret attaqué, dispose que l’acte de constitution d’avocat emporte élection de domicile. Contrairement à ce que soutiennent l’association ADDE et le Syndicat des avocats de France, cette disposition, qui reprend au demeurant une disposition de droit commun prévue au second alinéa de l’article 760 du code de procédure civile, ne saurait être regardée comme imposant aux avocats, dans leurs relations avec leurs clients, une charge excessive qui ferait obstacle à l’accès de ces derniers au juge. Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions attaquées du décret porteraient, dans cette mesure, atteinte au principe d’égal accès au service public et au droit au recours effectif doit être écarté.
Sur les moyens dirigés contre les dispositions transitoires :
- En premier lieu, l’article 3 du décret attaqué dispose que les recours contre les refus de délivrance de certificat de nationalité opposés après le 1er septembre 2022 obéissent aux nouvelles dispositions de l’article 1045-2 du code de procédure civile, y compris si la demande de certificat a été déposée avant cette date. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la circonstance qu’un tel recours doive, par conséquent, être accompagné du formulaire prévu par le nouvel article 1045-1 du code de procédure civile, alors même que la demande de certificat a pu, compte tenu de sa date, être introduite sans qu’il y ait lieu de remplir ce formulaire, ne saurait être regardée comme contraire au droit à un recours juridictionnel effectif. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait méconnu, pour ce motif, des dispositions de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
- En deuxième lieu, le même article 3 du décret attaqué dispose que, lorsqu’un refus de délivrance de certificat de nationalité a été opposé avant le 1er septembre 2022, sa contestation doit, à peine de forclusion, intervenir dans un délai de six mois à compter de cette date. Ainsi, ces dispositions transitoires permettent aux demandeurs auxquels un refus a été opposé avant le 1er septembre 2022, quelle que soit la date à laquelle ce refus a été prononcé, de former un recours contentieux contre cette décision dans un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur du décret, soit jusqu’au 1er mars 2023. D’une part, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ce délai de recours de six mois ne saurait, dès lors qu’il ne commence à courir qu’à compter du 1er septembre 2022, être regardé comme trop bref. D’autre part, la circonstance que ces dispositions introduisent un délai de contestation pour des actes qui étaient, jusque-là, susceptibles de faire l’objet d’un recours administratif sans condition de délai ne saurait méconnaître le droit à un recours juridictionnel effectif. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, pour ce motif, des dispositions de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
- Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont fondés à demander l’annulation du décret du 17 juin 2022 relatif au certificat de nationalité française qu’en tant, premièrement, qu’il impose aux demandeurs d’un certificat de nationalité française l’indication d’une adresse électronique pour la réception des informations et documents qui lui seront communiqués par le greffe du tribunal judiciaire ou de la chambre de proximité, sans prévoir, à titre de solution de substitution, la possibilité, pour le demandeur qui établit qu’il n’est pas en mesure d’accéder à une messagerie électronique pour la réception de ces informations et documents, d’indiquer une adresse postale, deuxièmement, qu’il ne prévoit pas qu’à l’expiration du délai de six mois à compter de l’envoi du récépissé constatant la complétude du dossier de demande, le demandeur d’un certificat de nationalité française soit, le cas échéant, informé de la prorogation de l’instruction de sa demande pour une durée de six mois, ni, au terme de ce délai, informé, le cas échéant, d’une seconde prorogation pour une durée de six mois.
- Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros à verser au Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s, la somme de 2 000 euros à verser au Conseil national des barreaux, ainsi que la somme de 2 000 euros à verser à l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers et au Syndicat des avocats de France, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le décret n° 2022-899 du 17 juin 2022 relatif au certificat de nationalité française est annulé :
- en tant qu’il impose aux demandeurs d’un certificat de nationalité française l’indication d’une adresse électronique pour la réception des informations et documents qui lui seront communiqués par le greffe du tribunal judiciaire ou de la chambre de proximité, sans prévoir, à titre de solution de substitution, la possibilité, pour le demandeur qui établit qu’il n’est pas en mesure d’accéder à une messagerie électronique pour la réception de ces informations et documents, d’indiquer une adresse postale ;
- en tant qu’il ne prévoit pas qu’à l’expiration du délai de six mois à compter de l’envoi du récépissé constatant la complétude du dossier de demande, le demandeur d’un certificat de nationalité française est, le cas échéant, informé de la prorogation de l’instruction de sa demande pour une durée de six mois, ni, au terme de ce délai, informé, le cas échéant, d’une seconde prorogation pour une durée de six mois.
Article 2 : L’Etat versera une somme de 2 000 euros au Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s, une somme de 2 000 euros au Conseil national des barreaux, ainsi qu’une somme de 2 000 euros à l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers et au Syndicat des avocats de France au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s, au Conseil national des barreaux, à l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers, au Syndicat des avocats de France et au garde des sceaux, ministre de la justice. Copie en sera adressée au Premier ministre.
Délibéré à l’issue de la séance du 13 décembre 2023 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, conseillers d’Etat ; M. David Gaudillère, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 17 janvier 2024.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. David Gaudillère
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain