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L’atteinte à la présomption d’innocence est soumise à la prescription abrégée. En la cause, plus de trois mois s’étaient écoulés depuis le dernier acte interruptif, à savoir les écritures remises et notifiées par RPVA, peu important que des écritures aient été déposées dans le cadre de la procédure prud’homale, s’agissant d’une instance distincte, de sorte que l’ action se trouve prescrite.
L’article 9-1 du code civil dispose que chacun a droit au respect de la présomption d’innocence. Lorsqu’une personne est avant toute condamnation présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le juge peut même en référé sans préjudice de la réparation du dommage subi prescrire toute mesure telle que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte. Les pouvoirs du juge des référés auxquels l’article 9-1 du code civil fait référence sont ceux prévus par l’article 835 du code de procédure civile qui prévoit qu’il peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. L’article 65-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse prévoit que les actions fondées sur une atteinte au respect de la présomption d’innocence commise par l’un des moyens visés à l’article 23 se prescriront après trois mois révolus à compter de l’acte de publication. Le délai de prescription de 3 mois s’applique ainsi, sauf dispositions contraires, à toutes les infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, sans qu’il y ait lieu d’établir une distinction entre les crimes, les délits et les contraventions. Ce délai court de nouveau à compter de chaque acte interruptif de la prescription abrégée de ce texte. Ces dispositions d’ordre public imposent au demandeur, non seulement d’introduire l’instance dans les trois mois de la publication des propos incriminés mais aussi d’accomplir tous les trois mois un acte de procédure manifestant à l’adversaire son intention de poursuivre l’instance (Cass. Ass. Plénière, 21 décembre 2006, n°00-20.493). Il peut toutefois arriver que des faits susceptibles d’une qualification de droit commun et d’une qualification de presse soient soumis conjointement à un juge. En ce cas, s’il y a indivisibilité, la qualification prévue par la loi sur la presse l’emportera et conduira à appliquer la prescription trimestrielle (Cass. 2e civ., 29 nov. 2001, n°98-20.529). |
Résumé de l’affaire : M. [J], journaliste au Monde diplomatique depuis avril 2013, a été licencié pour faute grave en janvier 2023, après autorisation de l’inspection du travail. Élu délégué du personnel et délégué syndical en avril 2021, il a contesté son licenciement et a formé un recours hiérarchique, qui a été rejeté par le ministère du travail en août 2023. En mars 2023, des articles critiques à son égard ont été publiés dans Libération et sur Arrêt sur images, suivis de réponses du directeur de publication du Monde diplomatique. M. [J] a demandé le retrait de ces articles, arguant qu’ils portaient atteinte à sa présomption d’innocence, mais sa demande a été refusée. Il a ensuite déposé une plainte pour diffamation et a assigné le Monde diplomatique et son directeur en justice. Le tribunal a débouté M. [J] de ses demandes en octobre 2023, décision qu’il a contestée en appel. Les défendeurs ont soutenu que les demandes de M. [J] étaient prescrites et que les publications ne constituaient pas une atteinte à la présomption d’innocence. En janvier 2024, M. [J] a relevé appel, mais le tribunal a finalement déclaré son action irrecevable pour cause de prescription et l’a condamné aux dépens.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2024
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/01844 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CIZ5O
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Octobre 2023 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 23/55647
APPELANT
M. [Z] [J]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Maïa KANTOR de l’AARPI KANTOR – LE BORGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : D207
INTIMÉS
M. [B] [F], pris en sa qualité de directeur de publication du Monde diplomatique, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
S.A. LE MONDE DIPLOMATIQUE, RCS de Paris sous le n°400 064 291, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentés par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Ayant pour avocat plaidant Me Bruno ANATRELLA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1404
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Septembre 2024, en audience publique, devant Michèle CHOPIN, Conseillère chargée du rapport et Laurent NAJEM, Conseiller, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Laurent NAJEM, Conseiller,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
M. [J], journaliste, a été engagé par la société Le Monde diplomatique le 10 avril 2013 et a été chargé, outre la rédaction d’articles qualitatifs, de la transition numérique du journal et de sa présence sur les réseaux sociaux et plateformes de podcasts. Outre ses fonctions contractuelles, il a été élu délégué du personnel au comité social et économique le 6 avril 2021 et désigné comme délégué syndical le 8 avril 2021.
Il a fait l’objet d’un licenciement pour faute grave le 10 janvier 2023, après autorisation donnée par l’inspection du travail le 3 janvier 2023.
Le 8 mars 2023, M. [J] a formé un recours hiérarchique à l’encontre de l’autorisation délivrée par l’inspection du travail, cette autorisation de licencier ayant été confirmée le 22 août 2023 par le ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion.
Le 13 avril 2023, le journal Libération a publié un article intitulé « au monde diplo, la guerre des classes est déclarée », tandis que le même jour, était publié sur le site Arrêt sur images un article intitulé « Superprofits, précariat et antisyndicalisme au “Monde diplo” ».
Le 18 avril 2023, M. [F], directeur de publication du Monde diplomatique, a signé trois articles publiés sur le site internet du journal intitulés comme suit : « A propos de deux “enquêtes” de “Libération” et “Arrêt sur images” », « Réponse à Libération » et enfin, « Réponse à Arrêt sur images ».
Par courriel du 7 juillet 2023, par la voix de son conseil, M. [J] a mis en demeure M. [F], en sa qualité de directeur de publication du Monde diplomatique, de retirer ces trois articles, en ce qu’ils portaient atteinte à la présomption d’innocence. Par lettre du 13 juillet 2023, la société Le Monde diplomatique a fait savoir qu’elle n’entendait pas faire droit à cette demande.
Le 7 juillet 2023 également, M. [J] a déposé plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d’instruction du tribunal judiciaire de Paris et contre X du chef de diffamation.
Par exploit du 13 juillet 2023, M. [J] a fait assigner la société Le monde diplomatique et M. [F] en qualité de directeur de la publication du Monde diplomatique devant le juge du tribunal judiciaire de Paris, au visa de l’article 9-1 du code civil, aux fins de voir :
Constater l’atteinte à la présomption d’innocence par les publications litigieuses ;
En conséquence,
Ordonner le retrait des publications suivantes :
Communiqué n°2 intitulé « à propos de deux “enquêtes” de “Libération” et “Arrêt sur images” », publié le 18 avril 2023 et accessible publiquement à l’adresse suivante : https://monde-diplomatique.fr/commuique/2023/04/reponse-a-liberation-et-a-arret-sur-images ;
Communiqué n°3 intitulé « réponse à Arrêt sur images », publié le 18 avril 2023 et accessible publiquement à l’adresse suivante : https://monde-diplomatique.fr/communique/2023/04/reponse-a-arret-sur-images ;
Condamner les défendeurs à payer à M. [J] une provision d’un euro symbolique à valoir sur la réparation de son préjudice moral résultant de l’atteinte à la présomption d’innocence ;
En toute hypothèse,
Assortir le jugement d’une astreinte de 1.000 euros par jour en méconnaissance des dispositions du jugement à intervenir,
Condamner la société Le monde diplomatique et M. [F] aux entiers dépens et frais de l’instance,
Condamner la société Le monde diplomatique et M. [F] au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par ordonnance contradictoire du 25 octobre 2023, le juge du tribunal judiciaire de Paris a :
Débouté M. [J] de l’ensemble de ses demandes,
Condamné M. [J] à verser à la société Le monde diplomatique et à M. [F], ensemble, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamné M. [J], aux dépens.
Par déclaration du 15 janvier 2024, M. [J] a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 30 août 2024, M. [J] demande à la cour, au visa des articles 9-1 du code civil et 700 du code de procédure civile, de :
A titre liminaire,
Constater que la prescription n’est pas acquise,
Déclarer non-prescrites les demandes, fins et prétentins formulées par M. [J] et portant que le fondement de l’atteinte à la présomption d’innoncence litigieuse,
Dire et juger que le présent appel est parfaitement recevable,
En conséquence,
A titre principal,
Infirmer l’ordonnance rendue le 25 octobre 2023 n° RG 23/55647 par le tribunal judiciaire de Paris ;
Dire n’y avoir lieu à référé ;
Constater l’atteinte à la présomption d’innocence par les publications litigieuses ;
En conséquence,
Ordonner sous astreinte de 1.000 par jour de retard la publication aux pages des articles et des communiqués suivants :
Communiqué n°2 intitulé « à propos de deux “enquêtes” de “Libération” et “Arrêt sur images” », publié le 18 avril 2023 et accessible publiquement à l’adresse suivante : https://monde-diplomatique.fr/commuique/2023/04/reponse-a-liberation-et-a-arret-sur-images
Communiqué n°3 intitulé « réponse à Arrêt sur images », publié le 18 avril 2023 et accessible publiquement à l’adresse suivante : https://monde-diplomatique.fr/communique/2023/04/reponse-a-arret-sur-images ;
« Condamnation judiciaire du Monde Diplo [‘] Par jugement en date du ‘ le tribunal judiciaire de Paris a condamné la société Le monde diplomatique et M. [F], directeur de la rédaction, pour atteinte à la présomption d’innocence du salarié protégé directement visé dans cet article » ;
Dire que ce communiqué sera également annoncé en page d’accueil du site internet du Monde diplomatique ;
A titre subsidiaire,
Ordonner le retrait des publications suivantes :
Communiqué n°2 intitulé « à propos de deux “enquêtes” de “Libération” et “Arrêt sur images”, publié le 18 avril 2023 et accessible publiquement à l’adresse suivante : https://monde-diplomatique.fr/commuique/2023/04/reponse-a-liberation-et-a-arret-sur-images ;
Communiqué n°3 intitulé « réponse à Arrêt sur images », publié le 18 avril 2023 et accessible publiquement à l’adresse suivante : https://monde-diplomatique.fr/communique/2023/04/reponse-a-arret-sur-images ;
Condamner les défendeurs à payer à M. [J] une provision d’un euro symbolique à valoir sur la réparation de son préjudice moral résultant de l’atteinte à la présomption d’innocence ;
En tout hypothèse,
Assortir son arrêt d’une astreinte de 1.000 euros par jour en méconnaissance des dispositions du jugement à intervenir ;
Condamner la société le Monde diplomatique et M. [F] aux entiers dépens et frais de l’instance.
Condamner la société le Monde diplomatique et M. [F] au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il expose notamment que :
– La prescription n’est pas acquise, l’action étant fondée sur les dispositions de l’article 9-1 du code civil, le seul visa de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ne suffisant pas à rendre toutes les autres demandes irrecevables, et la réitération des propos étant susceptible de faire courir à nouveau la prescription,
– Les conditions de l’existence d’une atteinte à la présomption d’innocence sont réunies,
– La publicité de cette atteinte ne fait pas débat, la personne visée par l’information, en l’espèce lui-même, est identifiable, il existe une procédure pénale actuellement en cours d’instruction, procédure dont le Monde diplomatique avait connaissance,
– Le premier juge en lui reprochant de ne pas produire le contenu de la plainte, porte une atteinte sérieuse à son droit à recours effectif, alors qu’au surplus, la preuve de l’enquête pénale est rapportée,
– Il est indéniable que les publications litigieuses affirment sans nuance ni réserve sa culpabilité, étant précisé que les atteintes à la présomption d’innocence ne peuvent en aucun cas se justifier par la liberté d’expression ou la liberté de la presse,
– Il a subi par conséquent un préjudice moral important résultant du fait que le public puisse avoir été influencé sur sa culpabilité par le reportage et les publications, ce d’autant plus que le procès approche, ce préjudice étant réparé par l’allocation de la somme de 1 euro symbolique,
– Il existe donc une urgence à faire cesser le trouble manifestement illicite que constitue la diffusion des publications et d’ordonner à titre principal la publication d’un encart afin qu’il soit réhabilité publiquement et à titre subsidiaire le retrait desdites publications.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 28 juin 2024, la société le Monde diplomatique et M. [F] demandent à la cour, au visa des articles 65-1 de la loi du 29 juillet 1881, 834, 835 du code de procédure civile et 9-1 du code civil, de :
Déclarer prescrites les demandes, fins et prétentions formulées par M. [J] et portant sur le fondement d’une prétendue atteinte à la présomption d’innocence ;
En conséquence,
Confirmer l’ordonnance de référé du 25 octobre 2023, en ce qu’elle a :
Débouté M. [J] de l’ensemble de ses demandes ;
Condamné M. [J] à verser à la société le Monde diplomatique et à [B] [F], ensemble, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamné M. [J] aux dépens,
Constater l’absence de trouble manifestement illicite ;
Constater l’existence de contestations sérieuses ;
Constater le caractère irrecevable et mal fondée des demandes, fins et prétentions de M. [J] ;
En conséquence,
Confirmer l’ordonnance de référé du 25 octobre 2023, en ce qu’elle a :
Débouté M. [J] de l’ensemble de ses demandes ;
Condamné M. [J] à verser à la société le Monde diplomatique et à [B] [F], ensemble, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamné M. [J] aux dépens,
En tout état de cause,
Condamner M. [J] à verser à M. [F] et à la société le Monde diplomatique la somme de 2 000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
Condamner M. [J] aux entiers dépens d’appel, sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Edmond Fromantin, avocat au barreau de Paris.
Ils exposent notamment que :
– L’appelant a régularisé des conclusions d’appel le 15 février 2024, sans réitérer sa volonté de poursuivre l’instance alors que plus de trois mois se sont écoulés depuis la signification de ces écritures, de sorte que les demandes de M. [J] sur le fondement d’une prétendue présomption d’innocence sont prescrites en application des dispositions de l’article 65-1 de la loi du 29 juillet 1881,
– Il n’existe aucun trouble manifestement illicite ni aucune contestation sérieuse,
– Tout d’abord, le directeur de publication du Monde diplomatique n’a fait que répondre aux articles publiés par Libération et sur le site Arrêt sur images, de sorte que ces réponses s’assimilent à des éditoriaux amenant le lecteur à prendre du recul, ce qui justifie la liberté de ton,
– M. [J] n’apporte aucun élément sur l’ouverture d’une enquête préliminaire, et le premier juge a parfaitement appliqué l’une des conditions essentielles d’une action pour atteinte à la présomption d’innocence, à savoir, la démonstration de l’existence d’une procédure pénale en cours,
– M. [J] n’est pas identifiable et aucune procédure pénale ne lui est imputée,
– L’appelant n’apporte aucun élément de preuve du préjudice qu’il invoque,
– Ensuite, une condamnation dans la présente affaire serait injustifiée et disproportionnée au regard de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, alors que l’article 9-1 du code civil n’interdit pas d’informer le public sur l’existence d’une procédure pénale en cours,
– Les réponses litigieuses ont été provoquées par deux articles à charge et contribuent à un débat d’intérêt général, elles ne sont pas susceptibles d’influer sur la conduite d’une procédure pénale, alors que les mesures demandées sont disproportionnées et infondées.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Sur la prescription
L’article 9-1 du code civil dispose que chacun a droit au respect de la présomption d’innocence. Lorsqu’une personne est avant toute condamnation présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le juge peut même en référé sans préjudice de la réparation du dommage subi prescrire toute mesure telle que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte.
Les pouvoirs du juge des référés auxquels l’article 9-1 du code civil fait référence sont ceux prévus par l’article 835 du code de procédure civile qui prévoit qu’il peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
L’article 65-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse prévoit que les actions fondées sur une atteinte au respect de la présomption d’innocence commise par l’un des moyens visés à l’article 23 se prescriront après trois mois révolus à compter de l’acte de publication.
Le délai de prescription de 3 mois s’applique ainsi, sauf dispositions contraires, à toutes les infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, sans qu’il y ait lieu d’établir une distinction entre les crimes, les délits et les contraventions. Ce délai court de nouveau à compter de chaque acte interruptif de la prescription abrégée de ce texte.
Ces dispositions d’ordre public imposent au demandeur, non seulement d’introduire l’instance dans les trois mois de la publication des propos incriminés mais aussi d’accomplir tous les trois mois un acte de procédure manifestant à l’adversaire son intention de poursuivre l’instance (Cass. Ass. Plénière, 21 décembre 2006, n°00-20.493).
Il peut toutefois arriver que des faits susceptibles d’une qualification de droit commun et d’une qualification de presse soient soumis conjointement à un juge. En ce cas, s’il y a indivisibilité, la qualification prévue par la loi sur la presse l’emportera et conduira à appliquer la prescription trimestrielle (Cass. 2e civ., 29 nov. 2001, n°98-20.529).
Au cas présent, M. [J] a interjeté appel le 15 janvier 2024 et a conclu au soutien de son appel le15 février 2024 puis le 30 août 2024. Force est de constater que plus de trois mois s’étaient écoulés depuis le dernier acte interruptif, à savoir les écritures remises et notifiées par RPVA le 15 février 2024, peu important que des écritures aient été déposées le 13 juin 2024 dans le cadre de la procédure prud’homale, s’agissant d’une instance distincte, de sorte que l’ action se trouve prescrite.
Dès lors, M. [J] est irrecevable en ses demandes.
L’ordonnance sera infirmée en ce qu’elle a débouté M. [J] de ses demandes.
Elle sera confirmée en ce qui concerne le sort des dépens et des frais irrépétibles.
M. [J] qui succombe sera condamné aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à la société Le Monde diplomatique et M. [F] la somme globale de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Confirme l’ordonnance entreprise en ce qui concerne le sort des dépens et des frais irrépétibles,
Au vu de l’évolution du litige, l’infirme en ce qu’elle a débouté M. [J] de ses demandes,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare l’action de M. [J] prescrite sur le fondement de l’article 9-1 du code civil,
En conséquence, déclare M. [J] irrecevable en ses demandes,
Condamne M. [J] aux dépens de l’appel, dont distraction conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
Condamne M. [J] à payer à la société Le Monde diplomatique et M. [F] la somme globale de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE