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Le syndrôme anxio-dépressif du présentateur peut être pris en charge par la CPAM comme maladie professionnelle.
La résiliation judiciaire du contrat de travail d’un présentateur TV prononcée aux torts de son employeur, produisant tous les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, justifie la compétence de la Commission arbitrale des journalistes pour statuer sur la demande de fixation de l’indemnité de licenciement. La résiliation judiciaire, si elle peut être demandée par le journaliste professionnel à la juridiction prud’homale, est prononcée aux torts de l’employeur dont elle sanctionne les manquements et produit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Parmi les effets du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, figure le droit de percevoir une indemnité de licenciement. Or la commission arbitrale des journalistes est seule compétente pour statuer sur l’octroi et sur le montant d’une indemnité de licenciement, quelle qu’en soit la cause, au journaliste professionnel ayant plus de 15 années d’ancienneté. De plus, en cas de résiliation judiciaire, c’est l’employeur qui, par ses agissements et ses fautes, est à l’initiative des inexécutions contractuelles conduisant à la résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée par le juge à la demande du salarié. Le fait générateur de la rupture se trouvant dans les inexécutions contractuelles commises par l’employeur, la résiliation judiciaire du contrat de travail résulte donc de l’initiative de l’employeur au sens des articles L. 7112-3 et suivants du code du travail. Pour rappel, selon l’article 1492 du code de procédure civile, « Le recours en annulation n’est ouvert que si : 1° Le tribunal arbitral s’est déclaré à tort compétent ou incompétent ; ou 2° Le tribunal arbitral a été irrégulièrement constitué ; ou 3° Le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée ; ou 4° Le principe de la contradiction n’a pas été respecté ; ou 5° La sentence est contraire à l’ordre public ; ou 6° La sentence n’est pas motivée ou n’indique pas la date à laquelle elle a été rendue ou le nom du ou des arbitres qui l’ont rendue ou ne comporte pas la ou les signatures requises ou n’a pas été rendue à la majorité des voix. » L’article L.7112-3 du code du travail dispose que : “Si l’employeur est à l’initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d’année de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze”. L’article L.7112-4 du code du travail dispose que : “Lorsque l’ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l’indemnité due. Cette commission est composée paritairement d’arbitres désignés par les organisations professionnelles d’employeurs et de salariés. Elle est présidée par un fonctionnaire ou par un magistrat en activité ou retraité. Si les parties ou l’une d’elles ne désignent pas d’arbitres, ceux-ci sont nommés par le président du tribunal judiciaire, dans des conditions déterminées par voie réglementaire. Si les arbitres désignés par les parties ne s’entendent pas pour choisir le président de la commission arbitrale, celui-ci est désigné à la requête de la partie la plus diligente par le président du tribunal judiciaire. En cas de faute grave ou de fautes répétées, l’indemnité peut être réduite dans une proportion qui est arbitrée par la commission ou même supprimée. La décision de la commission arbitrale est obligatoire et ne peut être frappée d’appel”. L’article L.7112-5 du même code dispose que : “Si la rupture du contrat de travail survient à l’initiative du journaliste professionnel, les dispositions des articles L.7112-3 et L.7112-4 sont applicables, lorsque cette rupture est motivée par l’une des circonstances suivantes : 1° Cession du journal ou du périodique ; 2° Cessation de la publication du journal ou périodique pour quelque cause que ce soit ; 3° Changement notable dans le caractère ou l’orientation du journal ou périodique si ce changement crée, pour le salarié, une situation de nature à porter atteinte à son honneur, à sa réputation ou, d’une manière générale, à ses intérêts moraux. Dans ces cas, le salarié qui rompt le contrat n’est pas tenu d’observer la durée du préavis prévue à l’article L.7112-2”. |
Résumé de l’affaire : Madame [I] [U] a été engagée en tant que journaliste présentatrice en 1995 et a été promue en 2001. Elle a occupé divers postes jusqu’à son arrêt maladie en novembre 2017, suivi d’une demande de reconnaissance de maladie professionnelle en mai 2018. La CPAM a reconnu le caractère professionnel de sa maladie en juin 2019, mais la société LCI a contesté cette décision. Après un jugement du conseil de prud’hommes en mars 2022, qui a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l’employeur et condamné LCI à verser des indemnités, Madame [U] a interjeté appel, qui a été déclaré caduc en septembre 2022. En août 2023, elle a saisi la Commission arbitrale pour une indemnité de licenciement. La commission a décidé de surseoir à statuer en attendant une décision du tribunal judiciaire sur la contestation de LCI. En septembre 2023, LCI a déposé un recours en annulation de la décision de la commission. Les deux parties ont formulé des demandes contradictoires devant la cour d’appel, qui a finalement déclaré le recours de LCI recevable mais l’a débouté de ses demandes, condamnant LCI à verser des frais à Madame [U].
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 2
ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2024
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/15815 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CIJE5
Décision déférée à la Cour : Décision du 25 Juillet 2023 -Tribunal arbitral de PARIS – RG n° 23/01922
APPELANTE :
S.C.S. LA CHAÎNE INFO (LCI)
[Adresse 1], [Localité 4]
[Localité 4]
Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
INTIMÉE :
Madame [I] [U]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Eric LEGRIS, président de chambre
Marie-Paule ALZEARI, conseiller
Christine LAGARDE, conseiller
Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Eric LEGRIS, président de chambre et par Madame Sophie CAPITAINE, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Madame [I] [U] a été engagée, le 21 août 1995, en qualité de journaliste présentatrice, puis promue présentatrice confirmée en juillet 2001.
Elle a enchaîné divers postes entre 1995 et 2017.
Le 06 novembre 2017, elle a été placée en arrêt maladie.
Le 10 juillet 2018, la société a été informée par la caisse primaire d’assurance maladie de Paris d’une demande de Madame [U] en reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie avec un arrêt de travail daté du 28 mai 2018 évoquant un « état anxio-dépressif ».
Le 25 juin 2019, la CPAM de Paris informait la société LCI de la décision du CRRMP reconnaissant le caractère professionnel de la maladie de Madame [U].
Le 12 août 2019, la société LCI saisissait la commission de recours amiable de la caisse primaire d’assurance-maladie de Paris en contestation de la décision de prise en charge au titre des risques professionnels.
Le 10 novembre 2019, la commission de recours amiable de la caisse primaire d’assurance-maladie de Paris rendait une décision implicite de rejet que la société LCI contestait par saisine du pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre.
Le 05 décembre 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre jugeait que la CRRMP de la Nouvelle-Aquitaine devait se prononcer par un avis motivé sur l’affection du 28 mai 2018 déclarée par Madame [I] [U].
Le 15 février 2024, le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre transmettait l’avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de la région Nouvelle-Aquitaine considérant que la preuve d’un lien direct et essentiel de causalité entre la pathologie déclarée et le travail habituel n’est pas établi dans le dossier de Madame [U].
Le 16 octobre 2018, Madame [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt de diverses demandes, en particulier au titre de la résiliation judiciaire de son contrat.
Le 02 novembre 2020, elle a été licenciée pour inaptitude.
Par jugement rendu le 11 mars 2022, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a notamment :
– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [I] [U] aux torts de son employeur, à effet au 2 novembre 2020 et produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamné la société LCI à verser à Madame [U] la somme de 142 518,78 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamné Madame [U] à verser à la société LCI la somme de 5 064,10 euros en remboursement du trop-perçu au titre de son maintien de salaire dans le cadre du régime de prévoyance ;
– condamné la société LCI à verser à Madame [U] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné la société LCI aux dépens.
Madame [U] a interjeté appel de cette décision.
La cour d’appel de Versailles a prononcé la caducité de l’appel le 05 septembre 2022.
Le 16 août 2023, la Commission arbitrale a été saisie par Madame [U] d’une demande d’indemnité fondée sur l’article L. 7112-4 du code du travail.
Selon décision rendue le 25 juillet 2023, la commission arbitrale des journalistes :
– S’est déclarée compétente pour statuer sur les demandes de Mme [I] [U] en fixation de son indemnité de licenciement,
– Dit n’y avoir lieu à statuer jusqu’à la décision du tribunal judiciaire de Nanterre sur la demande de la société LCI en inopposabilité de l’admission du caractère professionnel de la maladie de Mme [U],
– Constaté que les parties s’opposent sur la durée de l’ancienneté de Mme [I] [U] dans la société LCI et que cette question n’a pas été expressément tranchée par le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 11 mars 2022,
– Renvoyé les parties à saisir sur ce point le conseil de prud’hommes,
– Sursis à statuer sur les autres demandes des parties jusqu’à la décision de ce conseil de prud’hommes,
– Dit que l’affaire sera rappelée à l’initiative de la partie la plus diligente et qu’elle sera déposée au greffe du tribunal judiciaire pour être exécutée, conformément aux dispositions de l’article D.7112-3 du code du travail.
Le 13 septembre 2023, la société LCI a déposé un recours en annulation de la décision de la commission arbitrale des journalistes du 25 juillet 2023 devant la cour d’appel de Paris.
Dans les dernières conclusions, communiquées au greffe par voie électronique le 3 juillet 2024, il est demandé par la société La Chaîne Info (ci-après LCI) à la cour de :
“- Recevoir la Chaîne Info ( LCI ) en son recours en annulation ;
– L’y dire bien fondée ;
Dire que la commission arbitrale des journalistes s’est déclarée à tort compétente
Par conséquent
– Annuler la décision de la commission arbitrale des journalistes déposée le 25 juillet 2023 au greffe du tribunal judiciaire de Paris
Et statuant à nouveau :
Vu l’article 122 du code de procédure civile,
Vu l’autorité de la chose jugée attachée au jugement rendu le 11 mars 2022 par le conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt,
– Déclarer Madame [I] [U] irrecevable en ses demandes en paiement du reliquat de l’indemnité de licenciement pour les 15ères années et en complément de l’indemnité de licenciement au-delà des 15ères années d’ancienneté,
Subsidiairement :
– Débouter Madame [I] [U] en ses demandes en paiement du reliquat de l’indemnité de licenciement pour les 15ères années et en complément de l’indemnité de licenciement au-delà des 15ères années d’ancienneté,
– Ordonner à titre principal, le remboursement par Madame [I] [U] de la somme de 61.418,23€ du fait du trop-plein perçu au titre de son indemnité de licenciement pour une ancienneté de 22 ans et 4 mois et, à titre subsidiaire, de la somme de 54.148,46 € du fait du trop plein perçu au titre de son indemnité de licenciement pour une ancienneté de 25 ans et 4 mois.
En tout état de cause,
– Débouter Madame [I] [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
– Condamner Madame [I] [U] à la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Condamner Madame [I] [U] aux entiers dépens.”
Dans ses dernières conclusions, communiquées au greffe par voie électronique le 30 août 2024, Madame [I] [U] demande à la cour de : “1. Juger irrecevable la société LCI de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
2. A tout le moins débouter purement et simplement la société LCI de l’ensemble de ses demandes.
3. Confirmer la décision arbitrale en toutes ses dispositions
Et en tout état de cause,
4. Condamner la société LCI à payer une amende civile conformément aux dispositions de l’articles 32-1 du code de procédure civile compte tenu du caractère totalement irrecevable de la requête en annulation ainsi que des conclusions afférentes déposées par la société LCI et ce, à hauteur de 10.000€.
5. Condamner la société LCI à payer Madame [U] au titre de l’article 700 et des frais irrépétibles des dommages et intérêts à hauteur de 7 000 €.”
Une ordonnance de clôture a été rendue le 6 septembre 2024.
Lors de l’audience du 12 septembre 2024, la cour a proposé aux parties de réfléchir à l’opportunité d’une médiation et de rencontrer un médiateur, présent à l’audience, aux fins de présentation de cette mesure, ce que les parties ont accepté.
La cour a été informée ultérieurement de l’absence d’accord des parties pour recourir effectivement à la médiation.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code procédure civile.
Sur la demande d’annulation de la décision de la commission arbitrale des journalistes :
Au soutien de ses prétentions, la société LCI fait valoir que la résiliation judiciaire est un mode de rupture autonome reconnu par la jurisprudence et ne correspond donc pas à l’un des cas de saisine de la Commission arbitrale des journalistes, puisqu’il ne s’agit pas d’une rupture à l’initiative de l’employeur, mais d’une rupture à l’initiative du salarié ; que la possibilité de saisir la Commission arbitrale des journalistes ne peut être élargie à des cas non prévus par le législateur ; qu’en l’espèce, le mode de rupture du contrat de travail de Madame [U] est une résiliation judiciaire prononcée par un juge et non un licenciement pour impossibilité de reclassement du fait de l’inaptitude définitive à tout poste contrairement à ce qu’a relevé à tort la commission arbitrale des journalistes en considérant que le licenciement pour impossibilité de reclassement du fait de l’inaptitude définitive à tout poste était antérieur à la résiliation judiciaire du contrat de travail ; elle souligne que la saisine, le 16 octobre 2018, du conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt par Madame [U] d’une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail est antérieure au licenciement en date du 2 novembre 2020 pour impossibilité de reclassement du fait de l’inaptitude. Elle estime ainsi que la rupture du contrat de travail de Madame [U] à la suite de la résiliation judiciaire prononcée par le juge, selon un jugement revêtu de l’autorité de chose jugée est donc à son initiative de sorte que les conditions d’application des articles L.7112-3 et suivants du code du travail ne sont pas remplies, ce qui justifie selon elle de prononcer l’annulation de la décision rendue par la Commission arbitrale des journalistes. Indiquant ensuite que l’annulation de la décision de la Commission arbitrale des journalistes conduit à examiner le jugement rendu le 11 mars 2022 par le conseil de prud’hommes au titre du reliquat de l’indemnité de licenciement en-deçà des 15 premières années et en fixation de l’indemnité complémentaire de licenciement au-delà des 15 premières d’années, elle soutient qu’elle est bien fondée à demander à la cour d’appel de céans de déclarer irrecevables les demandes de Madame [U] sur ces deux points, du fait de l’autorité de chose jugée du jugement rendu le 11 mars 2022 par le conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt et titre subsidiaire de les rejeter ; elle fait valoir que la formation de départage du conseil de prud’hommes, dans son dispositif, n’a pas renvoyé les parties devant la commission arbitrale des journalistes pour statuer sur le complément de l’indemnité de licenciement, estimant que le conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt a donc statué sur le complément de l’indemnité de licenciement, rappelant que Madame [U] a bénéficié de la somme de 112.629 € au titre de l’indemnité de licenciement ; elle ajoute encore qu’il s’agit d’une décision définitive revêtue de l’autorité de chose jugée et que les chefs du dispositif du jugement rendu le 11 mars 2022 sont devenus irrévocables puisque la cour d’appel de Versailles a prononcé la caducité de l’appel, et elle conclut que Madame [U] est donc irrecevable en sa demande en reliquat de l’indemnité de licenciement en-deçà des 15 premières années et en fixation de l’indemnité complémentaire de licenciement au-delà des 15 premières d’années.
Subsidiairement sur ces points, la société LCI s’estime bien fondée à solliciter de la cour d’appel de céans de dire mal fondées les demandes de Madame [U] du fait de l’inapplication des articles L.7112-3, L.7112-4 et L.7112-5 du code du travail en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail mais de l’application de celles du droit commun issues des articles L. 1234-9 et R 1234-2 du code du travail sur le calcul de l’indemnité de licenciement. Elle soutient encore que le lien de causalité entre l’activité de Madame [U] et l’origine professionnelle de la maladie déclarée n’est pas établi, ce que le conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt a déjà jugé dans sa décision du 11 mars 2022 devenue définitive, que cette décision est revêtue de l’autorité de chose jugée et lie donc la cour d’appel de céans, qu’il résulte du jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt que la décision de la CPAM de Paris du 25 juin 2019 reconnaissant le caractère professionnel de la maladie de Madame [U] est inopposable à la société LCI, que par conséquent les règles légales et prétoriennes sur l’absence de prise en compte pour le calcul de l’indemnité de licenciement des périodes de suspension du contrat de travail faisant suite à un arrêt maladie doivent s’appliquer en l’espèce, qu’en application de l’article L 1234-11, al 2 du code du travail, les circonstances entraînant la suspension du contrat de travail, en vertu soit de dispositions légales, soit d’une convention ou d’un accord collectif de travail, soit de stipulations contractuelles, soit d’usage, n’entrent pas en compte pour la détermination de la durée d’ancienneté exigée pour bénéficier des dispositions relatives à l’indemnité de licenciement, et que la jurisprudence considère que les périodes de suspension du contrat de travail ne sont pas prises en compte pour le calcul de l’indemnité légale. Elle estime que l’ancienneté de Madame [U] pour déterminer le montant de l’indemnité de licenciement est donc de 22 ans et 4 mois et que si la cour d’appel de Pairs devait retenir une ancienneté de 25 ans et 4 mois, l’employeur est bien fondé à demander à la cour de débouter Madame [U] de ses demandes en paiement du reliquat de l’indemnité de licenciement pour les 15 ères années et en complément de l’indemnité de licenciement au-delà des 15 ères années d’ancienneté et d’ordonner le remboursement du trop-plein perçu au titre de son indemnité de licenciement.
Madame [U] conteste au contraire que la commission ne pourrait être valablement saisie par un salarié dont le contrat de travail a été rompu judiciairement, puisqu’il s’agirait alors d’une rupture à l’initiative du salarié, en faisant valoir que, comme l’a déjà rappelé la cour d’appel de Paris, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l’employeur dont elle sanctionne les manquements, la résiliation judiciaire est une rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur qui par ses agissements et fautes est à l’initiative des inexécutions contractuelles conduisant à la résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée par le juge à la demande du salarié ; elle indique que le fait générateur de la rupture résidant dans les fautes de l’employeur, ce mode de rupture doit être considéré comme étant à l’initiative de l’employeur au sens des articles L.7112-3 et suivants du code du travail ; que la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit au salarié au bénéfice d’une indemnité légale/conventionnelle de licenciement ; elle estime ainsi que la Commission arbitrale des journalistes est seule compétente pour statuer sur le montant de cette indemnité du salarié dont le contrat a été rompu aux torts de l’employeur.
Elle conclut donc au débouté la société LCI de son recours en nullité et à ce qu’il soit jugé que la Commission arbitrale est compétente pour statuer sur le montant de son indemnité de licenciement et considère que la société LCI doit en subir toutes les conséquences notamment en terme d’article 700 et d’amende civile au motif que ce recours ne porte en réalité que sur la remise en cause du jugement du conseil de prud’hommes du 11 mars 2022. Elle fait valoir que LCI tente de remettre en cause le rappel des faits constatés par ce jugement, que les écritures de LCI sont truffées d’inexactitudes et d’incohérences notamment en matière de calcul et de décompte de jours et que finalement la procédure de nullité engagée par la société LCI est manifestement abusive car contraire aux décisions judiciaires intervenues dans cette affaire, décisions judiciaires qu’elle n’a pas contestées. Elle ajoute que la société LCI ne peut sérieusement contester le bénéfice de la nullité de la décision de la Commission arbitrale alors même que ce qu’elle conteste est la décision du conseil de prud’hommes. Elle estime qu’en aucun cas il ne pourrait être jugé que parce que l’employeur a commis des fautes suffisamment graves pour justifier la rupture à ses torts et griefs, la salariée devrait être considérée comme à l’initiative de la rupture, et donc perdre l’ensemble de ses droits légitimes, notamment à bénéficier d’une indemnité conventionnelle de licenciement d’un montant égal à celui qui lui aurait été octroyé si elle avait été victime d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse de la part de l’employeur. Elle indique encore que la demande se rapportant à la détermination de l’ancienneté est irrecevable puisqu’une fois encore, la commission arbitrale ne s’est pas prononcée sur ce sujet et a, bien au contraire, renvoyé les parties à ressaisir le conseil de prud’hommes pour que celui-ci statut sur l’ancienneté effective et que de plus fort, la société se borne dans son argumentaire à critiquer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt devenu définitif depuis déjà environ 2 ans et estime pour le surplus que l’argumentation de la société n’a aucun rapport avec l’objet de la saisine de la commission arbitrale.
Sur ce,
Selon l’article 1492 du code de procédure civile,
« Le recours en annulation n’est ouvert que si :
1° Le tribunal arbitral s’est déclaré à tort compétent ou incompétent ; ou
2° Le tribunal arbitral a été irrégulièrement constitué ; ou
3° Le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée ; ou
4° Le principe de la contradiction n’a pas été respecté ; ou
5° La sentence est contraire à l’ordre public ; ou
6° La sentence n’est pas motivée ou n’indique pas la date à laquelle elle a été rendue ou le nom du ou des arbitres qui l’ont rendue ou ne comporte pas la ou les signatures requises ou n’a pas été rendue à la majorité des voix. »
L’article L.7112-3 du code du travail dispose que :
“Si l’employeur est à l’initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d’année de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze”.
L’article L.7112-4 du code du travail dispose que :
“Lorsque l’ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l’indemnité due.
Cette commission est composée paritairement d’arbitres désignés par les organisations professionnelles d’employeurs et de salariés. Elle est présidée par un fonctionnaire ou par un magistrat en activité ou retraité.
Si les parties ou l’une d’elles ne désignent pas d’arbitres, ceux-ci sont nommés par le président du tribunal judiciaire, dans des conditions déterminées par voie réglementaire.
Si les arbitres désignés par les parties ne s’entendent pas pour choisir le président de la commission arbitrale, celui-ci est désigné à la requête de la partie la plus diligente par le président du tribunal judiciaire.
En cas de faute grave ou de fautes répétées, l’indemnité peut être réduite dans une proportion qui est arbitrée par la commission ou même supprimée.
La décision de la commission arbitrale est obligatoire et ne peut être frappée d’appel”.
L’article L.7112-5 du même code dispose que :
“Si la rupture du contrat de travail survient à l’initiative du journaliste professionnel, les dispositions des articles L.7112-3 et L.7112-4 sont applicables, lorsque cette rupture est motivée par l’une des circonstances suivantes :
1° Cession du journal ou du périodique ;
2° Cessation de la publication du journal ou périodique pour quelque cause que ce soit ;
3° Changement notable dans le caractère ou l’orientation du journal ou périodique si ce changement crée, pour le salarié, une situation de nature à porter atteinte à son honneur, à sa réputation ou, d’une manière générale, à ses intérêts moraux. Dans ces cas, le salarié qui rompt le contrat n’est pas tenu d’observer la durée du préavis prévue à l’article L.7112-2”.
La résiliation judiciaire, si elle peut être demandée par le journaliste professionnel à la juridiction prud’homale, est prononcée aux torts de l’employeur dont elle sanctionne les manquements et produit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Parmi les effets du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, figure le droit de percevoir une indemnité de licenciement.
Or la commission arbitrale des journalistes est seule compétente pour statuer sur l’octroi et sur le montant d’une indemnité de licenciement, quelle qu’en soit la cause, au journaliste professionnel ayant plus de 15 années d’ancienneté.
De plus, en cas de résiliation judiciaire, c’est l’employeur qui, par ses agissements et ses fautes, est à l’initiative des inexécutions contractuelles conduisant à la résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée par le juge à la demande du salarié. Le fait générateur de la rupture se trouvant dans les inexécutions contractuelles commises par l’employeur, la résiliation judiciaire du contrat de travail résulte donc de l’initiative de l’employeur au sens des articles L. 7112-3 et suivants du code du travail.
En l’espèce, la société LCI a régulièrement introduit son recours en annulation qui lui était ouvert à l’encontre de la décision de la Commission arbitrale des journalistes s’étant déclarée compétente ; au demeurant, la défenderesse au recours ne développe pas d’argumentation précise au soutien de l’irrecevabilité du recours en annulation ; il y a donc lieu de dire que ledit recours est recevable.
Le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a, dans son jugement de départage du 11 mars 2022, postérieur au licenciement pour inaptitude en date du 02 novembre 2020 de Madame [U] qui avait saisi la juridiction prud’homale par requête du 15 octobre 2018, prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [U] aux torts de son employeur, et ce à effet au 02 novembre 2020 – faisant ainsi remonter la rupture à la date du licenciement prononcé par la société LCI – et jugé qu’elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; il ressort par ailleurs des motifs du jugement que le conseil de prud’hommes a mentionné que Madame [U] ayant une ancienneté supérieure à 15 ans, il revient à la commission arbitrale des journalistes de fixer cette indemnité.
La défenderresse au recours en annulation fait ainsi justement valoir, outre que le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt est devenu définitif, que lorsque l’employeur a commis des fautes suffisamment graves pour justifier la rupture à ses torts et griefs, la salariée ne peut être considérée comme à l’initiative de la rupture et donc perdre l’ensemble de ses droits légitimes, notamment à bénéficier d’une indemnité au sens des articles L.7112-3 et suivants précités du code du travail relatifs aux journalistes professionnels.
En tout état de cause, comme l’a justement retenu la Commission arbitrale des journalistes, après avoir souligné qu’il a été jugé par le conseil de prud’hommes que la résiliation produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si cette rupture ne permettait pas à Madame [U] de saisir la Commission arbitrale, elle ne pourrait produire, contrairement à ce qu’a décidé la juridiction, tous les effets d’un tel licenciement alors que dans un tel cas tout journaliste ayant plus de 15 ans d’ancienneté a le droit de demander à la Commission arbitrale de fixer l’indemnité lui revenant en application de l’article L.7112-4 du code du travail.
Il s’ensuit que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [U] prononcée aux torts de son employeur, à effet au 2 novembre 2020, correspondant à la date du licenciement prononcé par l’employeur, et produisant tous les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, justifie la compétence de la Commission arbitrale des journalistes pour statuer sur la demande de Madame [U] en fixation de son indemnité de licenciement, de sorte qu’il y a lieu de rejeter la demande d’annulation de la décision rendue dans ce sens par ladite commission.
Alors que la société LCI sollicite que l’annulation de la décision de la commission arbitrale des journalistes conduise à examiner le jugement rendu le 11 mars 2022 par le conseil de prud’hommes, ses autres demandes tendant à l’irrecevabilité et subsidiairement au débouté des demandes de Madame [U] en paiement du reliquat de l’indemnité de licenciement pour les 15ères années et en complément de l’indemnité de licenciement au-delà des 15ères années d’ancienneté, comme au remboursement par Madame [U] d’un trop-plein perçu au titre de son indemnité de licenciement, ne peuvent qu’être rejetées en l’état et en conséquence du rejet de la demande d’annulation de la décision de la commission arbitrale des journalistes, compétente pour statuer sur les demandes de Madame [I] [U] en fixation de son indemnité de licenciement.
Sur l’amende civile, l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
S’agissant de la demande d’amende civile, la cour ne peut que rappeler qu’il n’appartient pas à une partie de solliciter le prononcé d’une amende civile, lequel relève du pouvoir discrétionnaire du juge.
Compte tenu de la solution du litige et par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens d’appel seront mis à la charge de la société LCI.
La demande formée par Madame [U] au titre des frais irrépétibles sera accueillie, à hauteur de 3.000 euros.
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
DIT que le recours en annulation introduit par la société LCI à l’encontre de la décision de la Commission arbitrale des journalistes du 25 juillet 2023 est recevable,
DÉBOUTE La Chaîne Info (LCI) de son recours en annulation de la décision de la Commission arbitrale des journalistes du 25 juillet 2023,
CONDAMNE la société La Chaîne Info (LCI) à payer à Madame [I] [U] la somme de 3.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE la société La Chaîne Info (LCI) aux dépens d’appel.
La Greffière La Présidente