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Un rapport sénatorial sur la fiscalité de l’économie collaborative propose de fixer un nouveau cadre juridique. Partant du constat que les échanges entre particuliers sont devenus « massifs, standardisés, et traçables à l’euro près », le rapport préconise d’adapter le cadre fiscal et social actuel à l’économie collaborative. Cette réforme passerait par deux modalités i) la mise en place d’un abattement fiscal de 3 000 euros par an, permettant d’exonérer les petits revenus complémentaires des utilisateurs des plateformes collaboratives (seuls les utilisateurs acceptant la déclaration automatique pourraient bénéficier de l’avantage de 3 000 euros) ; ii) la déclaration automatique des revenus par les plateformes en ligne, pour simplifier les démarches et surtout assurer la collecte de l’impôt.
Sont concernées par les propositions formulées par le rapport concernent les plateformes collaboratives, à savoir toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service.
A noter que le revenu annuel des utilisateurs de plateformes en ligne est souvent modeste : 350 euros sur Stootie, 700 euros sur Drivy ou Ouicar etc. Hors immobilier et hors véhicules, les vendeurs particuliers auraient gagné en moyenne 396 euros sur Leboncoin en 2016, une somme représentant en moyenne 3,5 % de leur revenu total. Les revenus peuvent être plus importants pour d’autres plateformes : une mission sur Hopwork rapporterait en moyenne 2 000 euros, un montant qui correspond à peu près au revenu d’un « hôte type » sur Airbnb, ces montants moyens masquant une grande hétérogénéité ou parfois se mêlent particuliers et professionnels.
Les revenus « occasionnels » ou « accessoires » ne bénéficient pas de traitement fiscal particulier, quelle que soit leur origine et quel que soit leur montant. Par conséquent, les sommes perçues par l’intermédiaire de plateformes en ligne sont en principe imposables au premier euro, et doivent être déclarées dans les conditions de droit commun. Il s’agit de revenus et plus-values des professions non salariées, qui relèvent la plupart du temps de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), des bénéfices non commerciaux (BNC) ou des revenus fonciers, qu’ils soient ou non tirés d’activités professionnelles au sens du code de la sécurité sociale.
Les bénéfices industriels et commerciaux (BIC) sont définis par l’article 34 du code général des impôts comme « les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l’exercice d’une profession commerciale, industrielle ou artisanale ». L’article L. 110-1 du code de commerce répute notamment actes de commerce les activités suivantes, répandues sur les plateformes en ligne : i) Tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en oeuvre ; ii) Toute entreprise de location de meubles ; iii) Toute entreprise de manufactures, de commission, de transport par terre ou par eau ; iv) Toute opération de change, banque, courtage, activité d’émission et de gestion de monnaie électronique et tout service de paiement.
Les bénéfices non commerciaux professionnels (BNC) correspondent, aux termes de l’article 92 du code général des impôts, aux « bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n’ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ». Sont qualifiées de professions libérales les professions dans lesquelles l’activité intellectuelle joue le principal rôle et qui consistent en la pratique personnelle d’une science ou d’un art – par exemple, s’agissant des plateformes, des cours de scolaire ou de guitare à domicile, mais aussi la création d’un logo, d’un site web ou une traduction.
Leurs titulaires exercent leur activité en toute indépendance – ce qui les distingue des salariés – et leurs biens et actes sont, en principe, régis par le droit civil, ce qui les distingue des commerçants.
Concernant leurs déclarations, les bénéficiaires de ces revenus ont le choix entre le régime réel et le régime micro-fiscal. Sous réserve que le chiffre d’affaires annuel ne dépasse pas les seuils de la « franchise en base » de TVA prévus par l’article 293 B du code général des impôts, soit 82 200 euros ou 32 900 euros selon les activités, ils peuvent bénéficier d’un abattement proportionnel sur leur revenu brut annuel, qui tient compte de manière simplifiée des charges supportées dans le cadre de l’activité. Ces abattements sont de : i) 71 % pour les ventes de marchandises micro-BIC ; ii) 50 % pour les prestations de services en micro-BIC consistant en une activité commerciale ou artisanale ; iii) 34 % pour les prestations de services en micro-BNC, consistant en l’exercice d’une science ou d’un art ; iv) 30 % pour les locations non meublées relevant du régime micro-foncier.
S’agissant des démarches déclaratives, les contribuables relevant du régime micro-fiscal doivent seulement porter leurs recettes brutes sur la déclaration complémentaire n° 2042 C PRO. L’administration fiscale applique ensuite l’abattement proportionnel et calcule le montant de l’impôt dû en fonction du barème progressif, dans les conditions de droit commun.
Le rapport formule également les 16 propositions suivantes :
Instituer un critère simple et unique permettant de distinguer, en matière sociale, les particuliers des professionnels. Celui-ci prendrait la forme d’une présomption de non-affiliation à la sécurité sociale pour les utilisateurs de plateformes en ligne dont le revenu annuel est inférieur au seuil de 3 000 euros, identique au seuil proposé en matière fiscale.
Instituer une présomption d’accord hiérarchique pour les agents publics qui exercent une activité accessoire par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne, et qui n’en retirent pas plus de 3 000 euros bruts par an.
Régulariser la possibilité pour les locations de biens meubles entre particuliers (voitures, accessoires etc.), notamment sur Internet, de bénéficier du régime micro-BIC. Cette pratique est déjà tolérée par la doctrine et la jurisprudence.
Supprimer les contraintes applicables aux ventes d’occasion entre particuliers, notamment la limitation à deux ventes par an et la fourniture d’une attestation sur l’honneur, dès lors que ces ventes ont lieu par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dûment certifiée.
Clarifier par une instruction fiscale les règles permettant de distinguer simplement les ventes d’occasion des ventes commerciales, sur le modèle de l’instruction fiscale du 30 août 2016 relative aux activités de « co-consommation ».
Faire de la déclaration automatique des revenus la condition sine qua non pour bénéficier de l’avantage fiscal de 3 000 euros. Le dispositif serait alors volontaire, incitatif, simple et fiable.
Ouvrir, sous la forme d’un « rescrit plateformes en ligne », la possibilité pour les plateformes qui le souhaitent de demander une validation en amont par l’administration fiscale de leurs règles et procédures internes visant à déterminer la nature imposable ou non des revenus de leurs utilisateurs.
Pour les utilisateurs ayant le statut de micro-entrepreneur, et avec leur accord, permettre aux plateformes de collecter non seulement cotisations et contributions sociales, mais aussi le prélèvement libératoire de l’impôt sur le revenu.
Faire de la certification des plateformes un véritable « label » garantissant aux utilisateurs leur conformité fiscale, en prévoyant l’affichage visible de ce certificat, de sa date d’obtention et de l’identité du tiers certificateur sur la page d’accueil.
Publier dès la fin de l’année 2017 des « lignes directrices » sur le contenu et les modalités de la certification des plateformes, afin de fixer un standard élevé de qualité pour cette procédure et de diffuser les bonnes pratiques parmi les certificateurs.
Adapter l’obligation faite aux plateformes d’informer les utilisateurs de leurs obligations fiscales à la diversité des modèles économiques, en prévoyant une dispense d’information « à l’occasion de chaque transaction » pour les micro-transactions très fréquentes (publicités au clic, vidéos au nombre de vues), sous réserve de l’envoi d’un récapitulatif mensuel.
Dispenser les plateformes proposant des activités exonérées par nature (partage de frais etc.) de transmettre un récapitulatif annuel des transactions, sous réserve qu’elles mettent en oeuvre des procédures dûment certifiées ayant pour objet de garantir le caractère non imposable de revenus.
Renforcer le contrôle fiscal et donner la priorité au contrôle des revenus ne faisant pas l’objet d’une déclaration automatique.
Mettre en place un droit de communication non nominatif à l’échelle de l’Union européenne.
Permettre à l’administration fiscale de se doter de compétences de pointe en matière d’analyse de données, en offrant notamment des conditions de rémunération adaptées aux profils recherchés.
Produire une étude annuelle, adressée au Parlement, sur les principaux chiffres de l’économie des plateformes en ligne et le revenu de leurs utilisateurs, alimentée notamment par les informations issues de la transmission automatique des données.
Promouvoir une approche commune au niveau européen ou international de l’adaptation de la fiscalité à l’économie des plateformes en ligne, par exemple par la publication de « lignes directrices » par la Commission européenne ou l’OCDE.