Dettes de l’artiste décédé : le référé-provision

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Dettes de l’artiste décédé : le référé-provision
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Le prestataire fondeur d’art est en droit d’obtenir une provision sur la dette laissée par l’artiste décédé.

Toutefois, le prestataire ne peut prétendre à une condamnation in solidum des héritiers mais à une condamnation de chacun au prorata de ses droits dans la succession de l’artiste.

En application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision au créancier dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Le montant de la provision en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l’un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

En la cause, l’obligation de paiement des héritiers est incontestable à hauteur de 20.916 euros, l’article 873 du code civil prévoyant que les héritiers sont tenus personnellement des dettes et charges de la succession, le texte précisant toutefois qu’ils ne sont tenus personnellement que pour leur part successorale, la dette se divisant ainsi entre les héritiers qui n’en sont tenus personnellement qu’au prorata de leurs droits respectifs dans la succession.

Résumé de l’affaire : M. [F] [O], fonderie d’œuvre d’art, a assigné les héritiers de M. [C] [E], marchand d’art décédé, pour une créance de 20.916 euros HT. Il a demandé une provision de 20.196 euros TTC, des dommages et intérêts de 1.800 euros, et une indemnité de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Le juge des référés a déclaré irrecevable la demande d’exécution sur le compte de la succession et a rejeté les demandes de M. [O], le condamnant aux dépens. M. [O] a interjeté appel. En appel, il a demandé la condamnation des héritiers au paiement des sommes dues, ainsi que des intérêts et des frais. L’ordonnance d’appel a infirmé la décision précédente, condamnant les héritiers à payer les sommes demandées, avec des intérêts et des frais au prorata de leurs droits dans la succession.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
24/01111
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/01111 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CIX44

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Décembre 2023 -Président du TJ de Paris – RG n° 23/57161

APPELANT

M. [F] [O], agissant en qualité d’entrepreneur individuel exerçant sous l’enseigne [8]

[Adresse 1]

[Localité 2] (GRÈCE)

Représenté par Me Ariane FUSCO-VIGNÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0041

INTIMÉS

Mme [S] [R] [H]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Défaillante, procès-verbal de rencherches établi le 07.02.2024 en application de l’article 659 du code de procédure civile

Mme [S] [R] [H], en qualité de représentante légale de l’enfant mineur Mlle [G] [U] [E]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Défaillante, procès-verbal de rencherches établi le 07.02.2024 en application de l’article 659 du code de procédure civile

Mme [S] [R] [H], en qualité de représentante légale de l’enfant mineur Mlle [M] [J] [E]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Défaillante, procès-verbal de rencherches établi le 07.02.2024 en application de l’article 659 du code de procédure civile

M. [T] [L] [V] [E]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Défaillant, déclaration d’appel signifiée le 07.02.2024 à étude

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Juin 2024, en audience publique, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, chargée du rapport, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

– PAR DÉFAUT

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Michèle CHOPIN, Conseillère, pour la Présidente de chambre empêchée et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

****

EXPOSE DU LITIGE

M. [F] [O] exerce une activité de fonderie oeuvre d’art sous l’enseigne [8].

Arguant d’une créance de 20.916 euros HT à l’encontre de M. [C] [E], marchand d’art décédé le [Date décès 3] 2018, par acte du 20 septembre 2023 M. [O] a assigné les héritiers de son débiteur devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris : Mme [S] [H], sa veuve, Mles [M] et [G] [E], ses filles mineures et M. [T] [E], son fils majeur issu d’une première union, à l’effet de les voir condamner in solidum à lui payer la somme provisionnelle de 20.196 euros TTC sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, outre les intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2018, celle de 1.800 euros à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’audience, M. [O] a demandé en sus que tout commissaire de justice soit autorisé à exécuter la décision à intervenir sur le compte de la succession de M. [C] [E] ouverte en l’étude de Me [I] ou de tout notaire qui lui aura succédé.

Les défendeurs n’ont pas constitué avocat.

Par ordonnance réputée contradictoire du 14 décembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

dit irrecevable la demande de M. [O] afin que tout commissaire de justice soit autorisé à exécuter la décision à intervenir sur le compte de la succession de M. [E] ouverte en l’étude de Me [I] ou de tout notaire qui lui aurait succédé ;

dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de M. [O] de condamnation in solidum de Mme [H] à titre personnel et ès qualités de représentante légale des enfants mineurs [G] [E], [M] [E] et M. [E] à lui payer les sommes suivantes : 20.196 euros TTC à titre de provision à valoir sur une facture non acquittée, outre les intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2018 ; 1.800 euros de dommages et intérêts ;

débouté M. [O] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

condamné M. [O] aux dépens de l’instance.

Par déclaration du 29 décembre 2023, M. [O] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 6 février 2024, il demande à la cour, au visa des articles 835, 837-1, 491 du code de procédure civile, 1103, 1104 et 1240 du code civil, de :

infirmer l’ordonnance entreprise et, statuant à nouveau :

condamner in solidum Mme [H] à titre personnel et en sa qualité d’héritière de M. [E] décédé le [Date décès 3] 2018 ainsi qu’ès qualités de représentante légale de ses deux enfants mineurs, [G] [U] [E] et [M] [E], ces dernières à titre personnel et ès qualités d’héritière de [C] [E] et enfin M. [T] [L] [V] [E], à titre personnel et ès qualités d’héritier de [C] [E], au paiement à titre de provision de la somme de 20.196 euros TTC sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir et de se réserver la liquidation de l’astreinte ;

condamner in solidum Mme [H] à titre personnel et en sa qualité d’héritière de M. [E] décédé le [Date décès 3] 2018, ainsi qu’en qualité de représentante légale de ses deux enfants mineurs, [G] [U] [E] et [M] [E], ces dernières à titre personnel et ès qualités d’héritière de [C] [E] et enfin M. [T] [L] [V] [E], à titre personnel et ès qualités d’héritier de [C] [E] au paiement de la provision de 1.863,58 euros TTC au titre du préjudice financier subi du fait de l’obligation d’introduire, préalablement à la présente procédure, une procédure aux fins d’obtention de l’acte de notoriété ;

condamner in solidum Mme [H] à titre personnel et en sa qualité d’héritière de M. [E] décédé le [Date décès 3] 2018, ainsi qu’en sa qualité de représentante légale de ses deux enfants mineurs, [G] [U] [E] et [M] [E], ces dernières à titre personnel et ès qualités d’héritière de [C] [E] et enfin M. [T] [L] [V] [E], à titre personnel et ès qualités d’héritier de [C] [E], au paiement des intérêts de retard au taux légal courant à compter du 24 octobre 2018 ;

Subsidiairement,

si par extraordinaire la Cour estimait qu’il n’y avait pas lieu à référé, renvoyer l’affaire au fond, la décision à intervenir emportant saisine de la juridiction ;

En tout état de cause,

autoriser en tant que de besoin tout commissaire de justice à exécuter la décision à venir, outre sur les comptes de Mmes [S], [M] et [G] [H] et M. [T] [E], sur celui de la succession [C] [E] ouverte en l’étude de Me [I], notaire à [Localité 9], ou de tout notaire qui lui aurait succédé ;

condamner in solidum Mme [H] à titre personnel et en sa qualité d’héritière de M. [E] décédé le [Date décès 3] 2018, ainsi qu’en sa qualité de représentante légale de ses deux enfants mineurs, [G] [U] [E] et [M] [E], ces dernières à titre personnel et ès qualités d’héritière de [C] [E] et enfin M. [T] [L] [V] [E], à titre personnel et ès qualités d’héritier de [C] [E] au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance et ce compris l’intégralité des frais de signification par voie de commissaire de justice au titre de l’appel et des frais de notaire ;

condamner in solidum Mme [H] à titre personnel et en sa qualité d’héritière de M. [E] décédé le [Date décès 3] 2018, ainsi qu’en qualité de représentante légale de ses deux enfants mineurs, [G] [U] [E] et [M] [E], ces dernières à titre personnel et ès qualités d’héritière de [C] [E] et enfin M. [T] [L] [V] [E], à titre personnel et ès qualités d’héritier de [C] [E] au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance en ce compris l’intégralité des frais de signification par voie de commissaire de justice au titre de la première instance et des frais de notaire.

Les intimés n’ont pas constitué avocat. L’appelant leur a signifié à chacun la déclaration d’appel, l’avis de fixation et ses conclusions d’appel par actes du 7 février 2024, à étude concernant M. [T] [E], dans les conditions de l’article 659 du code de procédure civile concernant Mme [S] [H] tant à titre personnel qu’en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs [M] et [G] [E].

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2024.

SUR CE, LA COUR

En application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision au créancier dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Le montant de la provision en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l’un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

En l’espèce, M. [O] justifie qu’il détenait une créance de 20.916 euros à l’encontre de feu [C] [E], par la production :

d’une lettre datée du 6 juin 2019 du notaire en charge de la succession de [C] [E], dans laquelle le notaire déclare que M. [E] était débiteur envers M. [O] et adresse à ce dernier une attestation de créancier à remplir et à lui retourner ;

l’attestation de créance remplie par M. [O] et renvoyée au notaire pour un montant de 20.916 euros, datée du 15 juillet 2019, à laquelle est annexée la facture émise par l’entreprise de M. [O] d’un montant de 20.916 euros ;

des mails de relance adressés au notaire par M. [O] et son conseil ;

des réponses du notaire expliquant le non-paiement de la facture par le caractère précontentieux de la succession.

M. [O] justifie en outre, par la production d’un acte de notoriété daté du 1er février 2019, qu’il a dû solliciter en justice, et d’une attestation immobilière datée du 23 mai 2022 émise par M. [I], notaire, que les intimés sont bien les héritiers de [C] [E] et qu’ils ont accepté sa succession.

L’obligation de paiement des héritiers de [C] [E] à M. [O] est donc incontestable à hauteur de 20.916 euros, l’article 873 du code civil prévoyant que les héritiers sont tenus personnellement des dettes et charges de la succession, le texte précisant toutefois qu’ils ne sont tenus personnellement que pour leur part successorale, la dette se divisant ainsi entre les héritiers qui n’en sont tenus personnellement qu’au prorata de leurs droits respectifs dans la succession.

M. [O] ne peut donc prétendre à une condamnation in solidum des héritiers mais à une condamnation de chacun au prorata de ses droits dans la succession de [C] [E].

Il sera fait droit à sa demande de provision sous cette réserve, par infirmation de l’ordonnance entreprise.

Cette condamnation produira intérêts de retard au taux légal à compter du 20 septembre 2023, date de l’assignation valant mise en demeure au sens de l’article 1231-6 du code civil. Il n’y a pas lieu de prononcer une astreinte en sus des intérêts de retard.

Il sera également fait droit, sous la même réserve, à la demande de dommages et intérêts provisionnels à hauteur de 1.863,58 euros, correspondant aux frais que M. [O] a dû exposer du fait de la résistance fautive des débiteurs pour obtenir en justice l’acte de notoriété nécessaire à la preuve de sa créance, montant dont il justifie par une note d’honoraires.

Cette condamnation produira intérêts de retard au taux légal à compter du présent arrêt, en application de l’article 1231-7 du code civil.

Il n’y a pas lieu d’autoriser tout commissaire de justice à exécuter le présent arrêt sur les comptes des héritiers ou celui ouvert en l’étude du notaire, le pouvoir de la cour se limitant à la délivrance d’un titre de créance qui permettra à M. [O] d’engager les mesures d’exécution légalement admissibles.

Parties perdantes, les intimés seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel et à payer à M. [O], en application de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 2.500 euros pour chacune des deux instances, ces condamnations étant prononcées au prorata des droits respectifs de chacun des héritiers dans la succession.

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

Condamne Mme [S] [H], tant à titre personnel qu’en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs [M] et [G] [E], et M. [T] [E], à payer à M. [O], à titre de provisions, chacun au prorata de ses droits respectifs dans la succession de feu [C] [E],

la somme de 20.196 euros au titre de la facture impayée, avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2023,

la somme de 1.863,58 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne Mme [S] [H], tant à titre personnel qu’en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs [M] et [G] [E], et M. [T] [E], à payer à M. [O] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, soit 2.500 euros pour chaque instance, chacun au prorata de ses droits respectifs dans la succession de feu [C] [E],

Condamne Mme [S] [H], tant à titre personnel qu’en sa qualité de représentante légale des ses enfants mineurs [M] et [G] [E], et M. [T] [E], aux entiers dépens de première instance et d’appel, chacun au prorata de ses droits respectifs dans la succession de feu [C] [E],

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LA GREFFIÈRE POUR LA PRÉSIDENTE

EMPÊCHÉE


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