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Le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle interdit seulement au créancier d’une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle et n’interdit pas la présentation d’une demande distincte, fondée sur l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, qui tend à la réparation d’un préjudice résultant non pas d’un manquement contractuel mais de la rupture brutale d’une relation commerciale établie (Cass. Com., 24 octobre 2018, n°17-25.672).
En l’espèce, l’agence de publicité fait valoir deux préjudices distincts à l’appui de ses demandes en indemnisation de l’inexécution à son terme du contrat à durée déterminée et en réparation de la rupture brutale de la relation commerciale, en sorte que celles-ci sont recevables. Il s’en suit que la fin de non-recevoir tendant sur le fondement de ce principe de non-cumul à déclarer l’agence irrecevable en ses demandes, sans examen au fond, ne peut être accueillie. |
Résumé de l’affaire : La société Compagnie de Gestion Hôtelière (CGH) et l’agence de communication WR&S ont signé plusieurs contrats pour promouvoir l’activité de CGH entre 2015 et 2022, avec des rémunérations mensuelles fixées. En raison de difficultés financières liées à la crise Covid-19, CGH a mis fin à leur relation contractuelle sans préavis en octobre 2021. WR&S a alors assigné CGH en justice pour obtenir réparation de préjudices liés à cette rupture. Le tribunal de commerce de Lyon a rendu un jugement en mars 2023, condamnant CGH à verser des sommes à WR&S pour des prestations réalisées et des échéances restantes, tout en déboutant WR&S de certaines de ses demandes. CGH a interjeté appel, demandant l’infirmation de plusieurs décisions du jugement, tandis que WR&S a également formulé des demandes pour confirmer les condamnations. Les deux parties ont présenté des arguments sur la légitimité de la rupture du contrat et les conséquences financières qui en ont découlé. La Cour a été saisie pour trancher sur ces différents points.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 4
ARRET DU 18 SEPTEMBRE 2024
(n° , 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 23/05911 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHL75
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mars 2023 – Tribunal de Commerce de Lyon – RG n° 2022J00107
APPELANTE
S.A.S. COMPAGNIE DE GESTION HOTELIERE – CGH, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
immatriculée au RCS d’Annecy sous le numéro 450 458 807
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Frédérique Etevenard, avocat au barreau de Paris, toque : K0065
assistée de Me Tim Dorier de la SELAS LEGALPS AVOCATS -HERLEMONT ET ASSOCIES, avocat au barreau d’Annecy
INTIMEE
S.A.R.L. W.R & S prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro 485 131 544
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Elise Ortolland de la SEP ORTOLLAND, avocat au barreau de Paris, toque : R231
assistée de Me Fabien Girardon, substituant Me Eric Cesar de la SELARL LEGI AVOCATS, avocats au barreau de Lyon
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Brigitte Brun-Lallemand, première présidente de chambre, chargée du rapport, et Mme Marie-Laure Dallery, magistrat à titre honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Brigitte Brun-Lallemand, première présidente de chambre
M. Julien Richaud, conseiller
Mme Marie-Laure Dallery, magistrat à titre honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez, en présence de Mme Alice Nguea, greffier en formation et de Mme Yvonne Trinca, greffier
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Brigitte Brun-Lallemand, première présidente de chambre et par M. Maxime Martinez, greffier, présent lors de la mise à disposition.
La société Compagnie de Gestion Hôtelière (ci-après « CGH ») conçoit et développe des offres d’hébergements touristiques en résidence de vacances, en chalets à la montagne, ainsi que des centres de spa et beauté.
La société WR&S est une agence en communication qui intervient en conseil, création et coordination de production.
Le 24 juin 2015, ces sociétés ont conclu un contrat à durée déterminée courant du 1er juillet 2015 au 3 juin 2017 afin de promouvoir l’activité de CGH par différentes actions de communication (édition de brochures, dépliants, flyers, affichettes invitations ; supports d’information ; annonces locales de presse ; bannières web) rémunérées par des honoraires forfaitaires mensuels de 5 000 euros HT soit un montant de 60 000 € HT.
Le 30 octobre 2017, elles ont conclu un contrat de même nature couvrant la période du 1er novembre 2017 au 31 octobre 2019. L’acte précise que la mission pourra être renouvelée par tacite reconduction pour une période similaire et prévoit une rémunération mensuelle de 5 800 € HT, soit 69 000 € par an.
Par avenant du 8 juillet 2020, la société WR&S a consenti à la société CGH un avoir de facturation de 17 400 euros « compte tenu de la situation exceptionnelle liée à la crise sanitaire Covid 19 ».
Le 1e novembre 2020, les parties ont régularisé un nouveau contrat prenant effet à cette date pour se terminer au 31 octobre 2022, sans modification des prestations, la rémunération mensuelle de WR&S étant désormais fixée à 6 800 euros.
En septembre 2021, au vu des difficultés notamment financières rencontrées par CGH, des discussions ont été engagées entre les parties sur les suites à donner au contrat et pour envisager un éventuel aménagement des relations contractuelles.
Par courrier du 3 octobre 2021, CGH a signifié à WR&S la fin de leur relation contractuelle sans préavis.
Par acte du 18 janvier 2018, la société WR&S a assigné la société CGH devant le tribunal de commerce de Lyon pour obtenir réparation de ses préjudices causés par la rupture brutale des relations commerciales établies et la non-exécution du contrat.
Par jugement du 23 mars 2023, le tribunal de commerce de Lyon a :
– Jugé recevables les demandes de la société WR&S,
– Débouté la société WR&S de sa demande en paiement de la somme de 17 400 euros HT, soit 20 880 euros TTC, correspondant aux avoirs demandés par la société CGH en échange de la poursuite de la relation contractuelle litigieuse,
– Condamné la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH à payer à la société WR&S la somme de 65 280 euros HT, soit 78 336 euros TTC, au titre des prestations réalisées entre les mois de février et octobre 2021,
– Condamné la société Compagnie de gestion hôtelière – CGH à payer à la société WR&S la somme de 88 400 euros HT, soit 106 080 euros TTC, au titre des échéances normales restant à courir d’octobre 2021 à octobre 2022,
– Débouté la société WR&S de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi du fait de la rupture brutale,
-Débouté la société WR&S de sa demande au titre des frais de licenciement de son salarié Monsieur [D] à la suite de la rupture des relations commerciales entre les sociétés Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH et WR&S,
– Rejeté la demande de délais de paiement de la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH comme non justifiée,
– Condamné la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH à payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties,
– Condamné la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH aux entiers dépens.
La société CGH, qui a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe de la Cour le 28 mars 2023, demande à la Cour, par ses dernières conclusions, transmises par RPVA le 17 avril 2024 :
Vu les dispositions de l’article L. 442-1 II du code de commerce,
Vu les dispositions des articles 9 et 122 du code de procédure civile,
Vu les dispositions des articles 1103, 1104, 1193, 1195, 1218, 1219 et 1231-1 et 1343-5 du code civil,
– Infirmer le jugement rendu le 23 mars 2023 par le tribunal de commerce de Lyon en ses dispositions ayant :
‘ Jugé recevables les demandes de la société WR&S ;
‘ Condamné la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH à payer à la société WR&S la somme de 65 280 euros HT, soit 78 336 euros TTC, au titre des prestations réalisées entre les mois de février et octobre 2021 ;
‘ Condamné la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH à payer à la société WR&S la somme de 88 400 euros HT, soit 106 080 euros TTC, au titre des échéances normales restant à courir d’octobre 2021 à octobre 2022 ;
‘ Rejeté la demande de délais de paiement de la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH comme non justifiée ;
‘ Condamné la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH à payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ Rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties ;
‘ Condamné la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH aux entiers dépens.
– Confirmer le jugement rendu le 23 mars 2023 par le tribunal de commerce de Lyon pour le surplus, notamment en ses dispositions ayant :
‘ Débouté la société WR&S de sa demande en paiement de la somme de 17 400 euros HT, soit 20.880 euros TTC, correspondant aux avoirs demandés par la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH en échange de la poursuite de la relation contractuelle litigieuse ;
‘ Débouté la société WR&S de sa demande de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice subi du fait de la rupture brutale ;
‘ Débouté la société WR&S de sa demande au titre des frais de licenciement de son salarié Monsieur [D] à la suite de la rupture des relations commerciales entre les sociétés Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH et WR&S ;
Et statuant de nouveau :
A titre principal :
– Juger que les demandes formulées par la société WR&S à l’encontre de la société CGH méconnaissent le principe interdisant le cumul des actions contractuelles et délictuelles indistinctement formulées à raison d’un même fait et pour un même préjudice ce, à peine d’irrecevabilité des demandes ;
En conséquence,
– Prononcer l’irrecevabilité des demandes formulées par la société WR&S à l’encontre de la société CGH ;
– Déclarer la société WR&S irrecevable en l’ensemble de ses demandes indemnitaires ;
– Rejeter purement et simplement l’ensemble des prétentions, fins et conclusions adverses formulées à l’encontre de la société CGH et ce, sans examen au fond ;
A titre subsidiaire :
– Juger que la rupture anticipée et sans préavis du contrat par la société CGH en octobre 2021 est justifiée par les graves difficultés financières et économiques rencontrées par cette dernière en raison des conséquences de la crise Covid-19 sur le secteur du tourisme ;
– Juger qu’aucune faute ne saurait être retenue à l’encontre de la société CGH au titre de la rupture anticipée et sans préavis du contrat en cause, dès lors que les difficultés financières et économiques invoquées ne sont pas imputables à la responsabilité de la concluante mais résultent uniquement et exclusivement des conséquences de la crise liée au Covid-19 sur le secteur du tourisme et plus particulièrement du tourisme de montagne ; lesquelles conséquences relèvent de la force majeure au sens des dispositions de l’article 1218 du code civil ;
– Juger qu’aucune faute ne saurait être retenue à l’encontre de la société CGH au titre de la rupture anticipée et sans préavis du contrat en cause, dès lors que les difficultés financières et économiques invoquées ne sont pas imputables à la responsabilité de la concluante mais résultent uniquement et exclusivement des conséquences de la crise liée au Covid-19 sur le secteur du tourisme et plus particulièrement du tourisme de montagne ; lesquelles conséquences ont placé la société CGH dans une situation financière et comptable difficile et rendu totalement impossible pour elle la poursuite du contrat avec la société WR&S ;
– Juger que la rupture anticipée et sans préavis du contrat par la société CGH en octobre 2021 n’est pas fautive, ni imputable à la société CGH en raison des circonstances économiques particulières dans lesquelles est intervenue cette rupture ;
– Juger que la responsabilité contractuelle de la société CGH ne peut être engagée du fait de la dénonciation anticipée du contrat sans préavis ;
– Dire que la responsabilité délictuelle de la société CGH ne peut être engagée du fait de la dénonciation anticipée du contrat sans préavis sur le fondement de la rupture brutale des relations d’affaires établies ;
– Juger que le caractère brutal de la rupture des relations d’affaires n’est pas établi ;
– Juger que la société WR&S ne justifie absolument pas de la réalité des préjudices qu’elle prétend subir du fait de la rupture anticipée du contrat ;
– Déclarer la société WR&S mal fondée et illégitime en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la société CGH ;
En conséquence,
– Débouter la société WR&S en sa demande de condamnation de la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH à lui payer la somme de 65 280 euros HT, soit 78 336 euros TTC, au titre des honoraires réclamés pour la période comprise entre les mois de février et octobre 2021 ;
– Débouter la société WR&S en sa demande de condamnation de la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH à lui payer la somme de 88 400 euros HT, soit 106 080 euros TTC, au titre des échéances mensuelles du contrat restant à courir d’octobre 2021 à octobre 2022 ;
– Débouter la société WR&S en sa demande de condamnation de la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH à lui payer la somme de 17 400 euros HT, soit 20 880 euros TTC, correspondant aux trois avoirs volontairement accordés par la société WR&S selon avenant en date du 8 juillet 2020 ;
– Débouter la société WR&S de sa demande de condamnation de la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH à lui payer la somme de 40 800 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations d’affaires établies ;
– Débouter de sa demande de condamnation de la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH à lui payer la somme de 14 319 euros au titre des frais de licenciement de son salarié Monsieur [D] ;
– Débouter la société WR&S de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la société CGH ;
En toute hypothèse :
– Condamner la société WR&S à verser à la société CGH la somme de 15.000 euros conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la société WR&S aux entiers dépens de l’instance, distraits selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La société WR&S par ses dernières conclusions, transmises par RPVA le 25 février 2024, demande à la Cour de :
Vu l’article L.442-1, L.442-4 et D.442-3 du code de commerce ;
Vu l’article 9 du code de procédure civile ;
Vu les articles 1103,1104, 1193, 1195, 1212, 1218, 1231-1, 1231-2, 1231-4 et 1353 du code civil ;
Vu les contrats signés entre les parties ;
– Confirmer les dispositions du jugement du 23 mars 2023 (RG n° 2022J107) du tribunal de commerce de Lyon en ce qu’il a :
* Condamné la société Compagnie de Gestion Hôtelière ‘ CGH à payer à la société WR&S la somme de 65 280 euros HT, soit 78 336 euros TTC, au titre des prestations réalisées entre les mois de février et octobre 2021,
* Condamné la société Compagnie de gestion hôtelière – CGH à payer à la société WR&S la somme de 88 400 euros HT, soit 106 080 euros TTC, au titre des échéances normales restant à courir d’octobre 2021 à octobre 2022,
* Condamné la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH à payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* Rejeté la demande de délais de paiement de la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH comme non justifiée,
* Condamné la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH aux entiers dépens ;
– Réformer les dispositions du jugement précité en ce qu’il a :
* Débouté la société WR&S de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi du fait de la rupture brutale ;
* Débouté la société WR&S de sa demande au titre des frais de licenciement de son salarié Monsieur [D] à la suite de la rupture des relations commerciales entre les sociétés Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH et WR&S ;
Et statuant à nouveau :
A titre principal :
– Juger la société WR&S recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;
– Juger que le contrat du 1er novembre 2021 est un contrat à durée déterminée qui ne pouvait être rompu avant son terme contractuel ;
– Juger que la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH était tenue de l’ensemble des paiements jusqu’au du terme du contrat du 1er novembre 2021, fixé au 31 octobre 2022 ;
– Juger que la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH n’a pas réglé, sans justification, les factures à compter du mois de février 2021 jusqu’à la date de résiliation du contrat en octobre 2021, soit 8 mois ;
– Juger qu’il existait des relations commerciales établies entre les sociétés Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH et WR&S depuis 6 années ;
– Juger que la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH a pris l’initiative de rompre le contrat sans aucun préavis ;
– Juger que la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH ne peut se prévaloir de l’existence d’un cas de force majeure du fait de la renégociation et de la conclusion d’un nouveau contrat durant la période de la crise sanitaire de la Covid-19 ;
– Juger qu’en rompant les relations commerciales sans préavis, la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH a rompu brutalement les relations commerciales établies ;
– Juger que la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH a engagé sa responsabilité civile en rompant brutalement la relation commerciale établie sans respecter un préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale ;
– Juger que la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH a menacé la société WR&S de rompre la relation contractuelle si cette dernière n’émettait pas des avoirs pour les mois d’août, septembre, octobre 2020 ;
– Juger que la demande de délais de paiement de la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH est infondée ;
En conséquence :
– Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH à payer à la société WR&S la somme de 65 280 euros HT, soit 78 336 euros TTC, au titre des prestations réalisées entre les mois de février et octobre 2021 ;
– Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH à payer à la société WR&S la somme de 88 400 euros HT, soit 106 080 euros TTC, au titre des échéances normales restant à courir d’octobre 2021 à octobre 2022 ;
– Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté la demande de condamnation de la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH à payer à la société WR&S la somme de 17 400 € HT, soit 20 880 euros TTC correspondant aux avoirs demandés par la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH en échange de la poursuite de la relation contractuelle litigieuse ;
– Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté la demande de condamnation de la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH à payer à la société WR&S la somme de 40 800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale, outre intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure du 15 octobre 2021 ;
– Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté la demande de condamnation de la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH à payer à la société WR&S la somme de 14 319 euros au titre des frais de licenciement de son salarié M. [D] à la suite de la rupture des relations commerciales entre les sociétés Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH et WR&S ;
– Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté la demande de délais de paiement de la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH ;
– Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH à verser à la société WR&S la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– y ajoutant condamner la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH à verser à la société WR&S la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
En tout état de cause :
– Débouter la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
– Condamner la société Compagnie de gestion hôtelière ‘ CGH aux entiers dépens de l’instance et de ses suites.
La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2024.
– Sur le cumul allégué des responsabilités contractuelle et délictuelle
Moyen des parties
CGH soutient que WR&S formule de manière cumulative des demandes pour le même fait générateur et le même préjudice sur le fondement de la responsabilité contractuelle et sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies relevant de la responsabilité civile délictuelle, ses prétentions indemnitaires ayant un objet et un fait générateur identique, ce qui les rend irrecevables. Elle ajoute que WR&S n’explique pas en quoi la brutalité de la rupture, à la supposer établie, lui aurait causé un préjudice distinct de son préjudice financier découlant de la rupture elle-même. Selon CGH, l’indemnisation retenue au titre de la non-exécution du contrat jusqu’à son terme contractuel couvre nécessairement le gain manqué résultant de l’absence d’un préavis.
WR&S répond que CGH a résilié de manière anticipée et fautive le contrat du 1e novembre 2020 mais également de manière brutale puisqu’aucun préavis n’a été accordé. Elle soutient que les préjudices sont distincts puisque fondés d’une part sur la responsabilité contractuelle et d’autre part sur la réparation au titre de la rupture abusive des relations commerciales établies.
Réponse de la Cour
Le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle interdit seulement au créancier d’une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle et n’interdit pas la présentation d’une demande distincte, fondée sur l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, qui tend à la réparation d’un préjudice résultant non pas d’un manquement contractuel mais de la rupture brutale d’une relation commerciale établie (Cass. Com., 24 octobre 2018, n°17-25.672).
En l’espèce, la société WR&S fait valoir deux préjudices distincts à l’appui de ses demandes en indemnisation de l’inexécution à son terme du contrat à durée déterminée et en réparation de la rupture brutale de la relation commerciale, en sorte que celles-ci sont recevables.
Il s’en suit que la fin de non-recevoir tendant sur le fondement de ce principe de non-cumul à déclarer WR&S irrecevable en ses demandes, sans examen au fond, ne peut être accueillie.
Le jugement est confirmé sur ce point pour ces motifs substitués.
– Sur la rupture fautive alléguée du contrat du 1er novembre 2020 avant son terme
Moyens des parties
WR&S, faisant valoir qu’il n’y a pas d’alternative à l’exécution d’un contrat à durée déterminée, sollicite la confirmation du jugement attaqué en ce qu’il a condamné l’appelante au paiement d’une indemnité égale au montant qui aurait dû être versé (88 400 euros HT, soit la somme des 13 échéances restant à courir) si le contrat, rompu à tort le 3 octobre 2021, avait été mené à son terme, soit le 31 octobre 2022.
CGH répond que la crise Covid-19 a eu des répercussions majeures sur le secteur du tourisme, en particulier en montagne et qu’en sa qualité d’acteur de ce secteur, elle en a directement subi les conséquences, la situation des résidences qu’elle exploite ayant été particulièrement préoccupante, avec une forte baisse du revenu hiver 2019/2020 et une très forte baisse sur l’hiver 2020/2021 (- 49 %) due à la fermeture des remontées mécaniques et commerces, ce qui a conduit à un effondrement des réservations et du taux d’occupation de l’ensemble de ses résidences, et a rendu impossible la poursuite des relations avec WR&S. Les critères de la force majeure sont réunis selon elle, dès lors que CGH n’est pas à l’origine de la survenance de l’épidémie de Covid-19, n’avait aucune prise sur les décisions et mesures prises par les pouvoirs publics et qu’elle ne pouvait connaitre à l’avance et anticiper la survenance de ces vagues successives de l’épidémie le contrat ayant été conclu en 2015.
CGH fait valoir que le renouvellement du contrat signé en novembre 2020 est intervenu dans un contexte de renégociation du contrat pour faire face aux circonstances imprévisibles. Pour autant, à l’automne 2021, lors de la rupture de ce contrat, il existait encore de graves doutes sur l’ouverture des remontées mécaniques pour la saison d’hier à venir (l’annonce n’étant intervenue que le 6 novembre 2021), ainsi que sur la possibilité de résidents étrangers de se rendre en France (et de fait, la clientèle britannique a fait défaut pour les vacances de fin d’année 2021).
GGH ajoute que les difficultés financières et comptables qu’elle a rencontrées ne sont en aucune façon imputables à ses dirigeants et/ou à une mauvaise gestion, mais résultent uniquement et exclusivement des conséquences de la baisse significative, voire même de l’effondrement de son activité commerciale sur l’exercice 2020/2021, du fait de l’impact de la crise liée au Covid-19 sur le secteur du tourisme de montagne. Les solutions dégagées par la Cour de cassation le 30 juin 2022 concernant des baux commerciaux ne sont donc absolument pas applicables au présent litige relatif à la rupture anticipée et sans préavis d’un contrat et/ou de relations d’affaires.
Elle en déduit qu’aucune faute ne peut lui être imputée.
En réplique, WR&S fait valoir que le contrat litigieux a été signé entre les parties le 1er novembre 2020, soit presque 9 mois après le début de la crise sanitaire et de ses effets, les parties ayant donc alors pleinement connaissance de la crise Covid-19, si bien que le critère de l’imprévisibilité nécessaire à la caractérisation de la force majeure ne peut qu’être écarté. Elle ajoute qu’il n’y a jamais eu d’arrêt total de la fréquentation du tourisme dans les Alpes françaises. CGH n’établit donc pas l’existence et les circonstances qui auraient empêchées l’une des parties d’exécuter ses obligations. L’annonce publiée le 4 aout 2021 (pièce WR&S n°9), quelques mois avant la rupture du contrat, montre que la réelle cause de la fin des relations résulte de la décision de CGH d’internaliser les missions jusque-là confiées à l’agence.
WR&S rappelle qu’il est de jurisprudence constante que des difficultés financières ne caractérisent pas l’existence d’un évènement de force majeure, et observe qu’en toute hypothèse, il a été dégagé par CGH en 2020, soit en pleine crise du Covid-19, un résultat d’exploitation d’un montant de 11 998 478 €, avec un bénéfice de 8 270 624 €, en hausse de plus de 14 % par rapport à 2019. A aucun moment, sur les trois exercices précédant celui de la rupture anticipée du contrat litigieux, CGH, qui a selon elle obtenu par ailleurs près de 42 millions d’ euros d’aides et de prêts (dispositif PGE), ne s’est trouvée en réelle difficulté financière. Son activité est resté positive en 2021, elle a ouvert plusieurs résidences cette année-là et ne s’est aucunement trouvée en état de situation de cessation des paiements, de sorte qu’elle ne peut prétendre à d’importantes difficultés comptables et financières pour s’exonérer de ses fautes envers WR&S. Force est de constater, par ailleurs, que son exercice 2021/2022 s’est traduit par un résultat d’exploitation très positif par rapport à 2019 (+ 55 %), son bénéfice net ayant augmenté de 98, 5 % par rapport au dernier exercice clos précédant la crise sanitaire.
WR&S en déduit que CGH, en rompant le contrat du 1 novembre 2020 par un courrier du 3 octobre 2021de façon anticipée, a manqué à ses obligations contractuelles et demande la confirmation de la décision attaquée en ce qu’elle a condamné CGH à s’acquitter des échéances normales restant à courir d’octobre 2021 à octobre 2022.
Réponse de la Cour
L’article 1212 du code civil dispose que lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l’exécuter jusqu’à son terme.
Cependant, en application de l’article 1351 du code civil, l’impossibilité d’exécuter la prestation libère le débiteur à due concurrence lorsqu’il procède d’un cas de force majeure et qu’elle est définitive, à moins qu’il n’ait convenu de s’en charger et qu’il ait été préalablement mis en demeure.
La force majeure doit présenter pour le débiteur qui l’invoque trois caractères cumulatifs, l’imprévisibilité, l’imprévisibilité et l’extériorité.
L’impossibilité d’exécution doit constituer un obstacle insurmontable, et ne peut constituer en de simples difficultés, fussent-elles très grandes, notamment parce que l’exécution de l’obligation est pour le débiteur très onéreuse. En conséquence, dès lors que le contrat peut être exécuté, le débiteur d’une obligation de payer ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure (Cass. Com., 16 septembre 2014, n°13-20306).
En application de l’article 1218 du code civil en vigueur pour les contrats postérieurs au 1er octobre 2016, l’événement échappant au contrôle du débiteur est celui qui ne pouvait raisonnablement être prévu au moment de la conclusion du contrat.
Au cas présent, la Cour retient qu’un nouveau contrat a été signé par les parties le 1er novembre 2020, et qu’il ressort des pièces versées que la société CGH avait connaissance, à cette date, non seulement de l’existence de la crise sanitaire due au Covid-19, mais aussi des mesures exceptionnelles pouvant être imposées par les pouvoirs publics pour lutter contre la pandémie, ainsi que des effets de cette crise et des mesures relatives à son activité (lesquels s’étaient déjà traduits par une forte baisse du revenu de l’hiver 2019/2020).
Elle observe, au surplus que quelques jours auparavant, le 28 octobre 2020, un deuxième confinement avait été annoncé par le président de la République et que ses modalités en avaient été précisées par le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020.
Elle relève, enfin, que le contrat, conclu dans ces circonstances bien particulières, prévoyait expressément que la « mission couvre la période du 1er novembre 2020 au 31 octobre 2022 », avec faculté de dénonciation à échéance seulement.
La Cour retient qu’il ne peut en conséquence être sérieusement allégué :
– qu’il ne pouvait raisonnablement être prévu, au moment de la conclusion de ce contrat à durée déterminée, que l’ouverture des remontées mécaniques pourrait, au cours de la période de deux ans d’exécution de ce dernier, ne pas être autorisée et que la possibilité pour des résidents étrangers de se rendre en France pourrait se trouver entravée ;
– que l’impossibilité en octobre 2021 d’exécuter la prestation présentait un caractère définitif.
Il s’en suit que CGH ne peut prétendre avoir été libéré de ses obligations en raison d’un cas de force majeure l’empêchant de poursuivre le contrat.
La Cour constate, ensuite, que CGH ne précise pas le fondement juridique en vertu duquel des « circonstances économiques particulières » pourraient par ailleurs conduire à l’exonérer de sa responsabilité. A titre surabondant, elle retient que les conditions d’une révision pour imprévision, sur le fondement de l’article 1195 du code civil auquel se réfère le tribunal dans la décision attaqué, ne sont pas réunies. CGH ne démontre pas un changement de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrant rendant l’exécution excessivement onéreuse pour la partie qui n’en aurait pas accepté le risque.
Il se déduit de l’ensemble que CGH, à qui il appartenait de démonter l’impossibilité d’exécution du contrat, était du fait de la force obligatoire de celui-ci, tenue d’exécuter les obligations stipulées.
C’est à raison que le tribunal a fait droit à la demande d’exécution en nature sollicitée et condamné CGH à s’acquitter des échéances restant à courir d’octobre 2021 à octobre 2022 au titre des honoraires mensuels convenus à l’article 3 du contrat du 1er novembre 2020.
Le jugement est confirmé pour ces motifs substitués.
Sur les autres défaillances contractuelles alléguées
Moyens des parties
En premier lieu, WR&S fait valoir avoir émis à tort trois avoirs d’un montant de 5 800 euros chacun, lesquels correspondaient pourtant à un travail effectué, et soutient, pour demander leur remboursement, que cet avantage a été consenti en contrepartie de la promesse de CGH de pérennité des relations commerciales à venir.
En réponse, CGH sollicite la confirmation du jugement qui a débouté WR&S de cette demande, en observant que l’avenant régularisé entre les parties le 8 juillet 2020 atteste de manière évidente que les avoirs concernés, d’un montant total de 17.400 euros HT, ont été uniquement et exclusivement concédés en raison de la situation exceptionnelle liée à la crise sanitaire Covid-19 et qu’il n’a pas été convenu que lesdits avoirs étaient conditionnés à une quelconque prorogation et/ou poursuite des relations d’affaires sur les années à venir.
En second lieu, CGH fait valoir qu’aucune prestation n’a été réalisée par WR&S à partir de février 2021, ainsi qu’il en est attesté par l’absence de production d’une quelconque facture émise depuis cette date. Les traditionnels catalogue hiver ont notamment été arrêtés à celui de l’hiver 2020-21 et aucun catalogue n’a été édité pour l’été 2021. Il s’en suit, selon elle, que la condamnation au paiement de la somme de 65 280 euros dont elle a fait l’objet en première instance au titre des échéances impayées conduit à un enrichissement sans cause puisque qu’elle n’a bénéficié d’aucune contrepartie réelle et effective.
En réponse, WR&S demande la confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté l’exception d’inexécution soulevée par CGH s’agissant de la période de février à octobre 2021, le forfait mensuel convenu ne correspondant pas forcément au travail et au temps passé de chaque mois de la période contractuelle.
Réponse de la Cour
Le contrat du 30 octobre 2017 stipule que l’agence WR&S « intervient pour le compte de la SAS CGH et de ses entités Résidences CGH, Spas O des Cimes, Chalets de C’ur, CGH Développent pour la mise en oeuvre de leurs actions de communication », la mission décrite à l’article 1 étant « rémunérée par des honoraires mensuels de 5 800 euros HT », lesquels donnent lieu à facture « au 5 de chaque mois et sont payables à 30 jours ».
Ce contrat a donné lieu le 8 juillet 2020 a un avenant ainsi rédigé :
« Compte-tenu de la situation exceptionnelle liée à la crise sanitaire Covid-19 survenue au printemps 2020, WRS a proposé à CGH un avoir de facturation de 3 mois soit la somme de 5 800 euros HT x 3 mois = 17 400 euros.
L’avoir correspondant est ci-joint annexé ».
La Cour retient, en premier lieu, après le tribunal, qu’il se déduit des stipulations contractuelles que la rémunération convenue n’était pas en lien avec la réalisation de prestations, mais correspondait à un échelonnement par forfait mensuel de la prestation.
Y ajoutant, elle observe qu’il ressort des éléments du dossier que les prestations étaient planifiées annuellement, étant entendu que le secteur connait des saisonnalités très marquées (le chiffre d’affaires de la saison d’hiver représentant habituellement plus de 80 % du chiffres d’affaires annuel des résidences de montagne cf. pièce WR&S n°5), ce qui conduit les acteurs du secteur à mettre en place des actions de communication différentes selon les périodes.
En second lieu, la Cour observe que l’avenant du 8 juillet 2020 est un document en-tête WR&S et que sa teneur est particulièrement claire. L’avoir est « proposé » par l’agence de communication et est émis un mois après le début de la phase 2 du premier déconfinement, « eu égard à la situation exceptionnelle liée à la crise sanitaire Covid-19 ».
La question de la pérennité des relations commerciales à venir n’y est pas abordée. La charge de la preuve incombant à la partie qui se prévaut de cette circonstance, l’allégation de WR&S à cet égard manque en fait.
La Cour rappelle que l’enrichissement sans cause suppose qu’aucune règle juridique ne vienne fournir un fondement à cet enrichissement. En conséquence, à supposer même que les conditions de l’article 1303 du code civil soient réunies, l’enrichissement ne serait pas injustifié dès lors qu’il procède de l’accomplissement d’une obligation.
Il se déduit de l’ensemble que le jugement est, pour ces motifs substitués, confirmé en ce qu’il a d’une part, débouté la société WR&S de sa demande en remboursement de l’avoir qu’elle consenti le 8 juillet 2020 à CGH, et d’autre part, condamné CGH à s’acquitter des mensualités dues de février à octobre 2021 en exécution du contrat du 30 octobre 2017.
Sur la rupture brutale alléguée des relations commerciales établies
Moyens des parties
En premier lieu, CGH, après avoir observé que le premier contrat signé entre les parties, le 19 mai 2015, a pris fin le 30 juin 2017, les relations contractuelles ayant ensuite été interrompues pendant plusieurs mois avant que les parties procèdent à la signature d’un nouveau contrat, le 30 octobre 2017, allègue que WR&S était parfaitement informée des graves difficultés rencontrées par CGH dans le contexte de l’épidémie de Covid-19 et ce, depuis le mois de juillet 2020, puisque l’avenant consent un avoir de facturation de 3 mois « compte tenu de la situation exceptionnelle liée à la Crise Sanitaire COVID 19 survenue au printemps 2020 ». WR&S en n’exerçait en outre plus aucune prestation quelconque pour le compte de CGH et ce, depuis la fin 2020/début 2021.
CGH soutient avoir, dans ces circonstances bien particulières, indiqué à son partenaire vouloir poursuivre la collaboration non plus sous la forme de contrat mais sous la forme de devis. En réponse, WR&S a décidé de mettre un terme de manière ferme et définitive aux relations d’affaires au motif qu’une embauche avait été réalisée par CHG. Ce recrutement en interne était pourtant justifié par le départ de la responsable marketing, communication et relations de presse.
En second lieu, CGH fait valoir que WR&S se contente de chiffrer son prétendu préjudice de manière grossière et erronée, sans apporter aucun élément concret et objectif permettant de justifier des modalités de détermination du quantum de ses demandes en se fondant notamment sur 6 mois de chiffre d’affaires. Elle ajoute que le résultat de WR&S était déficitaire depuis plus de trois exercices, soit déjà avant la survenance du Covid-19 et la rupture des relations contractuelles avec CGH et que le salarié licencié ne figure pas dans l’équipe dédiée à la réalisation de prestations pour CGH.
WR&S répond que la relation a duré 6 ans, ainsi qu’il se déduit des contrats successifs signés, étant précisé que les mois de juillet à octobre 2017 ont également fait l’objet d’une facturation.
Elle soutient que la lettre du 3 octobre 2021 de CGH caractérise une rupture des relations commerciales établies dès lors que le souhait de sa partenaire de continuer leur collaboration n’était qu’une affirmation hypothétique. Il s’ensuit que la rupture, objectivement acquise au 6 octobre 2021, est intervenue sans aucun préavis.
Elle sollicite la somme de 40 800 euros correspondant aux six mois de préavis contractuellement prévus. Elle verse par ailleurs une attestation de son expert-comptable s’agissant des marges brutes réalisées avec CGE en 2018, 2019 et 2020. Elle fait aussi valoir qu’à la suite de la rupture, elle a dû réorganiser ses équipes et licencier une partie de son personnel, notamment Madame [D] qui a été licenciée pour motif économique en décembre 2021 et a obtenu en lien 14 319 € d’indemnités.
Réponse de la Cour
La Cour retient qu’il ressort des pièces versées que la relation commerciale entre les parties revêtait avant la rupture un caractère suivi et habituel depuis mai 2015.
Cependant, le tribunal observe à raison dans la décision attaquée que les contrats, bien que récurrents depuis cette date, avaient tous fait l’objet de périodes d’interruptions, de modification et de suspension de la relation contractuelle, et qu’il se déduit de la lettre du 3 octobre 2021 que la volonté de CGH n’était pas de cesser toute relation, mais de définir la base de missions ponctuelles.
La Cour précise qu’il ressort notamment de ce courrier que CGH, faisant valoir qu’« il est très difficile d’anticiper et d’apprécier les perspectives de retour de l’activité des résidences et du marché du sport d’hiver », propose de « continuer (la) collaboration sous la forme de devis pour les travaux dont (CGH) pourrait avoir besoin », n’ayant dans le contexte de la crise sanitaire liée au Covid-19 « d’autre possibilité que de limiter fortement et largement (ses) engagements de dépense ».
La Cour retient, ensuite, qu’il se déduit des pièces versées n°19, 20, 30, 31, 50, 53 et 55, lesquelles sont un peu antérieures ou ont un caractère contemporain de la rupture, que les éléments très spécifiques propres au contexte de l’époque étaient de nature à instiller, dans l’esprit de WR&S, une forme de précarité de la situation.
Si le contrat signé le 1er novembre 2020 permettait à cette agence, en raison de la force obligatoire de celui-ci, d’avoir l’assurance que les échéances mensuelles convenues seraient payées jusqu’en octobre 2022, les autres circonstances ne permettent en effet pas d’établir que WR&S pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une continuité d’un flux d’affaires similaire avec son partenaire commercial.
La stabilité de la relation, qui repose sur la croyance légitime dans la pérennité de la relation, ne pouvant être caractérisée, la relation commerciale ne revêtait plus un caractère établi.
Il s’ensuit que les conditions d’application de l’article L. 442-1, II du code de commerce ne sont pas réunies.
Le jugement attaqué, qui a débouté WR&S de sa demande de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice subi du fait d’une rupture brutale de la relation commerciale établie, est confirmé pour ces motifs substitués.
Sur les autres demandes
La Cour constate que CGH, qui sollicite dans sa déclaration d’appel l’infirmation du jugement attaqué en ce qu’il a rejeté sa demande de délais de paiement, n’a pas conclu en ce sens. Ce rejet est confirmé par motifs adoptés.
La décision de première instance est également confirmée en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens.
Succombant en son appel CGH, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamné à supporter les entiers dépens d’appel ainsi qu’à payer à WR&S la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Rejette les demandes de la société Compagnie de Gestion hôtelière ‘ CGH au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la société Compagnie de Gestion hôtelière ‘ CGH à payer à la société WR&S la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Compagnie de Gestion hôtelière ‘ CGH à supporter les entiers dépens d’appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE