Your cart is currently empty!
Pour éviter la fraude au dépôt d’une marque, le déposant doit rapporter la preuve de l’accord, même tacite, du titulaire de droits, étant observé que l’existence d’un accord, qui doit être non équivoque et fait en toute connaissance de cause, ne peut se déduire du seul silence gardé depuis le dépôt de la marque.
C’est à juste titre que les premiers juges ont constaté que l’EURL ADOR LE PAIN et M. [V] [P] ont effectué sciemment le dépôt en violation des droits antérieurs détenus par la SARL ADOR. La fraude est parfaitement caractérisée en l’espèce, le dépôt n’ayant eu pour but que de priver la SARL ADOR de son droit exclusif sur sa dénomination commerciale afin d’en tirer un avantage direct, cette volonté s’étant révélée dans le courrier du 1er aout 2018 aux termes duquel M. [V] [P] et l’EURL ADOR LE PAIN entendent obtenir, tant du titulaire du signe, la SARL ADOR, que de la société EADJ, des redevances liées à l’utilisation de la marque semi-figurative parfaitement indues en l’état des droits antérieurs, et ainsi priver la SARL ADOR et la société EADJ de l’utilisation du signe nécessaire à leurs activités et même pour la SARL ADOR de la faculté de céder tout droit sur sa propre dénomination sociale. |
→ Résumé de l’affaireLa SARL ADOR et l’EURL ADOR Le Pain sont en conflit concernant l’utilisation de la marque “ADOR” et “ADOR LE PAIN”. La SARL ADOR a obtenu gain de cause devant le tribunal de grande instance de Marseille, qui a ordonné le transfert de la marque “ADOR” à la SARL ADOR, annulé la marque “ADOR LE PAIN” et condamné l’EURL ADOR Le Pain à payer des dommages-intérêts. L’EURL ADOR Le Pain et M. [V] [P] fils ont interjeté appel de la décision. La SARL ADOR demande également la déchéance de la marque “ADOR” et réclame des dommages et intérêts supplémentaires. La SARL GED, intervenant volontairement, demande également le transfert de la marque “ADOR” au profit de la SARL ADOR.
|
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 13 JUIN 2024
N° 2024/135
Rôle N° RG 20/01926 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFSEV
[V], [X], [F] [P]
EURL ADOR LE PAIN
C/
E.U.R.L. ADOR LE PAIN
S.A.R.L. G.E.D
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Roselyne SIMON-THIBAUD
Me Nicolas MERGER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 12 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 19/02143.
APPELANTS
Monsieur [V], [X], [F] [P]
né le 13 Juin 1963
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
EURL ADOR LE PAIN Immatriculée au RCS de Nîmes sous le n°520.397.316, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
dont le siège social sis : [Adresse 1]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
E.U.R.L. ADOR LE PAIN,
dont le siège social sis : [Adresse 1]
représentée par Me Nolwenn ROBERT de la SELAS PVB AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituée par Me Célia MUSLIN, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant, Me Nicolas MERGER, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
PARTIE INTERVENANTE
S.A.R.L. G.E.D
Partie INTERVENANTE VOLONTAIRE,
dont le siège social sis : [Adresse 2]
représentée par Me Nolwenn ROBERT de la SELAS PVB AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituée par Me Célia MUSLIN, avocat au barreau de MONTPELLIER, Me Nicolas MERGER, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 11 Avril 2024 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme Valèrie GERARD a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère
Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024, après prorogationdu délibéré.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024,
Signé par Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre et Madame Marielle JAMET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SARL ADOR, constituée en 1989, exerce une activité de commerce de détail de produits alimentaires en magasin spécialisé et a pour gérant M. [V] [P], né en 1938.
L’EURL ADOR Le pain, a été constituée en 2010 par M. [V] [P], né en 1963, fils du gérant de la SARL ADOR.
La SARL ADOR qui occupe un local commercial situé [Adresse 4] à [Localité 5] selon acte authentique du 24 septembre 1992, a, selon acte authentique du 29 janvier 2010, sous-loué à l’EURL ADOR Le Pain, une partie de ces locaux.
À la suite d’un différent entre les sociétés au sujet de l’imputation de travaux de réfection de toiture, l’EURL ADOR Le Pain, par courrier du 1er août 2018, a informé la SARL ADOR du dépôt au nom de M. [V] [P] fils :
1. de la marque semi figurative et en couleurs ADOR déposée le 19 mai 2009 sous le numéro 3651648, pour les produits et services des classes 29 ; 30 ; 31 ; 32 ; 43 ;
2. de la marque verbale ADOR LE PAIN déposée le 23 mars 2018 sous le numéro 4440022, pour les produits et services des classes 29, 30, 31, 32, 35, 43.
Par courrier recommandé du 30 août 2018, M. [V] [P] fils a été mis en demeure de :
– céder totalement, de manière immédiate et gracieuse, la marque semi-figurative « ADOR » au profit de la société ADOR ;
– procéder au retrait immédiat de la marque « ADOR LE PAIN » et à la cessation de tout usage du nom ADOR en particulier à titre de dénomination sociale, de nom de domaine ou d’enseigne.
Cette mise en demeure étant restée vaine, la SARL ADOR a fait assigner l’EURL ADOR LE PAIN et M. [V] [P] fils devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire de Marseille pour revendiquer la propriété de la marque semi-figurative ADOR et subsidiairement d’en constater la déchéance, annuler la marque verbale ADOR LE PAIN et obtenir réparation de son préjudice.
Par jugement du 12 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Marseille a :
– ordonné le transfert de la marque semi figurative n°3651648 à la SARL ADOR
– annulé la marque verbale « ADOR LE PAIN » n° 4440022 pour les produits et services des classes 29, 30, 31, 32 et 43 ;
– interdit à [V] [X] [F] [P] et l’EURL ADOR LE PAIN de l’utiliser directement ou indirectement comme slogan, logo, ou signe distinctif ;
– condamné [V] [X] [F] [P] et l’EURL ADOR LE PAIN à payer à la SARL ADOR la somme de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts,
– condamné in solidum [V] [X] [F] [P] et l’EURL ADOR LE PAIN à payer à la SARL ADOR la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum [V] [X] [F] [P] et l’EURL ADOR LE PAIN aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– ordonné la publication du jugement au registre national des marques à l’initiative de la partie la plus diligente ;
– ordonné l’exécution provisoire des mesures d’interdiction.
M. [V] [X] [F] [P] et l’EURL ADOR LE PAIN ont interjeté appel de la décision par déclaration du 6 février 2020.
Par conclusions notifiées et déposées le 10 janvier 2024, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [V] [P] et l’EURL ADOR LE PAIN demandent à la cour de :
– constater que le dépôt de la marque française semi-figurative « ADOR » n°3651648 n’a été animé d’aucune intention de nuire de la part de la société ADOR LE PAIN ;
– constater au contraire que ce dépôt a été fait en concertation entre les sociétés ADOR et ADOR LE PAIN ;
– dire et juger que la société EAJ ne dispose d’aucun intérêt légitime à exploiter le signe ADOR et qu’une prétendue intention de nuire ne peut être retenue à son encontre, au jour du dépôt de la marque, celle-ci ayant été constituée plus de 7 ans après ;
– rejeter la demande de revendication de la marque française semi-figurative « ADOR » n°365648 pour dépôt frauduleux ;
– déclarer la société ADOR irrecevable en sa demande de déchéance de la marque française semi-figurative « ADOR » n°3 651648 ;
– constater que les signes « ADOR » et « ADOR LE PAIN » sont exploités dans des domaines d’activité différents ;
– dire et juger que la marque « ADOR LE PAIN » et le signe « ADOR » sont différents tant visuellement, phonétiquement que conceptuellement ;
– constater que la société ADOR ne dispose de droits sur le signe « ADOR » que s’agissant du commerce de fruits et légumes ;
– dire et juger que les produits et services visés par la marque « ADOR LE PAIN » en classes 29, 30, 31, 32, 35 et 43 sont distincts, à l’exception d’une infime partie relative aux seuls fruits et légumes des classes 29 et 31 ;
– dire et juger qu’il résulte d’une comparaison globale des signes et des produits et services une impression globale distincte ;
– dire et juger en conséquence qu’en l’absence de confusion entre les signes, l’article L.7l1-4 du code de la propriété intellectuelle ne trouve pas à s’app1iquer et que la marque « ADOR LE PAIN » n°4440022 n’encourt pas la nullité ;
– rejeter la demande de nullité de la marque française verbale « ADOR LE PAIN » n°4440022 ;
– rejeter les demandes formées par la société ADOR au titre de son appel incident ;
– rejeter l’intégralité de demandes, fins et conclusions de la société ADOR ;
– condamner la société ADOR à verser à la société ADOR LE PAIN la somme de 5.000 euros au titre de la procédure abusive ;
– condamner la société ADOR au paiement de la somme 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées et déposées le 2 janvier 2024, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, la SARL ADOR et la SARL GED, dont le gérant est M. [I] [P], intervenant volontairement à l’instance en sa qualité de cessionnaire des droits relatifs à la marque ADOR, demande à la cour de :
– donner acte à la SARL G.E.D de son intervention volontaire à la procédure ;
Concernant la marque française semi-figurative « ADOR » déposée 19 mai 2009 enregistrée sous n° 3651648 :
– juger la société ADOR bien fondée à réclamer la propriété de la marque semi-figurative « ADOR » déposée 19 mai 2009 sous le numéro 3651648, et à solliciter son transfert au profit de cette dernière ;
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Marseille, sauf en ce qu’il a limité l’indemnisation du préjudice de la société ADOR à la somme de 8.000 € ;
– juger que la société GED, venant aux droits de la société ADOR, bénéficiera des effets de l’arrêt à intervenir s’agissant des droits associés à la marque française semi-figurative « ADOR » ;
subsidiairement,
– déclarer la société ADOR recevable en sa demande de déchéance de la marque française semi-figurative « ADOR » déposée 19 mai 2009 sous le numéro 3651648,
– déclarer M. [V] [P] déchu de ses droits pour défaut d’exploitation sur l’ensemble des produits et services visés à l’enregistrement de la marque française semi-figurative « ADOR » déposée 19 mai 2009 sous le n° 3651648,
Concernant la marque française verbale « ADOR LE PAIN » déposée 19 mai 2009 enregistrée sous le n° 3651648 :
– confirmer le jugement rendu le 12 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Marseille en ce qu’il a prononcé l’annulation du dépôt de marque verbale « ADOR LE PAIN » effectué par la partie adverse en date du 23 mars 2018, sous le numéro 4440022, pour les produits et services des classes 29, 30, 31, 32, 43′; et faire interdiction à M. [V] [P] et la société ADOR LE PAIN de l’utiliser directement ou indirectement comme slogan, logo, ou signes distinctifs ;
statuant à nouveau :
– condamner solidairement M. [V] [P] et la société ADOR LE PAIN à payer à la société ADOR la somme de vingt mille euros (20.000 €) à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant du dépôt frauduleux des marques ;
en tout état de cause :
– débouter M. [V] [P] et la société ADOR LE PAIN de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions’;
– ordonner la transmission du jugement par le greffe à l’INPI en vue de son inscription au registre national des marques’;
– condamner solidairement M. [V] [P] et la société ADOR LE PAIN à payer à la société ADOR la somme de 10.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile .
L’intervention volontaire de la SARL GED, à laquelle la SARL ADOR a cédé à titre exclusif ses droits, notamment sur la marque semi-figurative « ADOR » en suite du jugement du 12 décembre 2019, est recevable à intervenir et cette intervention est au demeurant non contestée par l’intimée.
1. le dépôt de la marque semi-figurative ADOR n°3651648 :
Les appelants soutiennent que les deux conditions cumulatives édictées à l’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle pour permettre la revendication de la marque semi figurative ADOR ne sont pas réunies en l’espèce, le dépôt de la marque ayant été fait en toute transparence, en concertation entre les sociétés ADOR et ADOR LE PAIN et sans aucune intention de nuire. Ils ajoutent sur ce dernier point que l’intention de nuire s’apprécie au moment du dépôt et à l’encontre de celui qui serait légitime à revendiquer des droits sur le signe en cause et que les premiers juges ont effectué une mauvaise lecture des faits de l’espèce.
L’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle dispose que si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.
Le caractère frauduleux du dépôt s’apprécie au jour du dépôt et suppose que soit établi l’existence de droits antérieurs d’une part et, d’autre part la fraude elle-même, laquelle peut résulter de la connaissance de ces droits antérieurs au moment du dépôt lequel est réalisé dans le seul but de l’opposer au tiers pour lui nuire, ou d’en tirer profit.
Il n’est pas discuté devant la cour que la SARL ADOR utilisait le logo ADOR pour son activité commerciale depuis de nombreuses années antérieurement au dépôt contesté de la marque semi-figurative « ADOR » par les appelants. Il n’est pas plus discuté par ces derniers l’existence de liens familiaux étroits (père/fils) entre les gérants des SARL ADOR et EURL ADOR LE PAIN conduisant à considérer que l’EURL ADOR LE PAIN et M. [V] [P] ne pouvaient ignorer cet usage antérieur et en avaient une parfaite connaissance au moment du dépôt de la marque litigieuse.
Les intimés ne rapportent aucune preuve de l’accord, même tacite, de la SARL ADOR pour le dépôt d’une marque semi-figurative qui reprend sa dénomination sociale, étant observé que l’existence d’un accord, qui doit être non équivoque et fait en toute connaissance de cause, ne peut se déduire du seul silence gardé depuis le dépôt de la marque.
C’est par conséquent à juste titre que les premiers juges ont constaté que l’EURL ADOR LE PAIN et M. [V] [P] avaient effectué sciemment le dépôt en violation des droits antérieurs détenus par la SARL ADOR.
La fraude est parfaitement caractérisée en l’espèce, le dépôt n’ayant eu pour but que de priver la SARL ADOR de son droit exclusif sur sa dénomination commerciale afin d’en tirer un avantage direct, cette volonté s’étant révélée dans le courrier du 1er aout 2018 aux termes duquel M. [V] [P] et l’EURL ADOR LE PAIN entendent obtenir, tant du titulaire du signe, la SARL ADOR, que de la société EADJ, des redevances liées à l’utilisation de la marque semi-figurative parfaitement indues en l’état des droits antérieurs, et ainsi priver la SARL ADOR et la société EADJ de l’utilisation du signe nécessaire à leurs activités et même pour la SARL ADOR de la faculté de céder tout droit sur sa propre dénomination sociale.
C’est donc à bon droit, par des motifs pertinents que la cour adopte, que les premiers juges ont fait droit à l’action en revendication fondée sur l’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle et le jugement déféré est confirmé de ce chef.
2. la nullité de la marque verbale « ADOR LE PAIN »
Les appelants contestent la nullité de la marque verbale « ADOR LE PAIN » faute de similitude entre les produits concernés, notamment pour ceux de la classe 30, 32 ,35 et 43, et affirment qu’il n’existe aucun risque de confusion dans l’esprit du public entre les signes en ce qu’ils produisent une impression distincte auprès du consommateur.
En application de l’article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à l’espèce, ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :
a) À une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ;
b) À une dénomination ou raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public;
c) À un nom commercial ou à une enseigne connus sur l’ensemble du territoire national, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
d) À une appellation d’origine protégée (L. no 2014-344 du 17 mars 2014, art. 73) «ou à une indication géographique»;
e) Aux droits d’auteur ;
f) Aux droits résultant d’un dessin ou modèle protégé ;
g) Au droit de la personnalité d’un tiers, notamment à son nom patronymique, à son pseudonyme ou à son image ;
h) Au nom, à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale.
Comme l’ont exactement rappelé les premiers juges, pour apprécier la validité de la marque postérieure, le juge doit se livrer à une analyse impliquant une comparaison des signes ainsi que les produits auxquels ils se rapportent et à une appréciation globale du risque de confusion, lequel implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, de sorte qu’un faible degré de similitude entre les signes peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les produits ou services couverts et inversement.
S’agissant en l’espèce de l’atteinte à une dénomination sociale, il convient d’examiner spécifiquement les produits ou services désignés par la marque postérieure et si la marque a été déposée pour plusieurs produits ou services de nature différente, son annulation aura un caractère distributif et n’interviendra que pour ceux pour lesquels aura été constaté un risque de confusion avec l’activité de la personne morale.
L’antériorité de la dénomination sociale « ADOR » n’est pas discutée dès lors que la société a été immatriculée en 1989 et fait usage de cette dénomination sociale dans le cadre de son activité.
Contrairement à ce que soutiennent les appelants, le terme ADOR, figurant à l’identique en attaque des deux signes, en constitue pour les deux l’élément dominant, les mots « LE PAIN » accolés au terme ADOR, lequel est parfaitement distinctif s’agissant de la distribution de produits alimentaires qui constitue l’activité des parties, ne seront perçus par le consommateur que comme une déclinaison, une précision, apportée au terme « ADOR ».
C’est donc exactement que les premiers juges ont considéré que, tant sur les plans visuels, phonétiques et conceptuels, la similitude entre les signes est forte.
C’est également à bon droit qu’ils ont énoncé que les produits des classes 29, 30, 31 et 32 étaient identiques ou similaires, s’agissant de produits alimentaires pouvant être distribués dans le cadre de l’activité de la SARL ADOR.
Il est également démontré par l’intimée (extrait de son site internet) que contrairement à ce que soutiennent les appelants, son activité commerciale ne se limite pas à la distribution de fruits et légumes, mais qu’elle propose à la vente d’autres produits alimentaires, relevant notamment des classes 31 et 32 de sorte qu’il n’y a pas lieu de considérer que les produits seraient seulement similaires au titre des classes 20 et 30.
C’est en revanche à tort, qu’ils ont estimés que les produits de la classe 35 : conseils en communication, audits d’entreprise et 43 : services de restauration, hébergement temporaire, services de bars, services de traiteurs, services hôteliers, réservation de logements temporaires ; services de crèches d’enfants ; mise à. disposition de terrains de camping ; services de maisons de retraite pour personnes âgées ; services de pensions pour animaux domestiques étaient similaires à l’activité de la SARL ADOR qui ne distribue que des produits alimentaires, auxquels ne peuvent être assimilés les produits de ces deux classes. Il n’existe en conséquence aucun risque de confusion pour les produits des classes 35 et 43.
La forte similitude des signes et le caractère identique ou similaire des produits figurant dans les classes 20, 30, 31 et 32 visés par la marque litigieuse engendre pour le consommateur moyennement attentif un risque de confusion avéré puisque les appelants en font eux-mêmes état dans leur courrier du 1er août 2018.
Le jugement est par conséquent confirmé en ce qu’il a annulé la marque « ADOR LE PAIN » pour les produits des classes 29, 30, 31 et 32, mais infirmé en ce qu’il l’a également annulée pour les produits des classes 35 et 43.
3. sur l’appel incident :
La SARL ADOR demande que sont préjudice soit évalué à la somme de 20 000 euros et non à celle de 8 000 euros comme l’ont retenu les premiers juges. Elle fait valoir l’absence d’exécution de la décision, le bénéfice retiré par l’EURL ADOR LE PAIN de ses propres investissements et l’importance de ses frais de publicité dont bénéficient indûment les appelants.
Les appelants font valoir au contraire que les frais de publicité notamment ne sont nullement démontrés par les pièces produites.
Il n’est effectivement produit aux débats qu’un extrait des soldes intermédiaires de gestion de la SARL GED pour l’année 2019, totalement insuffisant à démontrer que les intimées auraient subi un préjudice chiffré à la somme de 20 000 euros.
Le préjudice subi a été exactement évalué au vu des éléments de l’espèce et le jugement est confirmé de ce chef.
4. sur les demandes accessoires :
La SARL ADOR et la SARL GED sollicitent la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Or, il convient de rappeler qu’ils sont à l’origine de l’assignation introductive d’instance et que la non-comparution des défendeurs en première instance ne saurait être qualifiée d’abus de procédure.
Il n’est par ailleurs, démontré aucune faute ou mauvaise foi dans l’exercice de la voie de recours qui était ouverte aux appelants et les intimées sont déboutées de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
L’EURL ADOR LE PAIN et M. [V] [P], qui succombent, sont condamnés in solidum aux dépens et au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Déclare recevable l’intervention volontaire de la SARL GED,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Marseille du 12 décembre 2019 sauf en ce qu’il a annulé la marque verbale « ADOR LE PAIN » n° 4440022 pour les produits et services de la classe 43,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Déboute la SARL ADOR et la SARL GED de leur demande d’annulation de la marque verbale « ADOR LE PAIN » n° 4440022 pour les produits et services de la classe 35 et 43,
Déboute la SARL ADOR et la SARL GED de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne in solidum l’EURL ADOR LE PAIN et M. [V] [P] aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum l’EURL ADOR LE PAIN et M. [V] [P] à payer à la SARL ADOR et la SARL GED, ensemble, la somme de 5 000 euros.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE