Your cart is currently empty!
Si des modèles de notebooks ne sont pas protégés par les droits d’auteur pensez à la protection des modèles non déposés.
S’il n’est pas courant que la couverture d’un cahier soit exactement identique aux pages de celui-ci, l’apparence de ces pages est largement normalisée. Ici, les couvertures des cahiers dont la protection est revendiquée sont unies, couvertes de lignes horizontales ou de petits carreaux, autant de repères traditionnellement utilisés en papeterie pour guider le scripteur et reproduits sur les pages intérieures, de sorte que la représentation de tels motifs sur la couverture d’un cahier ne saurait révéler un effort créatif concrétisé par une apparence singulière qui viendrait révéler l’empreinte de la personnalité de son auteur mais tout au plus une idée de présentation. Les cahiers désignés comme Zero-waste notebook ne constituent donc pas des œuvres originales protégées par le droit d’auteur. En application de l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, “L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous”, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, sous réserve que l’œuvre soit originale, c’est-à-dire porte l’empreinte de la personnalité de son auteur. L’originalité de l’œuvre doit être explicitée par celui qui s’en prétend auteur. Elle peut résulter du choix des couleurs, des dessins, des formes, des matières ou des ornements, mais également de la combinaison originale d’éléments connus. La notion d’œuvre au sens du droit d’auteur est une notion autonome du droit de l’Union et la Cour de justice de l’Union européenne a rappelé que “la protection des dessins et modèles vise à protéger des objets qui, tout en étant nouveaux et individualisés, présentent un caractère utilitaire et ont vocation à être produits massivement. En outre, cette protection est destinée à s’appliquer pendant une durée limitée mais suffisante pour permettre de rentabiliser les investissements nécessaires à la création et à la production de ces objets, sans pour autant entraver excessivement la concurrence. Pour sa part, la protection associée au droit d’auteur, dont la durée est très significativement supérieure, est réservée aux objets méritant d’être qualifiés d’œuvres” (CJUE, 12 septembre 2019, C-683/17, Cofemel). Nos Conseils: 1. Il est essentiel de prouver l’originalité d’une œuvre pour revendiquer la protection par le droit d’auteur. Assurez-vous que l’œuvre porte l’empreinte de votre personnalité et ne se limite pas à des éléments traditionnels ou communs. 2. Lors de la demande de protection d’un modèle communautaire non enregistré, veillez à identifier clairement le modèle en question et à démontrer sa nouveauté et son caractère individuel par rapport aux modèles existants sur le marché. 3. Pour établir une contrefaçon de modèle, il est nécessaire de prouver qu’il y a eu une copie du modèle protégé. Effectuez une comparaison détaillée entre les modèles en question pour démontrer toute similitude significative. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire oppose la SAS Soumkine à la SAS Ryohin Keikaku France et sa maison-mère, la société Muji Europe holdings limited, devant le tribunal judiciaire de Paris. La SAS Soumkine accuse les défenderesses de contrefaçon d’un modèle communautaire non enregistré de cahiers nommés Zero-waste notebook, ainsi que de violation de ses droits d’auteur sur ces mêmes cahiers. Elle réclame également réparation pour concurrence déloyale et parasitisme. La SAS Soumkine a été placée en liquidation judiciaire, et M. [O] [W] [J], ancien président de la société, est intervenu à l’instance pour reprendre les demandes fondées sur le droit d’auteur. Les parties ont des arguments divergents concernant la nouveauté du modèle communautaire, la créativité des cahiers Soumkine, le risque de confusion pour les clients, et l’existence d’une entente sur les prix de vente. Les défenderesses contestent les accusations de contrefaçon et de concurrence déloyale, et soulignent que les demandes indemnitaires sont disproportionnées par rapport aux faits reprochés.
|
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
■
3ème chambre
2ème section
N° RG 21/06165
N° Portalis 352J-W-B7F-CULEW
N° MINUTE :
Assignation du :
04 Mai 2021
JUGEMENT
rendu le 05 Juillet 2024
DEMANDEURS
S.A.S. SOUMKINE
[Adresse 6]
[Localité 9]
S.E.L.A.R.L. FIDES es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS SOUMKINE – partie intervenante
[Adresse 5]
[Localité 7]
Monsieur [O] [W] [J] – partie intervenante
[Adresse 4]
[Localité 1] (BELGIQUE)
représentés par Maître Martine CHOLAY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0242
DÉFENDERESSES
S.A.S. RYOHIN KEIKAKU FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 8]
Société MUJI EUROPE HOLDINGS LIMITED
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 12] (ROYAUME-UNI)
représentés par Maître Grégoire DESROUSSEAUX de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0438
Copies délivrées le :
– Maître CHOLAY #B242 (ccc)
– Maître DESROUSSEAUX #P438 (exécutoire)
Décision du 05 Juillet 2024
3ème chambre 2ème section
N° RG 21/06165 – N° Portalis 352J-W-B7F-CULEW
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Irène BENAC, Vice-Présidente
Madame Véra ZEDERMAN, Vice-présidente
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge
assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier
DEBATS
A l’audience du 03 Mai 2024 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2024.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
Procédure
Après les avoir mises en demeure, le 29 décembre 2020, de cesser de vendre ses carnets à lignes semi-blanchis format A6, ou tous carnets ressemblants, comme portant atteinte à ses droits, par actes des 4 mai et le 9 août 2021, la SAS Soumkine a fait assigner la SAS Ryohin Keikaku France et sa maison-mère, la société de droit anglais Muji Europe holdings limited, devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon d’un modèle communautaire non enregistré de cahiers nommés Zero-waste notebook, en vente depuis le 8 septembre 2017 et de ses droits d’auteur sur ces mêmes cahiers, et en réparation de la concurrence déloyale et du parasitisme résultant des mêmes faits.
La SAS Soumkine a bénéficié d’un redressement judiciaire ouvert par jugement du tribunal de commerce de Paris du 21 décembre 2021et a été placée en liquidation judiciaire le 1er février 2022 par le même tribunal, qui a désigné la SELARL Fides en qualité de liquidateur, laquelle est intervenue à l’instance par conclusions signifiées le 19 mai 2022.
M. [O] [W] [J], ancien président de la SAS Soumkine, est intervenu volontairement à l’instance par conclusions signifiées le 7 juillet 2022 pour reprendre à son compte les demandes fondées sur le droit d’auteur de la SAS Soumkine.
Dans leurs cinquièmes et dernières conclusions signifiées le 26 juin 2023, M. [J], la société Soumkine représentée par la SELARL Fides demandent au tribunal de :- au titre de la contrefaçon de son modèle communautaire non-enregistré : condamner les défenderesses à payer à la société Soumkine la somme de 30.000 euros en réparation du préjudice moral et désigner un expert judiciaire pour se faire communiquer les pièces nécessaires puis à déterminer son préjudice ou, subsidiairement le fixer à 300.000 euros
– condamner les sociétés Ryohin Keikaku France et Muji Europe holdings limited aux dépens avec distraction par Me Cholay et à payer à la société Soumkine la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– au titre de la contrefaçon des droits d’auteur : interdire la vente des cahiers Muji par les défenderesses ou des sociétés contrôlées par elles et désigner un expert judiciaire pour se faire communiquer les pièces nécessaires puis déterminer le préjudice de M. [J] ou, subsidiairement le fixer à 300.000 euros pour la contrefaçon et à 300.000 euros pour le préjudice moral ;
– au titre de la concurrence déloyale : condamner les défenderesses in solidum à payer à la société Soumkine la somme de 300.000 euros en réparation du préjudice ;
– au titre de l’entente sur les prix de vente des carnets Muji dans l’Union européenne : condamner les défenderesses in solidum à payer à la société Soumkine la somme de 300.000 euros en réparation du préjudice.
Dans ses deuxièmes et dernières conclusions signifiées le 26 juin 2023, la société Muji Europe holdings limited demande au tribunal de débouter intégralement les demandeurs et de condamner la SELARL Fides, ès qualités, et M. [O] [J] in solidum aux dépens, dont distraction au profit de Me Desrousseaux, et à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ses troisièmes et dernières conclusions signifiées le 26 juin 2023, la SAS Ryohin Keikaku France demande au tribunal de débouter intégralement les demandeurs et de condamner la SELARL Fides, ès qualités, et M. [O] [J] in solidum aux dépens, dont distraction au profit de Me Desrousseaux, et à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 juillet 2023.
Moyens des parties
S’agissant du modèle communautaire, les demandeurs font valoir qu’ils ont divulgué pour la première fois le 8 septembre 2017, lors d’un salon professionnel à [Localité 11] (93), des cahiers dont la couverture est parfaitement identique aux pages intérieures et sur lesquelles il est possible d’écrire également, à rebours des exigences fonctionnelles habituelles, leur conférant une double distinctivité visuelle (couverture non rigide et sur laquelle il est possible d’écrire), ce qui était entièrement nouveau (l’antériorité Cambridge store étant un bloc-note de format A3). La vente des carnets Muji entre le 8 septembre 2017 et le 8 septembre 2020 dans 34 points de vente européens à un prix 10 fois inférieur a affecté leur commercialisation. Ils opposent aux moyens adverses que les preuves d’une création des carnets Muji en mai 2017 portent non pas sur un cahier mais sur un bloc-note et que les carnets Soumkine ont été annoncés à la foire internationale du design de [Localité 10] du 6 au 8 septembre 2017 que les défenderesses n’ont pu ignorer.
S’agissant des droits d’auteur de M. [J], celui-ci soutient que la couverture du carnet, semblable à ses pages intérieures, exprime un parti-pris esthétique arbitraire témoignant de sa personnalité.
Les demandeurs ajoutent que la reprise servile par les carnets Muji des éléments caractéristiques des carnets Soumkine entraîne un risque de confusion pour les clients concernés constituant un acte de concurrence déloyale qui a anéanti la commercialisation de leurs produits et que l’accord entre les sociétés française, anglaise, italienne et espagnole filiales de la société Muji Europe holdings limited sur le prix identique des carnets dans tous les points de vente constitue une entente au sens des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du Traité de l’Union européenne, à l’origine de la perte de débouchés pour leurs produits et de la liquidation de la société Soumkine.
Ils indiquent que la responsabilité de la société Muji Europe holdings limited est engagée à son égard du fait de son contrôle total de ses filiales européennes et que la détermination des préjudices consécutifs à tous ses griefs nécessite la connaissance du nombre de cahiers contrefaisants vendus et des bénéfices réalisés par les défenderesses et l’estimation de son propre manque à gagner, qui doivent être déterminés par expert comptable.
S’agissant du modèle communautaire, les défenderesses font observer que le modèle revendiqué est incertain et que le doute qu’elles soulèvent n’est pas levé par les conclusions adverses, de sorte qu’il y a lieu de se référer à celui représenté sur la mise en demeure faite à la société Ryohin Keikaku France le 29 décembre 2020. Elles contestent la nouveauté de celui-ci en ce que ses carnets nommés Midori et ses blocs-notes nommés Cambridge store, antérieurs au 8 septembre 2017, permettent l’écriture sur la couverture, et même son caractère individuel s’agissant banalement d’un carnet muni d’une couverture souple dont l’imprimé est identique aux pages intérieures. Elles contestent enfin toute contrefaçon dès lors que le modèle de carnets querellé a été conçu au printemps 2017, avant même la constitution de la société Soumkine, soulignant au surplus que les demandeurs n’ont pas pris la peine de comparer les modèles.
S’agissant du droit d’auteur, les défenderesses estiment que les cahiers Soumkine ne témoignent d’aucun effort créatif ou parti-pris esthétique mais tout au plus de l’idée – non protégeable – d’une couverture présentant le même aspect que les pages intérieures. Elles ajoutent que la contrefaçon n’est pas plus établie, faute de comparaison.
Elles font enfin valoir que :- le risque de confusion entre les produits [R] et les carnets Muji est inexistant en ce que les couleurs, les formats et la qualité du papier sont différents alors que le public pertinent est celui qui s’intéresse à la papeterie haut de gamme ;
– il n’existe aucun fait distinct de ceux allégués à l’appui de la contrefaçon, ni aucune preuve de quelconques investissements pour développer les produits litigieux, ni d’une clientèle commune, ni enfin d’une réputation de la société Soumkine dans le milieu de la papeterie.
– leurs prix de vente sont en accord avec ceux de leurs autres articles de papeterie et non des prix de nature à désorganiser le marché ;
– les conditions des textes relatifs aux ententes ne sont aucunement réunies.
Elles soulignent aussi que les demandes indemnitaires sont sans rapport avec les faits reprochés, la société Soumkine ayant réalisé un total de ventes de 7.190,07 euros dans le monde et ne les commercialisant plus.
La société Muji Europe holdings limited soutient au surplus qu’aucun acte fautif au titre de la contrefaçon de modèle communautaire ne peut lui être reproché du fait de ses filiales, qu’elle-même n’a commis aucun acte éventuel de contrefaçon de droits d’auteur en France, ni au titre de la concurrence déloyale.
I . Sur la demande principale de M. [J] en contrefaçon de droit d’auteur
En application de l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, “L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous”, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, sous réserve que l’œuvre soit originale, c’est-à-dire porte l’empreinte de la personnalité de son auteur. L’originalité de l’œuvre doit être explicitée par celui qui s’en prétend auteur. Elle peut résulter du choix des couleurs, des dessins, des formes, des matières ou des ornements, mais également de la combinaison originale d’éléments connus.
La notion d’œuvre au sens du droit d’auteur est une notion autonome du droit de l’Union et la Cour de justice de l’Union européenne a rappelé que “la protection des dessins et modèles vise à protéger des objets qui, tout en étant nouveaux et individualisés, présentent un caractère utilitaire et ont vocation à être produits massivement. En outre, cette protection est destinée à s’appliquer pendant une durée limitée mais suffisante pour permettre de rentabiliser les investissements nécessaires à la création et à la production de ces objets, sans pour autant entraver excessivement la concurrence. Pour sa part, la protection associée au droit d’auteur, dont la durée est très significativement supérieure, est réservée aux objets méritant d’être qualifiés d’œuvres” (CJUE, 12 septembre 2019, C-683/17, Cofemel).
M. [J] revendique la protection par le droit d’auteur sur ses cahiers en faisant valoir, à titre de caractéristique ouvrant droit à la protection par le droit d’auteur, uniquement le fait que les première et dernière page du cahier sont semblables aux pages intérieures.
S’il n’est pas courant que la couverture d’un cahier soit exactement identique aux pages de celui-ci, l’apparence de ces pages est largement normalisée. Ici, les couvertures des cahiers de M. [J] sont unies, couvertes de lignes horizontales ou de petits carreaux, autant de repères traditionnellement utilisés en papeterie pour guider le scripteur et reproduits sur les pages intérieures, de sorte que la représentation de tels motifs sur la couverture d’un cahier ne saurait révéler un effort créatif concrétisé par une apparence singulière qui viendrait révéler l’empreinte de la personnalité de son auteur mais tout au plus une idée de présentation.
Les cahiers désignés comme Zero-waste notebook de M. [J] ne constituent donc pas des œuvres originales protégées par le droit d’auteur et il y a lieu en conséquence de rejeter l’ensemble des demandes de M. [J] sur ce fondement.
II . Sur la demande principale de la société Soumkine en contrefaçon de modèle communautaire non enregistré
A titre liminaire, par ordonnance du 10 mars 2023, le juge de la mise en état a jugé la société Soumkine irrecevable à agir seule depuis l’ouverture de sa procédure collective en application de l’article L. 641-9, alinéa I, du code de commerce, constatant que la SELARL Fides, intervenue à l’instance à titre accessoire par conclusions du 7 juillet 2022, n’avait formé aucune demande.
L’article 373 du code de procédure civile prévoit que l’instance peut être reprise volontairement dans les formes prévues pour la présentation des moyens de défense, au cas présent par voie de conclusions.
Dans les dernières conclusions au fond des demandeurs, la SARL Fides expose qu’elle intervient aux fins de reprise d’instance conformément aux articles 373 et 374 du code de procédure civile. La société Soumkine est ainsi régulièrement représentée par son liquidateur judiciaire exerçant les droits de la société en liquidation au sens de l’article L. 641-9 précité ayant explicitement repris les moyens et demandes de celle-ci.
1 . Sur l’identification du modèle
Le règlement n°6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires définit ceux-ci comme “l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit que lui confèrent, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui-même et/ou de son ornementation”.
En réponse à l’interpellation adverse sur l’identification du modèle pour lequel la protection est demandée, la société Soumkine se borne à indiquer : “le caractère distinctif des cahiers dont elle revendique les droits au titre de la protection des DMCNE s’emplace [sic] très précisément dans leur couverture qui a été créée pour être parfaitement identique à leurs pages antérieures [sic] avec la possibilité d’écrire de la même façon sur elle que sur les pages intérieures dans un format qui est celui de cahiers. Ce à l’encontre de toutes les exigences fonctionnelles en pareille matière”.
Le tribunal observe que les demandeurs représentent divers modèles de cahiers baptisés Zero-waste notebook en pages 3, 12 et 26 de leurs conclusions et versent aux débats quatre petits cahiers au format A5 (148×210) et un de même hauteur plus étroit (110×210), de 68 pages, dont quatre portent des lignes horizontales fines espacées de 8mm en coloris jaune pâle, jaune soutenu, rosé et marron et un des carreaux de 5mm de côté, dont la couverture est plus épaisse que les pages mais de même couleur et reproduisant le même aspect que celles-ci, avec la marque en 4ème de couverture.
Il y donc lieu de retenir que la demande de protection porte sur un carnet de proportions A5 ou 110×210 dont la couverture porte sur toute sa surface :- des lignes horizontales pâles espacées de 8 mm les unes des autres ou
– des petits carreaux pâles de 5mm de côté,
sans aucune autre inscription ou décor et qui ne laissent apparaître aucune reliure ou tranche.
2 . Sur la validité du modèle
En application des articles 4 et 6 du règlement précité, la protection d’un dessin ou modèle communautaire non enregistré est assurée s’il est nouveau – c’est-à-dire qu’aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public antérieurement – et présente un caractère individuel – c’est-à-dire que l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public antérieurement.
L’utilisateur averti est au cas présent comme le consommateur d’articles de papeterie, dans lesquels la liberté de création est importante, soucieux des détails.
Pour contester le caractère nouveau du modèle, les défenderesses donnent des exemples de blocs-notes à lignes sans couverture présentant le même aspect (Cambridge store) datés d’avril 2017 ainsi que des cahiers et carnets sans couverture (Midori) qu’ils commercialisaient avant la divulgation du modèle en litige.
La couverture du carnet Midori, dont il n’est pas discuté qu’il est commercialisé notamment en France depuis 2014 tel que représenté par les conclusions en défense, est entièrement uni et il est possible d’écrire sur sa couverture. Ce carnet produit sur l’utilisateur averti une impression visuelle différente des cahiers dont la couverture présente des carreaux ou des lignes sur toute la hauteur.
Le bloc Cambridge store, dont il n’est pas discuté qu’il est commercialisé notamment en France depuis 2006 tel que représenté par les conclusions en défense, est dépourvu de couverture et présente des lignes horizontales espacées de 8 mm avec une zone de 35 mm vierge en en-tête ainsi qu’un trait vertical matérialisant une marge à 35 mm du bord gauche.Il produit sur l’utilisateur averti une impression visuelle différente des cahiers dont la couverture présente des carreaux ou des lignes sur toute la hauteur, sans marge.
Aucune de ces antériorités n’est destructrice de nouveauté pour les modèles Zero-waste notebook dont la validité est retenue.
La société Ryohin Keikaku France démontre qu’elle développait et mettait en fabrication en avril 2017 par une société japonaise Kyokuto associates un “carnet de notes kraft” qui reprenait des caractéristiques déjà existantes dans certains de ses articles de papeterie antérieurs, néanmoins l’échantillon figurant dans le courriel du 27 avril 2017 évoque un notepad (bloc) et non un notebook (cahier)de sorte que l’antériorité de son modèle sur celui de la société Soumkine n’est pas établie.
3 . Sur la contrefaçon du modèle
L’article 11 du règlement précité dispose que “Un dessin ou modèle qui remplit les conditions énoncées dans la section 1 est protégé en qualité de dessin ou modèle communautaire non enregistré pendant une période de trois ans à compter de la date à laquelle le dessin ou modèle a été divulgué au public pour la première fois au sein de la Communauté” et l’article 19 que :“1. Le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers de l’utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation ou l’utilisation d’un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins.
2 . Le dessin ou modèle communautaire non enregistré ne confère cependant à son titulaire le droit d’interdire les actes visés au paragraphe 1 que si l’utilisation contestée résulte d’une copie du dessin ou modèle protégé. L’utilisation contestée n’est pas considérée comme résultant d’une copie du dessin ou modèle protégé si elle résulte d’un travail de création indépendant réalisé par un créateur dont on peut raisonnablement penser qu’il ne connaissait pas le dessin du modèle divulgué par le titulaire”.
Comme le soulignent les défenderesses, les demandeurs ne procèdent à aucune comparaison entre les modèles dont ils revendiquent la protection et ceux qu’ils jugent contrefaisants. Il s’évince de leur première mise en demeure, de leurs écritures et de leur dossier de pièces qu’ils visent les modèles de carnets à papier ligné semi-blanchi ou non blanchi de marque Muji.
La comparaison du cahier Soumkine jaune à lignes avec ces derniers montre des différences en ce que l’interlignage est nettement plus étroit (6 mm et non 8), il existe des marges haute et basse, le tracé des lignes est nettement plus contrasté et la description du produit, sa marque et son code barre sont imprimés dans l’angle inférieur dans les seconds, de sorte qu’il ne s’agit pas d’une copie au sens de l’article 19, 2, précité.
Il y a donc lieu de rejeter l’ensemble des demandes fondées sur la contrefaçon de modèle non enregistré.
III . Sur la concurrence déloyale
Sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, les comportements fautifs car contraires aux usages dans la vie des affaires, tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, ou ceux, parasitaires, qui tirent profit sans bourse délier d’une valeur économique d’autrui procurant à leur auteur, un avantage concurrentiel injustifié, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.
La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce ce qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.
L’appréciation d’un risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité et la notoriété de l’objet copié.
Il est établi que des cahiers Soumkine et des carnets Muji beiges avec des lignes en format A5 ont été offerts à la vente simultanément à partir de la fin de l’année 2017.
Il a été vu supra que la copie n’est pas servile.La seule particularité des cahiers Soumkine est d’être dépourvus de couverture puisque le lignage est usuel. Il a été vu supra que la société Ryohin Keikaku France avait déjà vendu auparavant des blocs présentant le même aspect et les défenderesses démontrent également avoir commercialisé de façon continue depuis des années des cahiers Midori sans couverture.
La coïncidence entre les gammes respectives de la société Soumkine et la société Ryohin Keikaku France se limite à ce modèle en deux coloris et deux tailles, alors que la société Soumkine avait créé une gamme de cahiers en quatre couleurs, deux formats et quatre versions (à lignes, à points, à carreaux et unis) de .
La société Soumkine n’a démarré son activité, concentrée sur la papeterie de qualité, qu’en septembre 2017 et ne justifie d’aucune notoriété. Les magasins à enseigne Muji vendent depuis plusieurs décennies de multiples objets du quotidien, parmi lesquels divers articles de papeterie, qui ont en commun la simplicité des formes, matériaux et la sobriété, tel le modèle querellé.
La seule fabrication des deux modèles précités ne saurait donc caractériser de la part des défenderesses une tentative de créer une confusion à leur avantage avec les produits de la jeune société Soumkine, ou un comportement contraire aux usages loyaux du commerce.
Les demandes à ce titre sont donc rejetées.
IV . Sur l’entente sur les prix
L’article 420-1 du code de commerce prévoit que “Sont prohibées même par l’intermédiaire direct ou indirect d’une société du groupe implantée hors de France, lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu’elles tendent à : (…) 2° Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse;”
Il résulte des propres écritures des demandeurs que la valeur du papier utilisé pour la fabrication des carnets de la société Soumkine et de la société Ryohin Keikaku France va du simple au décuple, que les premiers sont fabriqués artisanalement et les seconds industriellement de sorte que leurs différences de coûts de revient expliquent leur différence de prix. Aucun élément ne permet de douter de ce que le prix des articles Muji s’écarte de celui résultant du libre jeu du marché.
La fixation, connue du public, d’un prix identique pour ces produits identiques vendus pour la même marque dans tous les magasins de l’Union européenne à enseigne Muji ne saurait dans ces conditions caractériser une convention sur un prix concerté destiné à fausser le jeu de la concurrence.
Les demandes de réparation fondées sur une entente sont donc mal fondées.
V . Demandes finales
La société Soumkine et M. [J], qui succombent, sont condamnés aux dépens et l’équité justifie de les condamner à payer à la société Ryohin Keikaku France et la société Muji Europe holdings limited, qui ont fait défense commune, la somme de 5.000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal,
Rejette les demandes de M. [O] [J] fondées sur le droit d’auteur ;
Rejette les demandes de la société Soumkine, représentée par la Selarl Fides ès qualité de liquidateur, fondées sur la contrefaçon de modèle communautaire non enregistré, la concurrence déloyale, le parasitisme et les ententes ;
Condamne M. [O] [J] et la société Soumkinein solidum aux dépens, qui pourront être directement recouvrés par Me Desrousseaux ;
Condamne M. [O] [J] et la société Soumkine, représentée par la Selarl Fides ès qualité de liquidateur, in solidum à payer à la société Ryohin Keikaku France et la société Muji Europe holdings limited la somme de 5.000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Fait et jugé à Paris le 05 Juillet 2024
Le GreffierLa Présidente
Quentin CURABETIrène BENAC