Discrimination syndicale : réparation du préjudice

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Discrimination syndicale : réparation du préjudice
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Nos Conseils:

– Il est interdit à tout employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en ce qui concerne notamment l’embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, l’avancement, la rémunération et l’octroi d’avantages sociaux, les mesures de discipline et de congédiement. Il est donc important de respecter ces dispositions pour éviter toute discrimination syndicale.

– En cas de litige relatif à une discrimination syndicale, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Il est donc essentiel de conserver des preuves tangibles pour défendre ses décisions en cas de contestation.

– L’absence de préjudice ne peut dispenser les juges du fond d’examiner les faits invoqués par le salarié au soutien de sa demande au titre de la discrimination. Il est donc crucial de prendre au sérieux toute allégation de discrimination syndicale et de mener une enquête approfondie pour établir les faits de manière objective.

Résumé de l’affaire

M. [M] a été engagé en 1996 par la société Qualience, devenue Silicomp Management puis Fime. Il a été licencié en 2004, réintégré en 2013, puis a pris acte de la rupture de son contrat en 2014. Après des recours judiciaires, la Cour d’appel de Versailles a partiellement donné raison à M. [M] en 2021, condamnant Fime à lui verser diverses sommes. La Cour de cassation a cassé l’arrêt en 2023 en raison d’une erreur de la cour d’appel sur la discrimination et l’entrave à l’exercice de ses fonctions de représentant du personnel. L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Versailles pour réexamen.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

20 mars 2024
Cour d’appel de Versailles
RG n°
23/01465
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-4

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 MARS 2024

N° RG 23/01465

N° Portalis DBV3-V-B7H-V4NR

AFFAIRE :

[I] [M]

C/

Société FIME

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 septembre 2016 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES

N° RG : F 15/00681

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à:

Me Philippe CHATEAUNEUF

Me Sabine LEYRAUD

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dont la mise à disposition a été fixée au 21 février 2024 puis prorogée au 20 mars 2024, dans l’affaire entre :

DEMANDEUR devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 17 mai 2023 cassant et annulant l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles le 15 septembre 2021,

Monsieur [I] [M]

né le 24 février 1946 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Philippe CHATEAUNEUF, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643 et Me Thierry BILLET, Plaidant, avocat au barreau d’ANNECY, vestiaire : 109

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

Société FIME

N° SIRET : 419 311 329

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Sabine LEYRAUD de la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de GRENOBLE, vestiaire : B20

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 décembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [M] a été engagé le 3 juin 1996 par contrat à durée indéterminée en qualité de consultant par la société Qualience, devenue par la suite Silicomp Management, aux droits de laquelle vient désormais la société Fime.

Cette société, spécialisée dans les audits, applique la convention collective nationale Syntec.

Par avenant du 14 septembre 2000, le salarié a signé une convention de forfait annuel en jours, et percevait en dernier lieu une rémunération brute annuelle de base de 61 000 euros, outre une rémunération variable calculée en fonction des objectifs de M. [M].

À compter de février 2002, le salarié a été désigné en tant que représentant syndical du comité d’entreprise, puis a également été élu membre du comité d’entreprise, délégué du personnel suppléant et membre du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

Le 29 mai 2002, il a saisi la juridiction prud’homale pour demander la condamnation de son employeur à lui payer des rappels de salaire.

Il a été licencié le 14 avril 2004 après autorisation de licenciement délivrée par l’inspecteur du travail le 6 avril 2004.

Le 1er avril 2008, le salarié a fait valoir ses droits à la retraite.

Par décision du 6 octobre 2004, le ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique du salarié contre l’autorisation de licenciement.

Par jugement du 20 novembre 2009, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les demandes d’annulation de l’autorisation de licenciement du 6 avril 2004 ainsi que de la décision ministérielle de rejet du recours hiérarchique.

Par un arrêt du 24 novembre 2011, la cour administrative d’appel de Lyon a confirmé la décision de l’inspecteur du travail et l’autorisation de licenciement du salarié

Par un arrêt du 17 juillet 2013, le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 24 novembre 2011 ainsi que le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 novembre 2009 et a annulé la décision de l’inspecteur du travail du 6 avril 2004 et la décision du ministre du travail du 6 octobre, pour un motif de légalité externe tiré de l’incompétence territoriale de l’inspecteur du travail.

Le 13 octobre 2013, la société Fime a procédé à la réintégration du salarié dans ses effectifs.

Le 11 juillet 2014, M. [M] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société Fime.

Il a saisi la juridiction prud’homale de demandes nouvelles aux fins de condamner l’employeur à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaire et indemnités relatifs à la période précédant sa réintégration, ainsi qu’à celle l’ayant suivie, dire son licenciement du 14 avril 2004 sans cause réelle et sérieuse, condamner l’employeur à lui verser diverses sommes à ce titre ainsi que pour discrimination et entrave à l’exercice de ses fonctions, ordonner l’annulation de la liquidation de sa retraite effectuée en 2008, requalifier sa prise d’acte du 11 juillet 2014 en licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l’employeur à lui verser diverses sommes à ce titre.

Après plusieurs radiations l’affaire a été remise au rôle le 21 mai 2015.

Par jugement du 26 septembre 2016, le conseil de prud’hommes a’:

rejeté l’exception de péremption d’instance soulevée par la société,

– dit que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail formée par le salarié s’analyse en une démission,

– débouté M. [M] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la société Fime de sa demande reconventionnelle

– condamné M. [M] aux dépens.

Le 3 novembre 2016, le salarié a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 15 septembre 2021 (RG 16/04897), la 19ème chambre de la cour d’appel de Versailles a:

– confirmé le jugement entrepris, sauf en ce qu’il statue sur la demande de «’rappel de salaire pour la période entre le licenciement et la réintégration’», le rappel de prime de vacances pour les années 2000 à 2003, le rappel de prime sur objectifs pour la période du 3 juin 1996 au 27 juillet 2004, le rappel de prime sur objectifs pour la période du 14 octobre 2013 au 31 décembre 2013, les intérêts légaux, l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

– condamné la société Fime à payer à M.[I] [M] les sommes suivantes :

– 87 621 euros à titre de rappel de prime sur objectifs pour la période du 3 juin 1996 au 27 juillet 2004,

– 2 431 euros à titre de rappel de prime de vacances sur la période de 2000 à 2003 incluse,

– 363 936 euros à titre d’indemnité pour la privation de salaire pendant la période d’éviction en application de l’article L. 2422-1 du code du travail,

– 3 732,71 euros à titre de rappel de prime sur objectifs pour la période du 14 octobre 2013 au 31 décembre 2013,

– rappelé que, les sommes allouées ci-dessus à M.[I] [M] portent intérêts, à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes s’agissant des rappels de salaire antérieurs à cette date, et à compter de chaque échéance devenue exigible pour les rappels de salaire postérieurs à cette date,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné la société Fime à payer à M. [I] [M] une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

– condamné la société Fime aux dépens de première instance et d’appel.

Par arrêt du 17 mai 2023 (N° 21-24.159), la chambre sociale de la Cour de cassation a :

– cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il déboute M. [M] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination et de l’entrave à l’exercice de ses fonctions de représentant du personnel, l’arrêt rendu le 15 septembre 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles, et a remis sur ce point l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Versailles autrement composée.

Les motifs de l’arrêt sont les suivants’:

«’Vu l’article L.122-45 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n°2005-102 du 11 févier 2005 et l’article L.412-2 du même code, devenus les articles L. 1132-1 et L.2141-5′:

Lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination et entrave à l’exercice de ses fonctions de représentant du personne, l’arrêt, après avoir relevé que le salarié invoque à ce titre les mesures disciplinaires et le licenciement prononcés à son encontre ayant entraîné une dégradation de son état de santé, retient qu’en tout état de cause les arrêts de travail pour maladie d’origine non professionnelle de mai, juin et octobre 2003 versés aux débats mentionnent «’une crise d’angoisse’» ou un «’syndrome dépressif réactionnel’» et que ces pièces ne démontrent aucun lien de causalité entre la dégradation de l’état de santé du salarié et ses conditions de travail.

En statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait préalablement de rechercher si les faits présentés par le salarié ne laissaient pas supposer l’existence d’une discrimination et si, dans l’affirmative, l’employeur prouvait que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d’appel a violé les textes susvisés.’»

M. [M] a saisi la présente cour d’appel de renvoi par acte du 5 juin 2023.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 14 novembre 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [M] demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [M] de sa demande dommages et intérêts pour discrimination et entrave à l’exercice de ses fonctions de représentant du personnel;

Et statuant à nouveau :

– dire que la société Fime venant aux droit de la société Silicomp a discriminé syndicalement Monsieur [I] [M] ;

– condamner en réparation la société Fime à verser à Monsieur [I] [M] la somme de 105 421,18 euros (18 mois de salaire) avec intérêts légaux à compter du dépôt de la demande devant le conseil des prud’hommes de Versailles ;

-condamner la société Fime à verser à [I] [M] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction directement au profit de Me Philippe Chateauneuf, Avocat, sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Fime venant aux droits de la société Silicomp Management demande à la cour de :

– confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Versailles en ce qu’il a débouté Monsieur [M] de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination et entrave à l’exercice de ses fonctions de représentant du personnel ;

– dire et juger que le licenciement dont Monsieur [I] [M] a fait l’objet le 27 juillet 2004 ne reposait sur aucune démarche de discrimination, de harcèlement moral ou encore d’entrave à l’exercice des fonctions de représentant du personnel de celui-ci ;

– débouter Monsieur [M] de sa demande de condamnation au titre de la discrimination syndicale ;

– débouter Monsieur [M] de sa demande formulée au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– plus généralement, débouter Monsieur [M] de l’intégralité de ses prétentions’;

– condamner reconventionnellement Monsieur [M] à verser à la société Fime la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la discrimination syndicale

Le salarié expose qu’à compter de 2002 et du début de ses mandats, il a vécu une situation infernale, l’inspecteur du travail concluant lui-même à l’existence du délit d’entrave à ses fonctions de délégué du personnel dans l’entreprise, qu’il a fait l’objet de multiples sanctions et était surchargé par des objectifs non tenables, l’empêchant d’exercer son mandat, qu’il a été écarté de négociation salariale dans l’entreprise, qu’il a dû mener plus de vingt années de procédure pour voir reconnaître l’existence d’une discrimination syndicale, ses demandes étant aujourd’hui réduite.

L’employeur objecte que le salarié n’a jamais contesté les avertissements devant le juge judiciaire, ni la mise à pied dont il a fait l’objet, après avis du comité d’entreprise, qu’il était délégué syndical et non élu, que l’inspecteur du travail a relevé l’absence de tout lien entre le mandat et le licenciement envisagé par l’employeur le 6 avril 2004.

**

Aux termes de l’article L.412-2 alors applicable, « il est interdit à tout employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en ce qui concerne notamment l’embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, l’avancement, la rémunération et l’octroi d’avantages sociaux, les mesures de discipline et de congédiement.

Aux termes de l’article L.122-45 en sa rédaction antérieure à la loi n°2005-102 antérieure à la loi du 11 février 2005, alors applicable, « […] aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de […] de ses activités syndicales. […] En cas de litige relatif à l’application des alinéas précédents, le salarié concerné ou le candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Toute disposition ou tout acte contraire à l’égard d’un salarié est nul de plein droit.».

Il appartient au salarié syndicaliste qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d’égalité de traitement et qu’il incombe à l’employeur, s’il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au syndicaliste, d’établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination fondée sur l’appartenance à un syndicat (Soc., 28 mars 2000, pourvoi n 97-45.258, 97-45.259, Bull. 2000, V, n 126).

Au visa des articles L.2141-5, L.1132-1 et L.1132-4 du code du travail, anciennement article L. 122-45 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 et l’article L. 412-2 du même code, il est constant que lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (Soc., 29 juin 2011, pourvoi n 10-15.792, Bull. 2011, V, n 166).

L’absence de préjudice ne peut dispenser les juges du fond d’examiner les faits invoqués par le salarié au soutien de sa demande au titre de la discrimination (Soc., 6 juillet 2022, pourvoi n°21-12.073).

Au cas présent, à l’appui de la discrimination syndicale dont le salarié invoque avoir été victime à compter de février 2002, il présente les éléments de fait suivants’:

– «’l’absence de toute sanction avant la désignation syndicale’»

Ce fait est établi et n’est pas contesté, les premières sanctions intervenant en octobre 2003 puis décembre 2003, soit un peu plus d’un an après sa désignation en février 2002 en qualité de délégué syndical.

– «’le logiciel AGRESSO de mesure du temps de travail, première pierre d’achoppement dans le parcours professionnel du salarié’»

Il est établi qu’à la suite de la mise en place de logiciel de mesure du temps de travail, le salarié a fait part à l’employeur de problématiques liées à la saisie des temps, Mme [O], directrice qualité, indiquant dans un courriel du 22 mars 2002 (pièce 106S) adressé à différents membres de la société, que «’il semble que l’intégration de SMA sous Agresso ne soit pas appréciée à sa juste valeur par tous’».

– «’l’entretien préalable du 4 septembre 2002’»

Il est établi qu’un entretien préalable a eu lieu le 4 septembre 2002 soit quelques mois après la désignation du salarié en qualité de délégué syndical, la lettre de convocation du 28 août 2002 (pièce 27S) invoquant la «’détérioration flagrante de (son) comportement professionnel avant (son) départ en congé (‘) une attitude (qui met) en péril (la) relation commerciale avec l’un de (ses) clients les plus importants (‘) une attitude de dénigrement permanent et systématique à l’égard des décisions de la direction générale (‘) (constituant) une forme d’indiscipline caractérisée et un manquement certain aux obligations nées de (son) contrat de travail (…)’», aucune suite n’étant donnée à cette convocation.

– «’l’entretien préalable du 7 octobre 2002’»

Il est établi qu’un entretien préalable a eu lieu moins d’un mois plus tard, le 16 octobre 2002, la lettre de convocation du 7 octobre 2002 (pièce 28S) reprochant toujours au salarié « une attitude (qui met) en péril (la) relation commerciale avec l’un de (ses) clients les plus importants (‘) (de refuser) toujours d’appliquer les procédures mises en place dans la société (notamment régime des frais de déplacement)’», un avertissement lui étant notifié pour ces faits le 8 novembre 2002 (pièce 31S).

– «’le plan social’»

Il est établi qu’il a appelé à la grève le 25 février 2003 pour soutenir le comité d’entreprise dans la phase finale de la négociation du plan social (pièces 114 & 115 S), et que dans un courriel du 24 février 2003, le PDG de la société, M. [P], adressé à l’ensemble du personnel de la société, a écrit qu’il «’constate que les communications de M. [M] déforment de manière tendancieuse les propos de la direction » dans un courriel (et lui) rappelle donc par courrier les devoirs et obligations que lui confère son statut et les conséquences inhérentes à leur respect’».

Le salarié produit également une lettre du 24 février 2003 de la direction générale dans laquelle est invoquée un « forum underground » dont M. [M] serait informé de l’existence et de son contenu diffamatoire, et lui reprochant, à l’occasion d’une parole devant le personnel à l’occasion d’une intervention publique de la direction au cours le salarié a invoqué l’existence d’un « délit d’entrave», d’avoir « incontestablement pénalement menacé [M. [P]] en public devant l’ensemble des collaborateurs rassemblés » et ne pas connaître la signification du terme «’délit d’entrave’», l’employeur considérant que les propos du salarié sont diffamatoires.

Dans sa lettre de réponse du 10 mars 2003 le salarié écrit que « Ces man’uvres n’ont pas d’autre but que de perturber mon activité syndicale, ma participation aux travaux du comité d’entreprise, de m’aliéner les autres membres du comité d’entreprise et de me déstabiliser personnellement».

Il est également établi que le salarié a saisi l’inspection du travail le 7 mars 2003 des conditions d’exercice dégradées de son mandat syndical et notamment sur le déroulement de la réunion du 21 février 2003, et que l’inspecteur du travail a répondu le 28 mars 2003 (pièce 66S), avoir procédé «’ à une enquête sur le différend qui a été soulevé le 21 février 2003 par Monsieur [P], PDG. J’ai fait savoir à ce dernier oralement puis par écrit que les faits recueillis caractérisent pour moi un délit d’entrave. A défaut d’un changement radical dans l’attitude de Monsieur [P] , un procès-verbal sera rédigé à son encontre. »

– «’l’entretien préalable du 14 mai 2003’»

Il est établi que le salarié a été convoqué à un nouvel entretien préalable le 5 mai 2003 pour le 14 mai (Pièce 39S), la lettre indiquant être «’au regret d’avoir à (lui) reprocher des faits qui (‘…) semblent mériter des explications formelles’», sans autre précision, le compte-rendu d’entretien rédigé par l’employeur (pièce 118S) indiquant qu’il lui a été demandé de s’expliquer sur son temps de délégation au-delà des heures normalement allouées, les notes de frais y afférent, de dépasser son quota d’heures de délégation en dehors des réunions organisées par la direction (6 jours de réunions obligatoires pour 21 jours de délégation en janvier et février 2003 en plein plan social), et alors que la direction lui avait donné son accord sur la prise en charge de toutes les heures de préparation des réunions de la direction (pièces 117 et 118S).

Le salarié produit une lettre du 11 juin 2003 dans laquelle il a répondu de manière détaillée aux faits reprochés le 14 mai 2003, considérant qu’ils résultent, selon lui, «’d’un acharnement infondé de la direction de la société pour influencer l’attitude du salarié et le faire taire sur le plan syndical en lui reprochant des fautes imaginaires’» (pièce 43S). Il est également établi que le 13 juin 2003, l’employeur a demandé l’autorisation de licencier le salarié à l’inspection du travail, manifestant donc son intention de sanctionner les faits précités.

– «’le refus de l’autorisation de licenciement du 28 juillet 2003’»

Il est établi qu’après enquête contradictoire l’inspecteur du travail a refusé l’autorisation de licenciement du salarié, au motif notamment que « la demande a un lien avec les mandats exercés par Monsieur [M], ce dernier a fait l’objet dans son rôle de délégué syndical d’attaques publiques de la part du dirigeant à une époque récente ». (pièce 18S)

En outre, l’inspecteur du travail a relevé, notamment, que «’le caractère abusif des dépassements des heures de délégation prises par M. [M] en janvier et février 2003, griefs non exposés dans la demande mas exposés au comité d’entreprise, n’est pas établi en l’absence de tout litige porté devant les prud’hommes puisque la direction a payé comme temps de travail l’ensemble des heures de délégation pris en sus du contingent légal’» par le salarié «’ce dernier invoquant des circonstances exceptionnelles à savoir le plan de sauvegarde de l’emploi en cours que l’employeur aurait eu la faculté de contester en ne procédant pas au paiement des dites heures.’»

Enfin, il est établi que, dans le cadre du recours formé par l’employeur contre ce refus d’autorisation, le tribunal administratif de Versailles a, dans un jugement du 26 mars 2004, relevé que « l’employeur de Monsieur [M] tendait à intimider son salarié et que ce comportement pouvait être qualifié de délit d’entrave ».

– «’l’acharnement de la direction courant août 2003’»

Le salarié produit une lettre qu’il a adressée à la société le 20 août 2003 (pièce 129S) sur le remboursement de ses notes de frais pour les 22 janvier et 10 février 2003, à laquelle l’employeur n’a fait que répondre, par lettre du 26 août 2003.

L’acharnement de la direction courant août 2003 n’est pas établi.

– «’la volonté de mise à l’écart de M. [M] en sa qualité de négociateur des protocoles d’accord électoraux’»

Il est établi que M. [M] avait indiqué initialement son indisponibilité pour raison professionnelle le 17 septembre 2003, date fixée par l’employeur pour la tenue d’une réunion de négociation des protocoles d’accord électoraux.

Toutefois, il ressort du protocole pré-électoral signé le 17 septembre 2003 que figure la signature du M. [M], qui a donc bien été finalement présent à cette réunion, ses allégations, notamment selon lesquelles l’employeur lui a d’abord contesté être mandaté par son syndicat malgré l’envoi par télécopie avec accusé de réception d’une lettre en ce sens le 9 septembre 2003, étant dépourvues d’offre de preuve.

La volonté de mise à l’écart de M. [M] en sa qualité de négociateur des protocoles d’accord électoraux n’est pas établie.

– « les échanges de septembre-octobre 2003 et l’avertissement du 14 octobre 2003 témoignent de l’acharnement managérial de Silicomp à l’égard de M. [M] »

Le salarié établit, par une lettre de la société du 23 septembre 2003, qu’il a été empêché de diffuser un message contenant un fichier joint aux salariés de la société, l’employeur indiquant que «’le fichier joint à votre mail du 22 août était illisible et nous ne pouvions, afin de préserver la sécurité informatique de notre entreprise, diffuser le message tel quel’».

Par une lettre du 18 septembre 2003, l’employeur lui écrit être «’très étonnés de ne voir aucune information professionnelle inscrite pour le mois de septembre 2003 mis à part plusieurs journées relatives à (ses) fonctions syndicales’».

De même, il est établi que le salarié a fait l’objet d’un nouvel avertissement notifié par lettre du 14 octobre 2003 (pièce 87S) en raison de son obstination à ne pas tenir compte des directives et avertissements de l’employeur, soit moins d’un an après le précédent avertissement, et moins de six mois après le refus de l’inspecteur du travail d’autoriser le licenciement.

Cet avertissement fait suite à une lettre du 3 octobre 2003 de l’employeur qui lui reproche son refus d’indiquer son emploi du temps et d’informer la société en cas de déplacement ou de départ de l’établissement, et de renseigner son planning sur Agresso et Commence, l’employeur le priant de «’respecter les procédures d’information auprès de (son) assistante à chaque fois que (il part) en déplacement et ce, tant pour (son) activité professionnelle que pour (son) activité syndicale’»’et lui demandant de justifier rapidement ses absences du mois de septembre.

– « les entretiens préalables du 6 novembre 2003 et du 28 novembre 2003’»

Il est établi que moins de quinze jours après l’avertissement notifié le 14 octobre 2003, le salarié est convoqué le 29 octobre 2003 à un nouvel entretien préalable pour le 6 novembre, avant lequel il lui est enjoint de produire un «’rapport détaillé de (son) activité concrète’». (pièces 137 & 138S).

De même il est établi que, par lettre du 19 novembre 2003, il est convoqué à un nouvel entretien préalable au licenciement, prévu le 28 octobre 2003, l’employeur indiquant, dans la lettre de convocation à l’entretien préalable qu’elle fait suite à l’entretien du 6 novembre 2003 «’ayant pour objet de clarifier différents points de (son) emploi du temps et face à (son) refus de (lui) rendre compte de (son) activité professionnelle et de (ses) nombreuses absences’».

Il est enfin établi qu’à la suite de cet entretien, et de la tenue d’un comité d’entreprise auquel est présenté un projet de licenciement pour faute grave, M. [M] est sanctionné par une mise à pied de deux jours pour les faits suivants’: «’utilisation abusive de compte temps n’ayant aucune relation avec l’activité du salarié et qui masque de ce fait le manque d’activité, le non respect des horaires de travail et du lieu de travail (travail au lieu du domicile du salarié plutôt que sur le site de l’entreprise), refus de transmettre à sa hiérarchie les informations demandées, refus de participer au développement de la société alors qu’il utilise des comptes d’heures de prospection et encadrement, retard sur son travail alors qu’il n’y a aucune surcharge d’activité’».

– «’les objectifs de l’année 2003 remis le 23 octobre 2003’»

Il ressort de la pièce 23-1 du salarié qu’il n’a eu communication de ses objectifs de l’année 2003 que le 23 octobre 2003, tandis que pour l’année 2004 les objectifs lui ont été notifiés par courrier du 23 février 2004.

Ce fait est établi.

– «’les entretiens préalables des 27 janvier 2004, 3 février 2004 et 24 février 2004’»

Enfin, il est établi que le salarié a été convoqué à un nouvel entretien préalable à un éventuel licenciement par lettre du 19 janvier 2004 (Pièce 51 & 132 S), reporté au 3 février 2004 pour cause d’arrêt maladie, puis à un nouvel entretien préalable le 24 février 2004 (Pièces 51, 52, 53, 54S), et que cet entretien a donné lieu à une demande d’autorisation adressées à l’inspecteur du travail territorialement incompétent pour statuer sur la demande d’autorisation de licenciement, lequel autorisera le licenciement notifié au salarié le 6 avril 2004, au motif de son «’comportement envers la société Mastercard et son refus systématique de fournir des explications sur l’utilisation de ses notes de frais, rappel des avertissements notifiés pour son refus persistant de respecter les règles en vigueur (présence au bureau, bons de délégation, respect des horaires, information sur ses déplacements…), avoir adopté un comportement nuisible à la bonne marche de la société incompatible avec l’attitude attendue d’un consultant de son niveau de qualification et de son expérience’»

Il est établi que cette autorisation de licenciement a été invalidée par le juge administratif, au terme d’une procédure allant jusqu’au Conseil d’État.

Le salarié établit au surplus avoir été en arrêt de le 16 mai 2003 pour « crise d’angoisse », du 22 mai au 9 juin 2003, puis du 15 octobre 2003 au 12 novembre 2003, du 6 au 9 janvier 2004 et du 3 février 2004 jusqu’au 20 février 2004, pour « syndrome dépressif réactionnel ».

Il ressort de l’ensemble de ces constatations que le salarié présente de nombreux éléments de fait qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une discrimination syndicale.

Il appartient donc à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale.

L’employeur réplique sur les faits suivants, que la cour a précédemment retenu comme établis et laissant supposer l’existence d’une discrimination syndicale’:

– sur «’l’absence de toute sanction avant sa désignation syndicale’» et sur «’l’acharnement disciplinaire dont il aurait fait l’objet’»

L’employeur objecte qu’il avait déjà reproché au salarié avant son mandat d’être défaillant sur «’le travail en équipe, la contribution au développement du chiffre d’affaires, contribution à la capitalisation, respect des procédures Agresso, volonté d’informer ”»

Toutefois, l’entretien annuel actant ces «’défaillances’» est daté du 24 juin 2002, soit postérieurement à la désignation du salarié en qualité de délégué syndical, et mentionne d’ailleurs, ainsi que le relève l’employeur lui-même dans ses écritures que « Pour le développement des objectifs 2002/2003, tenir compte du mandat syndical. 30 heures de délégation / mois + ¿ journée par mois ~ (une semaine par mois) ».

A ce titre, la cour rappelle qu’il est constant que l’évocation de l’exercice d’un mandat représentatif lors de l’entretien d’évaluation peut caractériser une discrimination syndicale ; que le fait que deux fiches d’entretien individuel annuel fassent mention d’une disponibilité réduite compte tenu des fonctions syndicales est suffisant pour caractériser une discrimination.

Or, cet entretien, au terme duquel l’employeur relève les «’défaillances’» du salarié, et comporte ainsi qu’il a été mentionné ci-dessus, des éléments relatifs à la disponibilité au regard de son engagement syndical, présente dès lors un contenu nécessairement subjectif, et ne saurait donc constituer les éléments objectifs attendus de la part de l’employeur.

S’agissant des sanctions dont il a fait l’objet, l’employeur fait valoir qu’elles sont justifiées par le comportement professionnel qui se dégradait de façon significative immédiatement après sa désignation comme délégué syndical, se manifestant par son refus de saisir ses temps de façon rétroactive dans le logiciel Agresso, le salarié indiquant que « la saisie rétroactive est une perte de temps pour les consultants chargés à plus de 100 % et entraîne une perte de production » (pièce 107S).

Toutefois, alors que la convocation faisait état du non-respect de procédure mise en place au sein de la société, notamment en terme de frais de déplacement, l’avertissement notifié le 8 novembre 2002 ne lui reproche pas un refus de saisie «’rétroactive’» de ses temps mais le refus d’assurer un audit prévu et lui reprochant de manière générale un comportement non compatible avec ses fonctions de consultant, sans aucune référence avec la question de saisie des temps.

L’employeur ne produit ni même n’invoque dans la partie Discussion de ses conclusions aucune pièce de son dossier de nature à établir les faits reprochés au salarié dans le cadre de cet avertissement, et se contente de soutenir que «’les explications de Monsieur [M] au sujet de la mission d’audit qui lui était confiée du 16 au 20 septembre sont tout aussi alambiquées’»

Il ne justifie donc pas par des éléments objectifs étrangers à une discrimination syndicale l’avertissement notifié le 8 novembre 2002, peu important que le salarié n’en ait jamais demandé judiciairement l’annulation.

De même, quelques mois plus tard, ainsi qu’il a été dit précédemment l’inspecteur du travail refuse par décision du 28 juillet 2003, d’autoriser le licenciement du salarié en écartant tout caractère de gravité aux faits reprochés et en considérant que certains sont en lien direct avec le mandat.

Il en résulte que l’employeur ne justifie pas par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination l’absence de sanction antérieure au mandat et l’acharnement disciplinaire dont le salarié a ensuite fait l’objet.

Dès lors, et sans qu’il y ait lieu d’examiner si l’employeur justifie par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination les autres éléments de faits établis par le salarié dont la cour a précédemment retenu qu’ils laissaient supposer l’existence d’une discrimination, il convient d’infirmer le jugement entrepris en en ce qu’il a écarté l’existence d’une discrimination syndicale.

Statuant à nouveau, la cour retient que M. [M] a été victime de discrimination syndicale.

Sur la réparation du préjudice résultant de la discrimination syndicale

Le salarié expose qu’il est demeuré au chômage du 28 juillet 2004 jusqu’au 31 mars 2008, suivi d’une mise à la retraite forcée à compter du 1er avril 2008, que la perte de revenus pendant cette période a été compensée par la cour d’appel de Versailles dans son premier arrêt, mais que ce licenciement est en lui-même la preuve de l’acharnement de la direction générale de la société à obtenir son départ de l’entreprise, que le préjudice moral subi par cette longue période de 4 années suivies de la relégation en retraite d’office est considérable, que pendant toutes ces années, il s’est battu devant la juridiction administrative pour obtenir en vain satisfaction jusqu’à ce que le Conseil d’État statue enfin sérieusement sur la question de la compétence géographique.

Il fait valoir que la société a refusé le remboursement des frais de déplacement engagés en raison de l’activité syndicale, et n’a procédé au paiement des montants dus à ce titre et au titre de la rémunération variable (34 860,49 euros) que fin décembre 2021, que si la société a fini par payer, fin décembre 2021, le préjudice matériel subi au titre des salaires dus pendant la période d’éviction, établi par la cour d’appel de céans à 363 936 euros, il n’en demeure pas moins qu’il n’a pu disposer de cette somme pendant cette période et a dû renoncer à certains investissements pour préparer sa retraite, que le préjudice de jouissance de ces sommes importantes n’a pas été réparé, et qu’il a subi des «’Préjudices indirects directement causé par le harcèlement’» (sic), c’est à dire la surcharge de travail qu’il a dû supporter du fait de la désorganisation de son activité causée par les diverses procédures et les demandes abusives de la direction du groupe.

Il soutient en conclusion que «’Au regard de son ancienneté dans l’entreprise (18 ans), de son âge au moment des faits (57 ans), du caractère particulièrement marqué de la discrimination syndicale immédiatement après la désignation syndicale et d’une violence verbale et psychologique stupéfiante visant à rendre la vie professionnelle impossible, il estime que la réparation intégrale de son préjudice doit être chiffrée à hauteur de 18 mois de salaire’».

L’employeur objecte qu’aucune demande de prise en charge des arrêts maladie au titre de la législation professionnelle n’a été formulée, que le médecin du travail n’a jamais alerté la direction de la société Silicomp de la moindre difficulté ressentie par le salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, qu’il reconnaît lui-même que la perte de revenus pendant cette période a été compensée par la cour d’appel de Versailles par arrêt du 15 septembre 2021, qu’il convient de rappeler à cet égard que ce seul poste de préjudice a été évalué à hauteur de 363 936 euros, qu’il ne s’est jamais plaint de ses conditions de réintégration, intervenue en 2013, que pour autant il n’a pas à solliciter la requalification de sa prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse devant le conseil de prud’hommes puis devant la Cour d’Appel de Versailles, qui, par arrêt en date du 15 septembre 2021, l’a débouté de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que les manquements reprochés à l’employeur, pris dans leur ensemble, ne rendaient pas impossible la poursuite du contrat de travail, que s’agissant des «’préjudices indirects directement causé par le harcèlement’», il y a lieu de relever que le salarié a été débouté de sa demande formulée au titre des heures supplémentaires, celui-ci n’ayant pas étayé sa demande d’éléments « suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ».

**

A titre liminaire, la cour rappelle que la société a définitivement été condamnée à verser au salarié la somme de 363 936 euros avec intérêts au taux légal à compter de sa convocation devant le conseil de prud’hommes à titre d’indemnité d’éviction, par suite de l’arrêt du Conseil d’État confirmant l’annulation de la décision d’autorisation de son licenciement. Il n’est pas contesté que cette somme a été versée au salarié en exécution de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 15 septembre 2021.

La cour relève que le salarié, à l’appui de sa demande en paiement d’une somme équivalente à dix-huit mois de salaire au titre de la discrimination syndicale qu’il convient de qualifier de dommages-intérêts en réparation de ladite discrimination, invoque d’abord à nouveau la période durant laquelle il n’a pas perçu de rémunération suite à son licenciement dont l’autorisation a été in fine annulée.

Ce préjudice a déjà été indemnisé par la somme qu’il a perçue au titre de l’indemnité d’éviction.

Il invoque ensuite ses différents arrêts de travail pour maladie d’origine non professionnelle de mai, juin et octobre 2003 versés aux débats mentionnent une ‘crise d’angoisse’ ou un ‘syndrome dépressif réactionnel’, ces éléments médicaux étant concomitants à la discrimination syndicale précédemment établie, et établissent donc les répercussions de ladite discrimination sur la dégradation de son état de santé.

Il n’invoque pas l’existence d’autre préjudice résultant de la discrimination syndicale dont il a été victime.

Son préjudice sera indemnisé par l’octroi d’une somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la discrimination syndicale dont il a été victime.

Sur les intérêts

Les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société Fime succombant, il y a lieu de la condamner à verser à M. [M] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction directement au profit de Maître Philippe Chateauneuf, avocat, sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

Vu l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 15 septembre 2021 (RG 16/04897),

Vu l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 17 mai 2023 (pourvoi n°21-24.159) et statuant dans les limites de la cassation prononcée par cet arrêt,

INFIRME le jugement en ce qu’il déboute M. [M] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination et de l’entrave à l’exercice de ses fonctions de représentant du personnel,

Statuant de ce chef infirmé, et y ajoutant,

CONDAMNE la société Fime à verser à M. [M] la somme de 8 000 euros de dommages-intérêts au titre de la discrimination syndicale,

DIT que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

CONDAMNE la société Fime à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et déboute l’employeur de sa demande à ce titre,

CONDAMNE la société Fime aux dépens de la présente procédure, dont distraction directement au profit de Maître Philippe Chateauneuf, avocat, sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Dorothée Marcinek, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


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