Licenciement sans cause réelle et sérieuse

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Licenciement sans cause réelle et sérieuse
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Nos Conseils:

– Il est essentiel pour un employeur de justifier tout licenciement pour motif personnel par une cause réelle et sérieuse. Les motifs reprochés au salarié doivent être énoncés de manière précise dans la lettre de licenciement.
– L’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécifiquement à l’une ou l’autre des parties, mais l’employeur doit fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
– En cas de litige relatif au licenciement, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et tout doute profite au salarié. Il est donc crucial de fournir des preuves solides pour étayer les motifs de licenciement.

Résumé de l’affaire

Mme [N] [C] a été licenciée pour faute grave par la SELARL du docteur [P], qui conteste le caractère économique du licenciement. Mme [C] conteste les motifs du licenciement et réclame des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

20 mars 2024
Cour d’appel de Metz
RG n°
21/00720
Arrêt n° 24/00102

20 mars 2024

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N° RG 21/00720 –

N° Portalis DBVS-V-B7F-FOTA

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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ

09 mars 2021

F19/00348

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Vingt mars deux mille vingt quatre

APPELANTE :

S.E.L.A.R.L. DU DOCTEUR [P] prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Maud GIORIA, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

Mme [N] [C]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Florent KAHN, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 juin 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [N] [C] a été embauchée à compter du 1er décembre 1994 à durée indéterminée par la SCP [K]-Gharavi-[T], en qualité de secrétaire médicale.

En raison de la cessation de l’activité de cette SCP, le contrat a été transféré le 2 janvier 2003 au docteur [F] [K].

Le dernier employeur de Mme [C] était la SCM des docteurs [P], [W] et [A].

Par courrier du 6 avril 2016, le docteur [B] [P] a notifié à la salariée un avertissement, en raison du comportement de celle-ci et de plaintes de patientes pour des propos déplacés, ainsi qu’un mauvais accueil.

Par lettre recommandée du 24 octobre 2018 assortie d’une mise à pied conservatoire, l’employeur a convoqué Mme [C] à un entretien préalable le 14 novembre 2018, une “mesure de licenciement pour faute grave’ étant envisagée.

Par courrier du 30 novembre 2018, la salariée a été licenciée pour motif personnel.

Interrogé par Mme [C], l’employeur a précisé, dans une lettre du 20 décembre 2018, qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire et en aucun cas d’un licenciement pour motif économique.

Estimant la rupture infondée, Mme [C] a saisi, le 4 avril 2019, la juridiction prud’homale.

Par jugement contradictoire du 9 mars 2021, la formation paritaire de la section commerce du conseil de prud’hommes de Metz a notamment :

– dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– dit que l’ancienneté remonte au 1er décembre 1994 ;

– condamné la SELARL du docteur [P], prise en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [C] les sommes suivantes :

*3 825,57 euros net à titre de solde de l’indemnité de licenciement, avec intérêt légal à compter de la saisine du conseil ;

* 16 995,55 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêt légal à compter du prononcé de la décision ;

* 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SELARL du docteur [P], prise en la personne de son représentant légal, à remettre à Mme [C], sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter d’un délai de 31 jours courant à partir de la notification de la décision, les documents suivants, établis conformément au jugement :

* solde de tout compte ;

* attestation Pôle emploi ;

* certificat de travail ;

* fiche de paye des mois de décembre 2018 à février 2019 ;

– rappelé l’exécution provisoire au titre de l’article R. 1454-28 du code du travail ;

– dit se réserver le droit de liquider l’astreinte ;

– débouté Mme [C] du surplus de ses demandes ;

– débouté la SELARL du docteur [P] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SELARL du docteur [P], prise en la personne de son représentant légal, aux ‘entiers frais et dépens d’instance, y compris les éventuels frais d’exécution’.

Le 22 mars 2021, la SELARL du docteur [P] a interjeté appel par voie électronique.

Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 7 octobre 2021, la SELARL du docteur [P] requiert la cour :

– d’infirmer le jugement du 9 mars 2021, sauf la disposition qui a débouté Mme [C] du surplus de ses demandes ;

– de débouter Mme [C] de son appel incident ;

statuant à nouveau,

– de débouter Mme [C] de toutes ses demandes ;

– de condamner Mme [C] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

à titre subsidiaire,

– de ramener les prétentions de Mme [C] à de plus justes proportions à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– de débouter Mme [C] du surplus de ses demandes.

A l’appui de son appel, la SELARL du docteur [P] expose :

– que la thèse du licenciement économique soutenue par la salariée n’est pas étayée ;

– que la lettre de démission du docteur [B] [P] de la clinique [5] a été rédigée trois mois après l’engagement de la procédure disciplinaire diligentée à l’encontre de Mme [C] ;

– que le licenciement de Mme [C] est de nature disciplinaire ;

– qu’elle a fait une exacte application de son pouvoir disciplinaire, dès lors qu’elle ne pouvait pas maintenir dans ses effectifs une salariée dont le comportement et les manquements réitérés ont nui gravement à l’image du cabinet médical et mis en cause le bon fonctionnement de celui-ci.

Elle prétend :

– que c’est bien Mme [C] qui entrait des données erronées dans le logiciel ;

– que l’intimée aurait dû se rendre compte des erreurs commises à la fin de la journée, en raison du différentiel entre les encaissements et les montants inscrits dans le tableau ;

– que la salariée a effectué pas moins de 17 saisies différentes pour une seule patiente pendant la journée du 17 octobre 2018 entre 9h52 et 14h56 ;

– que Mme [C] a reconnu avoir commis des erreurs dans un courriel du même jour ;

– que les problèmes liés à la gestion du planning sont confirmés par les deux autres salariées du “call-center” qui précisent que Mme [C] bloquait des plages horaires sans l’accord du médecin, ce qui les empêchait de fixer des rendez-vous médicaux ;

– que plusieurs patientes se sont plaintes du comportement et des propos désagréables de Mme [C] ;

– que cette attitude n’est pas tolérable pour une secrétaire médicale en gynécologie qui doit échanger et accueillir des patientes parfois fragiles ;

– que l’ancienneté figurant sur les fiches de paie résultait en réalité d’une erreur commise par l’ancien cabinet comptable, l’ancienneté de la salariée ayant été soldée au mois de janvier 2003 lors du licenciement de Mme [C] par la SCP [K]-Gharavi-[T].

Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 21 octobre 2022, Mme [C] sollicite que la cour :

– confirme le jugement, sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés et en ce qu’il a limité le montant des dommages et intérêts à 16 995,55 euros ;

pour le surplus,

– condamne la SELARL du docteur [P] à lui payer les sommes suivantes :

* 381,10 euros brut de solde d’indemnité compensatrice de congés payés ;

* 31 376,40 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (24 mois) ;

* 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais d’appel non compris dans les dépens ;

– condamne la SELARL du docteur [P] à lui remettre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d’un délai de 8 jours courant à partir de la notification de la décision à intervenir, des documents suivants établis conformément au ‘jugement à intervenir’, notamment l’ancienneté au 1er décembre 1994 :

* solde de tout compte ;

* attestation Pôle emploi ;

* certificat de travail ;

* fiche de paye des mois de décembre 2018 à février 2019 ;

– se réserve le pouvoir de liquider l’astreinte prononcée ;

– dise que l’ensemble des sommes produira intérêts au taux légal depuis la date du prononcé du jugement de première instance.

A l’appui de ses prétentions, elle réplique :

– qu’elle a toujours été une salariée dévouée à ses employeurs ;

– que le docteur [P] lui a proposé une rupture conventionnelle en raison de sa volonté de déménager le cabinet médical en Bourgogne ;

– que son licenciement repose en réalité sur une cause économique et non sur un motif personnel;

– que les griefs qui lui sont reprochés relèvent de l’insuffisance professionnelle et non de fautes.

Elle précise :

– qu’aucune somme n’est manquante dans la comptabilité de l’employeur, de sorte qu’il n’y a pas eu d’erreurs d’encaissement, mais simplement des problèmes d’enregistrement ;

– qu’elle a attiré l’attention de l’employeur sur le fait que le logiciel empêchait toute modification après enregistrement d’un mode de paiement ;

– qu’une autre salariée était chargée de vérifier la comptabilité, le cabinet comptable effectuant par ailleurs des contrôles toutes les semaines ;

– qu’elle conteste avoir effectué les enregistrements litigieux ;

– que c’est le médecin qui était chargé de remplir la feuille de soins et non elle ;

– qu’elle n’était pas la seule à pouvoir modifier l’agenda pour fixer, déplacer et/ou supprimer des rendez-vous ;

– que l’employeur n’établit pas que les changements effectués le 17 octobre 2018 lui sont imputables, étant souligné qu’une modification a été effectuée le samedi 20 octobre 2018, soit un jour où elle ne travaillait pas ;

– qu’elle conteste les faits relatés par certaines patientes sur demande du médecin, étant observé qu’elle n’était pas systématiquement leur interlocuteur au téléphone ;

– que, sur plusieurs centaines de patientes, seules quelques-unes se sont plaintes de son comportement ;

– qu’il ne lui a pas été reproché dans la lettre de licenciement d’avoir été désagréable avec ses collègues de travail.

Elle ajoute :

– que ses fiches de paie mentionnent une ancienneté au 1er décembre 1994 ;

– que cette reprise de l’ancienneté résulte également des dispositions contractuelles ;

– qu’elle a subi un préjudice important à la suite de la rupture de son contrat de travail, souffrant depuis d’une dépression ;

– qu’elle a connu une longue période de chômage non indemnisé ;

– qu’elle est placée en invalidité catégorie 2 depuis le 12 mars 2021.

Le 8 novembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé du licenciement

Par courrier du 30 novembre 2018, la SELARL du docteur [P] a licencié Mme [C] dans les termes suivants :

” Vous avez été convoquée par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 octobre 2018 à un entretien préalable, votre licenciement pour faute grave étant envisagé.

Cet entretien a eu lieu le 14 novembre 2018 en présence d’un conseiller du salarié.

Nous vous avons précisé les faits que nous sommes amenés à vous reprocher :

* des erreurs répétées d’encaissement et dans l’établissement des feuilles de soins,

* des modifications ou suppressions de rendez-vous sans explication plausible caractérisant une mauvaise gestion du planning et entraînant une désorganisation du service,

* votre comportement général et les propos désagréables que vous tenez à l’égard de nombreuses patientes.

Votre absence d’empathie envers les patientes de notre cabinet avait déjà fait l’objet d’un avertissement en date du 6 avril 2016, mais force est de constater que vous n’avez pas changé d’attitude malgré cette première sanction.

Ces agissements sont inacceptables car notre domaine d’activité requiert une prise en charge irréprochable de nos patientes.

Nous ne pouvons vous conserver dans nos effectifs et sommes donc amenés à vous notifier, par la présente, votre licenciement.

Votre préavis, d’une durée de deux mois, débutera à la première présentation de ce courrier. (…)”.

Aux termes des articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, les motifs reprochés au salarié doivent être énoncés dans la lettre de licenciement, laquelle fixe les termes du litige.

L’article L. 1235-1 du même code ajoute qu’en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi, l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Il appartient au juge de vérifier la cause exacte du licenciement sans s’arrêter à la qualification donnée par l’employeur.

En l’espèce, l’employeur n’a pas qualifié dans la lettre du 30 novembre 2018 la nature du licenciement, mais il a entendu rappeler qu’il avait déjà fait usage de son pouvoir disciplinaire à l’encontre de Mme [C], en faisant état d’un précédent avertissement délivré le 6 avril 2016 pour des faits similaires, à savoir un manque d’empathie.

Puis, l’employeur, interrogé par la salariée, a clairement indiqué, dans son courrier du 20 décembre 2018, que la mesure était de nature disciplinaire, même s’il n’avait pas retenu la faute grave (pièce n° 6 de l’intimée). Il réfutait que le licenciement soit fondé sur un motif économique.

La SELARL du docteur [P] confirme, dans ses écritures d’appel, que la procédure avait un caractère disciplinaire.

Au regard des éléments concordants qui précèdent, il est établi que l’employeur a entendu se placer sur le terrain disciplinaire pour procéder au licenciement de Mme [C].

En matière disciplinaire, aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même temps à l’exercice de poursuites pénales.

En l’espèce, la procédure de licenciement a été engagée par l’envoi de la convocation à l’entretien préalable le 24 octobre 2018, de sorte que les faits commis et révélés antérieurement au 24 août 2018 sont en principe prescrits.

Le premier grief reproché à Mme [C] concerne des erreurs répétées lors d’opérations d’encaissement et lors de l’établissement des feuilles de soins.

La SELARL du docteur [P] déclare que les erreurs d’encaissement ne sont pas contestées par la salariée et que ce sont les collègues de travail de cette dernière qui ont dû corriger les anomalies apparaissant sur le relevé. L’employeur précise que, si Mme [C] prétend que les erreurs étaient liées à un problème du logiciel utilisé, c’est bien elle qui rentrait les données erronées. Il insiste sur le fait que les différences entre les encaissements effectués et les montants enregistrés informatiquement auraient dû alerter l’attention de Mme [C] qui n’a pourtant pas effectué de vérification. Concernant les feuilles de soins, l’employeur affirme que les erreurs commises par la salariée ont entraîné un travail administratif supplémentaire.

Pour justifier de la réalité du premier grief, et notamment des erreurs répétées d’encaissement, la SELARL du docteur [P] verse aux débats plusieurs éléments dont un tableau reprenant les encaissements effectués lors des journées des 11 et 17 octobre 2018, deux tickets datés des 5 juillet 2017 et 10 octobre 2018, un relevé de prestations versées au mois de juillet 2017 pour une patiente, ainsi qu’un tableau établi le 5 juillet 2017 (pièce n° 3 de l’appelante).

Il n’y a pas lieu d’examiner les documents remontant au mois juillet 2017. En effet, un temps suffisant les sépare des faits suivants – et, en tout état de cause, de la convocation à l’entretien préalable – pour considérer que les manquements qu’ils concernent sont atteints de prescription.

L’employeur reproche les erreurs d’encaissement répétées commises par Mme [C]. Toutefois, les documents qu’il produit font apparaître seulement des problèmes très ponctuels de répartition comptable des paiements réceptionnés. Au surplus, il résulte de la mention manuscrite apposée en bas du premier tableau, ” merci de vérifier vos compta en fin de journée”, que l’intimée n’était pas la seule à avoir accès au logiciel.

Concernant l’établissement des feuilles de soins, l’employeur n’en produit qu’une seule, datée du 26 septembre 2018, ainsi qu’un courriel du 8 septembre 2016.

Il n’y a pas lieu d’examiner ce courriel qui est trop ancien par rapport aux faits reprochés.

Il n’est pas établi que Mme [C] a rempli de manière incomplète le document daté du 26 septembre 2018, l’intimée faisant d’ailleurs valoir que les feuilles de soins étaient complétées par le praticien et non par la secrétaire médicale.

En tout état de cause, les éléments produits par les parties ne démontrent pas que la salariée aurait commis des manquements de façon répétée.

Il résulte de ces observations que le premier grief n’est pas constitué.

La SELARL du docteur [P] a ensuite reproché à Mme [C] d’avoir procédé à des modifications ou suppressions de rendez-vous de patientes, sans donner d’explications plausibles.

L’employeur produit le relevé des modifications des rendez-vous fixés pour deux patientes, Mmes [V] et [I] (pièce n° 4 de l’appelante), ainsi qu’un courriel envoyé par Mme [C] le 17 octobre 2018 (pièce n° 5).

La SELARL du docteur [P] ne démontre pas que l’ensemble des modifications de rendez-vous était imputable à Mme [C], alors que ceux-ci étaient pris par les patients sur la plate-forme ‘Doctolib’.

Les documents (pièce n° 4 de l’appelante) font ressortir que Mme [C] a uniquement effectué quatre modifications s’agissant des rendez-vous de Mme [V] et deux pour ceux de Mme [I].

Il résulte, par ailleurs, d’un courriel envoyé par la salariée le 17 octobre 2018 qu’elle a pris la précaution d’informer l’employeur de la gestion des rendez-vous.

En tout état de cause, la société appelante ne justifie pas que les changements évoqués ont entraîné une désorganisation du service (pièce n° 5 de l’appelante).

L’employeur reproche dans ses conclusions à Mme [C] d’avoir “bloqué” certaines plages horaires de rendez-vous sans l’accord du médecin.

Ceci n’est pas mentionné expressément dans le courrier de licenciement qui fixe les termes du litige.

Au demeurant, le courriel du 17 octobre 2018 produit par l’employeur qui demande de ne ‘pas en tenir compte des stop plus de rv’ ne met pas personnellement en cause Mme [C] ni ne permet d’établir un lien avec elle (pièce n° 4, dernière page).

Quant aux attestations de deux secrétaires médicales de la plate-forme gérant les appels du docteur [P], Mme [R] [L] (pièce n° 12) et Mme [D] [Z] (pièce n° 13), elles indiquent que Mme [C] bloquait les plages de rendez-vous du docteur [P] sans son accord, mais elles ne donnent pas davantage de précisions à ce sujet et ne mentionnent aucune date permettant notamment de vérifier que ces faits ne sont pas frappés de la prescription soulevée par Mme [C].

L’employeur reproche aussi à Mme [C] son comportement général et les propos désagréables qu’elle tenait à l’égard de plusieurs patientes. Il verse les déclarations de patientes qui font état des difficultés rencontrées avec Mme [C], ainsi que les attestations des deux secrétaires médicales, Mme [L] et Mme [Z] (pièces n° 12 et 13 de l’appelante). Il rappelle que la salariée avait déjà reçu un avertissement le 6 avril 2016 pour des faits similaires et qu’il l’avait alors rappelée à l’ordre quant à son comportement.

Il convient de relever que les attestations de Mme [L] et de Mme [Z] doivent être analysées avec prudence concernant les propos désagréables de Mme [C] envers les patientes, puisque ces deux personnes travaillaient à distance et n’ont donc pas pu personnellement assister aux échanges téléphoniques concernés. Leurs attestations ne font que relater des faits qui leur ont été rapportés par les patientes.

De son côté, Mme [C] produit de nombreux témoignages de patientes du cabinet du docteur [P] qui soulignent son professionnalisme et son sens de l’écoute (pièces n° 18 et 19 de l’intimée).

Mme [J] [Y] (pièce n° 18-J) indique avoir travaillé au sein du cabinet des docteurs [K] et [T] de novembre 2002 à décembre 2017. Elle confirme que Mme [C] a toujours été à l’écoute tant des patientes que des collègues et rappelle la position délicate occupée par les secrétaires médicales qui sont considérées par certaines patientes comme ” des méchantes “, dès lors qu’il n’a pas été fait suite rapidement aux demandes de rendez-vous.

Au regard des nombreuses attestations en sens contraire produites par Mme [C], le troisième grief n’est pas établi.

En définitive, le seul élément matériellement établi et imputable à la salariée est la modification des rendez-vous de deux patientes le 17 octobre 2018 (quatre modifications pour Mme [V] et deux pour Mme [I]).

A supposer que Mme [C] ait commis à cette occasion un manquement, il ne serait pas d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement disciplinaire d’une salariée qui avait 24 années d’ancienneté, quand bien même celle-ci avait déjà reçu un avertissement le 6 avril 2016.

Dès lors, le licenciement est déclaré sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur l’ancienneté de la salariée

La date d’ancienneté figurant sur le bulletin de salaire vaut présomption simple de sa reconnaissance.

En l’espèce, les fiches de paie ont constamment mentionné jusqu’à celui du mois de novembre 2018, soit le mois du licenciement, une ancienneté remontant au 1er décembre 1994.

La SELARL du docteur [P] conteste cette ancienneté, au motif qu’elle aurait été soldée lors de la rupture d’un précédent contrat de travail au mois de janvier 2003 et que les fiches de paie délivrées seraient erronées.

Toutefois, d’une part, c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a souligné que les contrats de travail produits par la salariée révèlent la volonté des parties de reprendre l’ancienneté au 1er décembre 1994 (pièces n° 25 et 26 de l’intimée), Mme [C] et le docteur [B] [P] ayant stipulé dans le contrat du 2 janvier 2015 : ‘Monsieur [B] [P], soussigné de première part, agissant es qualité, reprend aux termes du présent contrat de travail, l’ancienneté acquise par Madame [C], et ce, depuis le 1er décembre 1994″.

D’autre part, les bulletins de paie établis par l’employeur font apparaître que la prime d’ancienneté allouée était calculée sur base d’une ancienneté au 1er décembre 1994.

En conséquence, malgré la fiche de paie du mois du janvier 2003 qui mentionne le paiement d’une indemnité de licenciement d’un montant de 2 648 euros (pièce n° 9), la présomption simple établie par les bulletins de salaire n’est pas renversée.

L’ancienneté est donc fixée au 1er décembre 1994, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur l’indemnité de licenciement

Au regard de l’ancienneté de la salariée (24 ans), le conseil de prud’hommes de Metz a justement fixé l’indemnité de licenciement que cette dernière aurait dû percevoir à 9 404,20 euros, de sorte que Mme [C] n’ayant perçu que 5 578,63 euros lors de la rupture du contrat, l’employeur doit lui verser le complément de 3 825,57 euros (9 404,20 – 5 578,63).

Cette somme est augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2019, date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation.

Le jugement est confirmé sur le quantum du solde de l’indemnité de licenciement, mais infirmé sur le point de départ des intérêts courant sur ce solde.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 1er avril 2018, dispose que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l’entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par cet article, en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise.

Le salarié qui est licencié abusivement subit nécessairement un préjudice dont le juge apprécie l’étendue. Pour obtenir une indemnisation, le salarié n’a donc pas à prouver l’existence d’un préjudice.

En l’espèce, la société employait habituellement moins de onze salariés, de sorte qu’il relève du régime d’indemnisation de l’article L. 1235-3 alinéa 3 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause qui prévoit une indemnité minimale de 3 mois de salaire et, au vu de l’alinéa 2 du même article, une indemnité maximale de 17,5 de salaire.

””’ Au regard de l’ancienneté de la salariée (24 ans), de son âge (57 ans) et de son salaire de référence lors de la rupture du contrat, ainsi que de sa situation professionnelle ultérieure, étant observé qu’elle perçoit une pension d’invalidité de 2e catégorie (pièce n° 28 de l’intimée), le conseil de prud’hommes a justement fixé le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 16 995,55 euros.

Sur l’indemnité compensatrice de congés payés

Mme [C] prétend qu’elle avait droit à 64 jours de congés payés au moment de son licenciement et qu’un complément de 381,10 euros doit lui être versé par l’employeur qui ne l’a indemnisé qu’à hauteur de 60 jours de congés payés.

La SELARL du docteur [P] conteste les allégations de la salariée.

Le jugement entrepris est confirmé, en ce qu’il a débouté Mme [C] de sa demande, alors qu’aucun élément exploitable ne permet d’établir qu’elle n’a pas été remplie de ses droits en matière d’indemnité compensatrice de congés payés.

Sur la remise de documents sous astreinte

L’article L. 3243-2 du code du travail dispose que, lors du paiement du salaire, l’employeur remet aux personnes mentionnées à l’article L. 4243-1 une pièce justificative dite bulletin de paie.

L’employeur peut remettre au salarié un seul bulletin de paie rectificatif pour l’ensemble de la période en litige (jurisprudence : Cour de cassation, ch. soc., 4 mars 2020, pourvoi n° 18-11.790).

L’article L 1234-19 du code du travail dispose qu’à l’expiration du contrat de travail, l’employeur délivre au salarié un certificat dont le contenu est déterminé par voie réglementaire.

Selon l’article R 1234-9 du code du travail, l’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.

En l’espèce, il y a lieu de condamner la SELARL du docteur [P] à remettre à Mme [C] un bulletin de paie rectificatif, un certificat de travail et une attestation France Travail (anciennement Pôle emploi) conformes au présent arrêt.

Il n’y a pas lieu d’assortir cette condamnation d’une astreinte, aucun élément particulier ne laissant craindre une réticence de la part de la SELARL du docteur [P].

Il résulte de l’article L. 1234-20 du code du travail que le solde de tout compte, établi par l’employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l’inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.

En l’espèce, la remise d’un reçu pour solde de tout compte est sans objet, le compte entre les parties devant être établi sur la base du présent arrêt.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement entrepris est confirmé, en ce qu’il a condamné la SELARL du docteur [P] à payer à Mme [C] la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il a condamné cette société aux dépens de première instance.

La SELARL du docteur [P] est déboutée de sa demande présentée en application de ce même article, mais condamnée à payer à Mme [C] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par celle-ci en cause d’appel.

La SELARL du Docteur [P] est condamnée aux dépens d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré, sauf s’agissant du point de départ des intérêts au taux légal sur l’indemnité de licenciement et des dispositions relatives à la remise sous astreinte des documents de fin de contrat, ainsi que d’une fiche de paie des mois de décembre 2018 au mois de février 2019 ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que les intérêts au taux légal sur le solde de l’indemnité de licenciement courent à compter du 24 avril 2019 ;

Condamne la SELARL du docteur [P] à remettre à Mme [N] [C] un bulletin de paie rectifié, un certificat de travail et une attestation France travail (anciennement Pôle emploi avant le 1er janvier 2024), conformes au présent arrêt ;

Dit n’y avoir lieu d’assortir cette condamnation d’une astreinte ;

Rejette la demande présentée par Mme [N] [C] au titre du solde de tout compte ;

Rejette la demande de la SELARL du docteur [P] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SELARL du docteur [P] à payer à Mme [N] [C] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés par celle-ci en cause d’appel ;

Condamne la SELARL du docteur [P] aux dépens d’appel.

La Greffière La Présidente


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