Cour d’appel de Montpellier RG n° 22/04365 7 mai 2024

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Cour d’appel de Montpellier RG n° 22/04365 7 mai 2024
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Cour d’appel de Montpellier
RG n° 22/04365
7 mai 2024
ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 07 MAI 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/04365 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PQ2G

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 12 JUILLET 2022

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN

N° RG 2021J00238

APPELANTE :

S.A.R.L. CERETNITE IMMO prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Pascal GADEL de la SCP NICOLAU-MALAVIALLE-GADEL-CAPSIE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant non plaidant

INTIMEE :

Madame [U] [I], [O] [E]

née le 23 Janvier 1960 à [Localité 5] (PAYS-BAS)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Emilie MURCIA-VILA, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substituant Me Jérémy DUBOIS, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

Ordonnance de clôture du 29 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 MARS 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.

EXPOSE DU LITIGE :

Le 23 juin 2020, la S.A.R.L Céretnité Immo, qui exerce une activité d’agence immobilière, a conclu avec Mme [U] [E] un contrat d’agent commercial pour une durée indéterminée, avec une date de prise d’effet au 1er juillet 2020.

Le 12 février 2021, Mme [U] [E] a adressé un courriel aux dirigeants de la société Céretnité Immo, M. [W] [J] et M. [H] [Z], aux fins de leur faire part de plusieurs problèmes de management.

Le 12 mars 2021, Mme [U] [E] a vainement mis en demeure la société Céretnité Immo de lui régler la somme totale de 19 624 euros au titre du préjudice subi en raison de la rupture illégale de son mandat d’agent commercial, du préjudice subi en raison de l’illégalité de la clause de non-concurrence ainsi qu’au titre des commissions de vente restant dues.

Par exploit d’huissier du 6 octobre 2021, Mme [E] a fait assigner la société Céretnité Immo en paiement d’une indemnité de rupture et de diverses sommes au titre de commissions non réglées.

Par jugement contradictoire du 12 juillet 2022, le tribunal de commerce de Perpignan a :

– débouté Mme [U] [E] de sa demande au titre de l’indemnité de rupture de son contrat de mandat d’agent commercial ;

– débouté Mme [U] [E] de sa demande au titre du préjudice subi du fait de l’illégalité de la clause de non-concurrence ;

– condamné la société Céretnité Immo à payer à Mme [U] [E], la somme de 2 708,33 euros au titre de la commission de vente, ainsi que la somme de 2 708,33 euros au titre de la commission de fin de mandat pour le dossier « [P] » ;

– condamné la société Céretnité Immo à payer à Mme [U] [E], la somme de 2 083,33 euros au titre de la commission de vente ainsi que la somme de 2 083,33 euros au titre de la commission de fin de mandat pour le dossier « [C] » ;

– débouté Mme [U] [E] de sa demande de versement des commissions de vente et de fin de mandat relatives aux mandats « [V] » et « [F] » ;

– débouté Mme [U] [E] de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice moral,

– condamné la société Céretnité Immo à payer à Mme [U] [E], la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Céretnité Immo aux dépens de l’instance, dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférant et notamment ceux de greffe liquidés selon tarif en vigueur.

Par déclaration du 16 août 2022 enregistrée sous la référence RG n°22/04365, la société Céretnité Immo a formé un appel limité de ce jugement.

Par déclaration du 17 août 2022 enregistrée sous la référence RG n°22/04385, la société Céretnité Immo a à nouveau relevé appel limité de ce jugement.

Par ordonnance du 26 août 2022, le magistrat chargé de la mise en état auprès de la chambre commerciale de la cour d’appel de Montpellier a ordonné la jonction des deux procédures sous le numéro RG 22/04365.

Par conclusions du 3 mars 2023, la société Céretnité Immo demande à la cour au visa de l’article 1315 du code civil et des articles L. 134-5 et suivants du code de commerce, de :

– réformer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer la somme de 4791,66 euros au titre des commissions de vente, et la somme de 4 791,66 euros au titre des commissions de fin de mandat,

– le confirmer pour le surplus,

et, en toutes hypothèses,

– débouter Mme [E] de l’intégralité de ses demandes,

– la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de son appel, la société Céretnité Immo fait en substance valoir les moyens suivants :

– Mme [U] [E] a été à l’initiative de son départ et a mis fin volontairement un terme à son contrat ;

– Les commissions concernant les ventes « [P] » et « [C] » ne sont pas dues à Mme [U] [E] car en application de l’article 7 du contrat de mandat, elle n’a produit aucune facture ; en outre, elle ne rapporte pas la preuve d’avoir apporter les affaires, les deux mandats de vente étant signés exclusivement par M. [Z], et elle ne rapporte pas non plus la preuve d’avoir mené les négociations jusqu’à bonne fin, les simples attestations des vendeurs ne permettant pas d’en attester ;

– Elle n’est pas tenue de verser une indemnité compensatrice de préavis puisque la cessation du contrat résulte de la seule initiative du mandataire ;

– Elle n’est pas tenue d’une indemnisation au titre de la clause de non concurrence car Mme [E] est défaillante à rapporter la preuve de l’atteinte excessive à sa liberté d’exercice de la profession ;

– Elle n’est pas tenue au versement des commissions de vente de fin de mandat pour les ventes « [V] » et « [F] » car Mme [E] n’apporte aucun élément susceptible d’indiquer que l’affaire a été réalisée grâce son intervention ;

– Mme [E] est défaillante à rapporter la preuve d’un prétendu harcèlement moral de la part du gérant de l’agence ainsi que la réalité de son préjudice moral.

Par conclusions du 15 janvier 2024, formant appel incident, Mme [E] demande à la cour, au visa des articles L. 134-5 et suivants du code de commerce et des articles 514 et suivants du code de procédure civile, de :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes relatives aux versements de :

– l’indemnité de rupture du contrat de mandat d’agent commercial à hauteur de 1 500 euros,

– une indemnité de 1 250 euros au titre de l’illégalité de clause de non-concurrence et du préjudice subi,

– des commissions de vente et de fin de mandat relatives aux mandats « [V] » et « [F] »,

en conséquence, condamner la société Céretnité Immo à lui verser les sommes de :

– 1 500 euros au titre de l’indemnité de rupture de son contrat de mandat d’agent commercial ;

– 1 250 euros au titre de l’illégalité de clause de non-concurrence et du préjudice subi ;

– 3 645,84 euros au titre des commissions de vente pour les dossiers «[V] » et « [F] » ;

– 3 645,84 euros au titre des commissions de fin de mandat pour les dossiers « [V] » et « [F] » ;

– confirmer ledit jugement en ce qu’il a condamné la société Céretnité Immo à lui verser les sommes de :

– 2 708,33 euros au titre de la commission de vente ainsi que 2 708,33 euros au titre de la commission de fin de mandat pour le dossier « [P] »

– 2 083,33 euros au titre de la commission de vente ainsi que 2 083,33 euros au titre de la commission de fin de mandat pour le dossier « [C] »

et, en tout état de cause,

– condamner la société Céretnité Immo à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Mme [E] expose en substance les moyens suivants :

– la société Céretnité Immo lui a retiré l’accès à tous les moyens d’exercice de sa profession (codes d’accès aux logiciels), de sorte que la rupture est due à la société Céretnité Immo et qu’elle a droit à une indemnité de rupture ;

– la clause de non-concurrence contenue à son contrat d’agent commercial est illégale puisqu’elle ne détermine pas de secteur géographique, et elle a été empêchée en conséquence de pouvoir conclure un nouveau contrat d’agent commercial ;

– les commissions qu’elle sollicite sont parfaitement dues, ainsi qu’elle en justifie ;

– elle a droit à la fois à une commission pour avoir apportée l’affaire et à une autre pour l’avoir vendue.

L’ordonnance de clôture est datée du 29 février 2024.

MOTIFS :

Sur la résiliation du contrat d’agent commercial et sur l’indemnité de rupture

Selon les dispositions de l’article L.134-11 du code de commerce, « lorsque le contrat d’agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. Les dispositions du présent article sont applicables au contrat à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée. Dans ce cas, le calcul de la durée du préavis tient compte de la période à durée déterminée qui précède. La durée du préavis est d’un mois pour la première année du contrat (‘) ».

L’article 8 du contrat d’agent commercial précise que « les parties mettent fin au mandat par lettre recommandée avec accusé de réception en respectant la durée de préavis suivante : un mois durant la première année du contrat (‘) ce délai commence à courir du jour de la première présentation de la lettre (…). Toutefois, la résiliation du mandat en raison :

– de la faute grave de l’une des parties,

– ou du non-respect d’une des obligations prévues à l’article 5, huit jours après une mise en demeure restée en tout ou partie infructueuse, interviendra sans délai au jour de la première présentation de la lettre à l’autre partie ».

Les articles L. 134-12 et L. 134-13, 2° du code de commerce précisent qu’en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; cependant, la réparation n’est pas due lorsque la cessation du contrat résulte de l’initiative de l’agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant.

Il résulte des productions que ni Mme [E] ni la société Céretnité Immo n’ont adressé chacune à l’autre de lettre de résiliation du contrat, dans un contexte de reproches fait par Mme [E] à la société.

Or, Mme [E] affirme que la société Céretnité Immo l’aurait empêchée de poursuivre l’exécution de son contrat en la privant de l’accès au logiciel de travail de l’agence, ce qui ne saurait résulter seulement des affirmations contenues dans la lettre adressée le 12 mars 2021 par son conseil à la société Céretnité Immo dans laquelle elle a présenté ses demandes indemnitaires.

Mme [E] ne démontre pas l’existence de circonstances imputables à la société Céretnité Immo ayant provoqué la rupture dont elle a en définitive pris l’initiative, de sorte qu’elle ne peut prétendre à une indemnité de rupture.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la clause de non-concurrence

L’article L.134-14 du code de commerce indique que le contrat peut contenir une clause de non-concurrence après la cessation du contrat. Cette clause doit être établie par écrit et concerner le secteur géographique et, le cas échéant, le groupe de personnes confiés à l’agent commercial ainsi que le type de biens ou de services pour lesquels il exerce la représentation aux termes du contrat. La clause de non-concurrence n’est valable que pour une période maximale de deux ans après la cessation d’un contrat.

L’article 8-4 du contrat signé par les parties contient une clause de non-concurrence d’une durée de 12 mois sans toutefois préciser le secteur géographique concerné.

Les premiers juges ont, de manière pertinente, constaté que la clause était illégale mais ont débouté Mme [E] de sa demande de dommages-intérêts, faute de justifier d’un préjudice.

Or, cette clause a empêché Mme [E] de pouvoir conclure tout nouveau contrat d’agent commercial, en raison de l’absence de détermination d’un secteur géographique. Elle a ainsi causé à Mme [E] un préjudice qui sera entièrement réparé par l’octroi de la somme de 1 250 euros.

Le jugement sera en conséquence réformé de ce chef.

Sur les commissions de vente et les commissions légales de fin de contrat

Les parties reprennent devant la cour leurs prétentions et moyens de première instance.

En l’absence d’éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu’elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties, en considérant que, quand bien même Mme [E] n’avait pas établi de factures à la suite de son départ de l’agence et qu’elle n’avait pas elle-même assistée à la signature des actes de vente chez le notaire survenue après son départ, elle était à l’origine de l’apport des affaires et des ventes concernant les dossiers [P] et [C], ainsi qu’il résultait des attestations [P] et [A] contenant des témoignages en ce sens, non contredits par les pièces produites par la société Céretnité Immo.

Le jugement sera confirmé.

De même les premiers juges ont exactement débouté Mme [E] de ses demandes de commissions au titre des dossiers [V] et [F], dans la mesure où elle ne rapportait pas la preuve de ses interventions dans ces dossiers.

Le jugement sera également confirmé.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté Mme [U] [E] de sa demande au titre du préjudice subi du fait de l’illégalité de la clause de non-concurrence,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la S.A.R.L Céretnité Immo à payer Mme [U] [E] la somme de 1 250 euros à titre de dommages-intérêts,

Ajoutant,

Condamne la S.A.R.L Céretnité Immo aux dépens de l’instance d’appel, ainsi qu’à payer à Mme [U] [E] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

le greffier, le président,


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